Trilport, le 14 novembre 2004
Le débat autour du traité Constitutionnel ne devrait pas susciter autant d’excès, seulement un peu plus d’humilité dans les arguments et de passion sur la portée de l’enjeu, car ce texte constitue un pas important et décisif vers une Europe Politique …
Un oui de raison ?
Le traité Constitutionnel n’est pas une Constitution au sens strict du terme ; l‘Europe n’est pas encore un état et les Européens ne constituent toujours pas un peuple, tout juste une communauté d’intérêt. Il répond à un simple objectif, fixer le cadre constituant d’une Europe pas encore politique mais en devenir …
Deux points font principalement débat :
– la règle de l’unanimité, alors qu’elle a toujours prévalu pour les traités européens et n’a pas empêché le traité de Rome de 1957 d’être modifié à quatre reprises depuis 1985,
– la partie III du traité constitutionnel, qui n’est ni plus ni moins que la reprise pure et simple des traités existants y figurant afin que les nouveaux états se prononcents lors de leur adhésion sur l’ensemble des textes en vigueur et adoptent la logique de la subsidiarité …
Le texte proposé a le mérite de créer l’embryon d’une architecture institutionnelle à ce qui apparaît, encore et à plus d’un titre, comme un OVNI de la chose publique; avec principalement la création d’un Président du Conseil européen élu, la responsabilité de la Commission de Bruxelles devant le Parlement européen placé désormais sur un pied d’égalité avec le Conseil des ministres et l’inscription de l’Europe dans une démarche laïque avec l’abandon de la référence à l’héritage chrétien … L’Europe politique du coup se met réellement en marche …
L’Union n’est plus tout à fait une zone de libre-échange, elle est désormais fondée sur une «économie sociale de marché compétitive qui tend au plein emploi et au progrès social», permettant la mise en place de politiques communes d’aides régionales, sociale ou environnementale. L’Europe des 25 reconnaît enfin le droit de grève des travailleurs pour la défense de leurs intérêts, certes rien de nouveau chez nous mais ce qui peut paraitre paradoxalement « révolutionnaire » pour les anciens pays de l’Est … Outre la liberté syndicale, le traité reconnaît l’existence des Services d’Intérêts Généraux destinés à promouvoir la cohésion sociale et territoriale (service public européen) et autorisés ainsi à déroger aux règles de la concurrence.
L’acte le plus important et le plus symbolique est l’intégration de la Charte des Droits Fondamentaux au traité qui explique en grande partie la position de la Confédération européenne des syndicats favorable au traité institutionnel à l’unanimité, considérant que ce texte constitue « une base juridique acceptable pour poursuivre le combat pratique en faveur de l’Europe sociale ».
L’appartenance à l’Union va permettre également d’imposer certaines règles aux nouveaux adhérents (intégration progressif de l’acquis communautaire en matière environnementale et sociale par exemple…), les précédents espagnol, portugais ou grec ayant démontré l’utilité d’une telle démarche dans le développement économique et social de ces pays, des mesures ne seront pas sans effet également sur les délocalisations du coup moins attrayantes dans les pays de l’Union.
Si par bien des aspects, le tropisme hexagonal de bien des arguments employés lors du débat apparaît comme réducteur de l’enjeu et de la portée d’un projet politique et social s’adressant aux habitants des 25 pays, trois « particularités hexagonales » se devaient d’être retenues dans le traité constitutionnel. Elles constituent à mon sens une valeur ajoutée au futur édifice européen … Il s’agit de la Laïcité, des Services publics et de l’Exception culturelle, force est de constater que le texte qui nous est proposé intègre ces trois éléments.
Nous sommes ainsi en présence d’un compromis, somme toute, acceptable, très novateur d’ailleurs sur la démocratie participative, la possibilité d’initiatives citoyennes mais également sur la défense de l’environnement, enjeu majeur s’il en est de la décennie et du siècle à venir.