J’ai participé à l’émission le « Docu-débat » (LCP-Public Sénat) de Claire Barsacq qui prolongeait la diffusion de l’excellent documentaire : ‘Vie de Maire ». Outre Pascal Carcanade, son réalisateur, étaient invités Fabienne Keller, sénatrice UMP et ancienne Maire de Strasbourg, Samir MAIZAT, candidat aux municipales d’Aubervilliers, animateur de la liste citoyenne « 100% Aubervilliers » et Anne MUXEL, Politologue au centre de recherche de Sciences Po, fil rouge du débat : le quotidien des élus locaux.
Quelques mots sur ce documentaire sensible, délicat et plus que tout empreint d’humanité. Le réalisateur a su restituer autour de brefs moments de vie, saisis et croqués sur le vif, toute la diversité de nos 36 000 communes et le rôle de catalyseur sociétal qu’y joue l’élu(e) local. Six trajectoires personnelles, aux contextes radicalement différents, ayant pourtant comme points communs : l’amour du terrain, le gout de l’échange direct et un enracinement local authentique à leur territoire.
La simplicité et la passion qui les animent sont rafraichissantes, à des années lumière des logiques d’appareils, quelquefois hors sols, des états majors parisiens des partis, dans lesquels ambitions personnelles, rivalités, petites phrases assassines fournissent une matière première facile et commode à des médias complaisants, contribuant à donner une image déplorable du politique.
Ce film, véritable plaidoyer à l’engagement républicain, souligne le rôle des « petits élus locaux » qui s’activent au quotidien, quelque soit la taille de leur commune, pour « être utile à vivre et à rêver » et préserver coute que coute, le lien social, aujourd’hui si menacé, indispensable pour faire société.
Ils sont les symboles d’une valeur essentielle, l’engagement. Valeur qui fait de ce mandat de Maire, particulier à plus d’un titre, le plus attachant de toute la vie politique.
L’importance qu’il prend dans leur vie, tout ce qu’ils y consacrent (en temps, énergie, passion, compétences, conviction), les sacrifices que ce mandat impose au niveau personnel ou professionnel ne sont pas la seule explication de l’ampleur de leur détresse un soir de défaite électorale. C’est un véritable déchirement personnel qui est ressenti, ce que j’ai perçu l’an dernier auprès de quelques amis défaits, curieux mélange ou se mêle injustice, sentiment d’abandon et surtout de profonde solitude.
Durant ce débat j’ai d’ailleurs pu constaté combien Fabienne Keller, ancienne Maire de Strasbourg, portait encore en elle cette fêlure, une blessure intime et cachée au plus profond, qui ne guérit jamais tout à fait.
Les élections départementales sont passées depuis, aussi aujourd’hui la réalité apparait quelque peu différente, même s’il ne faut jamais comparé un scrutin à un autre … La fracture entre élu et citoyen s’est encore aggravée, tant ce scrutin a été marqué par une forte abstention et la poussée du Front National.
Comment combattre ces deux tendances mortifères ?
A mes yeux, point de fatalité, mais de l’action concrète … Voici quelques pistes de réflexion, qui si elles sont personnelles, sont partagées par quelques acteurs du terrain …
La déconnection croissante entre le vote et son objet est une réalité qui doit nous interpeller, tant elle est lourde en significations pour toute démocratie.
Un vote local ne constitue pas un sondage de popularité éphémère pour une émission de télé réalité d’ampleur nationale, mais désigne tout simplement des élus qui assumeront durant des années un mandat déterminé impactant directement la vie quotidienne des habitants.
Certains électeurs avec leur bulletin de vote ou leur abstention se sont tirés une balle dans le pied. Le zapping électoral peut les amener à choisir un slogan ou un logo sans incarnation ni projet, plutôt qu’un élu connu, quelquefois même apprécié, actif, combattif, à l’écoute, résolu, dynamique … Mais manifestement ils n’en sont plus là, c’est dire l’ampleur du traumatisme qui traverse dans certains territoires notre société !
Toute femme ou homme politique dont l’ambition est nationale, il y en a parait il, devrait non seulement s’ouvrir à la vie de ses concitoyens, mais surtout la partager pour s’en nourrir, s’en imprégner, et plus que tout la comprendre, avant que de vouloir la transformer !
Pour elle ou lui, mieux vaut sortir parfois de sa bulle militante ou de certains quartiers parisiens, histoire de respirer un peu d’air frais, tant ces périmètres, celui de la bulle et du quartiers sont réducteurs ! Rien ne vaut le monde réel pour s’y raccrocher, s’y enraciner, afin d’alimenter ses racines de la réalité du terrain, de la vie vécue tous les jours par les anonymes. La versatilité des urnes ne vient pas toujours que du citoyen, loin s’en faut …
Il est urgent de réhabiliter l’action politique, surtout lorsqu’elle a faillit sur certains territoires, ce que nul ne peut contester. Dire que les partis traditionnels ont aujourd’hui perdu une grande partie de leur aura et de leur crédibilité n’est qu’entre ouvrir une porte déjà bien ouverte. Ils ne sont plus audibles dans les terres oubliées, là où les habitants, désabusés, se sentent rejetés, déclassés …
Autant de ressentiments qui les mènent à la révolte citoyenne, qui s’exprime dans les urnes par l’abstention ou le vote extrémiste. Nous devons être vigilants, une fois que le pli est pris, tout peut arriver y compris le pire ! Nous devons et dans l’urgence, remettre le bleu de chauffe, faire notre auto critique, nous remettre en cause, puis en piste, afin de relever ce défi républicain.
Le vote FN est il une fatalité ? Non, certainement pas … Encore faut il apporter à nos concitoyens des éléments de réponses concrets, visibles, et surtout bien palpables. Encore faut il les respecter en leur donnant le sentiment d’exister, en les prenant en considération, et pour ce faire, maintenir absolument le fil, non seulement du dialogue citoyen, mais celui si fragile, du lien social …
C’est aussi pour cela que je suis mobilisé contre des baisses de dotations aveugles, qui mettent en péril, là ou elles sont les plus utiles, dans les territoires périphériques sans grands moyens financiers notamment, ces digues de solidarités et de destinée commune qui ne tiennent que grâce à l’énergie d’élus locaux menant des politiques publiques de proximité essentielles à la cohésion sociale, et qui n’en peuvent manifestement plus !
Le FN est un parti qui agit dans tous les milieux de la société désormais, jouant sur du velours, tant il surfe sans scrupule ni souci, sur la somme des douleurs, détresses, contradictions, révoltes d’un électorat sous pression, qui garde la nostalgie d’un passé autrefois heureux et porte en lui une terrible peur de l’avenir. Ce contexte anxiogène est le terreau du parti frontiste, il est alimenté par un contexte social et économique dégradé, un manque de résultats concrets, des annonces déconnectés de la réalité ressentie, et se nourrit du piètre spectacle de la division et de l’éparpillement des partis politiques traditionnels, ou les querelles de personne prennent le pas sur l’intérêt général, amplifiées par le prisme déformateur des médias !
Pour les politiques, le défi est immense … D’autant que le socialisme municipal qui a écrit de si belles pages dans nos territoires, grâce à l’émergence de générations d’élus passionnés, charismatiques et dévoués ayant réussit à changer la vie au quotidien de leurs concitoyens, arrive en fin de cycle et il a grand besoin d’un second souffle.
Faire de la politique, y compris au niveau local, ne peut se réduire à maitriser les dossiers et à une simple expertise en urbanisme ou gestion, d’ailleurs méfions nous de toute expertise qui nous éloignerait du citoyen (je l’ai appris quelquefois à mes dépens), surtout en période de crise ou de vent mauvais, sinon l’élu prend le risque d’apparaitre désincarné, fataliste, résigné et brise rêve.
Il faut préserver plus que tout notre capacité d’indignation, notre combativité, mener et provoquer des révoltes si nécessaire, dans le but de défendre nos territoires et tous ceux qui y vivent, lutter contre la fracture territoriale qui insidieusement entraine la fracture sociale, lutter contre l’inertie, l’aquabonisme ou l’autisme technocratique de tant de moulins à vent ou à parole, sans âme ni perspective.
Nous devons agir pour initier ou irriguer les projets qui émergent et partent des citoyens, leur parlent et les impliquent, des projets qui doivent faire sens, forger la cohésion sociale, des projets qui autorisent des lignes de fuite et des chemins de traverses, mais qui surtout incitent enfin les habitants, où qu’ils vivent dans cette bonne terre de France, à avoir confiance en demain et surtout dans les autres…
Il nous faut « rallumer les étoiles » auprès de cet électorat déçu, désabusé, éteint, pour vaincre l’étoile noire frontiste et proposer des lendemains qui chantent aux oreilles de nos concitoyens, qui leur donnent l’énergie, la force de contribuer à bâtir ensemble, un avenir plus serein, solidaire et durable
Liens
L’Association des Petites Villes de France