Un arrêté ministériel vient de mettre un terme à plus de 13 ans de combat administratif que je mène contre l’État au nom de ma commune afin d’obtenir une décision simplement équitable, permettant à ma ville de mieux répondre à ses demandes. Comme quoi le Pot de terre n’est pas toujours prédestiné à perdre contre le pot de fer !
Au 1er juillet, nous serons enfin classés en Zone 1 (zonage logement social) comme les villes voisines concernées par la loi SRU, cet arrêté constitue une première, à double titre : il ne porte que sur une seule commune en France à savoir « Trilport », notre ville étant la seule à avoir eu gain de cause en ce domaine, après il est vrai avoir poursuivi l’État au Tribunal Administratif.
Les spécialistes de l’aménagement urbain (bailleurs, aménageurs, promoteurs …) ne se sont pas trompés sur le sens d’une telle décision et ses conséquences pour l’avenir, cependant rares sont ceux, parmi mes concitoyens, qui peuvent saisir réellement toute la portée et l’importance d’un tel arrêté pour la ville. Aussi il me semblait utile d’apporter les éléments d’appréciation permettant à chacun de mieux comprendre la nature et les raisons du combat mené toutes ces années contre une bureaucratie en mode kafkaïen et l’impact futur pour Trilport de cette mesure.
Il n’est effectivement pas banal et quelque peu paradoxal d’avoir à porter plainte contre l’Etat, pour être en mesure et surtout en capacité de respecter ses exigences !
Dès que j’ai lu cette décision, j’ai eu une pensée pour Nicole Bricq. Nicole avait été la première à me soutenir et durant toutes ces années m’a encouragé à ne jamais lâcher l’affaire, elle en aurait ravie …
La morale de cette histoire, s’il en faut une, est double :
1/ « Aide toi et le ciel t’aidera »
2/ Les seules batailles que l’on ne remportent jamais sont celles que ne l’on ne mènent pas !
Une décision bienvenue qui nous permettra à un moment clé, notamment de l’écoquartier de l’Ancre de lune, de construire plus facilement les logements imposés par l’État au titre de la loi SRU, sans transiger sur leur qualité et la dimension humaine des futurs projets, fidèles à la conception d’un habitat social de qualité, digne et respectueux de ses habitants comme des riverains que nous défendons depuis des années.
Pour découvrir toutes les péripéties et les enjeux de ce combat « juridique » vieux de 13 années, il vous suffit de suivre le lien.
Bienvenue et « bon voyage en Absurdie » dans le monde merveilleux de la bureaucratie française, un brin kafkaïenne et tout à fait retorse …
J’ai été sensibilisé dès 2007 par des bailleurs sociaux intervenant sur la ville que Trilport étions traitée injustement par rapport aux villes voisines, alors que nous étions pourtant concernée directement par la loi SRU.
Ce contexte les plaçait en difficulté pour équilibrer financièrement leurs opérations et avait nécessairement une incidence sur la nature et le dimensionement des projets présentés. Je suis intervenu auprès du Préfet de Seine et Marne, avec le soutien des services de la DDT, qui nous ont toujours soutenu toutes ces années ce que je tiens à souligner, mais rien n’y a fait.
En 2009 Nicole BRICQ, alors Sénatrice de Seine et Marne, me propose d’intervenir, ce qu’elle a fait, interpellant Benoit Apparu, Secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, au Sénat; j’étais présent à la séance. Ce dernier dans sa réponse indiquant que lors d’une prochaine révision de l’arrêté de zonage, il « veillerait à intégrer la commune de Trilport à la zone I », vœu resté lettre morte, malgré une relance de Nicole en 2011.
Les Préfets de Seine et Marne successifs, sensibilisés par la DDT 77, ont demandé en vain depuis la modification du zonage de Trilport, sans succès. Une question écrite en avril 2018 du député Jean-François PARIGI, attirant de nouveau l’attention du Gouvernement sur le dossier ne change rien à la donne.
Depuis 2007 beaucoup m’ont écouté avec intérêt décrire une injustice qui rendait très difficile le respect des obligations de construction dévolues à ma commune comme ma volonté de la combattre. Mais que peut le Maire d’une petite ville confrontée à une décision bureaucratique, certes inéquitable et aberrante, mais venue du sommet de la pyramide (Bercy) ?
Certains me comparaient même à une sorte de Don Quichotte des temps modernes affrontant des moulins à vent pour le moins bureaucratiques et inacessibles … Prenant le taureau par les cornes j’ai alors décidé de poursuivre l’État au Tribunal Administratif.
Nous avons lancé les hostilités en février 2019 avec une demande préalable auprès du ministre chargé de la Ville et du logement. L’absence de réponse entraînant une décision implicite de rejet que notre avocat a attaqué.
Ce combat a suscité l’intérêt des médias régionaux qui l’ont relayé occasionnant un reportage télévisé d’une chaine publique qui a connu une certaine audience.
Pourquoi cette initiative et pour quelles conséquences ?
L’arrêté du 17 mars 1978 relatif au logement social et à ses aides et procédures classe les communes françaises en trois zones : I, II et III. Chaque périmètre de ces zones évolue selon son développement démographique et la demande en logements.
Schéma complété en mars 1999 par la création d’une zone I bis composée de Paris et de ses communes limitrophes. La forte croissance démographique de la Région Ile de France comme ses besoins en logements, occasionne un nouvel arrêté ( 28 novembre 2005) étendant le périmètre de la zone 1bis à 362 nouvelles villes, dont l’essentiel des communes de la communauté d’agglomération du Pays de Meaux.
Trilport abritant sur son territoire une gare SNCF et plus que concernée par la loi SRU étant étrangement absent de ce périmètre. Une décision injuste, aberrante et inexcusable d’autant que l’Etat impose à notre commune l’obligation d’avoir 25% de logements sociaux d’ici 2025 et non à d’autres pourtant situées en Zone 1. Juste incompréhensible !
Les conséquences sont multiples pour les acteurs du logement social. Toutes pénalisantes. Le zonage influe directement sur le montant des prêts locatifs consenties par l’État (tant Prêts Locatifs à l’Aide à l’Intégration que PL à Usage Social, à des conditions préférentielles que sur le plafond de loyer des logements faisant l’objet d’un conventionnement APL fixé selon la nature de la zone.
Conséquence, un logement identique est loué en moyenne 12% moins cher en Zone 2 qu’en Zone 1, ce qui ne veut pas dire que le locataire acquitte un loyer plus élevé, mais qu’il dispose de moins d’aides pour le faire. L’État ne compensant pas la différence de zonage, pour un bailleur social construire à Trilport équivalait, jusque là, à une triple peine :
– la ville étant très attractive (gare, services de proximité, patrimoine naturel exceptionnel, écoles, collège …) le foncier y est plus cher qu’ailleurs,
– Du fait de la zone 2, ils ont moins de prêts bonifies et doivent mettre plus de fonds propres,
– Les revenus des loyers sont inférieurs de 12£%. La capacité contributive résiduelle supportable par le bailleur est dès lors insuffisante pour supporter : loyer attendu, surcoût du foncier et aides bonifiés inférieures
Toutes ces années, cela s’est traduit concrètement par la difficulté croissante que nous avions à apporter des réponses en nombre de logements à la feuille de route imposée par l’Etat, du fait de ce zonage, alors que le même Etat imposait à Trilport d’atteindre 25% de logements sociaux d’ici 2025.
Cette situation devenait très problématique, causant l’abandon ou l’arrêt de nombreux projets malgré le travail assumé par la commune, l’Etablissement Public Foncier d’Ile de France et les bailleurs intervenant sur Trilport ( FSM, les Foyers Rémois et I3F). Le devenir de l’écoquartier de l’Ancre de lune étant même menacé.
Cela désormais appartient au passé, à partir du 1er juillet, la balle sera dans le camp des professionnels, bailleurs et acteurs de l’aménagement … A eux de construire des logements dignes et respectueux, la ville aura rempli sa part du contrat … Pas forcément la plus évidente, ni la plus simple …