Nos villes se développent et Trilport n’échappe pas à cette tendance de fond. Dans le même temps nos concitoyens constatent au quotidien une dégradation continue de leurs conditions de transport, ce qui les amène à s’interroger sur le coté paradoxal d’une telle situation.
L’objet de ce billet, premier d’une série dédiée aux problématiques liées à l’habitat et à l’aménagement urbain est de répondre à ces interrogations légitimes.
De multiples raisons sont à l’origine de ce mouvement de fond démographique qui redessine le pays : le prix du foncier des centres villes des métropoles, l’envie de fuir un mode de vie trop urbain, mais également les conséquences de la loi Solidarité Renouvellement Urbain (ou SRU) votée en 2000 dont les deux principaux objectifs sont la lutte contre la ghettoïsation de certains quartiers et la diffusion de la mixité sociale dans tous les territoires.
Les violences urbaines de 2005, véritable électro choc, ont amèné les gouvernements successifs à durcir ses modalités d’application, notamment pour les villes concernées par le seuil minimum de logements sociaux exigé (20 puis 25% d’ici 2025).
Tenus pour responsables par l’Etat, les Maires, boucs émissaires bien pratiques, et toujours en première ligne se sont mis progressivement en ordre de marche afin de rattraper en quelques années plus de 40 ans d’inaction du pays en matière d’aménagement urbain. Ils ont du se familiariser avec le maquis réglementaire et administratif complexe et techno qui encadre le logement social, des procédures qui ne le sont pas moins, apprenant peu à peu à repèrer écueils, freins, et contraintes d’un exercice nouveau qu’il découvrait.
Placés sous la pression attentive et constant des services de l’Etat, les élus doivent compter avec deux dispositifs « incitatifs » et contraignants : une « pénalité » financière par logement social manquant et un objectif de construction à respecter tous les 3 ans. Dans le cas ou une ville n’atteint pas l’objectif fixé, elle est déclarée « sous carence », avec trois conséquences directes à la clé : le Droit de Préemption Urbain est transféré au Préfet, enfin le choix, la nature des opérations et celui des bailleurs dépend directement du Préfet.
En décodé, cela signifie que c’est le Préfet qui décide où et comment construire, choisit le bailleur et attribue les logements du contingent communal aux publics prioritaires du département ! Au final, les logements exigés seront tout de même réalisés, au plus vite, sans concertation ou projet urbain qualitatif ! Je laisse chacun juge de ce qu’il convient de faire …
Ce contexte m’a amené à adopter et faire mienne une « mantra » chère à Jean de La Fontaine illustre fabuliste s’il en est, « Aide toi, le ciel t’aidera ».
Comment s’aider soi même ?
Pour ma part je considère que le développement d’une ville ne peut se réduire au seul accueil de nouveaux habitants. Il ne s’agit pas seulement de loger des familles, mais bien de leur permettre de s’épanouir dans leur vie quotidienne, de se déplacer, pas seulement d’y dormir !
Devant cette dynamique nos collectivités doivent accélérer leur modernisation, assurer montée en puissance et en compétence de leurs services, améliorer accessibilité et cadre de vie, rénover bâtiments communaux et infrastructures vieillissantes, créer ou adapter les équipements publics nécessaires …
Pour accompagner financièrement cette mutation, l’État pointe non seulement aux abonnés absents, mais diminue depuis des années sa contribution financière auprès de nos villes, y compris les plus pauvres. Nous devons faire plus et mieux, avec beaucoup moins de ressources, cherchez l’erreur ?
J’y répondrais plus précisément dans un prochain billet, en abordant notamment la stratégie locale singulière mise en place sur Trilport. Mais il m’apparait utile de revenir sur une des conséquences les plus directes des dynamiques démographiques liées à la loi SRU : l’évolution de la demande en mobilités.
Beaucoup de nos territoires, espaces péri urbains et ruraux notamment, accueillent de plus en plus d’habitants, dont beaucoup d’usagers des réseaux ferrés du quotidien qui constatent que l’offre de transport est non seulement sous dimensionnée, mais que faute d’investissement elle se dégrade.
L’État, là encore défaillant, n’a pas anticipé les incidences d’une loi qu’il a pourtant lui même initié, régulé : aucun investissement significatif dans les réseaux ferrés du quotidien depuis plus de 30 ans … Ses représentants ont superbement ignoré toutes ces années les remontées de terrain des élus locaux et usagers annonçant les probèmes à venir pour le moins prévisibles ! J’en parle tranquillement car n’ai cessé depuis plus de dix ans d’alerter sur ces dangers, la situation devient désormais explosive, d’autant que quatre phénomènes se conjuguent :
- la dynamique démographique de nos territoires s’accélère,
- la dégradation du réseau ferré et du parc roulant s’accentue, faute d’investissement majeur depuis 30 ans,
- les usagers modifient leurs habitudes de transport, suite à la prise de conscience du réchauffement climatique qui les incite à adopter des modes de mobilités durables et sobres
- le temps nécessaire pour que les travaux sur l’infra et le renouvellement des parcs roulants se réalisent, est de plusieurs années.
En Ile de France, l’état critique est atteint depuis déjà longtemps. Aussi il serait pour le moins judicieux qu’avant d’implanter toute nouvelle infrastructure, l’Etat accorde la priorité aux mobilités du quotidien.
Force est de constater avec regret, que cela n’est malheureusement pas le cas, la meilleure illustration en étant le CDG Express ! L’Etat, au lieu de dénouer le noeud gordien constitué par l’enchevêtrement de réseaux archi saturés, d’infrasructures exsangues, complique singulièrement la situation avec ce projet et utilise des moyens financiers, logistiques et humains qui seraient si utiles pour améliorer la vie quotidienne des millions de franciliens qui prennent le train ou le RER chaque jour !
Là où il aurait fallu initier et piloter une action systémique et stratégique intègrant la priorité de permettre aux habitants de se déplacer (les RER n’étaient ils pas liés aux villes nouvelles ?), de planifier l’aménagement du territoire, rénover et adapter les infrastructures de transport aux contraintes du « mass transit » afin d’accompagner au mieux les dynamiques démographiques, rien ou si peu !
Notre pays n’a pas engagé jusque là l’effort minimum d’investissement nécessaire pour rénover de manière significative les réseaux de transport du quotidien, aménagements qui exigeront certainement plus d’une dizaine d’années !
L’urgence d’agir devient d’autant plus vive, que le mouvement démographique en cours accélère, tant nous nous rapprochons de la date fatifique de 2025. C’est une véritable fuite en avant à laquelle nous assistons et qui nous mène pour l’instant dans le mur !
C’est pourquoi il importe de se mobiliser pour obtenir au plus vite la rénovation et l’amélioration significative des réseaux de transports du quotidien et d’être trés vigilant devant tout autre projet qui ralentirait cet effort prioritaire.
Il y a urgence, tant les mobilités doivent s’adapter aux contraintes de la nouvelle carte des territoires qui se dessine …
L’aménagement du pays doit retrouver des fondamentaux essentiels, comme celui de lier habitat et mobilités … Comme tout tissu vivant, nos territoires ont besoin d’être irrigué par capillarité, ce métabolisme urbain est créateur de dynamiques et de solidarités territoriales, sinon certains territoires se retrouveront rapidement « ischémies » avant d’être « thrombosés ».