J’ai eu le grand plaisir de recevoir des mains de la Ministre du Logement et de l’Habitat durable Emmanuelle Cosse, le label national des Eco quartiers pour l’Ancre de lune; c’est une belle reconnaissance pour ce projet qui arrive enfin à un stade opérationnel. Atteindre un tel niveau n’est pas si banal pour une opération d’aménagement (seulement 19 lauréats pour 2916), d’autant qu’il y a quelques semaines, Trilport a été un des 16 lauréats de l’appel à projet que la Région Ile de France a dédié aux quartiers écologiques et innovants et l’unique Seine et Marnais.
Il est souvent bon de revenir au point de départ d’un voyage, afin de se ressourcer, ce qui permet ensuite de mieux apprécier les étapes à venir, histoire également de relancer quelque peu la machine pour de nouveau aller de l’avant…
J’ai encore en mémoire la délégation de riverains venus à ma rencontre, il y a tout juste 10 ans, pétition à la main, pour me demander d’agir et d’intervenir devant les multiples nuisances causées par une friche, devenue un véritable no man’s land laissé à l’abandon par ses propriétaires : squats, occupations illicites successives.
C’est de là que tout est parti … Par la concertation, qui est devenu un véritable marqueur de cette aventure, tant auprés des acteurs de terrains, que des habitants.
Nous avons du également surmonter une réalité omniprésente et prégnante encore aujourd’hui, le manque structurel et cruel de ressources logistiques, humaines, foncières et financières. Trilport est une ville pauvre, confrontée cependant à des défis auxquels il est important de répondre tant pour le présent que le devenir de la commune.
Pour changer la donne, nous nous sommes lancés dans un pari fou : faire des contraintes rencontrées, nombreuses, de vrais leviers, nous permettant de rebondir et sortir par le haut. Nous sommes partis d’un diagnostic croisé du territoire, de ses difficultés et potentialités, et des acteurs du terrain désirant s’engager autour d’un projet commun, innovant et disruptif, fondé sur des valeurs humaines, sociales et environnementales et le même esprit d’entreprise.
Notre credo : faire bouger des lignes semblant jusque là inamovibles, quasi immuables, remettre en cause une « fatalité » que nous refusons. Nous nous sommes mis alors en mode « bottom up », au sens premier du terme, une logique qui devrait, me semble t’il un peu plus inspirée les états majors parisiens, mais Paris est si loin, loin de tout, pensez 45 minutes en transport en commun !
Voici quelques extraits de la préface du référentiel durable de l’Ancre de lune qui a constitué une étape importante de cette aventure collective. Dix ans après, elle n’a pas pris une ride et me semble totalement légitime pour décrire le projet de ville porté par l’Ancre de lune.
« L’ancre de lune avant d’être un projet urbain, est une aventure humaine et collective au service du lien social de proximité qui témoigne d’une prise de conscience collective de la responsabilité particulière de l’homme envers son environnement.
L’approche initiée, l’implication des élus, la qualité et la diversité des partenariats noués, le niveau d’exigence recherché, l’étendue et la transversalité des thématiques abordées, la volonté de faire de ce futur quartier un véritable espace d’innovation constituent autant d’éléments qui en font déjà, un éco quartier « référence ».
L’ambition est d’en faire, non un territoire d’exception, mais une terre de diffusion et de partage, ayant la capacité de rétroagir sur la ville, et plus globalement sur le territoire, tel les rhizomes de la « Ville Durable » dont les éco quartiers constituent la première manifestation visible.
Si jusqu’à présent en matière environnementale nous pouvions nous contenter de bons sentiments, chacun sait désormais que l’état de la planète nécessite des résultats urgents et surtout tangibles. Plus que jamais, nous devons penser global tout en agissant localement, et nous concentrer sur les priorités liées directement à l’empreinte écologique et à la réduction des émissions des Gaz à Effet de Serre (GES).
Demeurons vigilants. Limiter la problématique des éco quartiers à une somme de «gestes techniques» est un non-sens, tant le sujet dépasse de loin le filtre réducteur de la seule performance technologique dont beaucoup reviennent aujourd’hui.
Un éco quartier est autre chose qu’un simple concept « hight tech » répondant aux tendances ou aux effets de mode. Il doit devenir un supplément d’âme, permettant de poser un autre regard sur la vie «de et dans la ville», servir de cadre à une nouvelle gouvernance, plus collaborative, axée sur une vision à long terme intégrant démarche transversale, et «process» continu au service de l’efficience environnementale.
Dans cette approche globale, on ne peut réduire la performance énergétique aux seules consommations des bâtiments; l’élaboration des matériaux, leur localisation et origine, leur capacité à être recyclé, constituent autant de paramètres environnementaux essentiels, ainsi que bien évidemment l’épanouissement des habitants et usagers du quartier, qu’on ne peut considérer comme une simple variable d’ajustement !
Le défi énergétique dépasse la seule efficacité du bâti, aborde d’autres champs du possible, dont ceux liés aux mobilités et à la chaine des déplacements, grand pourvoyeur planétaire en GES, sans omettre les problématiques majeures que constituent les usages et modes de vie, trop souvent négligées, et pourtant essentielles !
Les principaux écueils rencontrés jusque-là, demeurent d’ordre logistique et financier, notamment pour une ville comme Trilport, sans compter un contexte budgétaire de plus en plus difficile.
Alors comment agir ?
Un des nombreux Ateliers Citoyens, celui ci en partenariat avec l’école d’architecture de Marne la Vallée
Notre ambition est d’intervenir sur les différents espaces qui investissent le territoire, de les mettre en relation, de leur donner du sens afin de jouer pleinement sur les effets leviers et les synergies. L’importance de ce projet urbain pour Trilport a incité les élus à s’impliquer concrètement afin de préserver les valeurs identitaires et humaines d’une ville qui a toujours su rester en harmonie avec la nature, tout en plaçant l’individu au centre de son projet de vie.
Cet éco quartier est attendu des riverains et habitants, il en inquiète certains, sans nul doute, cependant beaucoup pressentent qu’il apportera plus de réponses que de problèmes, grâce à l’implantation d’équipements publics utiles à tous, du besoin et du droit de chacun de disposer d’un logement adapté à sa famille, ses ressources, son handicap ou son âge et de la nécessité absolue de respecter notre environnement naturel en limitant l’étalement urbain.
Préserver les espaces naturels et agricoles qui nous entourent est un des objectifs prioritaires non seulement de l’Ancre de lune, mais du projet de ville. Si nous avons placé la barre si haut, c’est non pour « décroisser la lune» comme le chantait le Grand Jacques, mais plutôt pour l’ancrer un peu plus à notre quotidien.
L’aventure se poursuit, avec de nouveaux acteurs, dont un majeur, l’aménageur, mais la ville tient à demeurer un partenaire clé, éveillé et exigeant, garant de la qualité environnementale et sociale de ce qui est avant tout une aventure humaine et collective.
L’éco quartier est appelée à se déployer sur divers sites du territoire, notre volonté étant de construire une Ville Durable et d’essaimer toute la valeur ajoutée acquise grâce aux innovations environnementales, sociales, ou urbaines de cette nouvelle approche de la vie dans la ville. Un éco quartier est, avant tout et surtout, un lieu de diffusion, un premier pas vers la ville durable, autour d’une idée directrice « Rendre la ville aimable afin d’inciter les habitants à y vivre pour s’y épanouir ! ».
Il ne faut cependant pas oublier qu’il doit répondre à une exigence absolue : changer notre relation à la planète en limitant ses émissions de Gaz à Effet de Serre. Tel est l’objectif prioritaire assigné à l’Ancre de lune, tant au niveau du bâti, des mobilités, que des usages afin que ce «morceau de ville et de vie » y contribue et devienne un levier vers la ville durable.
Une des finalités de l’Ancre de lune est également de « rétro agir » sur la ville. Un éco quartier est avant tout un lieu de diffusion et d’innovation, tant sociale qu’environnementale, et non un périmètre d’exception. Il doit, pour cela, sortir et agir au delà de ses simples limites, afin d’être réellement en capacité d’essaimer sur le territoire les ferments de la Ville Durable.
Autre spécificité, la démarche Eco quartier se positionne sur le temps long, ce qui passe nécessairement par une pérennisation des usages.
Certes, le chemin est encore long et parsemé d’obstacles, mais cette longue marche en avant vers la Ville Durable contribuera à apporter des réponses concrètes et locales adaptées à des enjeux plus globaux, liés à l’urgence environnementale et à la cohésion sociale, tant ils sont intimement liés.
Un impératif absolu demeure cependant, chacun des acteurs qui fait le territoire doit garder en tête que la ville se doit d’être avant tout, désirable et désirée, pour être acceptée et durable. C’est ce que nous recherchons avec l’Ancre de lune, c’est dire toute son ambition.