La réunion publique de l’Association Aout du 2 décembre
J’ai participé à la réunion publique de l’association Aout, soirée très représentative de la fracture croissante entre deux mondes, celui du Grand Paris de la métropole et les territoires de la grande couronne illustrations concrète de la réalité de la France périphérique, pour ne pas dire invisible.
C’est pourtant les habitants de ces territoires qui subissent une triple peine face face au Grand Paris : ils acquittent chaque année un impôt pour financer des infrastructures dont ils ne beneficieront pas, infrastructures qui risquent fort d’accaparer l’essentiel de financements publics pourtant indispensables à la rénovation du réseau de banlieue à bout de souffle qu’ils utilisent au quotidien et c’est eux qui en première ligne subiront les conséquences d’un chantier de plus de 30 ans impactant directement leur qualité de vie et leur environnement du fait de la multiplication des décharges nécessaires au traitement ou au stockage des gravats, déchets plus ou moins inertes et autre et leurs cortèges incessant de camions circulant sur des voies déjà plus qu’encombrées … Merci du cadeau !
La réunion de Lizy sur Ourcq s’est déroulée à guichets fermés. Le nombre élevé d’usagers présents, dont beaucoup ayant accompli des dizaines de kilomètres pour simplement témoigner, illustre le degré d’exaspération atteint. Cette exaspération apparaissait en filigramme de chaque intervention, témoignage ou cri de colère qui ont ponctué la soirée et traduit le quotidien de territoires qui cumulent en matière de mobilités handicaps et fractures.
Rappelons que la ligne P qui passe par Trilport, dessert d’un coté La Ferté Milon, de l’autre Chateau Thierry, et que chacune de ses destinations est pour le moins « malmenées ».
Quelques mots sur l’association AOUT, dont je partage l’action depuis 2004, date à laquelle avec son Président Victor Etienne, nous avons décidé de mener conjointement, chacun à notre place, moi coté élus, lui usagers, des initiatives communes visant à améliorer la situation d’une ligne dans un état critique alors.
Avec l’arrivée de Jean Paul Huchon à la tête du STIF en 2006, nous avons pu obtenir de vraies avancées : maintien d’une ligne quasiment condamnée, mise en place du cadencement (véritable révolution dans les usages), changement de motrices, rénovation des voies, Passe Navigo tarif unique, car était il normal que ceux qui avaient les pires conditions de Transport payent plus que les autres ?
Mais depuis quelques années, la situation s’est nettement dégradée au quotidien et la tendance semble s’accélérer …
Si je me suis engagé dans une cause comme celle de la ligne P, c’est tout simplement pour essayer de changer la vie de mes concitoyens au quotidien et l’améliorer. Certes le sujet n’est ni lyrique ni trés porteur à la tribune des congrès, mais il est terriblement concret et ancré dans la vie réelle.
Quand je lis quelquefois des études très savantes et documentées sur les causes théoriques de la montée des extrémismes, il m’arrive de penser, sans doute schématiquement, on ne se refait pas, que si leurs auteurs partageaient simplement une semaine la vie quotidienne des habitants de la grande périphérie, ils découvriraient sans doute de nouvelles clés de lecture sur le sujet, peut être plus terre à terre.
J’ai tenu à saluer l’activité inlassable de Victor Etienne, Président de l’association, pour la constance de ce combat.
Agir, agir encore et toujours, sans se décourager, réunion après réunion, rendez-vous après rendez-vous, année aprés année, agir inlassablement, non comme Don Quichotte face aux ailes des moulins, mais plutôt comme la vague de l’océan qui, à chaque ressac, creuse un peu plus la falaise de l’indifférence avant d’arriver, au bout du bout, à l’effondrer.
Actions dont ce blog, ouvert en 2005 a régulièrement rendu compte
La dégradation considérable des conditions de transport ces dernières années du fait de la multiplication des dysfonctionnements de toutes natures, de l’augmentation croissante des habitants de nos territoires (plus 8% par an d’usagers en gare de Trilport !), rend incompréhensible le peu de considération porté à cette ligne délaissée, tant par le STIF que la SNCF.
Contexte qui rend impératif une nouvelle mobilisation, d’autant que chaque mandat électoral obéit à un cycle qui lui est propre, la Région n’échappe pas à la règle.
C’est pourquoi nous devons agir maintenant, nous sommes encore en début de mandature, afin de convaincre l’exécutif régional de consentir les décisions d’investissement nécessaires dans les prochaines années pour une ligne de transport aussi délaissée.
Nous devons rappeler à Valérie Pécresse que la ligne P est composée de plusieurs branches, et qu’en électrifier une, ne signifie nullement les électrifier toutes, je reste persuadé que nous avons été, en partie, écouté, notamment par le STIF et Stéphane Baudet, que les pistes de travail que nous avons suggérées pour certaines (lire « pour des mobilités péri-urbaines ») sont ou seront explorées et que des annonces devraient suivre dés les prochaines semaines.
À voir le cortège d’élus impliqués et engagés dans notre cause grossir, j’ai tendance à penser que le temps des annonces approche. Nous aurons sans doute, bientôt du grain à moudre.
Attention cependant, il est indispensable que les réponses soient non seulement à la hauteur, mais adaptées à la réalité des mobilités péri urbaines et à l’évolution de territoires en plein développement. Sinon elles risquent fort de se limiter à colmater provisoirement des fractures qui s’élargiront de nouveau au fil des ans.
Alors qu’elles sont les pistes dignes d’intérêt ?
Victor Etienne, Président de l’Association AOUT
Chacun doit prendre conscience du bouleversement en cours dans nos territoires, de la mutation urbaine engagée, avec pour corollaire, une croissance démographique continue qui génére d’importants besoins en mobilités (+6 à 8% d’usagers / an).
Il nous faut changer résolument de modèle et prendre cette problématique par le bon bout, privilégier une logique de réseau et de bassins de vie s’affranchissant de la lecture pour le moins réductrice et simplificatrice des limites administratives entre intercommunalités, dont les « frontières » varient au fil des ans ou des réformes.
Obtenir l’électrification de la ligne Trilport / la Ferté Milon est incontournable, que le politique l’admette au plus vite sera le mieux.
Il faut que ce chantier soit lancé juste après la réalisation de l’électrification de Provins, soit dés 2023, pour des raisons d’équité? territoriale évidentes, mais aussi d’efficacité afin de tenir compte de l’augmentation demographique croissante de nos bassins de vie respectifs. Nous devons répondre aux besoins d’un secteur géographique trés large, dont notamment lors des heures de pointe de gares urbaines comme celles de Meaux (14 469 montées / jour, + 6,2% l’an) ou Trilport (2 202 montées / jour, + 8,3% l’an) qui desservent une agglomération de plus de 100 000 habitants en pleine expansion (+1,5% d’habitants l’an).
Ne pas lancer rapidement cette électrification, équivaut à s’interdire d’agir concrètement sur l’amélioration de l’offre avant 2030, ce qui est inimaginable.
Une annonce devrait intervenir, je l’espère, début 2017, si elle ne suffira pas à améliorer la situation à court et moyen terme, elle offrira cependant une vraie perspective. N’oublions pas cependant que la mise en service effective de la nouvelle ligne électrifiée n’interviendra pas, dans le meilleur des cas, avant l’horizon 2026.
Que faire entre temps ?
Il faut renforcer, le plus rapidement possible, un parc roulant trop limité et obsolète, avec un matériel résistant enfin, aux chutes des feuilles d’automne, au gel de l’hiver ou aux chaleurs de l’été (vive le printemps) et la mise en place d’une maintenance plus efficace et réactive, digne de notre temps et ne reposant plus sur une logique industrielle des années 1950 / 1960.
Autre piste d’action, à l’étude notamment sur les lignes de Chateau Thierry, dénicher quelques nouveaux sillons permettant de nouvelles liaisons, encore faut il que les gares de ce segment de ligne puissent accueillir les nouveaux trains, nous en sommes encore loin, ce qui constitue un véritable scandale et à causer l’an dernier à la même période la multiplication de trains courts alors que les nouvelles rames flambantes neuves étaient stockées sans servir !
Dans le même temps nous devons agir sur les gares. L’épine dorsale des transports péri urbains est constituée du « backbone » formé par le réseau ferré et les nœuds de communication que sont les gares, chacune placée au cœur d’un véritable écosystème local de mobilités, par nature multimodal, puisqu’il mêle bus, Transport A la Demande (TAD), voitures particulières, vélos ou piétons …
Il est essentiel de réaliser les aménagements leur permettant toutes, de devenir non seulement accessibles, mais en capacité d’être desservis par le même type de matériel roulant. Il faut egalement adapter chacune à l’augmentation croissante d’usagers, ce que semblent sous estimer la SNCF, notamment au niveau de l’aménagement et de l’élargissement des quais ou du traitement des flux physoques d’usagers.
Ensuite c’est tout un maillage de connection entre gare et bassin de vie qu’il faut implanter, afin de permettre la desserte avec les territoires à partir de la gare, par des liaisons régulières et pendulaires de bus ou d’autres types de mobilités, dont notamment le TAD afin de proposer une alternative réelle à la voiture individuelle, passage obligé pour des milliers d’usagers, dont beaucoup vivent dans des communes non desservies par des lignes régulières.
Ce qui occasionne un report modal considérable de voitures vers les villes dotées d’une gare et un lot de contraintes cumulatives que ces communes ont le plus grand mal à assumer seules.
Le stationnement est une composante à part entière de la chaine des mobilités, et il semble pertinent de définir un nouveau type de gouvernance, non plus basée sur une logique de site, à chacun son problème, mais de ligne. Les Maires des « villes à gare » se retrouvent trop souvent isolés face à des problématiques quasi insolubles (stationnement, sécurisation, entretien ou maintenance…) et finacièrement lourdes à gérer, tant en services qu’en aménagement, pourtant les voitures qui stationnent sont liées aux gares comme la marée à la plage …
Il est important également d’intervenir auprès des départements et régions limitrophes dont les habitants sont aussi des usagers de nos lignes. Il était remarquable sur ce point lors de la réunion organisée par AOUT leur témoignage. Il n’apparait pas absurde de les faire participer sinon au financement des infrastructures et services qui bénéficient à leurs habitants, du moins à la connection entre les réseaux de transports successifs afin de la faciliter.
Voilà pour l’urgence, il semble utile d’explorer dans le même temps, les pistes menant au développement de nouveaux concepts de mobilités et d’accompagner les tendances societales emergentes pouvant influer et limiter les pics de fréquentation lors des heures de pointe
La réponse doit être effectivement globale et systémique et non se limiter à une promesse qui certes apportera une réelle perspectives mais qui ne prendra de sens qu’aprés 2026.
Pour les usagers, pour les élus, pour l’Association AOUT, le combat juste mené pour que nos territoires soient justement traités se poursuit …
Une réponse sur “De la ligne P au Grand Paris, d’un monde à l’autre”
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