Un Jobs pour l’éternité (virtuelle ?) …

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 Il a peut-être des secrets pour changer la vie ?

 Non, il ne fait qu’en chercher …

 

Arthur Rimbaud
Une saison en enfer

  

Discours de Steve Jobs lors de la  remise de diplôme 
de l’université américaine de Stanford en 2005.   

 

 

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Je suis honoré d’être parmi aujourd »hui, pour votre remise des diplômes de la part d’une des meilleures universités au monde. Je n’ai jamais été diplômé d’études supérieures. En fait, aujourd’hui, c’est la première fois de ma vie que j’ai réussi à m’approcher autant d’une remise de diplômes. Et je veux vous raconter trois histoires de ma vie. Juste ça. Pas de grand ramdam. Juste trois histoires.

La première histoire parle de connecter les points.

Après 6 mois, j’ai abandonné mes études au Reed College, mais j’y suis resté en tant qu’auditeur libre pour 18 mois de plus, avant que je n’abandonne définitivement. Mais pourquoi est-ce que j’ai arrêté ?

Cela a commencé avant ma naissance. Ma mère biologique était une jeune étudiante non mariée, et elle a décidé de me faire adopter. Elle tenait vraiment à ce que je sois adopté par des personnes diplômées d’études supérieures, et tout a été arrangé pour que je sois adopté, dès ma naissance, par un avocat et sa femme. Mais quand j’ai pointé le bout de mon nez, ils décidèrent à la dernière minute qu’ils voulaient vraiment une fille. Alors mes parents, qui étaient en liste d’attente, reçurent un coup de fil dans la nuit leur demandant : « Nous avons un bébé garçon non prévu. Le voulez-vous ? » Ils répondirent « Bien sûr. » Ma mère biologique découvrit plus tard que ma mère n’avait pas de diplôme d’études supérieures, et que mon père n’avait même pas son bac. Elle refusa alors de signer les papiers d’adoption. Ce n’est que plusieurs mois après qu’elle accepta, après que mes parents lui aient promis qu’ils me feraient faire des études.

Et 17 ans après, c’est en effet ce que je fis. Mais, naïf que j’étais, j’avais choisi une université [Reed College] qui coûtait presque aussi cher que Stanford, et toutes les économies de mes parents (qui gagnaient peu) étaient dépensées en frais de scolarité. Après 6 mois, je n’en voyais plus l’intérêt. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire de ma vie, et aucune idée sur l’aide que l’université pourrait m’apporter dans cette question. Et j’y étais, en train de dépenser l’argent que mes parents avaient économisé toute leur vie. Alors j’ai décidé d’abandonner mes études, et de me dire que tout allait s’arranger. C’était plutôt effrayant, comme décision, mais quand j’y repense, c’est une des meilleures décisions de toute ma vie. Dès que j’ai décidé d’abandonner, j’ai pu arrêter les cours obligatoires qui ne m’intéressaient pas, et commencer des cours qui me semblaient intéressants. 

Ce n’était pas paradisiaque. Je n’avais pas de logement à la cité universitaire, alors je dormais sur le sol de la chambre de copains, je collectais les bouteilles de coca pour récupérer les 5 cents de consigne et m’acheter de quoi manger, et chaque dimanche soir, je faisais 10 km à pied, traversant la ville pour aller consommer un bon repas au temple Hare Krishna. J’ai adoré ça. Et la plupart des choses que j’ai découvertes en suivant ma curiosité et mon intuition se sont avérées inestimables après coup. En voici un exemple.

Le Reed College offrait à cette époque ce qui était probablement la meilleure formation à la calligraphie de tous les Etats-Unis. Partout sur le campus, chaque affiche, chaque étiquette, était superbement calligraphiée à la main. Sachant que j’avais abandonné, et donc que je n’avais plus à suivre les cours obligatoires, je me suis inscrit à un cours de calligraphie, pour apprendre comment faire. J’ai appris les lettres Serif et San Serif, l’espace variable qui existait entre les différentes lettres, et toutes les choses qui rendent la calligraphie superbe. J’y trouvais la Beauté, l’Histoire, et l’Art d’une manière subtile que la science ne pourra jamais appréhender. C’était fascinant.

Rien de tout cela n’avait l’ombre d’une chance de pouvoir être utile dans ma vie. Mais dix ans après, tandis que nous étions en train de concevoir le premier ordinateur Macintosh, tout cela m’est revenu. Et nous l’avons intégré dans le Mac. C’était le premier ordinateur avec une belle typographie. Si je ne m’étais pas inscrit en auditeur libre à ce cours d’université, le Mac n’aurait jamais eu différentes polices de caractères, ou des polices à espacement variable. Et comme Windows ne fait que copier le Mac, cela signifie qu’aucun ordinateur n’aurait eu ces polices. Si je n’avais pas abandonné mes études supérieures, je ne me serais pas inscrit dans ce cours de calligraphie, et les ordinateurs personnels n’auraient peut-être pas eu la belle typographie qu’ils ont aujourd’hui. Bien sûr, il était impossible de connecter ces points par avance quand j’envisageais mon avenir à cette époque. Mais ce fut très très clair quand je regardai en arrière, dix ans plus tard. 

Je le répète, vous ne pouvez pas connecter les points quand vous regardez vers l’avenir, vous ne pouvez le faire qu’en regardant le passé. Alors vous devez être confiant : les points vont se connecter entre eux à l’avenir. Vous devez avoir confiance en quelque chose – vos tripes, votre destin, karma, quoi que ce soit. Cette manière de faire ne m’a jamais déçu, et elle a fait toute la différence dans ma vie. 

Ma deuxième histoire parle d’amour et de perte.

J’ai eu de la chance : j’ai trouvé rapidement ce que j’aimais faire dans la vie. Woz [Steve Wozniak] et moi avons démarré Apple dans le garage de mes parents quand j’avais 20 ans. Nous avons travaillé dur, et en 10 ans, Apple a changé : de deux personnes dans un garage, c’est devenu une société de 4 000 salariés avec des ventes de 2 milliards de dollars. L’année précédente, nous venions de lancer notre meilleure création – le Macintosh – et je venais d’avoir 30 ans. Et là, j’ai été viré. Comment peut-on être viré de la société qu’on a créé ? Eh bien, comme Apple se développait, nous avons embauché quelqu’un dont je pensais qu’il était très doué pour gérer la compagnie avec moi, et la première année, les choses se passèrent très bien. Mais bientôt, nos visions de l’avenir commencèrent à diverger et finalement, nous nous sommes fâchés. Quand cela arriva, notre conseil d’administration se rangea à ses côtés. Aussi, à 30 ans j’ai été mis dehors. De manière extrêmement médiatisée. Ce qui avait été l’enjeu de toute ma vie d’adulte avait disparu, et j’étais dévasté.

Pendant plusieurs mois, je n’ai vraiment pas su quoi faire. Je sentais que j’avais déçu la précédente génération d’entrepreneurs. Que j’avais lâché le témoin qu’ils m’avaient transmis. J’ai rencontré David Packard et Bob Noyce et j’ai essayé de m’excuser pour avoir foiré si lamentablement. J’étais un raté très médiatisé, et j’ai même envisagé de fuir loin de la [Silicon] Valley. Mais quelque chose commença à m’apparaître : je continuais à aimer ce que je faisais. Ce qui s’était passé chez Apple n’avait rien changé du tout à cela. J’avais été éconduit, mais j’étais toujours amoureux. Alors j’ai décidé de recommencer.

Je ne l’ai pas vu comme ça à ce moment, mais mon licenciement d’Apple a été une meilleures choses qui me soit arrivée. Le poids du succès a été remplacé par la légèreté du nouveau débutant, celui qui n’était plus aussi sûr de rien. Cela m’a libéré et m’a permis d’entrer dans une des périodes les plus créatives de ma vie. 

Dans les cinq années suivantes, j’ai créé une société appelée NeXT, une autre appelée Pixar, et je suis tombé amoureux d’une femme extraordinaire qui allait devenir mon épouse. Pixar a produit le premier film d’animation par ordinateur, Toy Story, et est aujourd’hui le meilleur studio d’animation au monde. Dans un coup du sort assez étonnant, Apple a racheté NeXT, je suis retourné chez Apple, et la technologie que nous avions développée chez NeXT a été le catalyseur de la renaissance d’Apple. Et Laurene et moi avons désormais une famille géniale. 

Je pense que rien de ceci ne serait arrivé si je n’avais pas été viré d’Apple. Le remède a été désagréable, mais je pense que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous balance un coup de brique sur la tête. Ne perdez pas la foi. Je suis sûr que la seule chose qui m’a fait continuer, c’était que j’aimais faire ce que je faisais. Vous devez trouver ce que vous aimez. Et c’est vrai aussi bien pour votre travail que pour votre partenaire. Votre travail va prendre une grande part de votre vie, et la seule manière d’être vraiment satisfait, c’est de faire ce que vous pensez être du beau boulot. Et la seule manière de faire du beau boulot, c’est d’aimer ce que vous faites. Si vous n’avez pas encore trouvé, continuez à chercher. Ne vous arrêtez pas. C’est comme ça pour tout ce qui touche au coeur : vous le saurez quand vous l’aurez trouvé. Et comme pour tout grand amour, ça devient de mieux en mieux au fil des années. Alors continuez à chercher jusqu’à ce que vous trouviez. Ne vous arrêtez pas.

Ma troisième histoire parle de la mort.

Quand j’avais 17 ans, j’ai lu une citation du genre : « Si vous vivez chaque jour comme si c’était le dernier, un jour viendra qui vous donnera raison ». J’en ai été marqué, et depuis lors, au cours des 33 dernières années, je me suis regardé dans le miroir chaque matin et je me suis dit : « Si c’était le dernier jour de ma vie, est-ce que je voudrais faire ce que j’ai à faire aujourd’hui ? » Et à chaque fois que la réponse est « Non » plusieurs matins d’affilée, je sais que je dois changer quelque chose.

L’outil le plus important que j’aie trouvé pour m’aider à prendre de grandes décisions, c’est de me souvenir que je serai bientôt mort. Parce que presque tout – ce qu’on espère des autres, l’orgueil, la peur d’être ridicule ou de se planter – tout cela disparaît face à la mort, et ne reste que ce qui est vraiment important. Pour éviter le piège de penser que vous avez quelque chose à perdre, le meilleur moyen est de vous rappeler que vous allez mourir. Vous êtes déjà nu. Alors autant suivre votre coeur. 

Il y a un an, on m’a diagnostiqué un cancer. J’ai subi un scanner à 7h30 du matin, qui révélait une tumeur sur mon pancréas. Je ne savais même pas ce qu’était un pancréas. Les docteurs m’ont dit que c’était presque certainement un cancer incurable, et que je devais m’attendre à vivre juste 3 à 6 mois. Mon docteur m’a conseillé de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui est le langage codé des docteurs pour dire que je devais me préparer à mourir. Cela signifie de dire à vos enfants, en quelques mois, toute les choses dont vous pensiez que vous auriez 10 ans pour leur dire. Cela signifie de tout préparer de telle sorte que ce soit le plus facile possible pour votre famille. Cela signifie de faire vos adieux.

J’ai vécu avec ce diagnostic toute la journée. Le soir-même, j’ai eu une biopsie, ils m’ont plongé un endoscope dans la gorge, passé mon estomac, puis mes intestins, ils ont enfoncé une aiguille dans mon pancréas et ont récupéré quelques cellules de la tumeur. J’étais anesthésié, mais ma femme qui était présente m’a dit que quand ils ont examiné les cellules au microscope, les médecins en ont pleuré, parce que c’était en fait une forme très rare de cancer du pancréas qu’on peut soigner par la chirurgie. J’ai été opéré, et je vais bien maintenant.

Ce fut le moment où j’ai été le plus proche de la mort, et j’espère ne pas revivre ça avant plusieurs dizaines d’années. Après ce que j’ai vécu, je peux désormais vous le dire avec un peu plus de certitude que quand la mort était un concept certes utile, mais purement intellectuel :

Personne ne veut mourir. Même ceux qui veulent aller au Paradis ne veulent pas mourir pour y aller. Et pourtant, la mort est notre destination finale à tous. Personne n’y a jamais échappé. Et c’est comme cela que les choses doivent être, car la Mort est probablement la meilleure invention de la Vie.C’est l’agent du changement de la Vie. Elle supprime le vieux pour laisser la place au jeune. Aujourd’hui, le nouveau c’est vous, mais un jour qui n’est pas très éloigné, vous deviendrez le vieux et serez éliminés. Désolé d’être aussi mélodramatique, mais c’est la vérité.

Votre temps est limité, alors ne le perdez pas à vivre la vie de quelqu’un d’autre. Evitez d’être piégé par le dogme – c’est-à-dire vivre sur les résultats des pensées des autres. Ne laissez pas votre voix interne être noyée par le bruit des opinions des autres. Et plus important que tout, ayez le courage de suivre votre coeur et votre intuition. Eux savent déjà ce que vous voulez réellement devenir. Tout le reste est secondaire.

Quand j’étais jeune, il y avait ce livre génial qui s’appelait Le catalogue de toute la Terre, et c’était une des bibles de ma génération. C’est un gars nommé Stewart Brand qui l’a créé pas loin d’ici, à Menlo Park, et il lui a donné vie avec son sens poétique. C’était dans les années 60, avant les ordinateurs personnels et la publication assistée par ordinateur, ce qui veut dire qu’il travaillait avec des machines à écrire, des ciseaux, et des appareils Polaroïd. C’était une sorte de Google en livre, 35 ans avant Google : c’était idéaliste, et le livre débordait d’outils géniaux et de notions claires. 

Stewart et son équipe publièrent plusieurs éditions du Catalogue de toute la Terre, et quand son temps arriva, ils publièrent une dernière édition. C’était dans les années 70, et j’avais votre âge.

Au dos de leur dernière édition, on voyait la photo d’une route déserte, au petit matin, le genre de route où vous pouviez vous imaginer faire du stop, si vous étiez du genre aventureux. En légende, les mots « Ayez faim. Soyez fou ». C’était leur message d’adieu, pour leur dernier livre. Ayez faim. Soyez fou. Je me suis toujours souhaité ça. Et maintenant, alors que vous allez être diplômés pour recommencer à nouveau, je vous le souhaite.
Ayez faim. Soyez fou.

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les « coups de génie » de Steve J. et ses 10 commandements

 

A Otto & Jorge, européens …

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Deux européens convaincus nous ont quitté cet été. D’origine, de sensibilités différentes, leur parcours exceptionnel à plus d’un titre s’est confondu à l’histoire européenne et a traversé les passions les plus tumultueuses du siècle dernier, comme ses heures les plus tragiques.

J’ai eu l’honneur de rencontrer l’un, l’autre a marqué ma jeunesse et a contribué à façonner durablement la personne que je suis aujourd’hui.

Otto de Hasbourg, disparu à l’âge de 98 ans, né en novembre 1912. A la mort de son grand-oncle l’empereur François-Joseph, en 1916, le père d’Otto, Charles Ier devient le dernier empereur d’Autriche et dernier roi de Hongrie et de Bohême,

Jorge Semprun, qui nous a quitté à 87 ans. Emigré républicain espagnol, puis résistant en France, déporté en 1943 à Buchenwald, activiste communiste et anti-franquiste, exclu du Comité exécutif du Parti Communiste Espagnol en 1964 pour liberté d’esprit, il se consacre alors à l’écriture, que ce soit en français ou en espagnol, et devient ministre de la Culture espagnole de 1988 à 1991,

Chacun d’entre eux parlaient plusieurs langues, a vécu plusieurs vies et en a fait le bilan. Passion commune chevillée au corps et à l’esprit, l’Europe …
Que diraient ils aujourd’hui face à la crise grecque et aux soubresauts, onde de choc, Tsunami, les commentateurs ne sont pas avares d’adjectifs, qu’elle suscite sur notre continent et sa destinée prochaine ?

Nous reparlerons sur ce blog, très prochainement du sillon creusé par ces deux européens, qui chacun à sa manière a marqué de son empreinte, ce continent, son histoire et sa perception …

PS : l’illustration de cet article est le logo choisi lors de la présidence européenne Grecque, c’était en 2003, une éternité … Pour les autres présidences

 

Du licenciement abusif en matière d’opinion …

 

entrer des mots clefs

« Je lui dirais… 

 que les sottises imprimées

n’ont d’importance qu’aux lieux

où l’on en gêne le cours;

que, sans la liberté de blâmer,

il n’est point d’éloge flatteur;

et qu’il n’y a que les petits hommes,

qui redoutent les petits écrits. »

Le mariage de Figaro (1784), V, 3
Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

Pour en savoir un peu plus

Note sur ce sujet ( Note précédente)

Article du Monde, suite de la note (Radio France condamné)

 

 

 

 

Article du Monde

 

L’humoriste Stéphane Guillon a remporté une large victoire judiciaire contre Radio France, vendredi 28 janvier. La radio publique a été condamnée par le conseil de prud’hommes de Paris pour avoir licencié l’humoriste « sans causes réelles et sérieuses ».

Les contrats à durée déterminée (CDD) de Stéphane Guillon depuis avril 2003 ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée (CDI). A ce titre, les prud’hommes attribuent 150 000 euros d’indemnités pour licenciement injustifié à l’humoriste. Mais Stéphane Guillon obtient également 41 981,70 euros d’indemnités de licenciement ; 11 581,16 euros pour le préavis de licenciement ; 5 790,58 euros d’indemnités de requalification ; 1 158,11 euros pour les congés payés et 1 500 euros pour ses frais de justice. En tout, le licenciement de l’humoriste pourrait donc coûter la coquette somme de 212 011,55 euros à Radio France.

Contacté par Le Monde.fr, l’avocat de Radio France, Dominique Barthes se refuse à tout commentaire « avant d’avoir reçu la notification du jugement ». L’avocat de Stéphane Guillon n’était pas joignable en début d’après-midi.

Stéphane Guillon avait appris son licenciement le 23 juin 2010, dans un entretien au Monde de Jean-Luc Hees, le PDG de Radio France, après plusieurs mois de polémiques entre l’humoriste et sa direction. Plusieurs chroniques sur des personnalités politiques et sur Jean-Luc Hees et Philippe Val, le directeur de France Inter, avaient suscité l’ire de ces deux derniers.

« Si l’humour se résume à l’insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais aussi pour moi. Quel patron d’une grande entreprise accepterait de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner ? », avait affirmé M. Hees au Monde. La nomination du PDG de la radio publique par Nicolas Sarkozy lui-même, supposé hostile à Stéphane Guillon, avait également renforcé les critiques de l’opposition sur les raisons de ce licenciement.

LANGUE ACERBE

L’humoriste officiait trois jours par semaine à 7 h 55 sur France Inter. Il n’hésitait pas à manier une langue acerbe à propos des invités de la matinale. Une chronique sur les frasques supposées de Dominique Srauss-Kahn en février 2009 et une autre comparant Eric Besson, alors ministre de l’immigration, à « une taupe », en mars 2010, avaient ainsi suscité des vives critiques des deux hommes politiques. La direction de France Inter avait dans les deux cas présenté ses excuses aux personnalités moquées.

A la fin de mai 2010, Didier Porte, qui réalise la chronique humoristique le jeudi, est au cœur d’une polémique pour avoir fictivement conseillé à Dominique de Villepin de répéter après lui la phrase « J’encule Sarkozy ». Son avenir sur France Inter est remis en question après sa convocation dans le bureau de Philippe Val, où il écope d’un avertissement. Il sera également licencié à la fin de la saison.

Stéphane Guillon, prétextant « bouder » de ne pas avoir été mis à la porte alors que ses chroniques font déjà grand bruit, défie alors sa direction. « Si je dis que je sodomise le président, ça fait un avertissement. Mais si je dis que je sodomise le président, qui a des yeux de merlan frit : attaque physique, deuxième avertissement ! »

Quelques jours plus tard, la direction tranche et décide de licencier l’humoriste, suscitant de vives critiques des syndicats de France Inter et de plusieurs partis d’opposition. La direction a « agi sur ordre politique », affirme alors Stéphane Guillon dans Le Monde. « Ils (les membres de la direction) donnent des gages à Sarkozy, qui les a nommés », conclut-il.

 

 

Première pierre …

 

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Si par malheur ils survivaient
C’était pour partir à la guerre
C’était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelque sabreur
Qui exigeait du bout des lèvres
Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Couverts de prèles oui notre Monsieur
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps de souffle d’un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?


Jacques Brel



Le dernier discours de Jean Jaurès, contre la guerre («On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre.»), dans lequel il revient sur les causes qui vont expliquer la tragédie.

 

 

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25 juillet 1914

Discours de Jean Jaurès sur les responsabilités de la guerre

Prononcé à Lyon-Vaise


Voici le dernier discours de Jean Jaurès. Il a été prononcé dans la banlieue lyonnaise le 25 juillet 1914, à l’occasion d’un meeting électoral en faveur du socialiste Moutet.  Cinq jours plus tard, Jaurès était assassiné au café du Croissant, à Paris.

 

 

Citoyens,


Je veux vous dire ce soir que jamais nous n’avons été, que jamais depuis quarante ans l’Europe n’a été dans une situation plus tragique que celle où nous sommes à l’heure où j’ai la responsabilité de vous adresser la parole.

Ah ! Citoyens, je ne veux pas forcer les couleurs sombres du tableau, je ne veux pas dire que la rupture diplomatique dont nous avons eu la nouvelle il y a une demi-heure, entre l’Autriche et la Serbie, signifie nécessairement qu’une guerre entre l’Autriche et la Serbie va éclater et je ne dis pas que si la guerre éclate entre la Serbie et l’Autriche le conflit s’étendra nécessairement au reste de l’Europe, mais je dis que nous avons contre nous, contre la paix, contre la vie des hommes à l’heure actuelle, des chances terribles et contre lesquelles il faudra que les prolétaires de l’Europe tentent les efforts de solidarité suprême qu’ils pourront tenter.

Citoyens, la note que l’Autriche a adressée à la Serbie est pleine de menaces et si l’Autriche envahit le territoire slave, si les Germains, si la race germanique d’Autriche fait violence à ces Serbes qui sont une partie du monde slave et pour lesquels les Slaves de Russie éprouvent une sympathie profonde, il y a à craindre et à prévoir que la Russie entrera dans le conflit, et si la Russie intervient pour défendre la Serbie, l’Autriche ayant devant elle deux adversaires, la Serbie et la Russie, invoquera le traité d’alliance qui l’unit à l’Allemagne et l’Allemagne fait savoir qu’elle se solidarisera à l’Autriche. Et si le conflit ne restait pas entre l’Autriche et la Serbie, si la Russie s’en mêlait, l’Autriche verrait l’Allemagne prendre place sur les champs de bataille à ses côtés. Mais alors, ce n’est plus seulement le traité d’alliance entre l’Autriche et l’Allemagne qui entre en jeu, c’est le traité secret mais dont on connaît les clauses essentielles, qui lie la Russie et la France, et la Russie dira à la France : « J’ai contre moi deux adversaires, l’Allemagne et l’Autriche, j’ai le droit d’invoquer le traité qui nous lie ; il faut que la France vienne prendre place à mes côtés ». A l’heure actuelle, nous sommes peut-être à la veille du jour où l’Autriche va se jeter sur les Serbes, et alors l’Autriche et l’Allemagne se jetant sur les Serbes et les Russes, c’est l’Europe en feu, c’est le monde en feu.

Dans une heure aussi grave, aussi pleine de périls pour nous tous, pour toutes les patries, je ne veux pas m’attarder à chercher longuement les responsabilités. Nous avons les nôtres, Moutet l’a dit et j’atteste devant l’Histoire que nous les avions prévues, que nous les avions annoncées ; lorsque nous avons dit que pénétrer par la force, par les armes au Maroc, c’était ouvrir à l’Europe l’ère des ambitions, des convoitises et des conflits, on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c’est nous qui avions le souci de la France.

Voilà, hélas ! notre part de responsabilités, et elle se précise, si vous voulez bien songer que c’est la question de la Bosnie-Herzégovine qui est l’occasion de la lutte entre l’Autriche et la Serbie et que nous, Français, quand l’Autriche annexait la Bosnie-Herzégovine, nous n’avions pas le droit ni le moyen de lui opposer la moindre remontrance, parce que nous étions engagés au Maroc et que nous avions besoin de nous faire pardonner notre propre péché en pardonnant les péchés des autres.

Et alors notre ministre des Affaires Étrangères disait à l’Autriche : « Nous vous passons la Bosnie-Herzégovine, à condition que vous nous passiez le Maroc » et nous promenions nos offres de pénitence de puissance en puissance, de nation en nation, et nous disions à l’Italie : « Tu peux aller en Tripolitaine, puisque je suis au Maroc, tu peux voler à l’autre bout de la rue, puisque moi j’ai volé à l’extrémité ».

Chaque peuple paraît à travers les rues de l’Europe avec sa petite torche à la main et maintenant voilà l’incendie. Eh bien ! Citoyens, nous avons notre part de responsabilité, mais elle ne cache pas la responsabilité des autres, et nous avons le droit et le devoir de dénoncer, d’une part, la sournoiserie et la brutalité de la diplomatie allemande, et, d’autre part, la duplicité de la diplomatie russe. Les Russes qui vont peut-être prendre parti pour les Serbes contre l’Autriche et qui vont dire : « Mon cœur de grand peuple slave ne supporte pas qu’on fasse violence au petit peuple slave de Serbie ». Oui, mais qui est-ce qui a frappé la Serbie au cœur ? Quand la Russie est intervenue dans les Balkans, en 1877, et quand elle a créé une Bulgarie, soit-disant indépendante, avec la pensée de mettre la main sur elle, elle a dit à l’Autriche : « Laisse-moi faire et je te confierai l’administration de la Bosnie-Herzégovine ». L’administration, vous comprenez ce que cela veut dire, entre diplomates, et du jour où l’Autriche-Hongrie a reçu l’ordre d’administrer la Bosnie-Herzégovine, elle n’a eu qu’une pensée, c’est de l’administrer au mieux de ses intérêts.

Dans l’entrevue que le ministre des Affaires Étrangères russe a eue avec le ministre des Affaires Étrangères de l’Autriche, la Russie a dit à l’Autriche : « Je t’autoriserai à annexer la Bosnie-Herzégovine à condition que tu me permettes d’établir un débouché sur la mer Noire, à proximité de Constantinople ». Monsieur Aetenthal a fait un signe que la Russie a interprété comme un oui, et elle a autorisé l’Autriche à prendre la Bosnie-Herzégovine, puis quand la Bosnie-Herzégovine est entrée dans les poches de l’Autriche, elle a dit à l’Autriche : « C’est mon tout pour la mer Noire » – « Quoi ? Qu’est-ce que je vous ai dit ? Rien du tout ! », et depuis c’est la brouille avec la Russie et l’Autriche, entre Monsieur Iswolsky, ministre des Affaires Étrangères de la Russie, et Monsieur Aerenthal, ministre des Affaires Étrangères de l’Autriche ; mais la Russie avait été la complice de l’Autriche pour livrer les Slaves de Bosnie-Herzégovine à l’Autriche-Hongrie et pour blesser au cœur les Slaves de Serbie.

C’est ce qui l’engage dans les voies où elle est maintenant.

Si depuis trente ans, depuis que l’Autriche a l’administration de la Bosnie-Herzégovine, elle avait fait du bien à ces peuples, il n’y aurait pas aujourd’hui de difficultés en Europe ; mais la cléricale Autriche tyrannisait la Bosnie-Herzégovine ; elle a voulu la convertir de force au catholicisme ; en la persécutant dans ses croyances, elle a soulevé le mécontentement de ses peuples.

La politique coloniale de la France, la politique sournoise de la Russie et la volonté brutale de l’Autriche ont contribué à créer l’état de choses horrible où nous sommes. L’Europe se débat comme dans un cauchemar.

Eh bien ! Citoyens, dans l’obscurité qui nous environne, dans l’incertitude profonde où nous sommes de ce que sera demain, je ne veux prononcer aucune parole téméraire, j’espère encore malgré tout qu’en raison même de l’énormité du désastre dont nous sommes menacés, à la dernière minute, les gouvernements se ressaisiront et que nous n’aurons pas à frémir d’horreur à la pensée du cataclysme qu’entraînerait aujourd’hui pour les hommes une guerre européenne.

Vous avez vu la guerre des Balkans, une armée presque entière a succombé soit sur le champ de bataille, soit dans les lits d’hôpitaux, une armée est partie à un chiffre de trois cent mille hommes, elle laisse dans la terre des champs de bataille, dans les fossés des chemins ou dans les lits d’hôpitaux infectés par le typhus cent mille hommes sur trois cent mille.

Songez à ce que serait le désastre pour l’Europe : ce ne serait plus, comme dans les Balkans, une armée de trois cent mille hommes, mais quatre, cinq et six armées de deux millions d’hommes. Quel massacre, quelles ruines, quelle barbarie ! Et voilà pourquoi, quand la nuée de l’orage est déjà sur nous, voilà pourquoi je veux espérer encore que le crime ne sera pas consommé. Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis, et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe. Déjà, dans le Vorwaerts, nos camarades socialistes d’Allemagne s’élèvent avec indignation contre la note de l’Autriche et je crois que notre bureau socialiste international est convoqué.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

J’aurais honte de moi-même, citoyens, s’il y avait parmi vous un seul qui puisse croire que je cherche à tourner au profit d’une victoire électorale, si précieuse qu’elle puisse être, le drame des événements.

Mais j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix


 

Total respect

 

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Etre libre,ce n’est pas seulement
se débarrasser de ses chaînes ;

c’est vivre d’une façon qui respecte
et renforce la liberté des autres. »


Nelson Mandela

le 11 février 1990, Nelson Mandela sortait de prison