Ne l’appelait plus jamais Clem’

Coincé dans les eaux de Méditerranée, le porte avion Clemenceau devait terminer son dernier voyage en Inde aprés deux mois de traversée afin d’y être démantelé ; à un détail prés, la Cour Suprême de ce pays lui a interdit l’accès de ses eaux territoriales estimant que la quantité d’amiante à traiter violait la convention de Bâle relative à l’élimination des déchets dangereux.

L’odyssée pitoyable de ce fleuron de la flotte nationale, porte drapeau ayant porté haut nos couleurs dans toutes les eaux du globe et lors des derniers conflits du XXeme siècle est instructive, non sur le fait de savoir si un matériel militaire est concerné par cette convention, mais par trois erreurs lourdes de sens commises par le Gouvernement : L’absence de filière de démantelement, les dangers de l’amiante, l’affront fait à l’Inde.

 L’absence de filière de démantèlement

Puissance navale de premier rang, nous possédons une flotte importante , une industrie et des chantiers navals qui luttent actuellement pour leur survie. La société aujourd’hui demande aux industriels de posséder certes l’art de faire mais également celui de défaire; cette tendance se généralise sur l’ensemble des secteurs industriels et pose beaucoup de problèmes à notre industrie nationale, tout secteur confondu. Le Développement Durable impose pourtant la création de ce type de filière, véritable passage obligé, et tant mieux pour la planète.

Les coques du Clémenceau comme celles de la majorité des navires construits aprés la deuxième guerre recèlent beaucoup d’amiante, l’emploi de ce matériau étant inévitable à l’époque par ses qualités d’isolant au feu, la faiblesse de son coût, sa toxicité n’ayant pas été avérée (quoique …).

Au regard de la décision prise par le gouvernement, certaines questions méritent d’être posées :

  • Ce type de process industriel est il impossible techniquement à accomplir dans un chantier naval français ?
  • Est il créateur d’emplois ?
  • Le Clémenceau est il un cas unique ?

Car ce marché est viable économiquement pour notre industrie : du fait de la technicité qu’il requiert et de l’importance du stock d’amiante contenu dans de nombreux ouvrages ou équipements  (bâtiment notamment …), de fait, le désamiantage est malheureusement  un marché porteur.

Les dangers de l’amiante

Entre autres inconvénients, l’amiante présente la caractéristique d’être trés volatile, ce qui le rend d’autant plus dangereux. Effectuer un  désamiantage est une opération délicate à mener : il faut confiner et rendre étanche la zone à décontaminer avant de pouvoir l’extraire. Au regard des dangers évoqués, cette procédure est une opération plus que délicate malgré une réglementation très stricte et le risque environnemental est présent à toutes les étapes : extraction, transport et traitement.

Cette technique est désormais maîtrisée dans nos pays, mais depuis assez peu de temps, et rien n’assure que les procédures mises au point en Europe soient généralisées sur d’autres continents.

La découverte du fléau de l’amiante ne remonte officiellement en France qu’à 1997, même si ses dangers sont connus depuis bien plus de temps (début du siècle dernier). Difficulté majeure, si le temps d’exposition ou la quantité de fibres absorbés sont des paramètres significatifs, ils ne sont pas déterminants, une exposition ou une quantité absorbée infime peut se révéler mortelle, ce qui a amené l’Etat malgré la puissance du lobby des producteurs, qui a fait ses preuves jusque dans un passé récent, a procédé finalement aprés bien des altermoiements coupables (on se rappelle le scandale des veuves de l’amiante) à son interdiction totale.

Le problème aujourd’hui est que l’on trouve de l’amiante dans nombre d’endroits trés divers, notamment dans le bâtiment : plafonds, sols, tuyauteries mais également industrie automobile (freins), partout où l’on doit agir contre la chaleur. Ce risque est si important que lors d’une vente de bien immobilier un diagnostic « amiante » doit être effectué obligatoirement; il est dommageable que cette obligation n’est pas été étendu aux propriétaires vis à vis de leurs locataires. .

L’offense faite à l’Inde

Cette affaire est également exemplaire des relations Nord / Sud dans le domaine de l’Environnement et de l’élimination des déchets toxiques ou dangereux. On ne peut que regretter le mauvais exemple donné par la France, surtout après les déclarations de Chirac sur le Développement Durable et la « maison qui brûle ».

Débattre pour savoir si un matériel militaire doit s’affranchir de la convention de Bâle comme le fait l’Etat français est une insulte à l’intelligence des peuples et au Développement Durable. Poser simplement la problématique en ces termes est inacceptable et scandaleux. Saluons au contraire le rôle joué par la convention de Bâle qui protège la santé des populations des pays du Tiers monde (quelquefois malgré leurs dirigeants) en limitant ce type d’exportation. Elle n’autorise l’exportation  des matériaux dangereux que lorsque le Pays d’origine « ne dispose pas des moyens techniques et des installations nécessaires pour éliminer les déchets en question selon des méthodes écologiquement rationnelles et efficaces ». Est ce le cas de la France ?

Le temps aussi de considérer l’Inde tout autrement. Cette grande nation ne plus être considérée comme un pays du Tiers Monde, loin s’en faut, mais comme un pays état souverain disposant d’une économie florissante, d’un système éducatif qui donne des résultats remarquables, et d’une démocratie qui s’est confortée ces dernières années même si cette nation est toujours une terre de contraste.

La patrie de  Amartya Sen, prix Nobel de l’Economie commence désormais à jouer dans la cour des grands, voir des trés grands, il serait bon de s’en souvenir dans les années à venir.

Impressions sur Riou

Durant  la semaine de Toussaint, j’ai plongé sur l’archipel de Riou (situé au Sud de Marseille), ce court séjour m’a permis de constater sur place les progrès réalisés depuis 20 ans dans la protection de l’environnement …

Depuis juillet 1992, l’archipel de Riou est la propriété du Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres, situé sur le territoire de la ville de Marseille, dans le 8eme arrondissement et dans le site classé des calanques (à l’instar de Morgiou et Sormiou), il offre à ses visiteurs un paysage minéral spectaculaire découpé de falaises vertigineuses. La diversité de sa faune et de sa flore est exceptionnelle, ses îles jouent un rôle capital dans la reproduction de nombreuses familles d’oiseaux marins de la rade phocéenne. Deux dangers perturbent cependant cette belle harmonie : la présence de populations animales introduites par l’homme (rats et lapins) et la fréquentation de ces lieux enchanteurs par les plaisanciers.

La faune et la flore sous marine de l’archipel sont d’une diversité et d’une richesse rare; certains de ses sites sont quasi mythiques (Impériaux , Grand Conglue …) dans le petit monde de la plongée sous marine et ont marqué et façonnés des générations de plongeurs.  La profondeur (plus de 60 mètres), l’atmosphère, l’ambiance, la luminosité, l’intensité des bleus y règnant, la richesse de la faune et de la flore, les tombants de gorgones rouges interminables, la diversité du relief sous marin avec la présence de nombreuses grottes, arches et tunnels font de ces plongées des moments exceptionnels et inoubliables

Autre satisfaction et non des moindres, lors de nos plongées, nous avons rencontré, dès dix mètres de profondeur, des mérous, des langoustes et du corail en fleurs à profusion, rencontres encore impossible dans cette zone il y a seulement une quinzaine d’années.

En défense de l’environnement, il n’y a pas de fatalité mais …

Le Conservatoire du Littoral qui gère désormais l’archipel constitue une véritable chance pour la défense du patrimoine naturel et met un terme aux spéculations immobilières qui ont dénaturé trop de « bords de mer » et confisqués une partie du patrimoine naturel national au profit de quelques privilégiés fortunés. Natif de Hyéres , je ne peux que regretter la création tardive d’une telle structure qui aurait permis de sauver du béton des centaines de kilomètres de rivages magnifiques. Nous devons demeurer extrêmement vigilant sur toute limitation (textes, moyens financiers et juridiques) de l’action et du rôle de ce type de structures qui sont d’une importance vitale pour la défense de notre patrimoine naturel.

Dans les premiers films et livres de Cousteau (« Le Monde du Silence » notamment) le corail et les mérous étaient les victimes expiatoires toutes désignés des « hommes grenouilles ». Au fil des voyages, des films, des rencontres, le message du Capitaine de la Calypso s’est transformé en une défense exigeante et passionnée de l’écosystème sous marin. La popularité de Cousteau, notamment, a facilité une prise de conscience générale  avec l’installation de stations d’épuration, l’élaboration de schémas d’assainissement, l’éducation des pratiquants de chasse (il n’y a pas ici de guerre de la palombe) et de plongée sous marine, l’arrêt de pratiques néfastes telle le pillage du corail. Minéral par son squelette, végétal par son allure, animal en réalité, il a toujours été associé à l’histoire de la Méditerranée et fascine les hommes depuis les temps préhistoriques. La légende rapporte que c’est Persée qui en tranchant la tête de la Gorgone sur un lit d’algues marines rapidement recouvertes du sang coulant transforma ces algues pétrifiées en corail rouge. Dans l’antiquité « l’or rouge » s’échangeait contre l’ambre de la mer du Nord, au Moyen Âge il était considéré à la fois comme un talisman contre le mauvais sort et comme un médicament (en poudre), puis il a été jusqu’à aujourd’hui beaucoup utilisé en bijouterie. Trop souvent les colonies de corail ont été victimes des « homo palminus » et tels des trophés exhibés dans les vitrines ou les aquariums des plongeurs du monde entier, une mode désormais dépassée. Dorénavant, ces même plongeurs peuvent admirer à la lueur des torches, dès les dix mètres de profondeur à peine, la beauté exceptionnelle de parois garnies de corail incandescent qui fleurissent et les ramener sous forme de fichiers photos numériques.

Ce séjour m’a permis de découvrir des îles sauvages préservées et un coté de la ville de Marseille que je ne soupçonnais pas. Je comprends mieux depuis l’oeuvre d’Izzo et son attachement à la cité Phocéenne; comme quoi, à Marseille  il n’y a a pas que la Cannebière ou l’OM, même si l’on apprécie l’un et l’autre !

Autre enseignement, exportable celui là, en matière de défense de l’environnement, s’il n’y a pas de fatalité, il faut cependant un savant cocktail de détermination, de moyens humains et financiers, de courage politique, de sens de la communication et de pédagogie pour permettre aux générations futures de s’épanouir sur la planète bleue …

Alors autant commencer tôt …

Liens utiles

Conservatoire du Littoral : http://www.conservatoire-du-littoral.fr/

Site de l’organisateur de la croisière plongée : http://www.revatua.com