Chaque 8 mai, nous célébrons lors de la même cérémonie, la fin de la seconde guerre mondiale et la journée de l’Europe du 9 mai, tant ces deux dates sont intimement liées. Cette commémoration nous permet non seulement de rappeler les enseignements de ce terrible conflit et l’horreur absolue qu’a été le nazisme, d’aborder le présent immédiat, je pense notamment au scrutin du 26 mai, mais à nous projeter également dans l’avenir pour ce qui concerne le projet européen.
J’ai tenu à rendre hommage, pour des raisons différentes, à deux femmes d’exception, Lucie Aubrac dont une de nos rues portera bientôt le nom et à laquelle un lien particulier nous lie, et évidemment à Simone Veil disparue il y a quelques mois et à qui nous devons tant.
Un constat s’impose, malheureux mais réel. Le projet Européen pour être partagé, doit (re)devenir une véritable perspective, une promesse également qui élève et fédère le plus grand nombre autour d’objectifs communs et doit savoir retrouver le chemin qui mène directement au cœur des citoyens et parle à nos territoires.
Pour ce faire il faut que l’Europe soit source d’actions concrètes et améliore le quotidien de tous, qu’elle protège avec efficacité et pugnacité ce modèle unique de société que nous avons développé, une société tout à la fois solidaire, durable, libre, démocratique, dans un monde de plus en plus incertain et brutal et une planète désormais menacée.
Au regard du faible engouement suscité par ce scrutin dans notre pays, de la fragmentation et de la prolifération des listes qui se présentent, 34, triste record s’il en est, nous en sommes aujourd’hui fort éloignés. Les politiques récoltent aussi quelquefois ce qu’ils sèment …
Chacun pressent que la France a un sérieux problème avec l’Europe, sans doute identitaire, et quelque peu Oedipien. Problème qu’il leur faudra bien régler au plus vite (voir mon dernier billet) vu la gravité et l’importance des enjeux.
L’Europe a plus besoin aujourd’hui de tailleurs de pierre que de magiciens du verbe et du slogan, encore faudrait il que nos politiques en soient persuadés et qu’ils en tiennent compte dans la composition de leurs listes respectives.
Une commémoration comme celle du 8 mai est un moment précieux qui contribue à forger la citoyenneté des plus jeunes. Aussi je veux remercier toutes les personnes qui y participent, où qu’elles se déroulent : anciens combattants de moins en moins nombreux au regard du temps qui file, musiciens, pompiers, forces de l’ordre, enseignants et enfants des écoles, citoyens aussi bien évidemment …
Il importe de faire de ces cérémonies républicaines, non seulement un temps du souvenir, permettant de rendre hommage à ceux qui sont morts pour la Nation et qui tombent encore aujourd’hui, un moment rare de citoyenneté partagée, mais également de transmission entre générations. Un temps de respiration commune.
Cette cérémonie particulière est aussi l’occasion de semer des graines de résistance et des graines d’espérance …
Car si « Résister se conjugue toujours au présent », comme aimait le dire Lucie Aubrac, n’oublions jamais que » Résistance n’est qu’espérance » (René Char).
Discours du 8 mai 2019
Cette cérémonie du 8 mai, nous rappelle l’ignominie de ce qu’a été la seconde guerre mondiale …
Nous devons toujours et encore nous souvenir, plus que tout ne jamais oublier l’inoubliable, l’abject, l’abomination de ce terrible et dramatique conflit, et plus que tout, combattre les idées nauséabondes qui l’ont provoqué.
Surtout ne pas oublier, respecter et nous montrer dignes de ce testament, écrit du sang de tous les morts qui sont tombés, tués dans les combats, fusillés par les nazis, gazés dans les camps ou victimes des bombardements …
Ce testament, légué par ceux qui ont traversé cette tragique période et qui peu à peu disparaissent, emportant avec eux, le souvenir de cette véritable peste brune qu’était le nazisme …
Cette commémoration du 8 mai est utile, précieuse, car fondatrice. Elle permet de transmettre aux nouvelles générations, toute la valeur de la paix, sa fragilité aussi, l’importance de l’amitié entre les pays et les peuples, mais aussi la gravité, l’importance, la portée et le sens du mot humanité.
La paix n’est pas un cadeau tombé du ciel, c’est un moment de grâce, une responsabilité partagée, un patrimoine commun au combien fragile qu’il convient d’apprécier et surtout de protéger.
Permettez-moi de mettre aujourd’hui à l’honneur deux femmes d’exception …
En premier lieu Lucie Bernard, devenue Lucie Samuel de par son mariage, puis Lucie Aubrac de par son héroïsme. Personnage de légende s’il en est, icône de la résistance française.
Lucie Aubrac était une femme de conviction qui a fait partie avec son mari Raymond de la frêle cohorte des pionniers de la Résistance, de celles et ceux qui dès 1940, ont refusé de se soumettre. Ils n’étaient pas nombreux alors !
Femme d’action, très impliquée dans la résistance lyonnaise, elle s’illustre en faisant évader son mari arrêté avec Jean Moulin, tous deux torturés par Klauss Barbie, et devient alors l’incarnation même de l’esprit de résistance.
Après la guerre, elle reprend son métier de professeur, puis la retraite venue sillonne la France afin de témoigner auprès des jeunes, de ce que fut réellement et concrètement la Résistance et l’horreur de l’occupation, passeuse d’une mémoire collective qu’il nous faut entretenir pour ne pas la laisser dépérir.
Comme tant d’autres, je l’ai vue à l’œuvre, ici même à Trilport, au Collège du Bois de l’enclume, certainement une des rencontres les plus marquantes de ma vie.
Lucie Aubrac ne se contentait pas de témoigner du passé, elle nous parlait également du présent et de l’avenir, car pour elle, le mot résister s’est toujours conjuguer au présent …
Pour rendre hommage à son héroïsme et aux graines de résistance qu’elle a su si bien semé notamment à Trilport, le Conseil municipal a décidé de donner son nom à une de nos rues.
Elle affectionnait particulièrement ces mots, tirés de la dernière lettre écrite par Jacques Decour, résistant, avant son exécution en mai 1942 :
« …je me considère comme une feuille qui tombe de l’arbre pour faire du terreau. La qualité du terreau dépendra de celle des feuilles. Je veux parler de la jeunesse française, en qui je mets tout mon espoir. »
Comment ne pas rendre également hommage à une femme qui fait à elle seule le lien entre 8 et 9 mai, journée de l’Europe, qui symbolise tout à la fois le souvenir de la Shoah, le combat féministe et l’engagement européen.
Je parle évidemment de Simone Veil. Déportée à Auschwitz à l’âge de 16 ans, elle y perd son père, son frère et sa mère, magistrate ensuite, puis ministre au combien emblématique, honneur de la France, elle a été la première présidente du Parlement Européen, un symbole fort, puissant et fédérateur.
Son parcours personnel est une magnifique leçon d’histoire qui explore les douleurs comme les joies du siècle dernier, c’est aussi une magnifique épopée, une incroyable leçon de vie, de dignité humaine et d’espérance dans le projet européen.
L’Europe se doit de retrouver le cœur des citoyens et leur proposer des perspectives communes et partagées à atteindre … Être à la fois concrète au quotidien et redevenir une promesse pour notre avenir.
Au regard du faible engouement suscité à priori par le scrutin du 26 mai, de la fragmentation et de la prolifération des listes qui se présentent, 33, chacun pressent que nous avons aujourd’hui un problème avec l’Europe.
Il faut lui redonner du sens, du peps, des perspectives, mais plus que tout, (re)donner envie d’Europe aux citoyens.
N’oublions pas que cette construction humaine, dont le ciment est la paix, est un modèle unique sur la planète comme dans l’histoire de l’humanité depuis que l’homme est homme. Une véritable oasis de paix et de culture reconnue et enviée par les pays du monde entier … Paradoxalement pourtant les européens doutent …
Le 8 mai, nous rappelle d’où nous sommes partis … L’horreur, la haine, la colère, le ressentiment, le sentiment de vengeance, les nationalismes exacerbés, la vague brune déferlante du nazisme et des égoïsmes nationaux … C’était l’Europe … d’avant …
le 9 mai, où nous devons aller …
« Si tout est construit sur du sable, nous devons le faire comme si le sable était de la pierre » a écrit l’écrivain argentin Jorge Luis Borges
L’Europe est aujourd’hui une cathédrale de sable en friche que nous devons collectivement rendre solide comme du roc.
Aujourd’hui, plus que jamais, à l’image de Notre Dame, l’Europe a plus besoin de tailleurs de pierre, que de magiciens du verbe.
Vive la république, vive la France, vive l’Europe