Ce soir, cérémonie des vœux, tradition républicaine oblige … Un an, jour pour jour, après l’attaque de Charlie Hebdo, notre vie depuis n’est plus tout à fait la même. J’ai en mémoire, je pense pour toujours, l’ambiance plus que particulière des cérémonies de l’an dernier, toutes placées sous le signe de « Je suis Charlie ».
A la question, pourquoi une cérémonie de vœux ? Plusieurs réponses s’imposent : passer un moment de convivialité, tant il est agréable de se retrouver un moment entre acteurs du terrain pour échanger, faire un point d’étape sur l’année qui vient de s’écouler histoire d’en tirer des enseignements utiles, apporter également quelques éclairages ou clés de lecture destinées à faciliter le décryptage d’enjeux passés ou à venir, tracer quelques perspectives sinon de monde meilleur, du moins d’actions à accomplir pour l’année qui commence, et surtout remercier de leur énergie et de leur passion, tout ceux qui font une communauté de vie. Qu’est ce qu’une ville ? Sinon toutes ces personnes qui tissent chaque jour des liens ténus, fragiles mais au combien précieux qui donnent contenu et sens au vivre ensemble.
Rarement une année aura concentré autant d’émotions aussi intenses que 2015, certainement une des plus dramatiques que la France ait connue depuis des décennies, mais aussi paradoxalement, une de celle qui nous aura le plus appris sur nous mêmes.
De l’attaque de Charlie Hebdo, au Bataclan, que de drames humains et de vies envolées … Ces faits de guerre auront agit comme un révélateur, vague de fond ébranlant le pays et l’impactant au plus profond. Des priorités essentielles, que nous laissions jusque là de coté, comme banales, presque superflues, se sont brusquement rappelées à nous : la fragilité d’une vie, la violence de la guerre, les douleurs qu’elle provoque.
Nous avions oublié que rien n’est jamais acquis définitivement, surtout l’essentiel.
En quelques jours, la fragile bulle qui nous préservait des malheurs du monde s’est brusquement et violemment déchirée … Chacun mesure depuis, la saveur de nos modes de vie, l’importance et la portée des valeurs républicaines dans la tourmente.
Plus rien désormais ne sera comme avant …
- la formidable vitalité et la force incroyable de ce pays lorsqu’il est menacé se sont révélées, ainsi que sa capacité à faire bloc face à l’adversité. La France n’est pas tombée dans le piège des terroristes cherchant à cliver, diviser, rejeter, exclure, fractionner, pour exploiter ensuite nos détresses, faiblesses ou fêlures.
- Nous mesurons tout ce que nous devons aux forces de l’ordre, pompiers, secouristes et médecins, comme à l’action de ceux qui, sur le sol national ou au-delà des mers et océans, luttent jour et nuit contre Daech.…
- C’en est fini de ce « French bashing » injuste et mortifère qui nous a collé à la peau si longtemps… Nous goutons notre chance de vivre dans un pays libre et ouvert, riche d’une qualité de vie que le monde entier nous envie, où il fait si bon se cultiver, aimer qui bon nous semble, étudier, travailler, grandir, vieillir, s’épanouir. Les images du 11 janvier resteront gravées dans la mémoire collective : de la dignité de la foule interminable rassemblée Place de la République, au recueillement des chefs d’état venus de toute la planète rendre hommage à notre pays et ses valeurs universelles de paix, liberté, tolérance …
- Nous devons cependant garder en tête une réalité brutale, douloureuse et cruelle, c’est bien notre société qui a enfanté les auteurs de ces assassinats …
La réponse sécuritaire, priorité du moment, doit être complétée de mesures sur le moyen et long terme, pour ne pas nous limiter à traiter des seuls effets et conséquences, mais des causes, multiples. Mission qui nous oblige tous : élus, éducateurs, enseignants, parents …
Confrontés à un monde en mutation, à une planète qui se délite et se fait la malle, notre société a grand besoin de repères. La citoyenneté constitue une balise clé, puisqu’elle nous aide à savoir qui, et, où nous sommes, individuellement et collectivement.
Encore faut il réapprendre à produire du commun, retrouver notre capacité collective à faire société, à construire le « vivre ensemble », en bonne intelligence…
2015, année d’elections
Un des enseignements des dernières élections locales, départementales et régionales, est l’enracinement du vote protestataire dans notre territoire.
Il peut sembler invraisemblable que tant d’électeurs aient voté pour des candidats « boite à lettres », munis pour tout bagage, de slogans, d’un logo, des deux initiales d’une formation dont le programme est suicidaire pour notre pays, alors que ces scrutins visent à désigner, avant tout, les responsables de collectivités pilotant des politiques publiques indispensables à la vie quotidienne de chacun. C’est dire que l’irrationnel s’en mêle et que l’on atteint un point de rupture qui doit absolument nous interpeller.
Je tiens à faire part de ma colère, partagée par beaucoup, tant la fracture devient croissante entre les citoyens, qui sont nos nos habitants, et le politique. Situation qui si rien n’est fait, si rien ne change, peut avoir des conséquences dramatiques pour le pays. C’est pourquoi le message des urnes doit être reçu 5 sur 5 par les appareils et états majors politiques, il y a urgence !
Où sont les réponses audibles et crédibles des politiques nationaux ?
L’entre soi et le hors sol semblent prédominer dans les états majors alors que plus que jamais, le terrain est en attente de réponses concrètes, visibles et compréhensibles. Les médias télévisés n’arrangent rien à l’affaire, reléguant la Politique au rang de télé réalité, privilégiant l’accessoire et le superflu, au fond et au sens, bien aidé par certains égos an mal de reconnaissance cathodiques oubliant que la fonction d’un politique n’est pas de commenter mais d’agir et de faire !
Force est de constater, avec regret que la télévision publique participe grandement à la sinistrose anxiogène ambiante et à la remise en cause du Politique.
Je me refuse, pour ma part, à stigmatiser les électeurs déçus, quelquefois paumés, qui, se sentant abandonnés, succombent au chant de sirènes qui leur promettent monts et merveilles, et prospérent avec méthode sur la détresse de territoires qui se désespèrent, exacerbant le rejet de l’autre, la peur de la différence et du lendemain.
Elus locaux et acteurs de terrain doivent non seulement se prendre en main, mais prendre la main pour agir, proposer, initier. Il est grand temps que nos décideurs tiennent compte des problématiques rurales et péri urbaines qui pourrissent la vie au quotidien de tant d’habitants : que ce soit sur les questions d’emplois, de transport, de logement, de services publics, de précarité énergétique, de politiques culturelles ou d’éducation…
Il faut apporter des réponses concrètes et adaptées à cette France périphérique qui se sent délaissée, reléguée, surtout avec l’émergence des métropoles. L’argent public, notamment lorsqu’il est rare, doit aller là où notre société est le plus blessée, a le plus mal : les zones de rupture et de pauvreté, économique, sociale ou culturelle, qui ne se limitent pas, aux seuls secteurs concernés par la politique de la ville, loin s’en faut !
Il y aura d’autres combats à mener, pas seulement sur le terrain politique ! Notre territoire a besoin que tous les talents et énergies qui y vivent, y vibrent, y respirent, qui se nourrissent des contraintes quotidiennes comme des potentialités de cette terre d’espoir et d’avenir sur laquelle nous vivons, se réveillent.
Ces talents, ces énergies, font partie d’une solution qui viendra d’abord et surtout du terrain !
Comment ne pas aborder la question budgétaire,
tant elle est au cœur de notre capacité d’action ou d’inaction ? Nos dotations diminueront en 2016, comme en 2015 et en 2014, en 4 ans, l’Etat aura diminué d’un tiers ses dotations, « Gare au grisbi » !
Oui, les collectivités doivent participer à l’effort national de désendettement, dans un monde équitable, elles y contribueraient selon leurs facultés respectives, cela n’est absolument pas le cas, ces diminutions concernant les riches comme les pauvres !
La règle de répartition des dotations de l’Etat reste opaque, incompréhensible du commun des mortels et à des années lumière de la réalité du terrain.
Est il logique que l’Etat attribue 2 fois plus à un habitant de Neuilly sur Seine, ville à la pauvreté connue de la France entière, qu’à un Trilportais ? Neuilly comme tant d’autres disposent de recettes de poche et non des moindres, et n’a même pas besoin de recourir au levier fiscal ! Pour ne prendre ne serait ce que la CAPM, les écarts de dotations par habitant y sont de 1 à 7 entre nos 18 communes.
Conscient des conséquences dramatiques de ces baisses sur des territoires fragilisés, l’Etat avait décidé de revoir son mode d’attribution : plus aux villes pauvres, moins aux riches, le lobbying de ces dernières a conduit l’Association des Maires de France a obtenir le report de cette mesure ! Conclusion : ainsi nos dotations qui initialement devaient augmenter sensiblement, poursuivrons leurs baisses.
La variable d’ajustement dés lors est simple : augmenter les impôts, ce que nous avons fait en 2015, ou supprimer services publics et investissements. C’est souvent dans ces territoires qu’ils sont les plus utiles…
Le Big Bang intercommunal
La baisse des dotations impacte désormais les intercommunalités, déjà durement touchées par la suppression de la Taxe Professionnelle en 2010. Notre agglomération (Pays de Meaux) n’y échappe pas, l’élaboration du budget 2016 promet d’être des plus difficile et exigera des décisions sans doute drastiques !
Vu le contexte, notre projet initial est perturbé, sans doute pour quelques années. Nous ne pourrons, nous exonérer, d’une relecture des priorités du moyen terme : maintien ou non de services quotidiens pour les habitants de nos 18 communes ou de dépenses plus emblématiques.
Cette question budgétaire est lourde de conséquences. Nous travaillons à la remise à plat du réseau de transport de l’agglomération. Ce sujet nécessitera lorsque le temps sera venu des arbitrages.
L’organisation actuelle du réseau date des années 70 ; c’est sympa, kitch, rétro, totalement décalé mais surtout inadapté aux besoins actuels et croissants de ce territoire. Chacun sait que l’agglomération ne pourra se développer sans un réseau de transport performant, tant celui ci constitue un trait d’union indispensable, et un élément clé des dynamiques territoriales, qu’elles soient sociales, économiques, culturelles ! De nos mobilités dépendra notre agilité, ce territoire doit être plus que jamais agile. Mais toute amélioration aura un impact financier direct, aussi il est essentiel de retrouver des marges d’actions avant de pouvoir envisager toute action concrète en ce domaine stratégique.
Aussi, félicitons nous du succès du Parc d’Activités, créateur d’emplois de proximité et de recettes indispensables, espérons qu’il attire beaucoup de nouvelles entreprises sur le secteur, son développement comme celui des autres zones d’activités est vital pour nous.
Dans le paysage institutionnel du pays, la question intercommunale devient centrale, 2016 sera une année charnière.
Nous avons rejeté la carte intercommunale proposée par le Préfet, en solidarité notamment, avec les 17 communes de Plaines et Monts de France annexés, contre leur volonté, à un véritable OVNI institutionnel sans aucune cohérence ou légitimité. Décision arbitraire qui remet en cause des principes démocratiques de fond, auxquelles nous sommes profondément attachés.
Avec l’émergence du Grand Paris, le périmètre de nos intercommunalités respectives évoluera encore, le mouvement en cours étant une vague de fond, mais ne savons nous pas depuis Yoda que « toujours en mouvement est l’avenir » ? Ces regroupements doivent se faire dans le dialogue, l’échange, l’élaboration de projets de territoire qui soient respectueux des habitants et de la cohérence des bassins de vie. Je comprends les interrogations des élus de Quincy Voisins ou de villes du Pays de l’Ourcq, qui au regard de la dynamique initiée autour de Coulommiers, se sentent plus proches d’autres bassins de vie …
La copie intercommunale proposée est inachevée, l’heure est aux grandes métamorphoses, qui le plus souvent prennent du temps, mais qu’ensuite le papillon est beau … Je suis, pour ma part, réservé sur les grands mécanos institutionnels qui éloignent souvent le citoyen des décisions le concernant directement.
Ma conviction est que les habitants doivent se reconnaitre dans un projet de territoire pour s’en sentir porteur et acteur.
Plus que tout, le « vivre ensemble »
Aprés une année aussi anxiogène que 2015, il nous apparaissait indispensable, de remettre de l’essence dans le moteur, d’aller de l’avant, de proposer des perspectives, de faire bouger les lignes, malgré une conjoncture budgétaire tendue…
La citation d’un poète français, citoyen polonais de l’empire russe né à Rome, Européen avant l’heure, Guillaume Apollinaire (plus bi national que lui, on le fait pas), résume cette volonté qui nous anime pour 2016.
“Il est grand temps de rallumer les étoiles.”
Métaphore poétique ? Peut être … Signifiant à nos yeux qu’il faut renouer les liens distendus et brisés, réveiller les énergies, notamment et surtout locales, retrouver du sens, une direction, un projet commun porteur de perspectives futures à construire et partager…
Le lien social est fragile, chacun le sait, précieux, le cycle de la vie fait que certaines énergies, talents qui apportaient leur passion, compétence, démesure, grain de folie, cette curieuse alchimie qui fait société, ne soient plus présents : aléas familiaux ou professionnels, âge, retraite sous des cieux plus cléments, décès quelquefois, où se sentent un peu vieux …
Il nous faut retrouver un nouveau souffle, des idées novatrices, d’autant que de nouveaux habitants arrivent, à qui nous devons laisser toute leur place. L’identité d’une ville, d’un territoire, son âme, repose sur rien ou presque, une étincelle, une lumière qui fait que l’on ait envie de se retrouver, pour passer un bon moment ensemble, riche de nos différences. C’est toute la magie du « Vivre ensemble », ce presque rien, est en fait essentiel …
C’est pour cela, qu’il faut remercier l’action de tous les bénévoles, tous ces tisseurs de liens, grâce à qui nous avons la chance de partager des moments authentiques, populaires, avec tout ce que ce mot revêt de noblesse, de simplicité, de joie de vivre …
Continuer à vivre et à avancer, c’est ce que nous devons aux morts du Bataclan, mais aussi et surtout aux vivants surtout après ce tragique 13 novembre, afin de défendre les valeurs qui nous sont communes, c’est ce que nous devons aux morts de Charlie, tout en restant nous-mêmes.
Avancer, avec des étoiles, dans le cœur, dans la tête, dans les yeux mais aussi dans le ciel afin que la voix lactée nous indique le cap …
Eluard n’écrivait il pas « Un rêve sans étoile est un rêve oublié » et Jung, qui était tous sauf un poète (cela se saurait) : « Une société sans rêve est une société sans avenir. »
Pourvu que 2016, soit une année étoilée et peuplée de rêves inoubliables qui nous proposent enfin un avenir …