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« Je veux que la République ait deux noms : qu’elle s’appelle Liberté, et qu’elle s’appelle chose publique. « 

Victor Hugo

 

J’ai représenté Pierre Cohen Président de la Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains au point presse organisé au Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris. Nous avons pu y exposer les raisons qui nous ont mené à déposer un référé (procédure d’urgence) pour empêcher l’UMP de s’approprier la dénomination « Les républicains » et en faire le nouveau nom de ce parti. Proposition que Nicolas Sarkozy compte soumettre au vote de ses militants les 28 et 29 mai.
Notre assignation vise l’UMP et l’agence de communication (Aubert Storch Associés Partenaires) qui a déposé le nom «Les Républicains » et les propositions de logos à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) ! Ce refére est déposé au nom d’un collectif composé de la Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains (FNESR), du Mouvement Républicain et Citoyen, de la Convention pour la sixième République, de Cap 21, de l’association Génération République, ainsi que de 156 citoyens et personnes physiques, dont la famille Républicain. Une pétition actuellement en ligne a collecté plus de 22 000 signatures pour soutenir notre initiative.

Le TGI de Paris doit rendre sa décision mardi 26 mai mais une victoire judiciaire de l’UMP ne signerait pas pour autant la fin de la procédure,  les juges devant ensuite examiner ce dossier sur le fond, c’est bien sur ce terrain que nous nous situons. Conséquence, l’UMP pourrait bien voir son nouveau nom invalidé plusieurs semaines après l’avoir fait entériner par ses militants ! Nous demandons dans l’attente de cette décision, et à titre conservatoire, que ce parti ne puisse utiliser une appellation que nous jugeons usurpé dans sa communication.

Cette controverse peut apparaitre quelque peu suranné, voir surréaliste à certains, surtout si on la compare à la violence et à la gravité de l’actualité quotidienne. Le nouveau nom de l’UMP ne changera pas la face de la terre et n’aura aucune incidence sur le réchauffement climatique, nous le savons bien ! Notre volonté et seulement de défendre une valeur qui pour beaucoup de français est mémorielle.
Depuis le 5 janvier dernier, les valeurs républicaines résonnent singulièrement dans nos coeurs; c’est aussi pour cela que nous ne pouvons admettre cette initiative, pour le moins malheureuse. La république ne peut se dissoudre dans une démarche purement commerciale ou partisane, elle constitue un patrimoine symbolique qui appartient a tous, quelque soit sa confession, ses opinions politiques ou philosophiques.
Notre conviction est que la République constitue plus que jamais une valeur fondatrice, fédératrice, identitaire, faisant sens, elle a un contenu et posséde un large périmètre : celui de la citoyenneté. Il n’a que faire des différences de confessions ou d’opinions des uns et des autres; sa nature même est de s’imposer à toute une communauté nationale, pour qui la République doit demeurer un patrimoine commun et surtout et plus que tout partagé.

« Un parti essaie de s’approprier ce bien commun. Nous sommes tous républicains de par l’article 1er de la Constitution et là, les deux tiers de la population se trouvent exclus », a déclaré justement Christophe Léguevaques, un de nos avocats.

Nicolas Sarkozy et ses communicants tentent de s’approprier à usage exclusif un mot, et plus que tout un concept qui appartient à tous, évinçant du champ « républicain » tous ceux qui ne sont pas adhérent de ce parti. C’est réduire la République a bien peu !
Soulignons que l’emploi du mot générique « républicains » avec l’article défini « les » sous entend de fait que l’UMP serait le seul en France à être doté de qualités «républicaines» !!! Une  initiative qui constitue un dénigrement de tous les autres partis politiques. « Aucune partie du peuple français ne peut revendiquer son usage exclusif et l’opposer aux autres Français pour les exclure, même de manière sémantique » rappelle l’assignation. La République n’appartient à personne, et encore moins à Nicolas Sarkozy, mais appartient à tous … Le sang versé pour la défendre depuis Valmy, n’a qu’une couleur, celle de la douleur partagée …
Le problème n’est pas que sémantique. « il faudrait ajouter un adjectif, républicains populaires, de droite… » suggère Me Matthieu Boissavy, un de nos avocats qui « ne voudrait pas que dans trente ans, si quelqu’un dit je suis républicain, cela soit synonyme d’être d’une certaine mouvance de droite. »

Cette opération de marketing politique, il ne s’agit que de cela, lancée par une boite de com’, relègue principes, histoire même du parti Gaulliste, qu’aurait pensé ce grand homme d’une telle tentative, et valeurs philosophiques communes au rang de marques commerciales à merchandiser, ce qui pour nous n’est absolument pas acceptable !
La République ne peut devenir une marque cessible ou donner lieu a une OPA de quiconque, elle appartient à tous les Français, ceux qui sont morts pour elles, ceux qui ont en tant besoin aujourd’hui et ceux de demain. Situation  qui a fait dire à un des plaignants, ancien héros de la France Libre, qu’il assistait à un cambriolage de la démocratie.

Mais revenons sur le fond de cette affaire.

 

 

 

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Rappel des faits

Sur proposition de Nicolas Sarkozy, son Président, le bureau politique de l’UMP a validé le changement de nom de son parti, choisissant comme nouvelle appellation « Les républicains » et optant pour un logo reprenant les symboliques tricolores.

Le bureau politique de ce parti a décidé de consulter ses militants les jeudi 28 et vendredi 29 mai.

Plusieurs évènements peuvent expliquer la nécessité d’un « relooking » ou d’un « ravalement de façade » : retour de Nicolas Sarkozy, qui veut faire du neuf avec du vieux, crise interne entre Jean-François Copé et François Fillon ayant créé de vraies fractures, affaire Bygmalion et  scandales liées aux financements des campagnes présidentielles successives de Nicolas Sarkozy, autre possibilité également, peut être la volonté de sortir du piège du Ni Ni face au FN, dans lequel Sarkozy est tombé, en faisant une OPA du coup sur la valeur « république », pour ne pas répondre au Front Républicain, tout en s’affranchissant de certaines de ses valeurs.

C’est pourtant le même qui déclarait en 2007, il y a une éternité

“La république, ce n’est pas la droite, ce n’est pas la gauche,
ce sont tous les Français.”

Nicolas Sarkozy,/  Meeting de Caen – 9 Mars 2007

 

Arguments des plaignants

L’UMP revendique la propriété intellectuelle, par un logo, la forme et les couleurs du drapeau tricolore national (plaidoirie d’un des avocats) de l’appelation « Les Républicains ».

– Appellation contraire à la Constitution

. sur la base de l’article 1 : « La France est une République indivisible ». Les avocats jugent que « les Républicains, ce sont tous les Français » et non les membres d’un seul parti politique.
. sur celle de l’article 3 précisant que « la souveraineté nationale appartient au Peuple » et qu’ « aucune section ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Nos avocats argumentent que l’expression « Les Républicains » peut « heurter de plein fouet les principes fondateurs de notre Constitution ».

– Un dénigrement indirect et déloyal

Partant de l’article 1382 du Code civil, les plaignants estiment que l’expression « Les Républicains » permet à l’UMP de s’arroger une qualité essentielle de manière déloyale », notamment vis à vis de tous les autres partis politiques.
L’emploi du mot générique « républicains » renforcé par l’article « les », laissent clairement entendre « que ce parti serait le seul en France à être doté des qualités républicaines, ce qui est manifestement inexact ».  Les plaignants contestent le droit à un parti politique de s’arroger « l’usage exclusif » d’un terme générique comme « Les Républicains » ou « les Français ». Le référé prend soin de préciser que le MRC emploie le mot républicain comme un adjectif complétant le mot « mouvement ».

– Une confusion entretenue entre un parti et la République

Citant  l’article 444 du Code pénal qui punit d’une peine d’emprisonnement la « contrefaçon ou la falsification » du sceau de l’Etat et de ses emblêmes, les plaignants estiment que les logos déposés par l’UMP associés aux termes « Les Républicains » sont de nature à « causer une méprise dans l’esprit du public et à laisser penser que les produits et services de l’UMP proviennent de la République Française » (d’ici à ce que ce soit le but de la manoeuvre ?).

Un logo qui usurpe le drapeau tricolore :  article 6 ter de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, l’assignation rappelle l’interdiction qui est faite d’utiliser « des armoiries, drapeaux et autres emblêmes de l’Etat » en tant que marque.
Les plaignants pointent du doigt les logos déposés à l’INPI par l’UMP qui reprennent tous les attributs du drapeau tricolore et l’emblême de la République (RF).

« Aucune partie du peuple français ne peut revendiquer l’usage exclusif (du terme les Républicains…) et l’opposer ainsi aux autres Français pour les exclure, même de manière sémantique, du champ politique républicain », argue l’assignation.

 

Argument des défenseurs

« Ce dépôt ne privatise en rien le concept « Les Républicains », chacun reste libre d’utiliser le mot », selon Pierre Deprez, avocat de l’agence de communication Aubert-Storch associés, qui a élaboré et déposé ces logos à l’INPI

« Une agence de publicité qui répond à la commande de son client ne commet pas une fraude. », en l’occurrence, le client n’est pas directement l’UMP mais Pierre Giacometti, trés proche conseiller de Nicolas Sarkozy.

« Soit les plaignants sont de très mauvaise foi, soit ils ignorent le droit des marques », renchérit Didier Aubert, de l’agence de communication. « Ce qui est protégé c’est le logo, uniquement le logo, ça n’interdit absolument pas d’utiliser le terme (sic).

Les défenseurs de l’UMP et de l’agence de communication récusent la recevabilité même de la plainte, et ont déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au motif que la procédure violerait l’article 4 de la Loi fondamentale indiquant que les partis politiques « se forment et exercent leur activité librement ».

Ils ont  estimé que les particuliers agissaient au nom d’un intérêt général et n’avaient pas de préjudice personnel, même les cinq Républicain, dont le patronyme n’a pas de S.

« Laissez-nous choisir notre nom », indique Me Jean Castelain, avocat de l’UMP niant toute volonté de « privatisation ». « Nous n’allons pas nous approprier le terme républicain. En revanche, nous sommes Les Républicains. » (sic) ou encore dans le même style : « Les Républicains ce sera nous, mais vous serez républicains. »

La nature de ces arguments  soulignent les difficultés des avocats de la société de communication à dissiper les zones de floues et à dissimuler tous les calculs se cachant derrière l’appellation « Les Républicains ». Ils n’honorent ni la politique, ni la République.

 

La position de la Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains (FNESR)

La FNESR qui fête ses quarante années d’existence accueille des élus n’étant pas forcément membres du Parti socialiste mais croyant au progrès social et désireux de participer à la défense des idéaux républicains.
Beaucoup de ses membres  ne souhaitent pas forcément être assimilés à un parti ou à un autre. Contrairement à l’UMP, la FNESR ne prétend pas représenter tous les républicains et ne désire aucunement exclure les représentants d’autres partis. Le terme « Républicains » inclus dans le nom de la FNESR permet d’ouvrir cette association aux élus qui s’y reconnaissent, adhèrent à ses valeurs mais ne désirent pas pour autant adhérer au PS.

 

COMMUNIQUE DE PRESSE, : Paris, le 12 mai 2015,

« La Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains (FNESR) s’associe à l’action en justice, collective, visant à défendre la neutralité politique du terme « Républicains » revendiquée par l’UMP.

L’UMP a annoncé sa volonté de rebaptiser sa formation politique « Les Républicains », appellation qui sera soumise à un vote des adhérents.

La Fédération Nationale des Elus Socialistes et Républicains (FNESR), par la voix de son Président, Pierre Cohen, s’oppose fermement à cette appropriation par un parti politique d’une valeur partagée et commune à l’ensemble des citoyens français. Ce changement sémantique ( « Union pour un Mouvement Populaire » qui deviendrait « Les Républicains ») n’a pour vocation que de tenter de faire oublier que, sur le fond, les positions de l’UMP se rapprochent toujours plus dangereusement de celles défendues par le Front National.

L’usage du terme « Républicain » comme substantif, et non comme un adjectif, n’est pas acceptable. La République est une construction commune. Elle appartient à tous les Français. Aucun parti, aucune formation politique ne peut s’en prévaloir de manière exclusive, de façon hégémonique. La République n’est pas une marque dont on peut revendiquer le monopole. »

 

 

 

 

8 mai 2015 : Une journée particulière

8-mai-1945.jpgDepuis 2010, à Trilport nous associons la cérémonie du 8 mai 1945 à celle du 9 mai, journée de l’Europe pour commémorer la déclaration fondatrice de Robert Schuman, véritable acte de naissance de l’Union européenne.
Deux dates intimement liées, tant l’émergence de l’Europe politique est le fruit direct de cette horrible guerre comme de la nécessité absolue pour la France et l’Allemagne de se réconcilier, enfin, pour construire une amitié solide et sincère, unique dans l’histoire humaine.
Il n’est pas si fréquent que deux nations jusque là ennemies irréductibles, d’un commun accord et en bonne intelligence, décident de sceller une amitié inaltérable car directement issue des liens du sang et de la douleur partagée, afin d’apporter  la paix à leurs habitants et enfants. Cette décision historique nous oblige. C’est pourquoi, à chaque commémoration du 8 mai, nous avons toujours une pensée émue et sincère pour nos amis allemands d’Engen, notre ville jumelée, notre ville de cœur.

Cette année 2015, cette double commémoration du 8 et 9 mai, a revêtu une signification et symbolique toute particulière et à plus d’un titre …

Commémorer un 70 eme anniversaire, n’est pas rien. C’est accomplir un devoir de mémoire, toujours plus utile chaque année, afin que que les jeunes générations n’oublient pas toute l’horreur nazie, le racisme, la Shoah, les camps de concentration, ces morts innombrables et qu’ils se souviennent  surtout du mécanisme qui a mis cette machine infernale en route, ayant commencé par des élections démocratiques.
C’est aussi rendre hommage au courage et au sacrifice de ces femmes et ces hommes partis rejoindre Charles de Gaulle et les forces de l’armée française libre, ou ayant dans l’ombre choisit la résistance, qu’ils soient français de souche, de cœur ou simplement de conviction, comme ceux du réseau Manouchian (l’Affiche rouge) …

« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant »

Souligner surtout, que quelque soit leur couleur, conviction politique ou religion, ou nationalité pour beaucoup, ils sont morts pour la France et défendre nos valeurs républicaines comme la conception qu’ils avaient de la liberté.

 

 Je le disais cette double commémoration du  cérémonie du 8 et 9 mai 2015 a revêtu une signification toute particulière …
Il y a tout juste un peu plus de 20 ans, le dernier Président Français ayant connu les horreurs des 2 guerres mondiales, François Mitterrand, prononçait un de ses ultimes discours, comme on peut délivrer un testament politique, consacré, justement, à l’Europe … 20 ans après, chacun de ses mots résonnent toujours avec autant de gravité, d’intensité mais aussi malheureusement d’actualité…

« II se trouve que les hasards de la vie ont voulu que je naisse pendant la 1ere Guerre mondiale et que je fasse la seconde. J’ai donc vécu mon enfance dans l’ambiance de familles déchirées qui toutes pleuraient des morts et qui entretenaient une rancune et parfois une haine contre l’ennemi de la veille.
Mais ma génération achève son cours, ce sont ses derniers actes, c’est l’un de mes derniers actes publics.
II faut donc absolument transmettre.

Vous êtes vous-mêmes nombreux à garder l’enseignement de vos pères, à avoir éprouvé les blessures de vos pays, à avoir connu le chagrin, la douleur des séparations, la présence de la mort, tout simplement par l’inimitié des hommes d’Europe entre eux.
II faut transmettre,

 Non pas cette haine, mais au contraire la chance des réconciliations que nous devons, il faut le dire, à ceux qui dès 1944-1945, eux-mêmes ensanglantés, déchirés dans leur vie personnelle le plus souvent, ont eu l’audace de concevoir ce que pourrait être un avenir plus radieux qui serait fondé sur la réconciliation et sur la paix.
C’est ce que nous avons fait.

 Ce que je vous demande là est presque impossible, car il faut vaincre notre histoire et pourtant si on ne la vainc pas, il faut savoir qu’une règle s’imposera : le nationalisme, c’est la guerre !
La guerre ce n’est pas seulement le passé, cela peut être notre avenir,
et c’est nous, qui sommes désormais les gardiens de notre paix, de notre sécurité et de cet avenir ! »

 La cérémonie du 8 mai 2015 s’est révélée toute particulière, à son issue nous sommes partis avec une importante délégation de Trilportais fêter le 15 eme anniversaire de notre jumelage avec Engen, ayant choisi cette date en commun pour célébrer cet anniversaire pour toute sa force symbolique et ce qu’elle représentait, tant pour le 8 que le 9 mai.

Construire l’Europe, c’est avant tout, bâtir l’Europe de l’humain, de la proximité et du concret, celle des citoyens, de la culture et de l’amitié …
Pour que plus jamais nous n’ayons de nouveau 8 mai à commémorer mais aussi et surtout pour célébrer l’idée européenne …

 

Poème de Louis Aragon : « strophes pour se souvenir » (l’affiche rouge)

 

 

 

 

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Strophes pour se souvenir

Vous n’avez réclamé la gloire ni les larmes
Ni l’orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servi simplement de vos armes
La mort n’éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c’est alors que l’un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus tard en Erivan

Un grand soleil d’hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le cœur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d’avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant.

 

Louis Aragon, « Strophes pour se souvenir »,
dans Le Roman Inachevé, 1955

 

Vie de Maire

vie de Maire.jpgJ’ai participé à l’émission le « Docu-débat » (LCP-Public Sénat) de Claire Barsacq qui prolongeait la diffusion de l’excellent documentaire : ‘Vie de Maire ». Outre Pascal Carcanade, son réalisateur, étaient invités Fabienne Keller, sénatrice UMP et ancienne Maire de Strasbourg, Samir MAIZAT, candidat aux municipales d’Aubervilliers, animateur de la liste citoyenne « 100% Aubervilliers » et Anne MUXEL, Politologue au centre de recherche de Sciences Po, fil rouge du débat : le quotidien des élus locaux.

Quelques mots sur ce documentaire sensible, délicat et  plus que tout empreint d’humanité. Le réalisateur a su restituer autour de brefs moments de vie, saisis et croqués sur le vif, toute la diversité de nos 36 000 communes et le rôle de catalyseur sociétal qu’y joue l’élu(e) local. Six trajectoires personnelles, aux contextes radicalement différents, ayant pourtant comme points communs : l’amour du terrain, le gout de l’échange direct et un enracinement local authentique à leur territoire.
La simplicité et la passion qui les animent sont rafraichissantes, à des années lumière des logiques d’appareils, quelquefois hors sols, des états majors parisiens des partis, dans lesquels ambitions personnelles, rivalités, petites phrases assassines fournissent une matière première facile et commode à des médias complaisants, contribuant à donner une image déplorable du politique.
Ce film, véritable plaidoyer à l’engagement républicain, souligne le rôle des « petits élus locaux » qui s’activent au quotidien, quelque soit la taille de leur commune, pour « être utile à vivre et à rêver » et préserver coute que coute, le lien social, aujourd’hui si menacé,  indispensable pour faire société.
Ils sont les symboles d’une valeur essentielle, l’engagement. Valeur qui fait de ce mandat de Maire, particulier à plus d’un titre, le plus attachant de toute la vie politique.
L’importance qu’il prend dans leur vie, tout ce qu’ils y consacrent (en temps, énergie, passion, compétences, conviction), les sacrifices que ce mandat impose au niveau personnel ou professionnel ne sont pas la seule explication de l’ampleur de  leur détresse un soir de défaite électorale. C’est un véritable déchirement personnel qui est ressenti, ce que j’ai perçu l’an dernier auprès de quelques amis défaits,  curieux mélange ou se mêle injustice, sentiment d’abandon et surtout de profonde solitude.
Durant ce débat j’ai d’ailleurs pu constaté combien Fabienne Keller, ancienne Maire de Strasbourg, portait encore en elle cette fêlure, une blessure intime et cachée au plus profond, qui ne guérit jamais tout à fait.

Les élections départementales sont passées depuis, aussi aujourd’hui la réalité apparait quelque peu différente, même s’il ne faut jamais comparé un scrutin à un autre … La fracture entre élu et citoyen s’est encore aggravée, tant ce scrutin a été marqué par une forte abstention et la poussée du Front National.

Comment combattre ces deux tendances mortifères ?
A mes yeux, point de fatalité, mais de l’action concrète … Voici quelques pistes de réflexion, qui si elles sont personnelles, sont partagées par quelques acteurs du terrain …

 

 

 

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La déconnection croissante entre le vote et son objet est une réalité qui doit nous interpeller, tant elle est lourde en significations pour toute démocratie.
Un vote local ne constitue pas un sondage de popularité éphémère pour une émission de télé réalité d’ampleur nationale, mais désigne tout simplement des élus qui assumeront durant des années un mandat déterminé impactant directement la vie quotidienne des habitants.
Certains électeurs avec leur bulletin de vote ou leur abstention se sont tirés une balle dans le pied. Le zapping électoral peut les amener à choisir un slogan ou un logo sans incarnation ni projet, plutôt qu’un élu connu, quelquefois même apprécié, actif, combattif, à l’écoute, résolu, dynamique … Mais manifestement ils n’en sont plus là, c’est dire l’ampleur du traumatisme qui traverse dans certains territoires notre société !

Toute femme ou homme politique dont l’ambition est nationale, il y en a parait il, devrait non seulement s’ouvrir à la vie de ses concitoyens, mais surtout la partager pour s’en nourrir, s’en imprégner, et plus que tout la comprendre, avant que de vouloir la transformer !
Pour elle ou lui, mieux vaut sortir parfois de sa bulle militante ou de certains quartiers parisiens, histoire de respirer un peu d’air frais, tant ces périmètres, celui de la bulle et du quartiers sont réducteurs ! Rien ne vaut le monde réel pour s’y raccrocher, s’y enraciner, afin d’alimenter ses racines de la réalité du terrain, de la vie vécue tous les jours par les anonymes. La versatilité des urnes ne vient pas toujours que du citoyen, loin s’en faut …

Il est urgent de réhabiliter l’action politique, surtout lorsqu’elle a faillit sur certains territoires, ce que nul ne peut contester. Dire que les partis traditionnels ont aujourd’hui perdu une grande partie de leur aura et de leur crédibilité n’est qu’entre ouvrir une porte déjà bien ouverte. Ils ne sont plus audibles dans les terres oubliées, là où les habitants, désabusés, se sentent rejetés, déclassés …
Autant de ressentiments qui les mènent à la révolte citoyenne, qui s’exprime dans les urnes par l’abstention ou le vote extrémiste. Nous devons être vigilants, une fois que le pli est pris, tout peut arriver y compris le pire !  Nous devons et dans l’urgence,  remettre le bleu de chauffe, faire notre auto critique, nous remettre en cause, puis en piste, afin de relever ce défi républicain.

Le vote FN est il une fatalité ? Non, certainement pas … Encore faut il apporter à nos concitoyens des éléments de réponses concrets, visibles, et surtout bien palpables. Encore faut il les respecter en leur donnant le sentiment d’exister, en les prenant en considération, et pour ce faire,  maintenir absolument le fil, non seulement du dialogue citoyen, mais celui si fragile, du lien social …
C’est aussi pour cela que je suis mobilisé contre des baisses de dotations aveugles, qui mettent en péril, là ou elles sont les plus utiles, dans les territoires périphériques sans grands moyens financiers notamment, ces digues de solidarités et de destinée commune qui ne tiennent que grâce à l’énergie d’élus locaux menant des politiques publiques de proximité essentielles à la cohésion sociale, et qui n’en peuvent manifestement plus !

Le FN est un parti qui agit dans tous les milieux de la société désormais, jouant sur du velours, tant il surfe sans scrupule ni souci, sur la somme des douleurs, détresses, contradictions, révoltes d’un électorat sous pression, qui garde la nostalgie d’un passé autrefois heureux et porte en lui une terrible peur de l’avenir. Ce contexte anxiogène est le terreau du parti frontiste, il est alimenté par un contexte social et économique dégradé, un manque de résultats concrets, des annonces déconnectés de la réalité ressentie, et se nourrit du piètre spectacle de la division et de l’éparpillement des partis politiques traditionnels, ou les querelles de personne prennent le pas sur l’intérêt général, amplifiées par le prisme déformateur des médias !

Pour les politiques, le défi est immense … D’autant que le socialisme municipal qui a écrit de si belles pages dans nos territoires, grâce à l’émergence de générations d’élus passionnés, charismatiques et dévoués ayant réussit à changer la vie au quotidien de leurs concitoyens, arrive en fin de cycle et il a grand besoin d’un second souffle.
Faire de la politique, y compris au niveau local, ne peut se réduire à maitriser les dossiers et à une simple expertise en urbanisme ou gestion, d’ailleurs méfions nous de toute expertise qui nous éloignerait du citoyen (je l’ai appris quelquefois à mes dépens), surtout en période de crise ou de vent mauvais, sinon l’élu prend le risque d’apparaitre désincarné, fataliste, résigné et brise rêve.

Il faut préserver plus que tout notre capacité d’indignation, notre combativité, mener et provoquer des révoltes si nécessaire, dans le but de défendre nos territoires et tous ceux qui y vivent, lutter contre la fracture territoriale qui insidieusement entraine la fracture sociale, lutter contre l’inertie, l’aquabonisme  ou l’autisme technocratique de tant de moulins à vent ou à parole, sans âme ni perspective.
Nous devons agir pour initier ou irriguer les projets qui émergent et partent des citoyens, leur parlent et les impliquent, des projets qui doivent faire sens, forger la cohésion sociale, des projets qui autorisent des lignes de fuite et des chemins de traverses, mais qui surtout incitent enfin les habitants, où qu’ils vivent dans cette bonne terre de France, à avoir confiance en demain et surtout dans les autres…

Il nous faut  « rallumer les étoiles » auprès de cet électorat déçu, désabusé, éteint, pour vaincre l’étoile noire frontiste et proposer des lendemains qui chantent aux oreilles de nos concitoyens, qui leur donnent l’énergie, la force de contribuer à bâtir ensemble, un avenir plus serein, solidaire et durable

 

Liens

Le débat de l’émission

Le Web Doc « Vie de Maire »

L’Association des Petites Villes de France

 

Tristes topiques

IMG_0688.jpgLes tristes résultats de ce week end, sont de la même veine que ceux des municipales de l’an dernier, une véritable hécatombe ! Le nombre de duels FN / UMP auxquels nous avons assisté, notamment en Seine et Marne, laisse à tout républicain plus qu’un goût amer dans la bouche et chacun  gardera  de ce dimanche un souvenir douloureux.
L’enjeu local était en théorie l’objectif central du scrutin, il a  laissé place à un test de popularité national, occasionnant beaucoup de dégâts humains, un gâchis territorial sans nom, et un résultat final en trompe l’œil tant il maximalise les résultats de l’UMP (du fait de la division de la gauche) et ne traduit pas concrètement l’incontestable montée du FN. Cette poussée  n’est ni une fatalité, ni inexorable, encore faut il se donner réellement les moyens concrets de la combattre.

Ces élections doivent interpeller tous les partis républicains, sans exception aucune, y compris et surtout ceux qui se sont auto englués dans un NiNi irresponsable et coupable. Un résultat qui confirme mon opinion sur le fait  que si un élu ou un politique veut réellement changer la vie des autres, il doit d’abord la partager pour la comprendre tout court ! C’est aussi une leçon de ce scrutin.
Trop de politiques, qu’ils soient de la gauche du PS, de son centre, ou de sa « dite droite »  pour se limiter à ce seul parti, sont totalement hors sol, ancrés et arc boutés a des priorités qui souvent se trouvent à des années lumière de celles de leurs concitoyens …  Aussi ne faut il pas s’étonner si, un jour, ces derniers décrochent et se détournent d’un discours qui non seulement ne leur parle pas, ne les respecte pas, tant dans sa formulation que dans ses objectifs ou priorités !

Alors que faire, aujourd’hui et demain ?

Pour le PS et ses militants l’équation est on ne peut plus simple : Réagir et rebondir ou mourir … Trouver la capacité de se rassembler, malgré les soubresauts de ces derniers mois, ou dépenser ce qui nous reste d’énergie à se diviser, s’éparpiller au quatre vents de la discorde et de la polémique, pour in fine, ne plus rien peser dans le débat politique national et n’avoir le sentiment d’exister que par la force des ressentiments ou des ambitions déçues !
De ma petite fenêtre de petit élu local, une vraie colère, jusque là contenue, monte. Elle m’apparait encore plus légitime après ce triste week end, j’ai le sentiment d’un gâchis incommensurable. Une colère froide, libératoire mais à priori inutile, tant espérer qu’un jour l’effet « bottom up » de la réalité du terrain atteigne des états majors parisiens isolés dans leurs tours d’ivoire (souvent d’ailleurs pour jouer un remake de : « Petits Meurtres entre amis ») semble vain.
Pour être clair, mon propos ne concerne pas spécifiquement ce gouvernement ou un courant particulier du PS, car je pense sincèrement, que là n’est pas le nœud du problème, l’origine du divorce et de la fracture avec le citoyen est non seulement bien plus profonde mais elle s’élargit encore après ce scrutin.
Aussi j’ai de plus en plus de mal à me retrouver dans ces lignes de partage, souvent factices, que sont les courants du PS, quand le leader remplace l’idée, la réponse formatée (pour ne pas dire l’élément de langage) l’interrogation, la certitude la nécessaire remise en cause et le commentaire au final l’analyse ou la perspective, tous les doutes sont permis.
Un divorce dont le PS n’a pas l’exclusivité, vu les « scores » réalisés par les autres formations de gauche, qui n’avaient lors de cette campagne, à priori, qu’une seule obsession, éparpiller les voix des électeurs avec les conséquences que l’on connait, pour  « casser du PS »! Reléguant du même coup, l’objectif pourtant central du scrutin : gérer des départements afin de proposer à nos concitoyens une politique plus sociale, solidaire et durable.
Constatons que ces forces politiques, dites « alternatives », n’ont guère déplacé les foules, bien au contraire ! Vu le résultat des urnes, un constat s’impose, arithmétique. Les Français sont loin de réclamer à corps et à cri une politique plus à gauche; leçon que devrait méditer certains de mes camarades …

Voilà pour le constat.

 

Nous devons collectivement, et au plus vite, nous retrouver et surtout nous ressourcer pour « réallumer les étoiles » comme l’écrivait si joliment Apollinaire. Encore faut il pour apercevoir la voie lactée, éteindre les sunlights médiatiques et parasites qui nous aveuglent et éblouissent tant de petits égos exacerbés les empêchant de ne percevoir autre chose que leur seul reflet, dans des miroirs cathodiques pathétiques tant ils sont egotiques.
Tels des narcisses du XXIeme siècle, captivés de leur seul reflet, ils recherchent la minute d’éternité médiatique, ou au choix le quart d’heure de célébrité plus que relative, que leur offrent sans retenue et si facilement les chaines de la TNT …

Il serait bon que chacun retrouve le minimum d’humilité et d’humanité nécessaire, renoue avec la proximité concrète et j’ose le dire l’esprit de camaraderie, tout en s’imprègnant de la réalité locale vécue au quotidien par leurs concitoyens, en ayant une oreille attentive pour les alertes lancées par les sentinelles de proximité que sont les élus locaux PS en place (dont la valeur provient aussi désormais de leur rareté croissante), avant de vouloir donner des leçons à la planète entière ou de lancer des mesures déconnectées du sol qui entraînent le chaos.

Ne nous trompons pas de combat, engageons nous au service de nos concitoyens pour concrètement changer leur vie chaque jour : pas après pas, si nécessaire même si cela fait réformiste ou « petit bras » de la révolution.
Cette démarche, je l’assume, pire même je la revendique, tant j’ai le sentiment, comme Maire, de transformer au final plus la vie de mes concitoyens que bien des orateurs médiatiques, adversaires auto proclamés de la finance et du grand capital, excommuniant à tour de bras, grands donneurs de bons points en « socialisme théorique et réthorique » devant l’éternel, ! Il est vrai qu’avec eux la droite peut dormir tranquille sur ces deux oreilles !

Encore devons nous admettre, que le monde se transforme de plus en plus vite, que ne pas avancer signifie reculer et prendre le risque, in fine, de ne plus peser sur notre destinée, celle du pays, de l’Europe ou de la planete.
Encore devons nous rappeler que nous ne sommes rien sans les autres, et plus que tout, être persuadé que la priorité absolue à accorder à l’urgence environnementale n’est non seulement pas négociable, mais doit devenir la matrice d’un projet politique ambitieux pour le XXI eme siècle comme le moteur d’un nouveau type de croissance durable et surtout équitable qu’il nous faut construire au plus vite …

Si je peux comprendre aisément la réaction d’amis désabusés et écœurés par les résultats (trop qui n’avaient pas démérité, loin s’en faut, l’ont payé cash !) qui lâchent l’affaire, à titre personnel, je ne m’y résous pas, préférant agir plutôt que de voir mourir ou se déliter les valeurs auxquelles je crois et de plus en plus. Ce second tour FN / UMP me restera longtemps au travers de la gorge et je ne veux surtout pas avoir à choisir en 2017 entre un Sarkozy et une Le Pen !
Je privilégierais, comme toujours, le mode d’action local, mais ne m’interdirais pas désormais d’intervenir en mode plus global, faisant entendre une voix aussi légitime finalement que celles inondant et encombrant sans retenue l’univers médiatique, une toute petite valeur ajoutée en quelque sorte.

 

 

 

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Les mamelles de Tiresias

 

« Puis l’on entendit de grands cris parmi toute l’armée

ILS ÉTEIGNENT LES ÉTOILES À COUPS DE CANON

Les étoiles mouraient dans ce beau ciel d’automne
Comme la mémoire s’éteint dans le cerveau
De ces pauvres vieillards qui tentent de se souvenir
Nous étions là mourant de la mort des étoiles
Et sur le front ténébreux aux livides lueurs
Nous ne savions plus que dire avec désespoir

ILS ONT MÊME ASSASSINÉ LES CONSTELLATIONS

Mais une grande voix venue d’un mégaphone
Dont le pavillon sortait
De je ne sais quel unanime poste de commandement
La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria

IL EST GRAND TEMPS DE RALLUMER LES ÉTOILES »

 

Guillaume Apollinaire

Avant toute chose : Faire obstacle au FN

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Dimanche je voterais en mon âme et conscience et sans réserve contre le Front National.

J’aime trop la république, les valeurs que mes grands parents et parents m’ont inculqué pour me tromper de combat …

A ceux qui à droite, pronent le « Ni Ni », je répondrais simplement que l’histoire ne leur a rien appris, que les valeurs de la république ne se négocient pas, qu’ils ne s’honorent pas en prenant ainsi une position à des années lumière de l’idéal gaulliste, entrenant un flou qui ne peut les mener in fine qu’à leur perte.

Aux électeurs de gauche, qui interloqués et révoltés par le non positionnement honteux de l’UMP, se refusent à choisir entre « peste et choléra », je leur conseille de lire la tribune de Boris Cyrulnik, le père du concept de résilience nous y parle surtout de résistance, son histoire personnelle donne quelque peu de poids à ses propos …

Je comprends le désarroi de trop d’électeurs désabusées qui avec le sentiment d’être des oubliés de la république se tournent en désespoir de cause vers les promesses sans lendemain du parti frontiste. Je me refuse à les juger en m’arrêtant aux conséquences, je préfére m’attaquer directement aux causes du mal qui ne sont pas uniquement irrationnelles, mais malheureusement aussi très concrètes.
Je veux simplement leur rappeler qu’un scrutin local n’est pas un sondage d’impopularité nationale. Dimanche prochain, les électeurs désigneront des élus chargés de gérer, dés le lendemain de l’élection, des départements, dont le mandat est destiné à améliorer le quotidien des habitants, ce que trop souvent aveuglés par une colère que je peux comprendre, certains ont tendance à oublier et en désespoir de cause se tournent vers une photo d’inconnus dont ils ne connaissent rien et un simple logo… perspectives pour le moins réductrices …

Le vote de la semaine dernière illustre la fracture croissante entre Politique et citoyen, fracture béante et angoissante, dont les états majors parisiens doivent saisir à la fois la gravité, l’urgence et le risque démocratique.
La politique plus que jamais doit, non seulement se rapprocher de la vie réelle, mais en être l’incarnation, et ne plus rester la chasse gardée d’un sérail d’élèves de grandes écoles et de collaborateurs de cabinet isolés dans leur bulle médiatique et égotique,  laissant à une technostructure hors sol la maitrise des dossiers.

Aussi, je n’ose imaginer la situation dans toutes ces villes et villages, notamment les plus pauvres, lorsque les baisses de dotations successives auront ébranlé durement ou détruit les digues de solidarité que les élus locaux s’efforcent de maintenir encore, envers et contre tous, malgré les aléas ou coups du sort que nous réservent certaines décisions en provenance de Paris !!!

Pour finir sur une note plus poétique, quelques vers de la magnifique poésie de Louis Aragon : « La rose et le réséda », repris hier par Christiane Taubira :

« Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n’y croyait pas »

 

 

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La vie de Boris Cyrulnik « dérape quand, alors qu’il a 2 ans, son père s’engage dans le 22e régiment des volontaires étrangers. A partir de ce moment-là, sa mère se retranche en elle-même. Elle le confie à l’Assistance publique, avant d’être arrêtée le 18 juillet 1942.
Ses parents mourront au camp d’extermination d’Auschwitz. « Comment vivre avec eux puis soudain sans eux ? Il ne s’agit pas d’une souffrance ; on ne souffre pas dans le désert, on meurt, c’est tout », analyse-t-il. De ces années, il ne se souvient de rien. Enorme trou noir de non-vie. Ses souvenirs reviennent quand son institutrice vient le chercher à l’Assistance. « Pour m’apprivoiser, elle avait apporté une boîte de morceaux de sucre et m’en donnait. »

Voici son appel pour un vote républicain …

« J’ai connu des régimes totalitaires, pendant et après la Seconde Guerre mondiale. On sait maintenant comment ils se préparent : il faut d’abord désigner des boucs émissaires de façon à orienter l’agression contre les étrangers et les parasites sociaux en affirmant que le gouvernement précédent les a laissés s’installer. Quand l’émotion est ainsi provoquée, les foules subjuguées sont faciles à manipuler.

Les discours totalitaires agissent sur les sentiments bien plus que sur la raison. Ils ne tiennent pas compte de la réalité qui est toujours plus nuancée et difficile d’accès.

A l’opposé, les débats démocratiques donnent la parole à plusieurs conceptions du monde. Ils sont plus laborieux, ils exigent des échanges et parfois des compromis, mais ils évitent les dictatures et les radicalisations sociales.

Je ne pensais pas qu’un jour, j’entendrais à nouveau des discours totalitaires qui renaissent dans le monde et en France.

Il est plus que jamais nécessaire de prendre position pour défendre nos valeurs républicaines. »

Boris Cyrulnik – 24 mars 2015

19 mars 2015 : « à Claude Gauthier, avec respect … »

dix-neuf.jpgVouloir « effacer » l’histoire est une obsession partagée par tous les obscurantismes et tous les totalitaires, qu’ils soient de l’Etat Islamique ou de métropole, ignorant que le temps est un tamis implacable et que l’homme n’est que sable qui passe.

Robert Ménard, compagnon de route du Front national, Maire de Béziers, en a fait son combat, dévoilant par la même son vrai visage, comme le peu de considération qu’il a de la république.
Sa décision de débaptiser la rue du « 19-Mars-1962 » et de lui attribuer le nom d’un participant au putsch des généraux et de l’OAS, illustre son manque de respect pour la mémoire de ceux dont les noms gravés en lettres d’or ornent nos monuments aux morts et illustre son incommensurable vacuité…  Un élu ne fait que passer et doit quelque soit son ego, prendre en compte cette temporalité, pour le moins éphémère.

Il ne m’appartient pas de juger du bien fondé de donner le nom d’une rue au « Commandant Hélie Denoix de Saint-Marc », militaire courageux, ancien résistant, qui après avoir participé au putsch des généraux, a assumé ses actes avec dignité, mais je veux faire part de mon indignation devant une mauvaise action destinée à entretenir une polémique partisane indigne et inutile à des fins uniquement médiatiques.

 La commémoration du 19 mars, ne célèbre ni une « repentance », ni la défaite de quiconque, elle honore simplement la mémoire de nos compatriotes tombés pour la France, de l’autre coté de la Méditerranée, comme celle de « Claude Gauthier », habitant de Trilport, dont j’ignore s’il était de gauche ou de droite, partisan ou non de l’Algérie Française, mais dont je sais qu’il est mort loin des siens, au nom de son pays, le notre, dans cette terre de soleil et d’azur ou tant de rêves et de vies se sont fracassés.

 Nous devons plus que tout, combattre de vieux démons enfouis au plus profond, assumer l’histoire de notre pays avec lucidité, assumer ses  ombres comme ses lumières. En rappelant que les évènements d’Algérie ont été un horrible conflit qui a marqué à vie des générations de français : une guerre de feu, de sang et d’horreur, guerre que nos politiques ont trop longtemps refusé d’admettre officiellement et dont l’Algérie ne s’est jamais réellement, elle, remise (cf le texte de Kamel Daoud).
Vouloir instrumentaliser cette douleur collective toujours présente, tragédie humaine ayant si longtemps divisé  le pays par le passé, pour en faire une misérable manœuvre politicienne est du niveau de son auteur : minable … Ce n’est pas non plus le meilleur hommage que l’on peut rendre à Hélie Denoix de Saint-Marc.

 Pour les élus, il s’agit simplement de commémorer pour mieux se souvenir afin d’entretenir ce devoir de mémoire au combien utile, qui nous permet de vivre le présent éclairés des leçons du passé afin de construire un avenir plus serein, dans le respect de la démocratie, deux mots que les obscurantistes ignorent et combattent

 

A suivre un très beau texte de Kamel Daoud, écrivain algérien : « Ni m’exiler, ni me prosterner »

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Ni m’exiler, ni me prosterner

Kamel DAOUD

 

Peut-on sortir de la névrose algéro-française ? Car c’est une névrose.
On la reconnait à ceci : le visage est terne des deux cotés, l’affect est vif, la vérité est ténue, la fable est monstrueuse et l’avenir est une feuille morte photocopiée. La névrose se reconnaît à ses traces de pas dans votre tête : elle tourne en rond pendant que vous tournez à vide. Envie d’écrire le monde, d’élargir la fenêtre à la taille de l’océan.

Que pense de moi le japonais penché sur une rime ancienne ou un moteur nouveau ? Que dit la terre du feu sur mon prénom ? Suis-je connu par les glissements neigeux au pôle ou la femme aux hanches larges à Dakar ? Quelle est l’image de mon algériannité dans le brouhaha des divers et des mesures ? Comment sortir de cette longue guerre qui me remplit la bouche de cendre et de totems jacasseurs ? Je rêve d’un poumon neuf et d’un verbe inné. D’aller marcher pieds nus sur un monde de galets. Comment ? Je pouvais parler de mon livre là où j’allais : mes mots auraient été écoutés, nourris ou écartés comme des feuillages sur un chemin de jungle.

Mais parler en France pour un algérien ou en Algérie pour un Français équivaut à tirer un continent avec ses dents. Tout est lourd, même l’humour. Tout a triple sens et quatre cimetières. Tout est pénible, lent, mouvant, chargé, risible et sent le renfermé. C’est un monde mort qui ne cesse de parler. Un lien pourri. Je ne veux pas refaire la guerre ou m’exiler. Juste raconter sans que cela ne soulève des tombes. Dire la feuille quand elle se courbe. Une aube qui ne trouve personne pour l’écouter et qui s’en va. Un ciel qui cherche son reflet sur toute terre possible. Raconter le monde en commençant par un prénom. Dire des histories d’amour et de rire. Des histoires de quartiers et de voisins. Me libérer.

Car au fond, les colons quittent à chaque fois ce pays mais nous laissent prisonniers de nous-mêmes : arabes, français, espagnols, vandales, ottomans. Ils s’en vont puis ne nous quittent plus et nous enferment parmis leurs morts. Et on les porte et emporte. Je rêve de la libération du verbe et du rêve algérien. De la quiétude souriante en bienvenue. D’une profonde confiance en soi. De la possibilité de regarder la mer comme un seuil et pas comme une porte fermée. Je rêve de désirer le monde, pas une guerre, une vengeance ou un mur ou un enfermement ou un effondrement ou une conversion en ablutions. Je rêve d’un pays dont le présent sera plus imposant que la mémoire. Je rêve de sortir de cette prison qui a le dessin d’une confrontation sans fin. Un pays. Une femme. Une descendance proche et éparpillée.

Pénible. Comment se débarrasser de ce lien morbide ? Raconter le monde dans une autre langue que celle du souvenir voulu ou subi ? Je veux être un écrivain japonais mais étant en même temps un algérien sur de soi et des siens. Difficile à faire comprendre cette nuance irréductible qu’est le rêve de ma libération.

Je ne veux plus de l’Histoire.

Elle veut toujours ma mort et mes mots. Elle ne me tolère pas vivant. Je ne veux pas me protester ni me soumettre.

Je veux juste vivre ma terre. Ni vers l’est, ni vers le nord.

 

? Kamel DAOUD ? Janvier 26, 2015