Etranges étrangers et réfugiés …

 

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Photo : R. Maalouf


« Tout homme a droit à une vie qui lui permette de se construire. »

Albert Jacquard

Avec Nicole Bricq, Sénatrice de Seine et Marne et Rita Maalouf (Secrétaire Nationale du PS à l’humanitaire et aux droits de l’homme) nous sommes allés à la rencontre des réfugiés syriens et irakiens hébergés au Centre d’Accueil pour demandeurs d’asile de Champagne sur Seine. La logistique mise en place par la Croix Rouge, la proximité nouée avec les familles de réfugiés, dont une dizaine d’enfants, malgré l’obstacle de la langue, permettent à ces familles, dans un endroit préservé, de se réparer peu à peu.
Ils nous ont raconté, sans en rajouter, une partie de leur périple : les milliers de kilomètres effectués, les pays franchis, la traversée pour le moins rude de la Méditerranée, les exactions et exécutions commises par  DAECH à Alep, comme leur désespoir de voir la Syrie abimé durablement, sans perspectives d’avenir immédiates.

Elu d’une ville volontaire pour accueillir une famille de réfugiés, cette rencontre me semblait utile, en qualité de Président de l’UDESR de Seine et Marne il était  également important de dialoguer avec le Maire de Champagne sur Seine, l’humanisme de sa médiation ayant contribué à tisser un réseau de solidarités dans toute sa ville.
Cette visite m’a marqué, la question de l’asile politique est ancrée au plus profond de moi, je n’oublie pas d’où je viens; comme tant de français, descendants de « ritals », « polaks », « hongrois » ou « viets », mes origines sont d’ailleurs, nous mesurons tout ce que nous devons à la France, accueillir aujourd’hui des réfugiés est un devoir d’humanité et de solidarité, mais en ce qui nous concerne, également de mémoire.
Deux visions de la société s’affrontent sur une telle question. Celle qui assume et revendique cet accueil, au nom des valeurs républicaines, d’humanisme et de solidarités qui font la France, l’autre toute différente, basée sur le repli, l’égoïsme, l’individualisme et le rejet de l’étranger qui le condamne, ses défenseurs comparant la vague migratoire à un « tsunami », ce faisant ils travestissent, une fois de plus, la vérité, tant la réalité des chiffres s’impose : la France, 5 ou 6eme puissance mondiale va accueillir 24 000 réfugiés en deux ans, soir 1000 personnes par mois, ou 10 par département.
Souvenons nous des 500 000 Espagnols accueillis à la fin de la guerre d’Espagne, des 120 000 boat people de 1979 nous venant du Vietnam, du Cambodge ou du Laos, des 15 000 chiliens de 1973 ! Point commun, toutes ces familles fuyaient la mort pour délit d’opinion !

Cette crise n’est pas européenne, mais régionale, et concerne en premier lieu les pays du sud. Sur les 5 millions de syriens fuyant leurs pays, 98 % vivent dans les pays limitrophes : prés de 2 millions en Turquie (pays de 75 millions d’habitants) et plus d’un million au Liban (pays de 4 millions), le reste se répartissant entre Jordanie et Irak.

Nous devons reconnaitre qu’en ce qui concerne l’accueil d’urgence,  la France n’était jusque là guère à la hauteur. Pas de scoop ici, chacun sait que  le pays galère chaque hiver pour proposer un simple toit à nos «réfugiés de l’intérieur», alors comment accueillir ces nouveaux arrivants ?
Un préalable, crucial, souligné avec raison et gravité par Louis Gallois, Président de la Fedération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS) lors de la réunion du 12 septembre organisé par Bernard Cazeneuve : il ne peut y avoir de « concurrence entre pauvres », pour être clair, ce qui est «donné» aux réfugiés ne peut être pris à ceux qui galèrent. Je suis persuadé, paradoxalement, que tout ce qui est entrepris aujourd’hui, de manière tout à fait exceptionnelle, permettra demain d’apporter des réponses dignes, humaines et surtout plus efficace, à tous ceux qui en France, trop nombreux, ont recours aux services du 115. N’oublions pas que la période d’hiver approche. J’y reviendrais, tant cette crise, laisse entrevoir de nouvelles pistes.

Le pays a mis la démultipliée ces dernières semaines : mobilisation de l’ensemble des acteurs (associations, bailleurs sociaux, collectivités) permettant de libérer des milliers de places de logements décents (anciens foyers logement désaffectés, anciennes maisons de retraite, bâtiments en attente de démolition, casernes inoccupées … ), délais d’obtention du statut de réfugié raccourcis, afin de permettre à ceux qui l’obtiendront de prétendre à un logement social au plus vite, en laissant la place à d’autres arrivants, le gouvernement assumant enfin une « logique de flux », plutôt que la « logique de stock » qui prévalait jusque là.

Bien sur, après reste le plus délicat : l’insertion… Impossible de ne raisonner qu’en terme capacitaire, quantitatif, techno, tant cette problématique doit s’appréhender de manière transversale, qualitative et surtout humaine …
Réussir une intégration est la résultante d’une longue chaine de solidarités, dans laquelle chaque maillon, aussi infime et fragile soit il, a un rôle essentiel : collectivités, Etat, associations, particuliers …  C’est à ce stade que d’autres acteurs, dont les collectivités interviennent, d’ou l’intérêt de visiter le Centre d’Accueil de Champagne en amont …

La compassion née d’un cliché, d’un interview, ne dure trop souvent qu’un temps éphémère, c’est ce que rappelait le Maire de Champagne sur Seine, celui de l’émotion …
Il faut en ce domaine, être efficace, humain, collectif mais plus que tout, tenace, d’autant que cette question des réfugiés risque de devenir une constante des prochaines décennies, et ce pour plusieurs raisons …

 

 

 

 

 

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Le parcours d’un demandeur d’asile

Bernard Cazeneuve le 12 septembre a présenté les procédures mises en place par le gouvernement pour faciliter   le parcours d’un demandeur d’asile, déjà dument balisées par les accords internationaux et la Convention de Genève.
Il a souligné les évolutions initiées par la réforme de la loi asile de l’été, qui donne les moyens légaux et règlementaires d’instruire plus vite, au plus prés, afin de favoriser un parcours d’insertion plus serein et apaisé. Indiquant dans son propos qu’aucune démagogie ne pouvait exister en ce domaine, condition sine qua none pour que les français acceptent l’effort engagé, dans un contexte économique et social contraint; précisant que serait reconduit à la frontière avec fermeté mais humanisme ceux, ne pouvant être  considérés comme des réfugiés politiques, et de ce fait acquérir ce statut.

 

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Quand la géo politique rejoint l’humanitaire

La très grande majorité des réfugiés syriens et irakiens fuient l’Etat islamique dont leurs pays sont les premières victimes. Si nous ne les accueillons pas, comment les, mais surtout comment nous protéger ?
Il en va effectivement de la sécurité de nos états, les rejeter comme le demandent certains, c’est aussi assumer de contribuer au développement du terrorisme.

Cette nouvelle poussée de l’émigration a plusieurs raisons objectives :

Un des syriens rencontré à Champagne, la cinquantaine affirmée, patron de société, nous a indiqué qu’avec sa famille, il s’était installé en Turquie pour attendre  la fin du conflit. Après 5 ans de guerre, devant l’absence de perspectives, comprenant qu’il ne reviendrait pas de sitôt chez lui, il a décidé alors d’émigrer en Europe afin d’offrir un cadre de paix et un nouvel avenir à sa famille.
Attitude compréhensible, surtout lorsque l’on assiste aux derniers développements des bras de fer diplomatiques engagés, non plus entre  seulement Assad et l’Etat Islamique, mais également entre la Russie, l’Iran et le camp occidental !

Ces dernières semaines l’annonce par la Turquie de la fermeture prochaine de ses frontières a entrainé une vague de nouveaux réfugiés, qui fuyaient également les enrôlements de force des islamistes ou de l’armée d’Assad (conscription).
De tous les pays riverains, la Turquie est celui qui s’est montré le plus généreux, le plus accueillant, mais l’augmentation du nombre de réfugiés, le prolongement de leur séjour, l’évolution du conflit kurde, comme la progression de l’islamisme, explique une lente détérioration du climat, tant une certaine saturation des pays d’accueil limitrophes apparait peu à peu …

Pour l’Europe, ne pas agir, c’est prendre le risque prendre de contribuer à terme, à la déstabilisation, non seulement la Turquie, mais également de pays comme le Liban, la Jordanie, ou la Tunisie (pour les Lybiens), et de voir une radicalisation larvée à laquelle travaille les extrémistes se développer.
Cette région est non seulement une vraie poudrière, rien de bien nouveau, mais aujourd’hui ertaines mèches allumées menacent de tout faire sauter. Les conséquences en seraient terribles et déclencheraient une réaction en chaine allant jusqu’à Israël, pays voisin du Liban; la rencontre de son premier ministre il y a quelques jours avec Poutine prouve leur inquiétude face à une évolution de la situation pour le moins préoccupante.

Selon le Monde « La longueur du conflit influe également sur les organisations humanitaires, le montant des coupons alimentaires distribués chaque mois par le programme alimentaire mondial (PAM) est passé de 40 dollars à 13 dollars, alors que les besoins n’ont cessé d’augmenter». Il faut soulager leur action, en les aidant mais également en prenant notre part de réfugiés.

 

Quid de la solidarité européenne ?

L’Europe est confrontée aujourd’hui à une crise migratoire sans précédent depuis la signature de la Convention de Genève (1951). Les situations de crise s’y multiplient et alimentent les médias d’images chocs : noyades de réfugiés traversant la Méditerranée, asphyxies dans des camions de trafiquants d’êtres humains, situation de Calais …
La violence de telles images ne sont que le reflet d’une réalité dramatique, trop longtemps ignorée. Certains spécialistes avancent le chiffre de 30 000 morts en Méditerranée depuis 2000 ! Pour l’agence européenne de contrôle des frontières extérieures de l’Europe, ce sont 283 000 entrées illégales qui ont eu lieu en Europe en 2014 (dont 220 000 par mer).

Deux éléments sont également à prendre en considération. Ils expliquent, outre les valeurs et principes moraux qu’il ne faut pas mettre en doute, la position allemande : les émigrés syriens sont pour la plupart, en pleine force de l’âge, déjà formés, pour beaucoup diplômés et issus des classes aisés. Pour arriver en Europe, le ticket à un prix, entre 3000 et 5000 euros par personne.
Il n’échappera à personne que la démographie allemande a quelques faiblesses.  Cela fait déjà plus de dix huit mois, que les collectivités allemandes préparent avec soin l’arrivée des « chrétiens de Syrie ».

L’Europe objet de migrations mixtes mêlant réfugiés politiques et économiques, est désormais la plus grande destination migratoire au Monde, record qu’elle doit à sa situation vis à vis du bassin méditerranéen : Irak, Syrie, Lybie mais aussi Afrique. Devant ces arrivées massives, elle se doit d’apporter plusieurs types de réponse, même s’il est bon de relativiser quelque peu les chiffres : que pèsent les 430 000 réfugiés syriens devant 500 millions d’habitants (dont 0,1 % de réfugiés) ?

Il lui faut :

  • soutenir les pays périphériques d’accueil et les ONG encadrant les camps,
  • contribuer à trouver des solutions diplomatiques ou militaires en Syrie même,
  • Définir un cadre d’accueil et de solidarité respecteux des valeurs humanistes que portent l’Europe.

Aussi la décision de la Hongrie de Monsieur Orban, non seulement de fermer ses frontières nationales, mais  «de faire la guerre aux migrants», en donnant à l’armée l’autorisation de tirer à balles réelles, et donc de tuer est une atteinte inacceptable à ce qui constitue le socle de l’engagement européen. Il ne s’agit plus ici d’économie ou de déficit, mais de valeurs ce qui est d’autant plus grave, il y a ici rupture de contrat ! L’histoire balbutie, faut il rappeler à Monsieur Orban que c’est plus de 200 000 hongrois qui ont fui ce pays en 1956 et qui ont été accueilli partout dans le monde, 200 000 !

Cette séquence, est un crash test pour les règles de Schengen. Pour l’instant celles ci tiennent, des contrôles pouvant être réinstaurés dans le cas de circonstances jugées exceptionnelles, la période maximale prévue est cependant de 2 mois, quid après ce délai ?
Si la tentation pour certains pays de l’Est est de durcir le contrôle et le blocage de leurs frontières, ils restent paradoxalement attachés aux accords de Schengen. L’incidence économique, sociale et politique sur la libre circulation des biens et des marchandises mais aussi de leurs habitants seraient considérables.

Tout n’est pas si simple, mais l’Europe ne progresse t’elle pas mieux, et c’est bien malheureux, qu’en période de crise !
Mieux vaut d’ailleurs qu’elle progresse, car les conflits régionaux, mais également les aléas climatiques risquent de multiplier les migrations de populations sur la planète. Il lui faudra savoir apporter des réponses solidaires tant au niveau local, que global, cela ne vous rappelle rien ?

Cela commence effectivement avec la Conférence Climat qui se déroule à Paris, dans quelques semaines !

 

Fleurissement, Zéro phyto et qualité de l’eau

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Nous avons accueilli à Trilport il y a quelques jours le jury régional des villes et villages fleuris, visite traditionnelle depuis 1997, année d’obtention de notre Première fleur (suivie d’une seconde en 2000), dans ce concours qui concerne désormais une commune française sur trois, dont 305 pour la seule Ile de France.

Autant l’avouer, j’avais de sérieuses réserves sur l’utilité d’un tel label. Privilégier un fleurissement ostentatoire, grand consommateur en logistique, eau et produits phytosanitaires, réservé à certains «spots» stratégiques de la ville, ne me semblait pas revêtir de caractère prioritaire.
L’évolution sensible des critères de ce prix m’a depuis fait changer d’avis. Le respect de l’environnement et la défense de la bio diversité y sont devenus prépondérants, le jury évaluant fleurissement (répartition dans la ville, adaptation aux contraintes des sites, diversité et qualité des compositions, entretien tout au long de l’année), pratiques environnementales déployées, dimension sociale et citoyenne accompagnant la démarche de la collectivité. En fait, c’est bien de la place du végétal dans la ville dont il est question, et des actions en faveur de l’environnement engagées, jusqu’au projet de développement initié.

Dans ce cadre, soulignons que Trilport bénéficie d’un patrimoine naturel exceptionnel : bords de Marne, forêt domaniale, écrin de cultures entourant le centre urbain et points de vue sur les coteaux environnants uniques dans la région. Dans le même temps la ville a une configuration urbaine affirmée (présence de zones industrielles, d’une gare et de plusieurs infrastructures routières) et se développe, du fait de la loi SRU. Dualité qui nous a mené à initier un projet de territoire dont l’objectif est de construire une ville durable, qui n’oublie pas cependant d’être aimable à ses habitants.

Notre volonté est de préserver l’intégrité des espaces naturels et agricoles, en limitant l’étalement urbain, piste privilégiée : « construire la ville sur la ville » (plus facile à dire qu’à faire !) mais nous travaillons dans dans le même temps à y renforcer la présence végétale. Ce dernier objectif est à la base de notre engagement dans le label des villes fleuries.
Le but n’est pas de décrocher une 3eme fleur à tout prix, mais bien de défendre une conception de l’aménagement urbain représentative des spécificités de ce territoire, en nous appuyant sur la place qu’y occupe déjà le végétal.
Un nouveau modèle de développement urbain est possible, trouvant ses racines dans les spécificités du terroir local et intégrant très en amont les exigences de l’urgence environnementale en apportant des réponses concrètes et utiles pour faciliter l’adaptation de nos villes aux conséquences de la dérégulation climatique.

L’importance écologique des arbres et espaces verts n’est plus à démontrer (développement de la bio diversité, captation du CO2, régulation thermique lors des périodes de canicule notamment), mais « le végétal » constitue encore trop souvent la variable d’ajustement des opérations d’aménagement, alors qu’il demeure un élément architectural et urbain essentiel. Il apporte à une ville, un quartier, caractère, identité et supplément d’âme, cadence le rythme des saisons et du temps qui passe, sa présence est indispensable à l’épanouissement des habitants de toutes générations, y compris des plus jeunes … Une école sans végétal ou horizon naturel est une école sans ligne de fuite, sans perspectives pour les yeux d’enfants …

Une question fait débat aujourd’hui : le « zéro phyto ». Certains de nos concitoyens s’agacent de voir « proliférer » au long des trottoirs ou des routes, les herbes folles, mousses, pousses de pissenlit et autres, qui sont pour eux autant d’illustrations d’une ville mal entretenue. Aussi, ils ne manquent pas d’exprimer leur mécontentement aux élus et agents des espaces verts par des remarques acidulées, sinon acides. Rappelons simplement qu’au 1er janvier 2017 l’utilisation des produits phytosanitaires sera interdit sur les voiries, espaces verts, forêts et promenades ouverts au public.
Durant des décennies, tout paraissait pourtant si simple ! Un geste, l’application d’un produit miracle et plus de mauvaises herbes ! Rappelons simplement que l’efficacité de tels produits dépend surtout de leur toxicité. Si nos jardiniers ont toujours la main verte, ils ont troqué leurs anciens pulvérisateurs pour des binettes, beaucoup moins efficaces en apparence, et se retrouvent  dans l’obligation de s’adapter à une nouvelle donne qui représente une charge considérable de travail supplémentaire. Autant le dire les différentes techniques alternatives qu’elles soient mécaniques, thermiques ou chimiques nécessitent une appropriation difficile et des niveaux de rendus qui seront moins bons que les précédents.

Nous vivons un changement d’époque, ce qui vaut également pour le fleurissement. Il est heureux que notre génération ait enfin pris conscience du danger de certaines de ses pratiques quotidiennes, en apparence inoffensives, pour la planète, que l’on ne soupçonnait pas aussi fragile et périssable.

Comment définir dans un tel cadre, sinon une doctrine en matière de fleurissement, du moins des priorités claires intégrant les contraintes environnementales ?

Avant d’aborder plus concrètement dans une prochaine note l’action engagée sur Trilport dans ce domaine et les pistes explorées pour adapter au mieux nos villes aux conséquences de la dérégulation climatique, il me semble urgent de revenir sur la délicate problématique du zéro phyto …

 

 

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L’arsenal chimique utilisé jusque là, sous diverses appellations (intrants, produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques, pesticides, engrais parfois), pour l’entretien  des espaces agricoles, naturels, de l’espace urbain est au centre d’une controverse révélatrice des contradictions d’une société en quête d’un mode de développement plus respectueux de la planète.

 Destinés à protéger les cultures des organismes nuisibles ou parasites (de manière curative ou préventive), et à accompagner une agriculture de type intensive, ces produits ont permis jusque là de préserver potentiel de production et rendement,  mais à quel prix ! Leur utilisation n’a pas toujours été marquée d’une grande modération, tant dans la diversité des molécules utilisés, leur degré de toxicité croissant, que la quantité épandue, avec des conséquences graves pour l’homme et les écosystèmes, quelquefois même irréversibles. Problématique que l’on ne peut réduire à de simples effets de seuils de toxicité mais qui comprend également les effets cumulatifs.

 Transportés par les eaux de ruissellement ou l’infiltration naturelle, les produits phytos, même épandus en faible quantité, se retrouvent dans les nappes souterraines et les rivières dont ils menacent les éco systèmes. Limiter leur usage est un enjeu sanitaire et environnemental majeur, l’eau potable étant une ressource vitale mais fragile et périssable, y compris dans nos terres. Pour illustrer ce propos, évoquons la nappe phréatique de Champigny,  1ere ressource d’eau potable d’Ile-de-France d’origine souterraine. Son niveau depuis une vingtaine d’années ne cesse de baisser (variations pluviométriques, surexploitation … ), ce qui a pour conséquence d’influer sur la concentration des nitrates et pesticides, dont la hausse est continue depuis les années 50, cocktail détonnant d’anciens produits interdits désormais à la consommation et de nouvelles molécules, tout aussi nocives.
Chacun s’accorde à dire qu’il faudra plusieurs décennies avant que cette nappe retrouve son intégrité. Les mesures prises ces dernières années, grâce aux règlementations européennes, sur l’assainissement des eaux usées ont permis d’améliorer la situation, aujourd’hui cette pollution est majoritairement due aux produits phytos employés dans l’agriculture, le jardinage, ou l’entretien des infrastructures, et implique donc tous les utilisateurs de ces produits.

Il importe de ne pas faire preuve de démagogie, tant auprès des particuliers ou des différents lobbies, aucun retour en arrière n’est envisageable, l’engagement récent des collectivités ne constitue ainsi qu’une première étape et s’étend peu à peu aux stades, cimetières. Le cadre législatif est d’ailleurs sur ce point sans ambiguité aucune, Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte interdit au 1er janvier 2017 l’utilisation des produits phytosanitaires par l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics sur les voiries, dans les espaces verts, forêts et promenades ouverts au public.
Notre société doit adapter objectifs et pratiques à ce nouveau contexte, dont il faut faire partager les enjeux à l’ensemble des acteurs.
Ce qui implique de réviser beaucoup d’anciens standards, de représentation collectives autour de la notion de propreté urbaine, de faire évoluer les niveaux de rendu en tenant compte de leur faisabilité. Dans notre culture urbaine occidentale, la ville s’est construit en opposition au milieu naturel, et la flore spontanée (« les mauvaise herbes ») a toujours été ressentie comme indésirable, car non maitrisé et non maitrisable. Il est enfin temps de prendre en compte de nouvelles priorités peut être moins esthétiques (quoique ?) mais plus vitales, notamment la protection de la ressource en eau, la diffusion de la bio diversité et la prise en compte d’exigences sanitaires minimum.
Cet examen de conscience concerne également les agriculteurs, notamment ceux pratiquant une culture de type intensif, en les incitant à faire du bio et à limiter les conséquences pour les sous sols de certaines pratiques polluantes et très consommatrices en eau (attention au réchauffement), sans oublier les particuliers et les gestionnaires d’infrastructures routières ou ferrées; il serait bon d’imposer par exemple à la SNCF lorsqu’elle entreprend des opérations majeures de rénovation de voie, de ne pas limiter ses mesures préventives aux seuls secteurs  de captage d’eau !

Le zéro-phyto n’est qu’une étape dans un processus de transition écologique plus global, qui ne concerne pas que le devenir de la ressource eau, loin s’en faut, mais également le cycle de la vie qu’elle soit animale ou végétale et la diffusion de la bio diversité.

Je vous propose de revenir sur ces problématiques, dont une, majeure pour la prochaine décennie et qui nécessite des actions immédiates et concrètes :  adapter  nos territoires au réchauffement planétaire et à la dérégulation climatique, dans lequel le végétal a également un rôle central à jouer …

 

 

14 juillet 2015

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Célébrer la fête nationale, c’est témoigner de notre attachement aux valeurs qui, au fil du temps et de l’histoire, ont forgé la République, puis se sont propagées, semant des graines de liberté par tous les vents, au delà des océans, sur tous les continents.

Des valeurs durement mises à l’épreuve lors des tragiques évènements de janvier dernier, qui ont à la fois révélé les fractures profondes de notre société, mais également démontré l’attachement des français à leur république,avec le succès de la manifestation du 11 janvier.
Ces évènements nous obligent. Ils imposent de nous poser la question essentielle de la transmission de ces valeurs fondatrices aux jeunes générations.  C’est aussi le sens de la cérémonie républicaine qu’est tout 14 juillet.

 

Le drame de janvier dernier a souligné les interrogations qui traversent le pays. La crise sociale que nous traversons, se double d’une crise identitaire douloureuse, car existentielle, qui concerne de nombreux jeunes et interpelle notre société sur sa capacité même à proposer de réelles perspectives. La question du sens à donner à une vie est absolument essentielle.
On ne peut réduire le projet de toute une existence à l’amélioration de la compétitivité, de la croissance ou encore à la réduction des déficits. Chacun a besoin d’être en capacité de se projeter dans l’avenir, de s’épanouir dans un projet commun et partagé qui élève, d’avoir un supplément d’âme qui le dépasse …

 

S’interroger sur la laïcité, bien au delà de la question religieuse, revient à se poser une question simple mais vitale, celle du sens à donner à une société qui en manque cruellement, tant elle  peine « à faire corps ».
Nous devons, bien évidemment, protéger la liberté de croire ou non, défendre la liberté d’expression, réprimer tout racisme, fixer des repères clairs autour de règles de vie partagées, respectées par tous et toutes les communautés, mais plus que tout, proposer un but, un cap, des perspectives.

Aujourd’hui beaucoup pensent que l’action collective est inutile et vaine. L’individualisme monte en puissance, il s’étend peu à peu et isole chacun dans une bulle dont il devient prisonnier.
S’engager, revient à crever l’enveloppe de cette bulle, comme l’on crève un abcès, à quitter l’état de spectateur pour devenir enfin acteur, à se mettre en mouvement, en action, pour porter une dimension supplémentaire, celle de l’intérêt général.
Il ne peut y avoir d’engagement sans partage, c’est dans une démarche collective que cette valeur prend toute sa force et son sens.

C’est cette valeur que nous avons tenu à mettre à l’honneur en ce 14 juillet … 

 

 

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 Les pompiers symbolisent cette valeur de l’engagement et le démontrent à chaque heure du jour ou de la nuit, quelquefois au péril de leur vie. Nous avons voulu mettre à l’honneur en ce 14 juillet, leur action au quotidien au service des habitants. Plus que tout autre, ils contribuent à faire vivre le lien social, si fragile et ténu, mais essentiel au «vivre ensemble» …

Trilport et les pompiers c’est une longue histoire, qui remonte à février 1875, année durant laquelle à l’initiative de Gustave Ponton d’Amécourt, le Maire de l’époque, notre ville s’est dotée par souscription  d’une pompe à incendie et d’un local pour l’abriter, encore debout, quelques années après, la première caserne de la ville.
Chacun connaît ma détermination pour que le groupement des pompiers du SDIS 77, présents sur Trilport, dispose des moyens adaptés à la nature de leur mission et à la qualité de leur engagement comme de leur action.  Aussi, c’est avec plaisir que je vois au fil des jours s’élever la nouvelle caserne qui accueillera prochainement le Centre d’Incendie et de Secours  de Trilport.

Nous devons, chacun à notre place, faire vivre les valeurs républicaines qui composent le socle de notre communauté et les transmettre à nos enfants. C’est pourquoi le tryptique : « Liberté, Egalité, Fraternité » ornera bientôt le fronton de cette mairie, tant il est un patrimoine citoyen précieux, qu’il constitue le lien indispensable qui tisse notre cohésion nationale et demeure la meilleure garantie d’un avenir commun et partagé, permettant à notre société de ne plus être morcelée, fragmentée, éclatée, divisée mais une et riche de sa diversité…

 La seule question qui vaille en ce 14 juillet, est bien celle de la citoyenneté, du respect d’autrui, des règles communes, du pays, mais aussi et surtout de nos valeurs républicaines.

 

 

Education : « Toujours en mouvement est l’avenir »

 

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« Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre ;
qui l’ose réveiller peut s’en laisser surprendre ».
Pierre Corneille

 

Le monde est en mouvement, mouvement qui ne s’arrêtera pas de si tôt et devrait même s’accélérer dans les prochaines années. Paradoxalement notre système éducatif donne l’impression d’être comme à l’arrêt, pire en décalage ; si durant des années, il a répondu aux demandes d’un pays en pleine croissance : généralisation de l’accès à l’enseignement secondaire, multiplication du nombre d’étudiants dans le supérieur, diminution du «différentiel d’instruction» entre élèves selon leur origine sociale, ce modèle a vécu.
Le nombre de jeunes sans qualification et ne trouvant pas d’emploi est considérable, jamais l’école républicaine n’aura été aussi inégalitaire ; l’ascenseur social du pays  est bel et bien en panne. Dans le passé un jeune issu du système scolaire pouvait espérer trouver rapidement un métier pour la vie et progresser dans la même entreprise, autant de perspectives qui ont disparu.
Plus de 130 000 jeunes sortent sans solution chaque année, et 65% des élèves d’aujourd’hui exerceront demain un métier qui n’existe pas encore ! Encore leur faut-il trouver un emploi !

Si le système éducatif est le reflet de la société, force est de constater que le miroir est brisé, l’école nous renvoi toujours l’image du monde « monde d’avant ». Ses repères ne correspondent plus à une société ou l’horizontalité a supplanté la verticalité et dont les  fondations reposent de plus en plus sur des « nuages » ! Nous vivons une phase de transition entre deux mondes,  bouleversement qui se répercute sur l’enseignement, qui de masse devient quasi individualisé, privilégiant désormais un modèle plus qualitatif que quantitatif.
Si auparavant chaque élève devait s’adapter aux enseignements existants, c’est au système éducatif de s’adapter désormais. Pourtant ses structures sont toujours les mêmes !

L’école ne peut plus se permettre d’être « hors sol », devenu un véritable éco système, elle doit s’ouvrir au monde extérieur auquel elle est connectée, au propre comme au figuré.  La société émergente fait appel à des aptitudes particulières à maitriser que ce soit dans le monde réel ou virtuel d’Internet et des réeaux sociaux. Au cœur de cette mutation qui transforme en profondeur la planète, les qualités relationnelles prennent de plus en plus d’importance.

C’est un coup de colère froide, suite à une divergence de fond avec des acteurs institutionnels, perdus dans leurs certitudes, éloignées des contingences matérielles du terrain et de la réalité partagée des élèves et des professeurs, qui a déclenché cette réaction et m’a amené à proposer des pistes d’action.
Chef des travaux en Lycée Professionnel depuis des années, le décalage grandissant entre l’affichage politique, les exigences théoriques de l’institution, la déconnexion de responsables éducatifs et les besoins réels et concrets des élèves notamment des plus défavorisés comme le malaise grandissant de beaucoup trop d’enseignants, m’a conduit à mener une réflexion relative à l’acquisition des habiletés sociales et numériques. Travail qui s’est étoffé en cours de route, notamment autour des exigences et opportunités pédagogiques spécifiques induites par la société numérique.
Afin que chaque jeune formé (mais en ce domaine la jeunesse a t’elle des limites ?) soit en capacité de s’épanouir dans la société d’aujourd’hui comme de demain. 

Soulignons tout de même un paradoxe, et de taille. Si la raison d’être et l’utilité de l’Éducation Nationale est de former les jeunes générations, elle n’assure pas (n’assume pas ?), ou si peu, la formation continue de ses enseignants. Je ne veux pas abordons pas la question de la formation initiale, à priori inutile aux yeux des gouvernements successifs de l’ère Sarkozy.
Former les enseignants sur le fond, pas seulement sur la forme, est pourtant un passage obligé incontournable pour chaque pays afin qu’il s’adapte aux mutations de la société, de ses exigences, des besoins ressentis sur le terrain et surtout de l’attente légitime des français.
Faut il rappeler qu’une des missions majeures d’un enseignant est d’être transmetteur de repères, encore faudrait il que les siens puissent être réactualisés !

Aussi personne ne devrait s’étonner que beaucoup d’enseignants s’interrogent aujourd’hui sur le sens à donner à leur métier ?

Autant il n’est plus possible de s’affranchir de l’évolution de la société et de l’incidence évidente du numérique, d’internet et des réseaux sociaux sur les modes de pensée, autant l’enseignement ne doit pas renoncer à son ambition pédagogique première : former des citoyens éclairés disposant des capacités de discernement, de penser par eux-mêmes, dotés d’un esprit critique.
Encore devons nous tenir compte du changement de mode de pensée induit par l’émergence d’une société de plus en plus digitale.

Une grande part de la crise culturelle, intellectuelle, spirituelle et identitaire que notre société traverse, provient de la mutation en cours et des remises en cause successives qu’elle entraine, car comme le dit si bien Yoda  : « Toujours en mouvement est l’avenir »

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Laicité, redonner du sens à un projet commun

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Je viens de recevoir le numéro spécial de la revue « Communes, département et Régions de France » consacré à la « Laïcité, une garantie de liberté » … Plus de 300 pages dédiées à un concept, qui depuis les attentats du 5 janvier dernier, a pris une toute autre importance aux yeux de tous, du moins des miens.

Suite à une de mes interventions lors d’un Bureau National de la FNESR portant sur cette problématique, on m’a proposé de contribuer à ce travail collectif, ce que j’ai fait avec la tribune : « Donner du sens à un projet commun ».

Dois je l’avouer, le concept de Laïcité m’apparaissait jusque là, quelque peu éthéré, déconnecté de la société et de la vie actuelle, 2015 n’étant plus 2005 loin s’en faut. Une valeur à mes précieuse, certes, d’autant que je suis athée, mais quelque peu vide de sens, du moins de contenu concret et à renouveler absolument pour lui éviter de dépérir …

Par le passé pourtant, deux temps forts m’avaient incité à retravailler quelque peu cette problématique fondatrice et fondamentale à bien des égards :

  • les discussions autour du traité européen, dans lesquelles, suite aux pressions françaises toutes références à « l’origine chrétienne de l’Europe » avait été évacué. Une concession que beaucoup de nos compatriotes avaient trouvé mineure, alors que pour nombre de pays européens, elle était en fait majeure. J’ai encore le souvenir du ressenti d’amis allemands et hongrois et des sermons tant du prêtre que du pasteur entendus lors lors d’une messe œcuménique à Engen, en allemagne à cette période. Cet « abandon » constituait à leurs yeux un vrai déchirement.
  • le discours scandaleux de Nicolas Sarkozy à Latran « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ». Nous voilà à des années lumière des valeurs républicaines que ce dernier prétend pourtant aujourd’hui incarner !

Deux évènements dont l’ampleur ne peut être bien évidemment pas comparer à ceux de janvier dernier, beaucoup plus dramatiques. Ces attentats ont provoqué un réveil citoyen qui démontre combien ces questions demeurent importantes dans l’inconscient collectif national et comptent incontestablement, pour aujourd’hui et pour demain. Encore devons nous redonner à un contenant quelquefois vide, un vrai contenu …

 

C’est bien une partie de l’enjeu,  s’émanciper du prisme religieux, pour aller plus loin, à la recherche de valeurs à partager afin de vivre ensemble, riches de nos différences, au service d’un projet commun destiné à construire des lendemains  « qui chantent » plus durables et solidaires.

 

Conclusion de ma tribune

 

 

 

 

 

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« Les attentats de janvier dernier, quelque soit leurs motivations, doivent interpeller notre société en profondeur sur sa capacité à proposer des perspectives de monde meilleur aux jeunes générations afin de résoudre la grave crise spirituelle que ces générations traversent.  La question du sens est centrale, on ne peut réduire le projet de toute une vie à l’amélioration de la compétitivité, de la croissance ou à la seule réduction des déficits, aussi efficace soit elle. Les douleurs humaines ne sont pas virtuelles, mais concrètes et ressenties comme telles.

L’homme a besoin de foi, au sens laïc et philosophique du terme, pour être en capacité d’aller de l’avant et de se projeter dans l’avenir, il a également besoin de liens sociaux et de se retrouver dans un projet commun et partagé avec d’autres … C’est cette foi en un avenir meilleur qui lui a permis de s’élever puis d’entamer sa longue marche, pas à pas.

La nature a horreur du vide, y compris spirituel. Si rien n’est proposé, le pire peut arriver, d’autant que les jeunes générations sont conditionnées dés le plus jeune âge à la violence la plus extrême, souvent virtuelle, ou l’on oublie que le sang est douleur, que le sang est malheur, que le sang est terreur.

Se poser la question de la laïcité, s’est s’interroger avant tout, sur la question du sens à donner à une société qui en manque cruellement, et qui peine « à faire corps ».

Se poser la question de la laïcité c’est surtout et plus que tout proposer une vision du monde et de l’humain, une vision bâtie autour de l’émancipation, du respect d’autrui, dans ce qu’il est et ce qu’il pense, « délimitation profonde entre temporel et spirituel»[1]. »

 

Pour télécharger tout le texte de cette tribune



[1] « La grande idée, la notion fondamentale de l’Etat laïque, c’est à dire la délimitation profonde entre le temporel et le spirituel, est entrée dans nos mœurs de manière à ne plus en sortir. » Ferdinand Buisson,

Dictionnaire de pédagogie et d’instruction publique, 1887

 

Elle était « à l’écoute du bien-être des gens » …

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Je viens d’apprendre avec tristesse le décès de Françoise Hélène Jourda, elle était non seulement une architecte talentueuse mais une femme d’exception.
J’ai eu la chance de la rencontrer plusieurs fois dans le cadre de mes activités d’élu. C’est à elle et l’équipe qu’elle animait que nous avons confié, avec l’aménageur l’AFTRP, les destinées de l’écoquartier de Trilport, « l’Ancre de lune ».
Nous avions été séduits par son projet, son implication concrète et reconnue en architecture environnementale, dont elle était une des pionnières européennes les plus reconnues, son souci de la qualité de vie des habitants, ses partis pris environnementaux, la place laissée au végétal et aux arbres notamment. Mais plus que tout, c’est sa passion sincère à vouloir animer notre projet (au sens premier du mot, « donner la vie ») qui nous a convaincu.

J’ai ensuite appris pourquoi notre éco-quartier avait trouvé une certaine résonance au plus profond d’elle, puisqu’elle a déclaré il y a quelques années :

« Moi mon rêve, c’est de construire un morceau de ville, sur la ville, dans la ville, pour changer la ville pour démontrer aujourd’hui qu’il est possible de transformer les villes existantes que ce soit au niveau environnemental, au niveau social, et apporter du bonheur aux gens »

Le métier d’architecte urbaniste aux yeux de cette professionnelle, d’une simplicité non affectée, à la renommée pourtant internationale, devait avant tout être «à l’écoute du bien-être des gens», afin de répondre à leurs besoins, aux usages de la vie et de la ville, prendre en compte également l’urgence environnementale comme l’impératif d’économiser l’énergie en choisissant les matériaux et procédés de construction les plus respectueux de la planète, de leur conception à leur recyclage.

Autant de parties pris qui ont trouvé de l’écho aux oreilles de l’élu engagé que je suis, sur les questions relatives à l’habitat, à l’urbanisme et au Développement Durable.
Qu’elle sache, que là où elle est ou pas,  nous ferons tout pour que ce projet soit à la hauteur de ce qu’elle voulait pour la ville, qu’elle soit durable, aimable et désirable …

 

Quelques éléments de bio

 

 

 

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l’Académie de formation du Mont-Cenis, à Herne-Sodingen, dans la Ruhr.

 

Françoise-Hélène Jourda, l’architecte durable

Terra Eco. Net

 

Françoise-Hélène Jourda a longtemps construit des maisons écolos sans l’afficher. C’était mal vu. Depuis 2007, elle cumulait les reconnaissances. Elle est décédée ce 1er juin 2015. Nous l’avions rencontrée en 2009. Voici son portrait.

« Je rêve de bâtiments biodégradables ! » Drôle d’idée pour une architecte. Quand une partie de sa profession s’escrime à laisser sa trace dans le paysage et dans l’histoire, Françoise-Hélène Jourda s’exerce à rendre son empreinte la plus légère possible. En ce moment, elle construit des logements sociaux à façades de bois et murs démontables à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) : des immeubles réversibles, presque recyclables, issus de trente années de recherche. Cette volonté de créer une architecture quasi-éphémère lui a valu une Légion d’honneur en juillet.

 

Et si, à 54 ans, Françoise-Hélène Jourda se réjouit avec tant d’allégresse de la vague verte, c’est qu’elle a longtemps ramé à contre-courant. Sa vocation semblait pourtant couler de source, peut-être de la maison de campagne familiale dans la région lyonnaise. Françoise-Hélène Jourda se souvient que l’eau de pluie y était récupérée et qu’elle servait à se laver, puis à faire la vaisselle. Et enfin à l’arrosage. Diplômée de l’Ecole d’architecture de Lyon en 1979, elle se définit à la fois comme une enfant du choc pétrolier, marquée par la « chasse au gaspi », et une post-soixante-huitarde inspirée par « l’architecture solaire » version Larzac.

 

C’est le temps des expérimentations en association avec l’architecte Gilles Perraudin : une école économe en énergie à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) en 1981, des maisons en terre et l’Ecole d’architecture de Lyon, en 1982, avec « la première double façade au monde, qui, bien sûr, ne marchait pas », se rappelle-t-elle. Mais l’époque n’est pas vraiment réceptive à ces prospections vertes. Les années 1980 sonnent plutôt l’avènement des grands ensembles architecturaux. « Nous devions presque dissimuler nos visées environnementales. Pour installer 4?000 mètres carrés de toiture végétalisée sur la Cité scolaire internationale de Lyon, on expliquait que ce serait plus joli, mais pas qu’on allait ainsi récupérer les eaux de pluie », s’amuse-t-elle rétrospectivement. 

 

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« Chaque projet, je commence par le trouver moche ! »

La rumeur publique attribue volontiers à cette belle femme, très blonde et aux yeux d’un bleu transparent, des origines germaniques qu’elle n’a pas. Sans doute parce que c’est de l’autre côté des Alpes, en Autriche et en Allemagne, que ses idées ont rencontré des fans.

En 1992, le gouvernement allemand la choisit pour imaginer l’Académie de formation du Mont-Cenis, à Herne-Sodingen, dans la Ruhr. Elle dessine et conçoit un laboratoire écolo géant en créant un microclimat à l’intérieur d’une serre de 13?000 mètres carrés, tout en gardant un œil sévère sur l’empreinte écologique de la construction elle-même. « Le bois était coupé dans la forêt mitoyenne et séché sur place. Je n’ai jamais retrouvé des conditions semblables en France », note-t-elle.

Pour expliquer ce long retard hexagonal, elle évoque, pêle-mêle, les lobbies énergétiques français ou le quasi-monopole des groupes de construction, bien moins flexibles qu’outre-Rhin. Peut-être aussi le dédain pour l’architecture non spectaculaire qu’elle revendique. « Construire compact, ramassé, c’est se mettre en marge de ce qui est médiatisé, du monumental, analyse-t-elle. Renoncer à la forme demande du courage. Chaque projet, je commence par le trouver moche ! »

 

Il a fallu attendre le Grenelle de l’environnement et la commande d’un rapport par le ministre Jean-Louis Borloo sur la construction durable pour qu’on regarde ses bâtiments d’un autre œil (1). « Elle a longtemps été à part, et devient aujourd’hui le porte-drapeau d’une nouvelle architecture ! », témoigne François de Mazières, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Au point de devenir une référence. C’est à elle que la Ville de Paris a fait appel, en 2007, pour réhabiliter la Halle Pajol et la transformer en un bâtiment emblématique à très faible empreinte écologique.

 

Avec encore quelques embûches. « Ses ambitions sont parfois stoppées par des problèmes d’homologation, explique Baptiste Le Brun, responsable des opérations à la Semaest, maître d’ouvrage de la Halle. Il y a encore des résistances bureaucratiques à l’innovation. » Pas rancunière, Françoise-Hélène Jourda continue à y croire. « Les mentalités ne sont pas si difficiles à changer, affirme-t-elle. Le développement durable concerne tout le monde, du jardinier au locataire, en passant par le bailleur social et le politique. Une fois qu’on a amorcé la pompe, ça peut prendre assez vite. »

 

Des normes jugées mensongères

L’architecte milite pour la disparition de la certification HQE (Haute qualité environnementale), dominante en France, qu’elle juge obsolète voire mensongère, et pour la mise en place d’une grille de cotation de l’empreinte écologique d’un bâtiment. Elle espère d’ailleurs, d’ici la fin de l’année, mettre en service un logiciel simple « pour qu’un locataire puisse lui-même faire le diagnostic énergétique et le mettre sous le nez de son propriétaire ». Tant que le Grenelle durera, elle aura la foi. Titulaire d’une chaire d’architecture durable à l’université technique de Vienne depuis 1999, c’est dans son labo autrichien, entourée d’une équipe de chercheurs internationaux, que cette Française continue d’imaginer les moyens d’effacer nos traces. En attendant que son pays natal se réveille pour de bon ?

(1) Rapport sur la prise en compte du développement durable dans la construction

 

 


 

FRANCOISE-HÉLÈNE JOURDA EN DATES ET EN GESTES

 

Vidéos & interviews
France info
Du bâtiment à la Ville Durable

Université de Mons : Halle Pajol
Interview Batimat : Halle Pajol

 

 

1955 Naissance à Lyon (Rhône)

 

1979 Diplômée de l’école d’architecture de Lyon, association avec Gilles Perraudin

 

1992 Imagine l’Académie de formation de Herne-Sodingen (Allemagne)

 

2004 Commissaire du pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise, sur le thème des « Métamorphoses durables »

 

2007 Prix international d’architecture durable

 

2009 Petit Manuel de la conception durable, aux éditions Archibooks (parution à l’automne)

 

Son geste vert Elle interdit l’éclairage de nuit dans ses bâtiments.