Ne l’appelait plus jamais Clem’

Coincé dans les eaux de Méditerranée, le porte avion Clemenceau devait terminer son dernier voyage en Inde aprés deux mois de traversée afin d’y être démantelé ; à un détail prés, la Cour Suprême de ce pays lui a interdit l’accès de ses eaux territoriales estimant que la quantité d’amiante à traiter violait la convention de Bâle relative à l’élimination des déchets dangereux.

L’odyssée pitoyable de ce fleuron de la flotte nationale, porte drapeau ayant porté haut nos couleurs dans toutes les eaux du globe et lors des derniers conflits du XXeme siècle est instructive, non sur le fait de savoir si un matériel militaire est concerné par cette convention, mais par trois erreurs lourdes de sens commises par le Gouvernement : L’absence de filière de démantelement, les dangers de l’amiante, l’affront fait à l’Inde.

 L’absence de filière de démantèlement

Puissance navale de premier rang, nous possédons une flotte importante , une industrie et des chantiers navals qui luttent actuellement pour leur survie. La société aujourd’hui demande aux industriels de posséder certes l’art de faire mais également celui de défaire; cette tendance se généralise sur l’ensemble des secteurs industriels et pose beaucoup de problèmes à notre industrie nationale, tout secteur confondu. Le Développement Durable impose pourtant la création de ce type de filière, véritable passage obligé, et tant mieux pour la planète.

Les coques du Clémenceau comme celles de la majorité des navires construits aprés la deuxième guerre recèlent beaucoup d’amiante, l’emploi de ce matériau étant inévitable à l’époque par ses qualités d’isolant au feu, la faiblesse de son coût, sa toxicité n’ayant pas été avérée (quoique …).

Au regard de la décision prise par le gouvernement, certaines questions méritent d’être posées :

  • Ce type de process industriel est il impossible techniquement à accomplir dans un chantier naval français ?
  • Est il créateur d’emplois ?
  • Le Clémenceau est il un cas unique ?

Car ce marché est viable économiquement pour notre industrie : du fait de la technicité qu’il requiert et de l’importance du stock d’amiante contenu dans de nombreux ouvrages ou équipements  (bâtiment notamment …), de fait, le désamiantage est malheureusement  un marché porteur.

Les dangers de l’amiante

Entre autres inconvénients, l’amiante présente la caractéristique d’être trés volatile, ce qui le rend d’autant plus dangereux. Effectuer un  désamiantage est une opération délicate à mener : il faut confiner et rendre étanche la zone à décontaminer avant de pouvoir l’extraire. Au regard des dangers évoqués, cette procédure est une opération plus que délicate malgré une réglementation très stricte et le risque environnemental est présent à toutes les étapes : extraction, transport et traitement.

Cette technique est désormais maîtrisée dans nos pays, mais depuis assez peu de temps, et rien n’assure que les procédures mises au point en Europe soient généralisées sur d’autres continents.

La découverte du fléau de l’amiante ne remonte officiellement en France qu’à 1997, même si ses dangers sont connus depuis bien plus de temps (début du siècle dernier). Difficulté majeure, si le temps d’exposition ou la quantité de fibres absorbés sont des paramètres significatifs, ils ne sont pas déterminants, une exposition ou une quantité absorbée infime peut se révéler mortelle, ce qui a amené l’Etat malgré la puissance du lobby des producteurs, qui a fait ses preuves jusque dans un passé récent, a procédé finalement aprés bien des altermoiements coupables (on se rappelle le scandale des veuves de l’amiante) à son interdiction totale.

Le problème aujourd’hui est que l’on trouve de l’amiante dans nombre d’endroits trés divers, notamment dans le bâtiment : plafonds, sols, tuyauteries mais également industrie automobile (freins), partout où l’on doit agir contre la chaleur. Ce risque est si important que lors d’une vente de bien immobilier un diagnostic « amiante » doit être effectué obligatoirement; il est dommageable que cette obligation n’est pas été étendu aux propriétaires vis à vis de leurs locataires. .

L’offense faite à l’Inde

Cette affaire est également exemplaire des relations Nord / Sud dans le domaine de l’Environnement et de l’élimination des déchets toxiques ou dangereux. On ne peut que regretter le mauvais exemple donné par la France, surtout après les déclarations de Chirac sur le Développement Durable et la « maison qui brûle ».

Débattre pour savoir si un matériel militaire doit s’affranchir de la convention de Bâle comme le fait l’Etat français est une insulte à l’intelligence des peuples et au Développement Durable. Poser simplement la problématique en ces termes est inacceptable et scandaleux. Saluons au contraire le rôle joué par la convention de Bâle qui protège la santé des populations des pays du Tiers monde (quelquefois malgré leurs dirigeants) en limitant ce type d’exportation. Elle n’autorise l’exportation  des matériaux dangereux que lorsque le Pays d’origine « ne dispose pas des moyens techniques et des installations nécessaires pour éliminer les déchets en question selon des méthodes écologiquement rationnelles et efficaces ». Est ce le cas de la France ?

Le temps aussi de considérer l’Inde tout autrement. Cette grande nation ne plus être considérée comme un pays du Tiers Monde, loin s’en faut, mais comme un pays état souverain disposant d’une économie florissante, d’un système éducatif qui donne des résultats remarquables, et d’une démocratie qui s’est confortée ces dernières années même si cette nation est toujours une terre de contraste.

La patrie de  Amartya Sen, prix Nobel de l’Economie commence désormais à jouer dans la cour des grands, voir des trés grands, il serait bon de s’en souvenir dans les années à venir.

La réponse de Gutemberg à Google

Un bras d’honneur prémonitoire

Il y a quelques années une affiche faisait les délices des métiers de l’imprimerie et de la presse écrite : « la réponse de Gutenberg à Mac Luhan », elle montrait l’ancêtre des imprimeurs effectuant un bras d’honneur au sociologue canadien Mac Luhan qui avait eu le malheur d’annoncer bien imprudemment la fin de « l’ère Gutenberg » ; force est de constater que 30 ans après les faits ont donné tort au spécialiste canadien.
Bien que l’annonce faite par Google, en octobre 2004, de créer une bibliothèque numérique universelle gratuite ait occasionné beaucoup de réactions passionnées,  elle ne représente pas pour autant, même à titre posthume, la victoire de Mac Luhan, loin s’en faut, le média privilégié étant toujours le support écrit; ceci étant dit la suite des épisodes est encore à écrire.
L’idée développée par Google n’est pourtant pas révolutionnaire, les avantages des supports numériques dans l’archivage électronique sont connus : ils s’affranchissent du vieillissement, de la rareté et de la fragilité du support d’origine (quelquefois de vieux parchemins), sont duplicables à l’infini, accessibles à volonté et possèdent tous les autres avantages liés à l’informatique (indexation, recherche …); il n’y a pas photo !

Un passage obligé cependant, délicat lorsque l’on parle de parchemins ou de vieux ouvrages, le but n’étant pas de les détruire aprés usage (des machines spécifiques ont été élaborées pour réussir cette mission),  la phase de numérisation ;  deux techniques existent :

– le « mode image », qui présente l’avantage d’être rapide et économique mais l’inconvénient de ne pouvoir donner de sens au texte, car il s’agit d’une simple photo de la page scannée,
– le « mode texte », qui possède le double inconvénient d’être plus long et coûteux, il faut d’abord procéder à la numérisation de l’ouvrage, ensuite un logiciel de reconnaissance de caractères (OCR) « traduit » la page scannée et la transforme en fichier texte; ce qui ensuite autorise le traitement de l’information : indexation, recherche, indexation et même traduction … Facile lorsque l’il s’agit de pages déjà imprimées, beaucoup plus délicat lorque l’on scanne des pages calligraphiées ou écrites dans une langue ancienne ou certaines polices de caractères.
Chaque grande nation possède une Bibliothèque nationale où l’on connaît ce style de technique; pourtant jusqu’à présent, excepté quelques expérimentations aucune opération d’envergure de numérisation de fonds documentaire n’avait été menée. Si Gallica, (la bibliothèque numérique de la Bibliothèque de France) compte près de 80 000 ouvrages numérisés, seulement 1 250 le sont en mode texte; or le projet Google Print repose sur une numérisation en mode texte …

on va comprendre tout de suite les raisons de ce choix.

 

La « Porte de Dieu »

L’irruption de Google dans le monde feutré des bibliothécaires a suscité la controverse et des réactions politiques à la chaîne. Réactions compréhensibles  face aux dangers représentés par cette initiative. Il s’agit ni plus, ni moins de la main mise d’une entreprise multinationale privée, américaine de surcroît, sur La bibliothèque universelle. Cette véritable tour de Babel virtuelle agrégeant la somme des connaissances humaines disponible à saciété depuis chaque ordinateur qui était jusque là une utopie poursuivit par des générations de philosophes, de lettrés et de savants.
Rappelons que la tour de Babel (Babel signifiant La porte du Dieu), construite par les descendants de Noé était destinée selon la Bible (genèse 11) à atteindre le ciel afin de permettre aux hommes de s’élever au niveau des Dieux. Devant le danger représenté par cette construction, Dieu créa les langues étrangères … Les hommes ne se comprenant plus ne purent plus travailler ensemble.  Succès sur toute la ligne de la puissance divine qui peut être vérifié à chaque bulletin d’informations !

L’ultime obstacle à la réalisation de ce projet n’est pourtant ni financier, ni technique. Car si la logistique à réunir pour numériser les livres (du haut des rayonnages des différentes bibliothèques c’est plus de 560 années de connaissances qui nous contemplent), notamment les ouvrages anciens, est trés importante ( temps, moyens financiers, techniques) elle n’est pas insurmontable.

A contrario les obstacles principaux sont :

– Juridiques : les droits d’auteur de certains livres n’étant pas encore dans le domaine public, Google a connu des problèmes avec certains  éditeurs américains et européens d’autant que les règles liées au droit d’auteur, à la duplication des oeuvres ou à la consultation (nombre de lignes donnant lieu au paiement d’une redevance ou d’un droit ) différent entre les pays …
– Economiques : du fait du danger de constitution d’un monopole de fait sur la Connaissance Universelle avec plusieurs problèmes derrière : quid des Bibliothèques Nationales, quelle langue privilégiée, la gratuité jusqu’à quand … Des interrogations qui expliquent la contre attaque menée par Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France, partisan d’une bibliothèque numérique européenne (BNE), dont l’idée depuis a fait son chemin; il ne reste plus qu’à trouver les financements d’une telle entreprise.
– Culturels : le potentiel technique de Google peut permettre à l’internaute de s’affranchir de l’entité livre et du cheminement de la pensée de l’auteur pour ne retenir que des tranches d’information et d’aboutir in fine à une forme de zapping des mots et des pensées.

 Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’à une première phase, (http://print.google.fr) qui permet cependant d’avoir une idée assez précise de ce qui va suivre et de l’avantage concurrentiel possèdé désormais par Google dans la gestion de cet énorme fonds documentaire. Les profits à venir sont colossaux : le modèle économique développé par Google ayant démontré que le « tout gratuit » peut receler des niches à profit énormes et inattendues.
Bien que la réponse d’autres acteurs informatiques et institutionnels tels Microsoft et les bibliothèques nationales ne s’est pas fait attendre, n’oublions pas que …

Pour trouver une aiguille dans une botte de foin à défaut d’avoir une paire de trés bons yeux, disposer d’un bon moteur de recherche est souvent suffisant … à ce jeu Google n’est pas trop mal placé …

 

Notes précédentes sur Google :

Big Google is watching you :
http://jmorer.hautetfort.com/archive/2005/11/12/google-toujours-plus-…-pour-nous-servir1.html

Google, No limit :
http://jmorer.hautetfort.com/archive/2005/11/01/googl…
Google, puissance 80 :
http://jmorer.hautetfort.com/archive/2005/09/21/googl…

 

Habitat Social & Développement Durable

Pour fêter son 80eme anniversaire, l’organisme HLM seine et marnais FSM (anciennement Foyers de Seine et Marne) a eu la bonne idée d’organiser un colloque,  dans le cadre prestigieux de l’INSEAD à Fontainebleau sur une thématique d’actualité : « Habitat Social et Développement Durable ». Trois intervenants principaux sont intervenus lors des débats : Elisabeth Laville (fondatrice du cabinet Utopies), Patrick Kamoun (historien du mouvement HLM) et Alain Maugard( Président du CSTB ou Centre Scientifique et Technique du Bâtiment). Réunion trés instructive, tant sur le thème du logement social (lire note précédente), que sur celui du Développement Durable vu de l’entreprise, aprés la décision de Trilport de lancer un Agenda 21 (lire note précédente).

Intervention d’Elisabeth Laville(*)

Elisabeth Laville a insité sur la nécessité pour l’entreprise d’intégrer désormais la dimension environnementale à son « process » en privilégiant une approche globale. La question centrale apparait être celle de la responsabilité (au sens premier du mot : répondre de ses actes) de l’entreprise , vis à vis de ses salariés, des consommateurs, mais également de la planète; un maître mot : « Anticiper les contraintes pour ne pas les subir et en faire des opportunités ».
Elle estime que le Développement Durable désormais sorti de « l’ornière alternative » est devenu un passage obligé pour l’entreprise et a souligné l’évolution en cours chez les consommateurs sur l’achat éthique et solidaire : s’il ne représente en France en volume que 1% des achats effectués, il est de 5% en Grande Bretagne et de 13% aux USA.

Les données statistiques actuelles prouvent l’importance des enjeux liés à l’empreinte écologique :

  • 30% des richesses naturelles de la planète ont disparu en 25 ans,
  • l’écart entre les riches et les pauvre a doublé,
  • 1 personne sur 5 vit avec moins de 1 dollar par jour.
  • le quintile supérieur de la population mondiale (les 20% les plus riches) consomme aujourd’hui 86% des ressources tandis que le quintile inférieur (les 20% les plus pauvres) n’a à sa disposition que 1% de ces mêmes ressources,

Mme Laville a insisté sur l’importance croissante prise par les agences de notation (telle VIGEO), le « reporting » environnemental (la raison de vivre de son entreprise : Utopies) et sur l’évolution des différents acteurs de l’entreprise devant la problématique du Développement Durable.
Un exemple parmi d’autres : de la même manière que le traditionnel rapport annuel d’une entreprise rend des compte aux actionnaires (« stockholders’ report » ou « shareholders’ report ») sur l’activité financière de l’entreprise, le rapport de développement durable (« Global reporting initiative ») s’adresse à l’ensemble des autres publics concernés (salariés, consommateurs, voisins …) qui sont partie prenante (« stakeholders ») de son activité car concernés directement. C’est ainsi que le « stakeholders report » rend compte sur des différents aspects sociaux et environnementaux de cette activité.

Lire ci joint dans les documents, la synthese sur le Développement Durable réalisé par le cabinet Utopies

Intervention de Patrick Kamoun
Monsieur Kamoun a rappelé les conditions de l’apparition du logement collectif, lors de la révolution industrielle (fin 19eme). Il a permis à la société occidentale de répondre à des défis intérieurs autrement insurmontables : l’hygiène (taudis, épidémie), la famille (mortalité enfantile, prosmicuité), la politique (deux citations pour l’exemple : « il faut désarmer politiquement l’émeute  » pour Napoléon 3 et « Celui qui possède ne veut pas abattre l’ordre existant » Siegfried) et l’ordre moral (alcoolisme …)
Dans l’histoire du mouvement HLM, une opposition est apparue entre les partisans de la maison collective (tendance des « modernes ») et ceux de la maison individuelle (tendance des « anciens »). Avec pour les premiers la tentation de vouloir séparer la fonction de la ville, habitat de la circulation, et priilégier une approche reposant sur la verticalité …
Il s’élève contre le procés intenté à l’architecture des cités comme cause première des dernières violences urbaines (les « raisons de la colère »). Pour lui c’est un faux procés, le mal vivre est ailleurs que dans les murs.

Intervention d’Alain Maugard(*)

Propos pour le moins décapant que ceux tenus par le Président du CSTB (*) lors de son intervention. Il est revenu sur l’évolution du statut de citoyen. Nous sommes passé au fil des siècles de citoyen d’une cité (ville) à celui d’une région, puis d’un pays, avant de devenir, aujourd’hui, citoyen de la planète.

Notre génération connait une vraie malédiction, puisqu’elle est la première à transmettre à ses enfants une planète moins riche, moins belle … Une planète dégradée … Au niveau de l’Empreinte écologique, la situation de la relation Nord Sud est sans équivoque; nous pouvons réellement parler de « peuple élu » et de peuples à l’abandon. Pour l’exemple, si la population mondiale consommait ce que consomme un français, il faudrait 2 planètes comme la terre pour satisfaire les besoins mondiaux et si elle consommait comme un américain 5 planètes …

Selon Alain Maugard, le Développement Durable est un combat politique sur lequel l’homme d’aujourd’hui, quoiqu’il s’en dise, peut, et doit peser car il possède de réelles marges de manœuvre qui lui permettraient de trouver un compromis acceptable pour la planète. Il est aujourd’hui techniquement possible de réduire de 2/3 la production de gaz à effet de serre (GES) produit par la civilisation urbaine (habitat plus mobilité). La solution des accords de Kyoto avec le système des « bons à polluer », même si elle ne peut être présentée comme une panacée est selon lui une piste intéressante. Il regrette sur ce sujet la position des verts, leur proposant au passage un recyclage !

En conclusion, Alain Maugard ouvre « grand champ » la perspective vers de nouveaux débats, revenant non sur une question « technique » mais sociale, celle des identités dans la Cité. Nous devrions, selon lui, permettre l’émergence d’une société pluraliste épanouie afin d’aboutir à une « laïcité identitaire ». Il a cloturé son propos par une citation latine clin d’oeil appropriée à la situation actuelle « MUTATIS MUTANTIS » (ou ‘Les choses qui devaient changer ayant été changées… »).

Notes :

Elisabeth Laville : Elle a créé en 1993 Utopies, cabinet de conseil environnemental reconnu comme « l’agence pionnière dans le conseil en développement durable » (Enjeux-Les-Echos, octobre 2001). Professeur à HEC, où elle a créé un cours sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, elle a publié en Avril 2002 « L’entreprise verte  » (Editions Village Mondial) elle est reconnue désormais comme l’une des expertes européennes de la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise.

Alain Maugard : Polytechnicien, Ingénieur général des Ponts et Chaussées, directeur adjoint de cabinet des ministres de l’Urbanisme et du Logement Roger Quilliot et Paul Quilès . Il devient ensuite directeur de la Construction au Ministère de l’Equipement, du Logement, des Transports et de la Mer, puis directeur général de l’EPAD (Etablissement Public d’Aménagement de la Défense) en 1990, Président du CSTB

Le CSTB : Etablissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), placé sous la tutelle du ministère du Logement, Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction. Le CSTB réunit des experts des matériaux et techniques de construction, des équipements et de la sécurité, de la thermique, de l’acoustique, de l’aérodynamique, de l’éclairage, de l’environnement, de la santé, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de l’économie et de la sociologie.

La « petite » histoire à l’honneur …

Samedi dernier, en présence de nombreux élus et personnalités des sociétés culturelles et historiques locales j’ai eu le plaisir de nommer, au nom du Conseil Municipal,  Michele Bardon Citoyenne d’Honneur de la commune de Trilport. J’avais proposé sa nomination au Conseil Municipal, vu l’apport inestimable de ses travaux  à l’histoire régionale et locale. Elle a consacré de nombreux ouvrages au passé de notre région, dont dernièrement un livre sur Bossuet qui fait référence, mais également à Trilport, poursuivant ainsi, sa vie durant, le travail entamé par son père.
Auteur d’un ouvrage sur notre commune, « Trilport, témoin de l’histoire », aujourd’hui épuisé, son talent et sa plume ont permis aux Trilportais d’aujourd’hui de connaître le passé de leur ville, ses grands comme ses petits évènements, l’origine des lieux dits, des noms de rues souvent pittoresques qu’ils parcourent tous les jours ou dans lesquels ils vivent.
Il n’y a pas de petite histoire ou de grande histoire, il y a l’histoire … il n’y a pas non plus de petites gens sans importance, mais des hommes et des femmes qui vivent, s’épanouissent et marquent parfois leur passage ici bas . L’empreinte qu’il laisse pouvant surgit au détour d’un quartier, dans la dénomination d’une rue …
Soulignons l’importance du travail de ces « drôles de rêveurs » (les historiens locaux), qui à partir d’une exploration méthodique et laborieuse des différentes sources du passé : archives (privés, évéché, département, bibliothèque nationale …) ou vestiges, nous aident à mieux comprendre la réalité d’aujourd’hui … Sartre ne disait il pas que l’identité est une trajectoire ?
Pour un élu qui aime sa ville, il est important de s’imprégner effectivement de cette « trajectoire », avant de prendre des décisions influant sur le futur; surtout dans nos communes franciliennes ou l’évolution démographique des dernières années bouleverse l’ordre « naturel » des choses à un rythme effrené.
Pour un élu s’intéresser à l’histoire, ce n’est pas perdre son temps, c’est réflechir à partir de l’action passée, à l’action à venir et à ses éventuelles conséquences, ce qui ne veut surtout pas dire ne rien faire …
Plus que jamais, notre génération doit, avant de prendre des décisions rapides, voir immédiates, aux conséquences quelquefois définitives, saisir tout le poids du passé et savoir prendre le temps de la réflexion. La science actuelle nous apprend tous les jours que si l’homme est seulement de passage, sa trace sur Terre étant tout sauf éphémère, jusqu’à remettre en cause le devenir de la planète.

Honorer Michèle Bardon comme nous avons eu le plaisir de le faire, n’est que justice … Il nous faut désormais tout mettre en oeuvre pour que ces travaux soient connus du plus grand nombre et ne reste pas lettre morte, ce qui pour des livres seraient plus que dommageable.

Le seigneur de la matrice

 

Peu avant la naissance du point « .eu », le 7 /12/2005 (l’adresse « européenne »), un évènement de première importance s’était déroulé à Tunis à la mi novembre : le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Outre les réactions liées à cette manifestation dont beaucoup relatives à la liberté d’expression en Tunisie (cf rsf et FIDH) ce rassemblement  a été le cadre d’un affrontement sans précédent entre les Etats Unis et le reste du monde.
Les représentants des 176 pays présents ont en effet exigé un fonctionnement plus collectif d’Internet avec une proposition clé, en transférer la gouvernance aux Nations unies. Proposition rejetée par les américains. Au cœur de la « controverse de Tunis », le poids des USA dans la gestion de l’I.C.A.N.N (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) l’organisme qui depuis la naissance du réseau des réseaux dispose du droit de vie ou de mort sur l’adressage du net, le régulateur de la Matrice. Un monopole que n’accepte plus les autres états aujourd’hui, d’autant que le contrat liant l’Icann à Washington arrive à échéance en septembre 2006.

 

Un rappel utile : au cœur du réseau, l’adressage
Chaque ordinateur voulant se connecter à un réseau doit posséder un identifiant unique qui permet aux autres ordinateurs de le retrouver sur la toile mondiale afin de pouvoir communiquer avec lui. Sur Internet cet identifiant est une adresse IP (comme Internet Protocol), une sorte de numéro de téléphone). Chaque ordinateur émettant une requête est identifié par son adresse IP, sa demande est transmise à un serveur (le routeur) qui achemine le message à un autre ordinateur disposant d’une adresse d’arrivée du même type (un message avant d’atteindre son objectif final, est acheminé par plusiseurs autres ordinateurs éparpillés sur la planète). Pour qu’une transaction entre deux ordinateurs soit possible (envoi ou réception de mel, surf sur un site …), il faut obligatoirement disposer d’une adresse de départ et d’une adresse d’arrivée.
Le bon fonctionnement ou non de la toile mondiale dépend de l’activité inlassable des 13 ordinateurs supervisés par l’ICANN qui possèdent le registre (la matrice) autorisant une requête (adresse) à utiliser le réseau qui leur permet de transformer une adresse IP (inutilisable par un simple internaute) en une adresse beaucoup plus facile à mémoriser (telle www.trilport.Fr par exemple) et l’acheminant dans les méandres du réseau des réseaux. Ces serveurs racines (ou « root serveur »)  écrivent en permanence la carte de l’internet. Un seul  maître à bord, l’ICANN qui gère l’ensemble du système au niveau de la planète.

Trois acteurs essentiellement américains
A la base du succès d’Internet des standards de communication simples, solides et éprouvés (né lors de la Guerre Froide, peu après l’affaire de Cuba, le système devait résister à une guerre nucléaire et ne pas reposer sur un seul serveur) reposant sur trois acteurs principaux, avec chacun un rôle bien distinct :

– La standardisation du support, (du média ) basée sur des normes mondiales strictes établies au sein de deux instances par des spécialistes des télécommunications :  l’Internet Architecture Board (IAB) et l’Internet Engineering Task Force (IETF), dont le travail est sous la responsabilité directe et le financement de l’Internet Society (ISOC), association de droit américain créée en 1992 par les pionniers de l’Internet dont la mission est de coordonner le développement des réseaux informatiques dans le monde en édictant des standards à suivre impérativement

Le World Wide Web Consortium (ou W3C), fondé en octobre 1994 est le consortium qui travaille à la compatibilité des technologies du contenu telles que HTML, XML, CSS, PNG, SVG … Le W3C, lui, ne délivre que des recommandations. Il est géré par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis, le European Research Consortium for Informatics and Mathematics (ERCIM) en Europe (anciennement Institut national de recherche en informatique et en automatique français ou INRIA) et l’Université Keio au Japon. 

Enfin, last but don’t least, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN),principale autorité de régulation de l’Internet. Crée en 1998, l’ICANN est une organisation internationale sans but lucratif. Ses principales missions : allouer l’espace des adresses (IP),  gérer le système de nom de domaine et assurer le bon fonctionnement des 13 « serveurs racines  (root servers) sur lesquels repose l’architecture de l’Internet à l’échelle mondiale. L’ICANN délègue son droit sur la vente des noms de domaines à différentes sociétés ou organisations, comme VeriSign pour les domaines .com et .net ou l’AFNIC pour le domaine .fr. en France
Situation pour le moins anachronique, cette organisation dont les décisions s’imposent à l’ensemble des utilisateurs utilisant Internet qu’il soit simple citoyen de la planète, Etat ou multinationale est une association de droit californien, soumise au droit de veto du Gouvernement américain. L’ICANN constitue en effet un véritable OVNI juridique, qui n’est ni une O.N.G, ni une entreprise privée, ni un service gouvernemental, mais une forme d’association sans but lucratif agissant sous le contrôle du département américain du commerce.

Comme chacun peut s’en rendre compte au niveau du casting, nous sommes dans une super production américaine, ces trois acteurs principaux étant historiquement, juridiquement, géographiquement et financièrement américains.

La fracture numérique s’élargit
Autre sujet abordé lors de ce congrés et ce n’est malheureusement  pas un scoop,  l’inégalité Nord Sud dans les technologies de l’information s’agrandit.
Trois exemples pour tout commentaire : 5 milliards d’hommes n’ont pas accés à un ordinateur, 80% des utilisateurs d’internet représentent 20% de la population mondiale et si plus d’un américain sur deux a accés à Internet, pour l’Afrique, cette proportion passe à 3% !

 

Ce congrés s’il n’a pour l’instant encore rien changé démontre une incontestable évolution des mentalités. Face à l’importance d’Internet sur la planète, média incontournable s’il en est, au cœur de toute relation sociale, économique, politique ou commerciale, les pays ne peuvent plus admettre la domination sans partage des seuls USA qui du jour au lendemain sans préavis peut les effacer de la planète.
D’autant que la grande majorité des sociétés actuellement leader dans les technologies de l’information sont américaines; certaines et non des moindres ont même renforcé leurs équipes dirigeantes d’authentiques pionners du net, citons Google avec Vinton Cerf, notamment (lire note), qui est à la fois salarié de cette société et président du conseil d’administration de l’Icann, le mélange des genres est ici atteint. Signalons qu’en décembre 2003 à Genève, ce sujet n’avait pas provoqué de tels débats.
La politique menée par l’équipe Bush n’est pas étrangère à ce nouveau climat intervenant aprés les multiples rebondissements de la question Irakienne, les négociations autour de l’OMC, ainsi que des péripéties relatives au refus de signer les accords de Kyoto, relatifs au réchauffement de la planète et à la lutte contre l’effet de serre.

Un combat légitime qui démontre qu’en matière de télécommunications la mondialisation nécessite également une régulation politique et du multilatéralisme.

La Matrice aussi en a bien besoin …

 

Pour en savoir plus sur les seigneurs du réseau :

ICANN : http://www.icann.org/ ou http://www.icann.org/tr/french.html (en français)
ISOC : 
http://www.isoc.org/  ou http://www.isoc.fr/ (en français)
W3C :
http://www.w3.org/ ou http://www.w3.org/Consortium/Translation/French (en français)