Roland Dorgeles dans son roman « Les croix de bois » du nom des croix déposées en catastrophe au-dessus des innombrables cadavres des soldats allemands ou français morts au combat sur les champs de bataille et s’étalant à perte de vue au delà des tranchées telle une ligne d’horizon, fait dire à son personnage principal : « J’trouve que c’est une victoire, parce que j’en suis sorti vivant … » …
Ces mots soulignent toute l’horreur d’un conflit qui marque littéralement la fin d’une époque et l’irruption brutale des temps modernes dans le sang, la douleur et l’horreur … Dans ce chaos, ni vainqueurs, ni vaincus mais des morts et blessés innombrables de toutes nationalités … Pour beaucoup, partir à la guerre, signifiait surtout finir à la guerre, ainsi que l’a chanté l’enchanteur Jacques Brel …
« Si par malheur ils survivaient
C’était pour partir à la guerre
C’était pour finir à la guerre
Aux ordres de quelques sabreurs
Qui exigeaient du bout des lèvres
Qu’ils aillent ouvrir au champ d’horreur
Leurs vingt ans qui n’avaient pu naître
Et ils mouraient à pleine peur
Tout miséreux oui notre bon Maître
Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l’ombre d’un souvenir
Le temps du souffle d’un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès? «
C’est aussi pour cela que commémorer le 11 novembre est utile … En premier lieu pour se recueillir et honorer ces générations sacrifiées. Le poids d’une vie humaine, ce n’est déjà pas rien, mais lorsque l’on sait que la moitié des jeunes Français de 20 ans, partis fleur au fusil quatre auparavant, n’est jamais revenu … Ce sacrifice générationnel mérite considération et respect.
Oui, commémorer le 11 novembre est effectivement utile … Afin de rappeler quelle horrible tragédie fut la « Grande guerre ». Une abominable boucherie et un invraisemblable gâchis humain, historique, diplomatique et plus que tout politique … Plus de 20 millions de morts, militaires et civils sont tombés sur la planète … pour quoi, pour qui ?
Oui, commémorer le 11 novembre est utile … Tant il nous faut absolument transmettre aux nouvelles générations, toute la valeur de la paix et de l’amitié entre les pays et les peuples …
La paix est surtout un combat, ne l’oublions jamais.
La paix n’est pas un cadeau tombé du ciel mais une responsabilité partagée, un instant de grâce fragile, parfois éphémère à l’échelle d’une vie, qu’il faut savoir apprécier, savourer mais surtout protéger.
Jusqu’à il y a quelques mois, certains pouvaient trouver désuet, superflu, inutile, suranné, voir ringard, de commémorer un 11 novembre, tant la paix semblait installée et durable sur notre continent. Beaucoup alors la croyait immuable, assurée, définitive, perpétuelle la paix, ce jusqu’à l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe et les chars de Poutine, ici même en Europe. Depuis, les images de guerre envahissent nos quotidiens, avec le long cortèges d’exilés, de blessés, de destructions et de terreur ! Non décidément rien n’est jamais acquis, surtout pas la paix !
Revenons à la grande guerre, la « Der des der » avaient ils dit qui a inspiré tant et tant de livres et de films … tel celui tiré du roman de Pierre Lemaitre, dont le titre « Au revoir là-haut », reprend les derniers mots écrits par un poilu, Jean Blanchard à son épouse.
Jean Blanchard, un des 6 martyrs de Vingré, fusillé par ses camarades, avant que d’être réhabilité par la Cour de Cassation, sept ans après, sept ans trop tard. Une victime de plus des terribles conseils de guerre spéciaux créés dans chaque régiment par le généralissime Joffre, fusillant pour l’exemple et s’affranchissant trop souvent d’une justice équitable …
Plus que tout, nous devons faire vigilance, tant nous vivons une époque emplie de tumultes ou le pire devient possible : les guerres se multiplient, le terrorisme nous atteint douloureusement, les citoyens doutent, égoïsmes et nationalismes se réveillent en Russie, aux États unis, en Chine, en Europe, ici même … Des digues de citoyenneté et de solidarité lâchent … La planète vacille …
Nous devons faire vigilance, car lorsque
Oui, ces commémorations sont utiles … aussi il est important de remercier toutes celles et ceux qui y contribuent : musiciens, pompiers, forces de l’ordre, anciens combattants passeurs de valeurs et transmetteurs de mémoire essentiels, élus, citoyens, sans oublier les enseignants, éveilleurs de conscience indispensables qui, avec les différences des uns et des autres fabriquent du commun et du partagé afin de « faire société » … Là est bien l’essentiel : faire société.
Rien n’est jamais acquis …
Un de nos présidents au crépuscule de sa vie, ayant connu les deux guerres mondiales et leurs tragiques conséquences, mesurant toute la fragilité, la valeur et la saveur de la paix nous avait alerté
Commémorer le 11 novembre, c’est tfaire œuvre de mémoire afin de rappeler aux jeunes générations toute l’horreur de la guerre et la fragilité de la la paix. Oui la paix est un combat, le plus beau des combats …
Comme l’écrivait Anatole France « ce n’est qu’avec le passé qu’on fait l’avenir », encore faut il connaitre son passé, l’assumer sans déni, avec ses creux, ses bosses, ses aspérités et parfois même ses contradictions.