Je tiens à réagir à l’article d’un quotidien local relatif à la « non application » de l’article 55 de la loi SRU par ma commune. Il est vrai que dans un monde ou la communication et l’éphémère brouille tous les messages, le travail de fond effectué et non seulement ingrat mais peu « vendeur » car non visible instantanément. Alors sus au baudet, deux phrases suffisent pour qualifier Trilport comme une des villes qui « semblent n’en avoir cure malgré les sanctions financières … » et « continuent de jouer les cancres« … Fermer le ban !
J’ai beau avoir l’habitude des raccourcis ravageurs et réducteurs comme du rôle de bouc émissaire assigné aux élus locaux (obligation de résultat sans moyens nécessaires, chercher le hiatus), ce style d’article fait toujours mal ! Bien évidemment aucun des auteurs n’a pris la peine de m’interroger au préalable ou même de consulter les quelques notes de ce blog consacrées à ce sujet, pas le temps certainement, de toute manière le bouc émissaire était tout trouvé …
Facile, trop facile … Injuste, trop injuste … Mais surtout faux, totalement faux …
Alors : qu’en est il exactement ? Ou en sommes nous réellement sur la question délicate du logement social ? Quelles sont les difficultés rencontrées sur le terrain ?
Sans vous infliger la relecture de mes précédentes notes (notamment loi SRU où en est Trilport, de la Zone 2 à la Zone 1 ), il me semble opportun vu les réactions suscitées par l’article, de rappeler le sens du combat mené pour un logement social de qualité respectueux de son environnement, mais également les freins et obstacles rencontrés sur le terrain … La part de vérité du cancre que je suis , en quelque sorte !
Campons le décor dans son contexte concret et réel : la problématique du logement social ne date pas d’hier, cependant la loi SRU est récente (décembre 2000) et ses décrets d’application encore plus …Est-il utile de préciser que si nous étions une des rares villes de l’agglomération (hors Meaux) à disposer de locatifs sociaux (constat toujours d’actualité) nous n’avions aucune expertise en interne sur cette problématique complexe. Autre rappel utile, Trilport n’est pas Neuilly sur Seine (au hasard), et n’a pas les moyens financiers de cette ville, détail certainement mais influant directement sur notre capacité d’action et réactivité; désolé, il faut avoir les moyens pour agir vite !
Mon engagement sur ce dossier s’explique à la fois par la détresse des personnes reçues régulièreement lors de mes permanences recherchant un toit accessible, mais aussi pour une raison simple , j’ai vécu moi même dans un logement social de longues années; et j’ai la conviction d’agir juste en faisant de la qualité une exigence préalable. Nous ne parlons pas ici d’objets que l’on entassent mais d’hommes, de femmes et d’enfants qui devront vivre et surtout s’épanouir dans ces quartiers …
Maire depuis 2004, il me semble ne pas avoir chomé en ce domaine; tout cancre que je suis !
Il m’a fallut dans un premier temps renforcer nos moyens d’action , rencontrer les différents partenaires, acquérir une réelle connaissance des enjeux, moyens et contraintes. Puis choisir nos partenaires, étendre le périmètre de préemption, solliciter les services domaniaux (ce qui n’est pas le plus rapide), entamer les procédures d’acquisition avec les notaires et agences immobilières, rétrocéder les terrains acquis au bailleur social pressenti, solliciter les emprunts nous permettant d’agir, lancer les travaux du nouveau Plan Local d’Urbanisme qui intégrera cette exigence comme priorité.
Bien sur, cela n’est rien … Si ce n’est un minimum de temps, de réflexion, de moyens financiers, d’énergie … Sans laisser de coté la gestion quotidienne de la commune, le lancement du programme d’équipements qui nous permettra de disposer des infrastructures nécessaires (notamment au niveau des écoles) et surtout de faire face au contexte budgétaire « délicat » que nous connaissons vu le désengagement croissant de l’État inversement proportionnel à ses demandes et à celles de nos concitoyens …
Nos efforts portent enfin leurs fruits … Le premier programme a été livré la semaine dernière avec quelques semaines de retard, les appels d’offre du prochain sont en route et notre Plan Local d’Urbanisme devrait être voté avant la fin de l’année. Il intègrera notamment l’obligation pour chaque nouveau programme d’intégrer 30% de logements sociaux. Nous lançons en parallèle un éco quartier (j’y reviendrais) dont le logement aidé est un objectif central !
Une autre démarche était possible : préempter un terrain en périphérie de ville et y bâtir les locatifs sociaux manquants; c’était plus simple, rapide, moins couteux et surtout respectueux des objectifs quantitatifs de la loi SRU ! Une méthode choisie par nombre de collectivités et d’élus, évidemment exemplaires … Nous avons choisi une autre voie, plus complexe à mettre en route mais nous semble t’il plus durable afin de ne pas reproduire demain les ghettos d’aujourd’hui … Une leçon tirée de novembre 2005 !
Si vous avez le courage de lire jusqu’au bout du bout la suite de cette note (je vous rassure trés synthétique), vous disposerez d’un état de notre action des dernières années et des principaux obstacles rencontrés sur le terrain. Les auteurs de l’article pourront toujours s’en inspirer pour nuancer quelque peu leur analyse, car tout n’est pas aussi simple et manichéen qu’ils ont l’air de l’écrire et peut être de le croire !
Autant le dire tranquillement, j’ai quelquefois le sentiment d’être un peu isolé dans mon combat en faveur d’un logement social de qualité !
Les difficultés rencontrées
Notre contrainte majeure demeure le prix du foncier, ce qui n’est guère original !
La commune ne disposant d’aucune emprise foncière, elle doit avant toute chose pour agir, acquérir du foncier. Deux solutions : l’expulsion ou la préemption. Cette dernière nécessite au préalable qu’il y ait une vente effective (certains propriétaires devant notre volonté de préempter ont retiré leur vente) et qu’ensuite nous ayons les moyens nécessaires d’acquérir, ce qui est possible avec les accords des bailleurs ou l’action d’organsimes comme l’établissement foncier régional ou par un prêt relais passé avec la Caisse des Dépôts et la Région (dernier mécanisme que nousa vons mis en place d’ailleurs) Après l’extension de périmètre de préemption, nous avons réalisé trois préemptions qui engagent financièrement la commune. Ceux qui réclame à corps et à cri que nous nous acquittions une amende savent ils que nous avons déjà en cours une addition conséquente prise directement sur notre budget ?
Deuxième contrainte et non des moindres, une anomalie qui nous pénalise durement et injustement. : le zonage imposé à Trilport.
Des 18 communes de l’agglomération, 4 sont classés en zone 2 (la plus défavorable) 14 en zone 1. Situation absurde nous sommes classés en zone 2 ! Classement qui complique le montage de toute opération : en investissement comme en fonctionnement (montants de loyers moins rémunérateurs).Nous demandons depuis prés de trois ans un zonage plus conforme à la réalité locale : sans résultat, si ce n’est un courrier en en janvier 2008 soulignant la légitimité de notre demande, mais rien de plus …
Pour le citoyen ce classement ne signifie pas grand chose, mais pour un bailleur il a une conséquence financière directe, équivalant à un surcout de 20% pour toute opération engagée et d’une moins value de 20% mensuelle sur le montant des loyers … Il a la possibilité de jouer sur trois paramètres pour neutraliser cet effet : qualité du bâti, densification de la parcelle de terrain achetée ou participation financière de la commune.
Arrêtons la langue de bois, chacun de ces points a un impact direct sur la commune !
Enfin, dernière contrainte qui ne sera bientôt plus qu’un lointain souvenir : le droit du sol. Notre Plan Local d’Urbanisme devrait être bientôt applicable et nous permettra de lancer de nouvelles opérations, dont certaines liées au logement social !
L’action concrète menée depuis 2006
Très rapidement et synthétiquement, voici un rapide rappel de l’action engagée par la commune en faveur du logement aidé.
Année 2006
Opération concrètes
- Création de 2 logements sociaux gérés par le C.C.A.S
- Lancement d’une opération située 23 rue Aveline (objectif : 5 logements) : Validation du projet, dépôt du permis de construire
- Lancement des travaux du Plan Local d’Urbanisme
- Déclenchement d’une deuxième préemption rue Aveline
- Acquisition d’une parcelle située Rue de Nanteuil afin d’y construire un logement d’urgence
- Demande de changement de zonage ; courrier au Préfet de Seine et Marne
- Intervention auprès d’opérateurs privés (Bouygues et Wagram) afin qu’ils intègrent à leurs deux projets immobiliers, 30% de logements sociaux
- Vote en Conseil Communautaire de la Communauté d’Agglomération du projet de Plan Local de l’Habitat validant un objectif annuel de construction de 17 logements sociaux
- Négociation pour une acquisition foncière rue St Fiacre avec FSM pour créer 20 logements sociaux, dont 10 logements destinés au troisième âge. Accord de principe du propriétaire.
- Etude en commission de 82 dossiers susceptibles d’être préempté
Effort financier de la commune
Il peut être estimé à 192 138 € (nous en avons récupéré 182 841,36 € avec la revente d’une propriété à FSM).
Année 2007
Opérations concrètes
- Lancement de l’opération dite de la « Villa Léo » (propriété OPAC) : Validation du projet, dépôt du permis de construire. Le projet est finalement arrêté du fait du Plan d’Occupation des Sols à 12 logements
- Construction des 5 logements FSM du 23 rue Aveline : lancement de la procédure d’appel d’offre, lancement des travaux
- Lancement de la procédure de création d’un logement d’urgence situé rue de Nanteuil
- Poursuite des travaux du Plan Local d’Urbanisme. Validation du PADD
- Préemption du 25 rue Aveline
- Lancement de la création d’un périmètre d’études destiné à créer un Eco Quartier sous forme de ZAC devant accueillir en cœur de ville des programmes de logements sociaux
- Au niveau de la Communauté d’Agglomération : Validation du PLH
- Vote de la taxe pour logements vacants
- Devant le refus de vente d’un propriétaire, intégration des terrains dans le périmètre de la ZAC
- Etude en commission de 62 dossiers susceptibles d’être préempté
Effort financier de la commune
Il peut être estimé à 248 119,98 €.
Année 2008
Opérations concrète
- Opération OPAC de la Villa Léo : lancement des appels d’offres
- Lancement de la 2eme tranche de la rue Aveline avec FSM : rétrocession du terrain,
- Fin des travaux du Plan Local d’Urbanisme. Validation par le Conseil Municipal
- Lancement de la ZAC du cœur de ville par le Conseil Municipal. Validation du projet de cahier de charge de l’éco quartier, et lancement de l’appel d’offres destiné à choisir l’aménageur
- Création d’un logement d’urgence
- Prise de contact poussé afin de créer dans le cadre de l’éco quartier une structure d’accueil pour le logement des jeunes et une autre destiné aux personnes du 3eme âge
- Prise de contact avec l’établissement foncier régional pour nous aider à supporter certaines opérations liées au logement social
– Effort financier de la commune
Il est estimé ce jour à 100 000 euros.
Perspectives 2009
- Arrêt du nouveau PLU
- Lancement de l’opération du 25 rue Aveline avec FSM : perspective d’une dizaine de logements
- Livraison des 12 logements OPAC
- Composition du tour de table (partenaires, bailleurs, lotisseurs) par l’aménageur de ma ZAC, études et lancement des opérations de certains lots dont certains destinés aux logement social
- Attribution de nouveaux droits à construire (zone fléché du PLU avec obligation de construire 30% de logements sociaux)</