Trilport est une des 742 communes désignées comme « hors la loi » par certains médias du fait du non respect de l’article de la loi SRU relatice à la proportion de logement social. Comment justifier l’injustifiable ? Une réponse peut être politiquement non correcte et qui va à l’encontre des idées reçues, mais que j’assume pleinement.
Certains rappels s’imposent afin d’aborder le fond des choses et de ne pas s’arrêter aux seuls aspects médiatiques d’une question essentielle aujourd’hui, celle de disposer du droit d’avoir un logement décent et d’y vivre.
Premier rappel, l’attachement de ma ville au logement social ne date pas des trois dernières semaines. Nous n’avons en effet pas attendu la loi SRU ou le discours de Jacques Chirac pour créer du locatif social puisque nous possédons à l’heure actuelle un parc de 88 logements et sommes une des six villes de l’agglomération du Pays de Meaux (sur 18) à avoir mené une politique de ce type. Paradoxalement, les 12 villes de l’agglomération qui ne possèdent aucun logement social ne sont pas concernées par cette vague de répprobation, car n’atteignant pas le seuil des 3500 habitants, elles ne sont pas dans l’obligation de disposer de 20% de logements sociaux.
Second rappel, le territoire pertinent définit par le texte de loi est celui de l’agglomération. Membre de la Communauté d’Agglomération du Pays de Meaux (possédant plus de 50% de locatifs sociaux), il nous est apparu urgent , vu le nouveau contexte proposé par la loi SRU et la situation particulière du locatif dans l’agglomération (présence de deux zones sensibles, Beauval et Pierre Collinet) de mener une réflexion intercommunale partagée sur l’habitat social dans le cadre d’un Plan Local d’Habitat d’Agglomération, étude aujourd’hui en voie de validation.
Dans le même temps, plus localement, nous travaillons sur un Plan Local d’Urbanisme mené en parallèle avec un Agenda 21 dont la mixité urbaine et générationnelle sont des axes prioritaires. Il est essentiel de mener une réflexion de fond sur la problématique du locatif social (mixité urbaine, situation dans la ville, qualité du bâti …) afin que l’objectif quantitatif fixé par le texte de loi, s’accompagne dans le même temps d’objectifs qualitatifs. En effet, nous ne parlons pas de boites de sardines que l’on entasse, mais de logements dans lesquels des hommes et des femmes vivent, des quartiers dans lesquels le lien social doit subsister et se nouer; les HLM ont aussi le droit à la Haute Qualité Environnementale !
Il est de notre responsabilité d’élu de tout mettre en œuvre afin d’aboutir à une intégration et une mixité sociale épanouie et non à une concentration excessive de logements qui mènerait de nouveau à la constitution de « ghettos» donnant les résultats que l’on sait.
Notre devoir est également de réfléchir, dans ce cadre, au lancement de programmes en direction de publics cibles précis (personnes du troisième âge, personnes handicapées) ne disposant pas actuellement de logements adaptés. Cette démarche faciliterait et prolongerait l’autonomie de personnes ne possèdant actuellement que deux alternatives au lit médicalisé : garder un logement qui n’est plus adapté, ou loger dans leur famille. Dans le même temps cette démarche aurait le mérite de libérer de nouveaux logements.
Le contexte éconimique et social difficile que nous connaissons, la demande croissante en logements de nombreux de mes concitoyens, la volonté d’être partie prenante dans ce juste combat m’a amené à restructurer les services municipaux, à créer un service Jeunesse , de lancer des dispositifs (Contrat Temps Libre, Contrat Educatif Local, Dispositif Ville Vie Vacances), d’initier avec la Région et le Département un important programme d’investissements afin de construite les équipements publics qui nous font défaut . J’ai rencontré également divers acteurs du monde du locatif aidé (PACT ARIM, opérateurs …) .
Ces initiatives ont considérablement retardé l’objectif de réalisation fixé unilatéralement par les services de l’Etat en 2002 (devant l’absence d’un PLH) , ce que je regrette. D’autant qu’une opération menée par l’OPAC local, prévue depuis de nombreux mois connaît un retard qui n’a rien arrangé à la situation et aurait porté notre taux de réalisation, de 5,1% à 48,7% pour la période 2002/2004.
La question doit également être posée sur la capacité des grands opérateurs traditionnels à être réellement présent dans nos petites villes, alors qu’ils gèrent par ailleurs au quotidien dans les quartiers sensibles un parc de logement considérable dans des conditions souvent trés difficiles. Nos problématiques sont différentes. Lorsque l’on constate jour aprés jour, le manque de suivi sur le terrain, le manque d’engagement pour ne pas dire quelquefois le désengagement de l’opérateur social on devient prudent avant de lancer de nouvelles opérations. Surtout qu’aprés, cerise sur le gateau, les Maires que nous sommes ont toutes les difficultés pour faire passer lors des commissions d’attribution les cas douloureux de beaucoup de nos concitoyens. L’expérience démontre que finalement pour une Mairie l’intérêt est parfois de devenir , même si cela est plus difficile, opérateur …
Ayant exprimé notre volonté collective d’agir dans ce domaine et de participer ainsi à l’effort national de cohésion sociale, je dois également faire part des multiples difficultés rencontrées par une commune de moins de 5000 habitants afin de remplir les obligations fixées par la loi SRU dans le calendrier imparti. Obligations fixées, il est bon de le rappeller sans aucune dotation de nouveaux moyens pour nos communes. Nous avons pourtant grandement besoin d’aide pour monter les opérations, choisir les bons opérateurs, maîtriser et acquérir le foncier.
Pour conclure, je dois faire part de l’émotion du Maire que je suis devant des attaques dque j’estime injustifiées et le manque d’aide concret dans ce domaine des services de l’Etat. Il est facile de lancer des injonctions, des anathèmes démagogiques, de jeter le discrédit sur notre action, de demander notre inéligébilité, de faire des effets de tribune ou de manche, alors que sur le terrain, les Maires qui essaient de faire avancer les choses au concret, sont trop souvent isolés.
L’ambition collective de notre équipe municipale est de réussir à Trilport une mixité sociale et urbaine épanouie. Cela demande du temps, de la réflexion, de la méthode, de la sérénité, mais également une logistique, du foncier, une batterie de moyens que l’on ne peut mettre en place dans une commune de moins de 5000 habitants de manière instantanée, si l’on veut être efficace . L’objectif doit bien être de ne pas reproduire les erreurs du passé, sinon le pire serait à venir …
Je suis extrêmement attaché à réussir ce défi qu’est la mixité sociale et je connais bien ce sujet, ayant vécu à une certaine période de ma vie de nombreuses années dans une tour HLM de Beauval, aujourd’hui disparue …
Paradoxe des paradoxes, le logement social, peut être aussi le combat d’un Maire hors la loi …