Je me suis rendu à l’invitation de Guillaume Pepy, Président de la SNCF, à un repas qui se tenait au siège social de l’entreprise à Saint Denis, avec les élus Seine et marnais des villes abritant des gares de la ligne P conviés dans ce cadre, à un dialogue informel et direct. Il était pour l’occasion entouré de son état major et de Mme Bardy Directrice d’exploitation du STIF.
La ligne P est représentative des contrastes portaient par l’Ile de France. Partant de Paris Est, elle dessert 36 gares localisées dans 3 départements, transporte 85 000 voyageurs / jour sur 252 km de ligne et s’étire à plus de 90 km de Paris, allant jusqu’à Provins, Chateau Thierry ou La Ferté Milon; autant dire qu’elle traverse de bout en bout notre Région pour se rendre jusqu’à ses franges les plus lointaines, aux confluences des régions voisines.
Je ne peux imaginer ce qu’en tirerait le chercheur Emmanuel Vigneron célèbre pour ses travaux sur les variations de l’espérance de vie le long du RER B (« la ville, la vie, la mort dans Paris et ses banlieues au long du RER B »), une enquête sur cette ligne apporterait certainement des résultats également surprenants, sur les espaces de solidarité, les bassins de vie, les réalités quotidienne du transport en mode urbain, péri urbain ou rural.
Réalité qui n’a manifestement ni les mêmes contours, ni la même saveur, entre ceux disposant d’un train tous les quart d’heure pour un voyage de 15 minutes pour se rendre au coeur de Paris et les autres. Pour faire simple, sans être caricatural pour autant, plus le voyage est long, plus les conditions de transport sont galères et plus le ticket coute. Grand merci à la région d’avoir enfin décidé un Pass Naviro à prix unique sur l’Ile de France dés septembre prochain. Au moins cette inégalité disparaitra !
Les difficultés évoquées lors de ce repas sont à l’unisson de ces différences géographiques, plus que des nuances d’appréciation.
Pour vous en convaincre, poursuivez la lecture de cette note, plongée dans l’Ile de France profonde …
France des métropoles et France périphérique
Les « indicateurs de performance » de l’entreprise, face à de tels contrastes sont tous sauf signifiants. Ils pourraient même apparaitre pour certains usagers (Ferté Milon notamment) pour de la provocation; ne révèlant pas la même réalité, ils ne peuvent servir de thermomètre ou de balise pour guider les actions prioritaires ou les correctifs à mener. Illustration : 78% des clients sont à priori satisfaits, ce qui est bien au dessus de la moyenne transilienne, à pondérer lorsque l’on sait que 6 gares sur 36 (Chelles à Trilport) concentrent 50% des voyageurs; résultat qui provoquerait pour le moins des réactions agacées d’usagers utilisant tous les jours ce mode de transport.
Entre les élus bien lotis dont les demandes portent sur les services additionnels à implantés dans des gares déjà bien desservies et totalement accessibles et ceux qui confrontés aux réalités concrètes de la France « périphérique » espèrent simplement disposer de trains réguliers, ponctuels, si possible confortables, propres, chauffés et complets pour affronter les 50 minutes quotidiennes qui les séparent de Paris (sans oublier le retour SVP), il y a plus qu’un monde de différence !
Soulignons que la ligne P est la dernière en Ile de France à disposer de lignes non électrifiées (Gretz / Troyes et Trilport / La Ferté Milon). Situation qui impose à la SNCF des contraintes quotidiennes de gestion de parc complexes et couteuses, le recours plus que raison à des navettes bus pour remplacer les rames en panne (aprés une journée de boulot, c’est super) et trop souvent à une gymnastique s’apparentant quelquefois à du « bricolage » pour constituer une rame complète, trouver une motrice en ordre de marche, en désabillant une ligne déjà mal en point au bénéfice de l’autre, selon la pression des usagers ou des élus.
Cette situation anachronique ne correspond ni aux objectifs de développement , notamment démographique, exigés par l’Etat au titre de la loi SRU et la Région, dans son Schéma Directeur ni à la vision d’espace de solidarité qu’ont les élus régionaux de l’Ile de France. D’autant que deux paramètres sont en constante augmentation chaque année le nombre d’usagers et le nombre d’habitants.
A l’est rien de nouveau ou si peu
Force est de constater que la plupart des annonces concrètes faites lors de ce repas ont surtout concerné l’Ouest, ce qui ne surprendra pas les Seine et Marnais avec l’arrivée du Grand Paris et le prolongement d’Eole à la Défense, en plaçant Chelles à 34 minutes et Tournan à 53 minutes.
Il est d’ailleurs pour le moins paradoxal de voir son nouveau Maire, Brice Rabaste, rappeler l’importance pour la Seine et Marne d’avoir obtenu deux gares du Grand Paris, dont celle de Chelles (grand merci à Jean Paul Planchou) alors qu’il a décidé de tourner le dos à ce département pour rejoindre Paris Métropole … Mais c’est une autre histoire …
Le responsable des infrastructures présent a abordé le scénario, à priori à l’étude, d’introduire un matériel alternatif aux rames inox, dans une hypothèse de « non électrification ». Cette évocation m’a amené à intervenir et à préciser que ni les élus locaux, ni les usagers n’accepteraient un tel scenario, nous ne demandons pas l’aumone, mais simplement d’être traité comme tout francilien. Notre horizon futur ne peut se limiter au seul grand Paris …
Ce qui est un fait établi est que l’unité de mesure des annonces concernant le Grand Paris ou Eole est le milliard d’euros alors que celle des électrifications des deux dernières lignes francilienne est la dizaine de millions.
La disparition de Réseau Ferré de France (ou RFF)
Autre évocation beaucoup mieux ressentie, celle de la réunification de la gestion des infrastructures en une seule entité, aucun élu ne regrettera la disparition de Réseau Ferré de France. Cette entreprise, pour faire simple était un facteur de blocage sur la plupart des dossiers d’aménagement dans lesquels elle intervenait (pôles gares notamment); sa volonté de « valoriser » son foncier, quasi obsessionnelle, s’illustrait par des positionnements pour le moins dicutables.
Sa responsabilité sur le retard du dossier du pôle gare de Trilport est largement engagée. Elle se faisait représenter lors de réunions portant, excusez du peu, sur l’amélioration des accés à la gare afin de la transformer en Pôle multi modal, par Nexity, avec quelquefois des demandes carrément caricaturales.
C’est désormais du passé et comme le dit une chanson, faisons en table rase
Merci à la SNCF d’avoir organisé ce moment de dialogue direct, ou j’ai pu, entre poire et fromage, faire valoir notre détermination à obtenir l’électrification jusqu’à La Ferté Milon, remonter les problèmes de stationnement rencontrés dans nos villes et villages, des pistes sont à l’étude, comme celle d’intervenir sur les quais des différentes gares jusqu’à la Ferté sous Jouarre afin de permettre à leurs habitants de connaitre les délices du Francilien.
Des engagements ont été pris et des messages ont été émis, mais comme Saint Thomas …
La ligne « P » en bref
36 gares sur 3 départements, 42 communes desservies
85 000 voyageurs / jour
252 km de ligne, elle va jusqu’à 94 km de Paris
2 branches non électrifiées
6 gares sur 36 (Chelles à Trilport) concentrent 50% des voyageurs
Statistiques moyennes
78% des clients satisfaits en 2014, 10 pts au dessus de la moyenne Transilien. Ce n’est pas forcemment le sentiment qu’en ont les voyageurs de la Grande couronne !
Travaux
2014 : 2eme phase de modernisation Trilport / La Ferté Milon, Trilport / Chateau Thierry : remplacement de 5 OOO metres de rails.
2015 : dernière phase de modernisation (renouvellement voies, ballast et traverses) de Trilport / La Ferté Milon