Le développement quasi exponentiel de Roissy et de Marne la Vallée, bouleverse l’équilibre territorial du secteur et ce n’est pas le nouveau projet de « Village nature » (qui n’a du « « village que le nom) qui va arranger la donne loin s’en faut, vu l’ambition de cette initiative !
Dans un tel contexte, la réflexion autour du projet de territoire du Pays de Meaux, arrive à point nommé, d’autant qu’elle repose sur un projet de développement bâtie par les élus autour des valeurs du Développement Durable.
Réflexion collective soulignant les atouts de cette agglomération «sentinelle », située entre Marne, canal de l’Ourcq et forêts, constitués de sa très grande diversité (géographique, urbaine, économique) et d’un patrimoine naturel exceptionnel. Les élus ont compris tout l’intérêt de privilégier dans leur modèle de développement le « Pays de Meaux » et ses 18 communes, plutôt qu’un « Grand Meaux », tourné sur un développement autocentré et asphyxiant de la ville centre dans lequel l’essentiel des équipements structurants y seraient localisés …
Constat simple, si aujourd’hui, 30 000 habitants sur 80 000 n’habitent pas la ville Centre, ils seront sans doute 40 000 dans quelques années …
Si tout n’est pas parfait dans l’intercommunalité, nous ne sommes pas dans un monde de bisounours, un élément est essentiel, pour conduire ce projet, vital pour leurs habitants, les élus ont mis de coté leurs divergences notamment politiques, permettant ainsi à cette réflexion territoriale d’avoir réellement du sens et de s’inscrire dans la durée …
Conséquence, à ce stade de la démarche : des forces qui désunis constitueraient des lourdeurs et des freins rédhibitoires, rassemblées (cf première note de ce blog) deviennent un formidable levier de développement au service d’une véritable vision stratégique et partagée
Autre atout, la transversalité de la réflexion engagée. Outre le SCOT (voir note précédente) les élus travaillent à l’élaboration d’un Plan Local de déplacement, d’un Programme Local de l’Habitat et à l’émergence d’un projet économique majeur, le Parc d’Activités du Pays de Meaux.
Enfin, il faut souligner la qualité du travail des équipes supportant cette réflexion, et notamment le « plus » incontestable apporté par les bureaux d’études sélectionnés. Provinciaux pour l’essentiel, sans à priori francilien, ils ont tout de suite perçu l’originalité d’un territoire à la fois rural, rurbain et urbain, véritable terre de contrastes, atypique des villes franciliennes de la petite couronne.
Autant d’éléments qui rassemblés permettent non seulement d’esquisser un projet de développement original, mais également d’identifier les tendances lourdes, les atouts et les défis de ce territoire comme la présence de certains signaux faibles, précurseurs de bouleversement ultérieurs qui pourraient dans un futur proche constituer des opportunités déterminantes.
La démarche engagée apporte aux habitants de ce territoire comme à leurs élus, une véritable Valeur Ajoutée, dans laquelle le Développement Durable joue un rôle pivot,
Pourquoi ?
Géographie, science des territoires
L’Approche Environnementale de l’Urbanisme (AEU) choisie par les élus a été déterminante pour la qualité de cette réflexion. Outre l’importance de la démarche participative (séminaire, rencontre ateliers thèmatiques…) habituelle dans ce type d’approche, il faut insister sur l’apport incontestable de l’analyse des caractéristiques physiques du territoire, menée lors de l’élaboration de l’état initial de l’environnement (ou EIE).
Cette phase grâce a l’état des lieux environnemental exhaustif effectué, constitue un véritable tournant stratégique, tant pour aujourd’hui que pour la prochaine décennie.
La grande diversité des paysages, la présence de nombreuses forêts, de la Marne et du canal de l’Ourcq, de zones humides, de terres agricoles et d’un relief accidenté, multiplient les points de vue remarquables et les séquences paysagères. Autant d’éléments naturels qui protègent également une bio diversité fragile, et remplissent une fonction de régulateur thermique qui permet de limiter de 2 degrés le réchauffement climatique lors des canicules; au regard du réchauffement climatique, c’est une opportunité à préserver.
L’Etat Initial de l’Environnement représente une véritable revanche pour la géographie, alors qu’il y a peu, beaucoup s’interrogeait encore sur son utilité. Dans un monde en mutation, elle rend à l’étude du «local» ses lettres de noblesse.
L’apparition de nouveaux moyens d’observation (photos aériennes, satellites…), de bases de données informatisées, des Systèmes d’Information Géographique, l’incidence des contraintes naturelles (relief, voie d’eaux …) sur les mobilités notamment, comme la nécessité absolue de protéger la bio diversité, rendent cette science de nouveau incontournable.
Paradoxe des paradoxes, la «terra incognita» n’est plus une terre océanique lointaine mais devient son propre territoire. Les nouvelles techniques favorisent une introspection des plus utiles, renforcée par l’apport des sciences de la Terre (géologie, climatologie…) et la nécessaire prise en compte du fait naturel : inondations, averses de neige, énergies renouvelables, canicule …
Ce retour en grâce, enrichit considérablement l’aménagement du territoire, du fait surtout des nouvelles priorités que sont la protection de la bio diversité, la limitation des gaz à effet de serre et la nécessité de gérer autrement les ressources naturelles (eau, espaces naturels et agricoles).
La géographie permet également au citoyen, du fait de la puissance simplificatrice et évocatrice des cartes de s’impliquer plus facilement, presque concrètement, sur des choix concernant directement son quotidien, tant ils impactent le cadre de vie.
De la géographie figée et théorique, de « sachants » passifs, on passe à une géographie « dynamique », proche des sciences de la terre, véritable « science des territoires » au service de ses habitants. « La géographie … ce sont les faits qui se déplacent » disait Pennac, dans le cas présent il s’agit surtout de prendre de la hauteur et de changer simplement de point de vue.
Le PADD, étape centrale et stratégique
Elaboré sous la responsabilité des élus, le Plan d’Aménagement et de Développement Durable, comme dans le cas du PLU (voir notes précédentes : Comment diminuer l’empreinte humaine, Vous avez dit PADD) tend à organiser les grands objectifs stratégiques à l’échelle du territoire (ici la communauté d’agglomération) et à éclairer les enjeux territoriaux, de l’agglomération aux communes, de manière plus stratégique que prescriptive (ce n’est pas son rôle).
Le Document d’Orientations Générales, prochaine étape de la procédure, articulera planification communautaire (ensemble des communes du territoire) et communale. Il devra permettre et favoriser la réciprocité d’échelles entre SCOT intercommunal et PLU municipaux et faciliter si possible l’écriture de ces derniers qui sont plus que jamais des documents d’urbanisme, l’urbanisme étant l’art de dépasser sa simple parcelle.
Il devra être compréhensible du plus grand nombre et allier pédagogie et précision, ce doit être par définition un document communiquant …
L’EIE a permis d’effectuer une relecture active et attentive du territoire., forces, faiblesses, potentialités. La citation « Connais toi, toi même … » chère à Socrate, pourrait illustrer l’apport incontestable de cette étude sur un projet territorial s’ inscrivant dans la durée et sur les caractéristiques physiques des différents espaces naturels :
Fédérer le territoire grâce à une trame verte et bleue à créer progressivement et connectant les principaux points d’intérêt de la communauté d’agglomération : parcs urbains, projets communautaire (éco quartiers, parc d’activités, grandes infrastructures …), espaces naturels … Décliner ensuite cette trame dans chaque commune, en y intégrant les exigences liées à la gestion de l’eau : qualité des eaux, inondations, infiltration des eaux pluviales …
Développer les potentialités constituées par les espaces agricoles et naturels. Le monde agricole est en pleine mutation, de nouvelles filières « vertes » apparaissent et peuvent constituer de réels opportunités économiques et environnementales : agriculture bio, eco matériaux, bio masse, bois, tourisme …
Cet objectif induit un impératif : maîtriser la consommation d’espace naturel, en définissant des limites durables à l’urbanisation, et en requalifiant les transitions entre espace urbain et rural …
Qualifier des espaces naturels, historiques ou urbains, afin de les valoriser ou de les sanctuariser si nécessaire (zone Natura 2000). Que ce soit d’anciennes carrières et plans d’eau, des formes urbaines caractéristiques, des points de vue à préserver (dont certains présents dans l’Atlas des paysages de Seine et Marne), les lisières des forêts, les espaces verts et parcs urbains …
Tenir compte des risques naturels et technologiques (inondations, mouvements de terrain, risque industriel, lutte contre les nuisances) en les prenant en compte dans la localisation et la conception des espaces à vocation résidentielle ou économiques et intégrer tout le potentiel des énergies renouvelables : solaire, géothermie principalement.
Elément important de cette réflexion, la gestion de la dynamique démographique sur le territoire et dans chacune des 18 communes. Lorsque l’on aborde la notion « d’Aménagement du territoire », la problématique de la « compacité » (mot techno par excellence) est centrale, tant elle influe sur l’organisation humaine des villes, pour faire schématique et quelque peu caricatural : leur coté horizontal et déployée ou au contraire vertical et concentré.
Trop souvent la « capacité d’accueil » n’est abordée qu’au seul prisme de l’analyse des réserves foncières. Vision réductrice qu’il convient de compléter avec d’autres critères : l’accès de tous à un réseau de transport public performant, le potentiel de densification par type de commune (ville centre, rurbaine, rurale …), la qualité et la diversité de l’offre de logements, et des commerces, services ou équipements de proximité …
Une ville peut travailler sur sa « compacité » (je ne m’y fait pas) tout en préservant son identité et son organisation urbaine. L’objectif commun est de limiter la consommation d’espace naturel (consommation foncière annuelle moyenne : près de 29 hectares, dont prés de 50% dédié à l’habitat individuel) en « reconstruisant la ville sur la ville », quitte à densifier un peu plus ou différemment …
Attention, la réponse apportée sur le terrain, peut être qualitative, tant elle tient à l’art et au talent des urbanistes et des architectes !
Un constat avéré et vérifié au fil des mois et des années, la dynamique démographique du territoire, qui est à l’image de celle de la Seine et Marne. L’objectif global est de passer en 2030, de 80 000 à 100 000 habitants (soit 1% de plus d’habitants par année).
Les élus désirent tendre progressivement vers une mixité sociale plus partagée, pour ce faire, ils ont décidé d’adapter des objectifs chiffrés variables par commune, selon sa typologie et son degré de mixité sociale (en réponse aux critères de la loi SRU : de 1,2% à 0,7% selon les communes).
Autre contrainte retenue, produire des logements en réduisant la consommation d’espace naturel et l’étalement urbain, selon la spécificité de chaque commune : bourgs ruraux, villes moyennes, ville centre …
Autre axe fort du projet, développer l’emploi sur le territoire afin d’éviter aux habitants des voyages quotidiens pénibles et longs ou pire le chomage. Encore faut il disposer d’entreprises qui embauchent et sont porteuses de richesse pour le territoire.
La définition et la mise en place d’une stratégie de développement économique afin de développer les synergies, réduire les contraintes pour les habitants, faciliter la gestion et mutualiser les infrastructures au lieu de les multiplier est incontournable.
Atout déterminant, la création de la Communauté d’Agglomération et l’instauration d’une Taxe Professionnelle Unique. Elle a constitué un changement de paradigme capital, si auparavant, chaque commune avait intérêt à développer sa Zone d’activités, quitte à concurrencer la ville voisine, aujourd’hui cette situation n’a plus de sens, il faut raisonner au niveau de l’agglomération : localiser les activités, mettre en place les structures et infra structures nécessaires, accompagner chaque projet professionnel ou les mutations des entreprises locales, développer le trés haut débit …
L’intercommunalité n’échappera pas à cette nécessaire mutation, si bien du chemin reste à faire, le lancement du parc d’activités communautaire (le PAPM comme Parc d’Activités du Pays de Meaux) qui pourrait à terme permettre la création de 4 000 emplois est un signal clair de cette volonté collective.
Autre impératif, préserver le foncier. Signalons qu’entre 1982 et 2010 c’est plus de 255 hectares de foncier qui ont été consommés par la CAPM pour sa politique (moyenne annuelle de 9.13 ha). Un fait économique objectif, la filière agricole peut nous réserver de belles surprise, tant au niveau de la production alimentaire (circuit court, agriculture bio) que sur le développement des éco matériaux ou de la bio masse.
Il est impératif pour que toutes ces actions se réalisent de trouver des réponses adaptées pour favoriser toutes les mobilités qu’elles soient résidentielles ou professionnelles, avec la création d’un nouveau système de déplacement qui permettent à la fois de mieux connecter le territoire dans sa diversité et de limiter les émissions de gaz à effet de serre en promouvant les modes de déplacements doux et les transports en commun.
Force est de constater que la thématique des mobilités est de plus en plus au coeur des dynamiques de population, d’aujourd’hui et de demain. Il est vital pour que l’agglomération fonctionne, de mettre en place un réseau de transport respectueux de la nature, structuré et performant, adapté et dimensionné aux différents besoin. Ce réseau doit permettre sur les 18 communes de développer des synergies territoriales prenant en compte les interdépendances spatiales, leurs effets cachés comme les besoins des différents publics d’habitants où qu’ils résident et quelque soit leur âge.
Il me semblait important de souligner certaines particularités de la démarche initiée autour de ce Scot. Nous sommes bien dans l’expression d’un projet de territoire structurant qui n’est pas le fruit de scénarii théoriques mais d’une réelle vdynamique territoriale pour l’instant partagée.
Le fait de mener simultanément la réflexion sur le SCOT, le PLH (Plan Local de l’Habitat) et le PLD (Plan LOcal de Déplacements), en privilégiant une approche globale, transversale et croisée permet d’avoir à l’arrivée un effet levier incontestable. Ce projet de territoire n’est plus de la prospective, mais une planification stratégique préparant tant le présent (résoudre les dysfonctionnements constatés) que le futur, son échelle de temporalité est donc large.
Il induit de nouvelles approches tant au niveau environnemental (gestion des ressources naturelles, protection de la bio diversité …) que de l’organisation urbaine (densification, limitation de l’étalement urbain, mixité sociale), qui devront être intégrées dans les PLU de chaque commune et ainsi essaimé dans toute l’agglomération.
Au regard de ses caractéristiques particulières, la capacité de ce territoire à se développer, à devenir plus réactif et dynamique, à développer les potentialités humaines et le réservoir d’énergie créatrice considérable qu’il porte, dépend exclusivement du maillage entre les 18 communes, de la création d’inter relations, de la mise en place de schéma de développement territoriaux support des politiques publiques locales, qui favorisent liens et synergies et permettent d’apporter des réponses adaptées à tous les habitants, assurant ainsi une cohérence globale sur l’ensemble du bassin de vie.
Si l’intention est bien présente, ne reste plus qu’à la traduire dans les faits et la réalité, comme dans les priorités concrètes et budgétaires, mais il est vrai que l’échelle de temporalité n’est du coup plus la même et que d’autres aléas surviennent …