Le moment est particulièrement bien choisi pour vous faire découvrir un de mes romanciers favoris, l’écrivain chinois Qiu Xiaolong (petit dragon en chinois) : les vacances d’été sont propices à la découverte de livres policiers dépaysant, et les siens le sont à plus d’un titre, l’intérêt grandissant pour la Chine, ce pays continent qui accueille les jeux olympiques, la série de ses nouvelles inédites que Le Monde publie …
Maisplus encore, l’originalité de cet auteur que j’ai découvert il y a plus de 5 ans et la très grande qualité de ses romans qui ont le bon gout d’être publié en poche.
Quelques mots sur son itinéraire : il est né à Shanghai en 1953, où il grandit, sa famille est victime des gardes rouges durant la Révolution culturelle, lors de ses études il intègre l’Institut des Sciences Sociales de Shanghai. Remportant une bourse d’études, il part aux Etats-Unis en 1988, afin de rédiger son doctorat sur l’auteur T.S. Eliot. Les évènements de Tienanmen éclatent, il écrit des articles, en faveur des étudiants et devant la répression décide de rester aux Etats Unis.
Il enseigne alors à l’université de Saint Louis et se met à écrire en anglais. Devant le succès rencontré, il se consacre uniquement à cette activité.
Publié dans une vingtaine de pays, il retourne depuis 1997 en Chine pour de courts séjours, ce qui lui permet d’être très informé sur l’état de son pays d’origine et de ses habitants.
Une acuité que l’on retrouve dans tous ses romans.Ses livres sont bâtis autour d’un personnage principal récurrent, l’inspecteur Chen Cao, tout à la fois cadre du Parti, membre de l’Union des écrivains et policier.
L’intrigue policière est le prétexte pour nous plonger dans le véritable Tsunami subit par la Chine depuis l’ouverture économique initiée par Den Xiaoping. Un bouleversement sans précédent.
Comme l’écrit Xiu » La transition, c’est que le pire des deux s’est uni : le pouvoir du parti unique avec le capitalisme le plus sauvage. »
C’est dire …
Période charnière que ses romans décrivent à merveille. C’est en 1996 que l’idée lui est venue de laisser de coté la poésie pour se lancer dans le polar. Un parti pris qui lui permet grâce à ses intrigues et à ses personnages de décrire la réalité de son pays.
Cette volonté explique la profondeur et la complexité de ses personnages, notamment l’inspecteur Chen qui permet d’avoir une analyse assez complète des traumatismes subis par la Chine et les Chinois : culture, politique, vie quotidienne…
Autre raison de ce choix, « combattre la vision caricaturale qu’ont les américains des chinois et de la Chine ; je voulais à travers mon personnage faire voir que nous étions beaucoup plus complexe que ce qu’ils pensaient (des chinois pauvres, illettrés, aux idées simplistes…) et leur amener une réflexion nouvelle face aux Chinois ».
La galaxie de personnage qui peuplent ses romans permettent également de multiplier les points de vue et les analyses croisée et de décrire ainsi toutes les affres qui secouent un pays ou l’argent est devenu le seul standard de la réussite.
Une période difficile pour les lettrés et les poètes, ce qui explique l’atmosphère particulière des romans de cet auteur attachant que l’on sent également un peu perdu. Fort heureusement, Chen est un épicurien, qui aime la cuisine, est sensible à la beauté féminine et qui s’il combat la corruption demeure un fin politique …
Les livres de Qiu Xiaolong ont bien d’autres arguments : leur rythme, la place prise par les allusions poétiques et les citations d’érudits chinois, les analyses sans concession de la tradition confucéenne et du Maoisme, l’humanité des personnages, quelque soit leur coté : criminel ou justicier …
Mais le mieux c’est de lire ses intrigues au fil du cheminement du personnage principal et de son évolution dans la société et dans ses rencontres … Donc de commencer par « Mort d’une héroïnerouge » puis « Visa piur Shangaï » puis …
http://www.qiuxiaolong.com/
Bibliographie :
La Danseuse de Mao, Liana Levi (2008)
De soie et de sang (Éditions Liana Levi, 2007)
Le très corruptible mandarin (Éditions Liana Levi, 2006)
Encres de Chine (Éditions Liana Levi, 2004)
Visa pour Shangaï (Éditions Liana Levi, 2003)
Mort d’une héroïne rouge (Éditions Liana Levi, 2001)