Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) est voté, enfin devrais je dire, tant cela m’a semblé long ; cerise sur le gâteau, aucun des deux groupes d’opposition n’a vote contre, il se sont abstenus, il ne pouvait sans doute guère faire plus, ce que personnellement je regrette.
Ce résultat satisfaisant est le fruit d’une concertation à laquelle je tenais, tant à mes yeux cette réflexion doit être celle d’une ville et des obligations liées à son développement (sociales et environnementales) et non celle de quelques élus isolés ou d’un simple bureau d’études.
Si dans une commune une réflexion est stratégique, c’est bien celle liée au PLU. Il doit non seulement favoriser un urbanisme compatible avec le projet politique de la ville, mais être un levier de développement tenant compte de problématiques urbaines et sociales de plus en plus complexes, notamment au niveau local, Trilport étant une ville à la fois rurale, à la fois urbaine…
Enfin, il se doit d’être un facilitateur afin de contribuer à dénouer tout un écheveau de contraintes et de nuisances (industrie, infrastructure de transport …). En tenant compte de deux nécessités absolue : limiter le réchauffement climatique et l’émission des gaz à effet de serre, et protéger la bio diversité.
Pourtant paradoxalement, plus les réponses à apporter sont urgentes et difficiles à élaborer, plus l’élu doit se prémunir avant d’agir.
Cette note est née d’une discussion informelle avec un collègue Maire se lançant justement dans l’élaboration d’un PLU et ayant quelques interrogations sur le sujet.
Si la délibération du Conseil Municipal du 4 février cloture un marathon de 5 années, (en comptabilisant l’intermède des élections municipales qui a duré quasiment un an), il est utile me semble t’il de revenir sur certains enseignements tirés de cette expérience …
Avant de faire un point dans une prochaine note, sur notre éco quartier, le travail avance et nous avons lancé la concertation de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) multi sites qui lui servira se support principal, il m’a semblé important de revenir sur le PLU …
Revue de détail de ce qui pour beaucoup d’élus s’apparente à une vraie course à obstacles …
Comme indiqué dans une précédente note, le PLU résulte de la conjonction de divers paramètres : le diagnostic du territoire (enjeux / faiblesses /défis), l’évolution du contexte global et le projet politique de la commune. Pour Trilport, deux phases ont marqué cette réflexion (réfection ?) de fond :
- 2006 / 2009 : lancement de la démarche, réalisation du diagnostic, définition des objectifs permettant d’élaborer le Plan de Développement Durable, clé de voute de cette réflexion stratégique sur le développement du territoire pour la prochaine décennie, que nous avons tenu à mener simultanément avec la conduite de l’ Agenda 21 de la ville (cf note précédente). Une dynamique stoppée par le long intermède des élections municipales et le renouvellement des élus … Il m’apparaissant important d’attendre le verdict des urnes avant d’aller plus en avant …
- 2009 / 2011 : Afin de favoriser, la création d’un éco quartier, une des « propositions phares » du programme municipal, et la construction de logements sociaux, et de répondre aux obligations de la loi SRU, nous avons revu notre copie et infléchit les objectifs indiqués dans le PADD initial, par diverses mesures : seuil minimal de 30% de logements sociaux sur les nouveaux secteurs ouverts à l’urbanisation, mise en place de mesures favorisant l’éco construction, ce PLU étant un des premiers au niveau national à intégrer des bonifications « récompensant » l’efficience énergétique, la végétalisation et la récupération des eaux pluviales … Tout un panel de décisions qui ont retardé la procédure d’une année, mais permettent au texte final d’intégrer ces nouvelles priorités pour la ville.
La conduite d’une telle entreprise est révélatrice des paradoxes de notre société. Comment concilier la mise en route rapide d’un projet de développement d’intérêt général, « multi dimensionnel » tant il porte sur toutes les dimensions d’un territoire (environnementales, urbanistiques, architecturales, sociales …) permettant d’apporter des réponses concrètes aux enjeux de cohésion sociale que nous partageons (la nécessité de « produire » du logement social) et dans le même temps engager une véritable concertation, faire preuve de pédagogie, tenir compte des chausses trappes juridiques afin d’éviter les recours inutiles et souvent inévitables (l’intérêt général ne pouvant être la somme des intérêts particuliers) ?
Sans omettre bien évidemment la nécessité absolue de tenir compte à la fois des paramètres environnementaux comme de l’évolution considérable du contexte juridique et territorial de ces dernières années ?
Quelques remarques synthétiques sur quelques précautions utiles, qu’à mon sens, un élu devrait prendre avant de se lancer dans ce qui est de fait une vraie relecture de son territoire et quelquefois de ses contradictions :
Ne pas faire l’économie d’une réflexion urbaine, elle ne se limite plus désormais aux seules grandes villes.
Si le PLU continue de définir le droit du sol (base de l’instruction des permis de construire), il n’est plus un document uniquement réglementaire comme l’était son prédécesseur, le Plan d’Occupation des Sols. Les lois l’ont transformé en un véritable outil de développement territorial au service de la politique communale mais également de l’évolution du contexte règlementaire et législatif, du fait notamment de la loi SRU. Il est à la fois :
- prospectif, grâce au Plan d’Aménagement et de Développement Durable (ou PADD) il permet de définir et d’esquisser le futur de la commune, à moyen et long terme, à partir d’un état des lieux initial de l’existant, de prévisions démographiques et économiques, de l’évaluation des besoins futurs des habitants, et compte tenu des tendances en tension sur le territoire : démographiques, liées à l’habitat, aux mobilités, à l’économie …
- Global et multidimensionnel, il permet de définir la politique d’ensemble de la municipalité, à partir d’une approche transversale de la ville (habitat, activités économiques, équipements publics, infrastructures, circulations, environnement …). Ce qui explique que le processus de son élaboration, soit une vraie maturation.
A partir d’un état des lieux initial, d’un diagnostic et de l’évaluation des besoins futurs des habitants comme du territoire, mais aussi de l’évolution réglementaire ou législative, les élus définissent un projet communal, support et base d’un règlement définissant les règles de construction sur le territoire communal.
Mais si l’urbanisme est l’art de dépasser sa simple parcelle, le PLU ne doit pas être le fruit d’une réflexion isolée, déconnectée de l’environnement territorial immédiat. Les élus doivent tenir compte des documents « supra communaux » avec lesquels le PLU doit être compatible, tant au niveau de l’organisation territoriale (Schéma Directeur de la Région Ile-de-France, Schéma Directeur du Pays de Meaux (et bientôt SCOT, voir note précédente) que des mobilités (Plan de Déplacement Urbain (PDU) de la Région Ile-de-France, et bientôt Plan Local de Déplacement de l’Agglomération).
Pour ce faire il ne peut plus se contenter d’être un simple document de géomètre, mais de constituer un véritable document d’urbaniste, apportant une « valeur ajoutée » incontestable aux élus en leur permettant « d’élever » leur point de vue comme leurs perspectives et de disposer d’un autre regard sur leur territoire. Il est donc important de bien choisir son bureau d’études.
Se prémunir en appliquant un principe de précaution : la veille juridique …
Rappelons ce que réprésente une telle réflexion pour la collectivité, tant en cout financier, considérable, qu’en temps passé par les services et les élus. Sans oublier ses conséquences directes sur le développement de la ville et les projets personnels des habitants.
Soulignons également la complexité croissante d’un contexte juridique ou règlementaire en évolution constante. Elle nécessite une expertise que les élus n’ont pas, ce qui peut apparaître normal mais qui est meême quelquefois trop pointue pour des urbanistes même bien renseignés, ce domaine ne constituant pas le coeur de leur métier.
Au regard de ce contexte, il est de bénéficier sur l’ensemble de la démarche d’une assistance juridique, notamment sur les phases clés, et ce trés en amont … Ce n’est pas de la « parano », c’est simplement appliquer un principe de précaution.
Cela permet de limiter le risque de recours qu’un intérêt particulier contrarié peut susciter pour des raisons plus ou moins sympathiques ou avouables …
Avoir pour idée fixe, la sauvegarde de notre environnement
Si le PLU doit répondre aux besoins des générations présentes, il ne doit pas pour autant compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs, comme l’écrivait Antoine de Saint Exupéry
« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible ».
La loi demande au PLU de respecter trois grands principes :
- limiter l’étalement urbain en réduisant la consommation d’espaces non bâtis, et de reconstruire « la ville sur la ville », ce qui obligatoirement va à l’encontre de la tradition urbanistique des aménageurs, dite « à l’américaine » basée sur le tout lotissement,
- favoriser la diversité des fonctions urbaines, la mixité sociale et multi générationnelle de l’habitat en favorisant le parcours résidentiel, la mutabilité du bâti,
- préserver la qualité de l’environnement en protégeant la bio diversité et en limitant la consommation de gaz à effets de serre (GES) et des ressources naturelles
Tenir compte de la temporalité
L’urbanisme ne se limite pas à la seule dimension spatiale, environnementale ou sociale, il doit tenir compte également de temporalité.
Telles certaines loi physiques, le développement d’une ville répond à des logiques particulières liées à l’habitat et à la mobilité ou simplement à l’application de la loi de l’offre et la demande sur le foncier comme au financement des infrastructures indispensables à la ville et à la vie quotidienne de ses habitants.
Un PLU est tout, sauf un document définitif. Il témoigne de l’évolution d’un contexte, peut et doit influer le développement d’un territoire, favoriser ou non l’émergence de certaines mutations et en freiner d’autres …
Il est indispensable que les élus fassent preuve de relativisme et d’humilité sur la portée de leur action dans le temps. En ce domaine, la perfection n’existe pas, il existe différentes temporalités qui se chevauchent : le temps du mandat, le temps d’une génération d’hommes et de femmes, le temps d’une ville ou encore celui de la planète. En matière d’aménagement du territoire, l’échelle des temps est particulièrement bien fournie …
La notion de patrimoine est aussi importante, que ce dernier soit naturel (les arbres ou espaces verts) historique (monuments) ou architectural …
Le patrimoine n’est pas seulement un témoignage, il possède des vertus identitaires qui accompagnent et infléchissent le développement d’un territoire et fait partie de ses repères, balises riches de sens et de signification.
Bien choisir ses modalités de concertation et faire œuvre de pédagogie
La concertation est non seulement une obligation, elle est utile et indispensable pour qu’un PLU soit le projet d’une ville et non celui de quelques élus ou d’un bureau d’études.
Certes, toute concertation a un conséquence financière immédiate (panneaux d’exposition, brochures, affiches, réalisation de documents …), mais ce cout est le prix de la démocratie. Je veux souligner trois initiatives que nous avons mené en ce domaine et qui ont permis de conforter et favoriser la réflexion citoyenne, tout en ayant in fine un excellent rapport « qualité / prix » :
o Mise en place d’une exposition à chaque étape clé de la procédure (diagnostic, définition des objectifs, PADD …). Basée sur des visuels, élaborés à partir d’un « powerpoint », cette exposition évolutive, également téléchargeable par internet a favorisé l’organisation d’espace forum, informels ou formels …
o Utiliser internet tout au long de la procédure … Soit comme espace de téléchargement ou espace de concertation (forum, messagerie, blog …). Le rapport qualité / prix est sans équivalent et limite d’autant la diffusion de supports imprimés. Une simple plate forme de blogs suffit, et constitue une vraie valeur ajoutée au débat démocratique. Nous avons mis ainsi à disposition, par exemple, le rapport du Commissaire Enquêteur
o Organiser des ateliers citoyens, plutôt que des réunions publiques « ex catédra ». ils favorisent le dialogue direct, la pédagogie … Se sont de vrais relations de gré à gré, et cela neutralise l’effet tribune.
Il convient également d’être extrêmement vigilant sur le degré de connaissance supposé, tant des élus que des habitants. Quelques notions ou concepts sont riches en idées reçues. Il est pertinent d’agir set de changer certaines perceptions, à la faveur de nouvelles représentations plus représentatives de l’objectif recherché.
Il faut que nos concitoyens les « apprivoisent » avant d eles adopter : mixité sociale, densification, logements aidés, rénovation urbaine, déclaration d’utilité publique, Zone d’aménagement concerté …
En ce domaine, la pédagogie est plus que nécessaire, elle est essentielle et doit se poursuivre non seulement tout au long de la procédure, mais surtout bien après et encore aprés …
Annexe
COMPOSITION DU PLU
L’élaboration du PLU est une démarche très encadrée par la loi, du point de vue de la forme comme du fond (articles R123-1, R123-2, R123-3 et R123-4 du Code de l’Urbanisme).
Le PLU se compose de trois parties :
1- Le rapport de présentation, qui :
– expose le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques, et précise les besoins répertoriés en matière de développement économique, d’aménagement de l’espace, d’environnement, d’équilibre social de l’habitat, de transports, d’équipements et de services,
– analyse l’état initial de l’environnement,
– explique les choix retenus pour établir le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) et la délimitation des différentes zones,
– évalue les incidences des orientations du plan sur l’environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de préservation de l’environnement et de sa mise en valeur.
2- Le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD), qui présente le projet communal et définit les orientations d’urbanisme et d’aménagement retenues par la commune, notamment en vue de favoriser le renouvellement urbain et de préserver la qualité architecturale et l’environnement.
Le PADD est une innovation de la loi SRU : son introduction correspond à une volonté du législateur d’inciter les élus à réfléchir ensemble au devenir de leur commune, d’une manière globale et cohérente, et donc à prévoir les évolutions souhaitables du territoire communal.
Le PADD définit les orientations générales d’aménagement et d’urbanisme du territoire communal, à moyen et long termes, souhaités par la municipalité. Il constitue le cadre de référence et de cohérence dans lequel s’inscrivent les différentes actions d’aménagement que la municipalité compte engager. En ce sens, il a une valeur politique, puisqu’il doit permettre de comprendre la politique municipale.
La loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003 (dite loi UH) a supprimé l’opposabilité aux tiers du PADD. Parallèlement, le législateur a voulu en faire un document plus simple, court (quelques pages seulement) et non technique, accessible à tous les citoyens et passer ainsi d’une approche technique à une approche plus politique de l’urbanisme.
Cependant, tous travaux ou opérations doivent être compatibles avec les orientations d’aménagement du PADD et leurs documents graphiques. Les orientations d’aménagement sont facultatives. Elles permettent à la commune de préciser les conditions d’aménagement de certains secteurs qui vont connaître une restructuration particulière. Elles s’imposent aux opérations de construction ou d’aménagement en termes de compatibilité, c’est-à-dire que ces opérations devront en respecter l’esprit, sans les suivre au pied de la lettre.
3- Le Règlement et ses documents graphiques, qui délimite les zones urbaines, les zones à urbaniser, les zones agricoles et les zones naturelles et forestières. Il fixe les règles applicables à l’intérieur de chaque zone.
Les prescriptions du règlement ainsi que les documents graphiques sont opposables au tiers.