Petites villes : Vous avez dit égalité des territoires ?

apvf.jpgLe calendrier a parfois de ces coïncidences, un vrai signe du destin ! Alors que les 16 eme Assises des Petites villes de France (APVF) se déroulaient à Saint Rémy de Provence avec pour thèmatique « les fractures territoriales », les Sénateurs débutaient l’examen du 1er volet des lois sur la décentralisation, relatif à la métropolisation des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille ou PLM).
Sujet explosif à Saint Remy, la très grande majorité des Maires des Bouches du Rhône concernées par la création de la métropole Marseille-Aix (109 sur 119), toutes couleurs politiques confondues s’opposant àla création de cette métropole. Deux motifs principaux à l’origine de cette fronde : la situation financière délicate de Marseille et les conditions de gouvernance proposées, dont la plupart se retrouvent exclus. Une métropole « ne se décrète pas, elle ne peut qu’être le fruit d’un consensus », a rappelé Hervé Chérubini, Maire de Saint Rémy lors de son mot d’accueil. Cependant la messe n’est pas encore dite, loin s’en faut, et bien des péripéties sont à venir, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée, avant le vote définitif des textes.

Invités d’honneur des assisses 2013 : Claude Bartolone, Président de l’Assemblée nationale et Cécile Duflot, Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement dont le discours était attendu vu l’actualité de ses projets. Les lois sur l’organisation territoriale ne passionneront pas nos concitoyens qui ont bien d’autres priorités en tête, mais elles  transformeront profondément et durablement le paysage institutionnel et le quotidien de chacun.

Beaucoup d’élus sont fidèles au rendez vous annuel propoé par l’APVF car ces deux jours d’assises se révèlent trés utiles, chacun peut  :

  • aborder des sujets « pratico pratiques » : échanges, retours d’expérience, recherches de solution … Les ateliers sur les conséquences de la baisse des dotations, la transition énergétique ou la mise en place des rythmes scolaires ont été trés appréciés cette année,
  • prendre un peu de hauteur, grâce aux débats de fond proposés apportant des clés de lecture utiles sur les évolutions en cours,
  • peser dans les débats institutionnels, afin de faire entendre la voix particulière des petites villes qui n’ont pas la puissance d’autres « lobbys » plus puissants,

Le sujet présent dans tous débats et conversations a bien été celui de la réforme territoriale. Chacun aujourd’hui mesure qu’il vaut mieux vaut réformer un système lorsque tout va bien, à froid, en ayant le temps de bien faire les choses et d’accompagner le mouvement, qu’accomplir cette même réforme à chaud, dans l’urgence de la crise comme aujourd’hui !
La crise budgétaire actuelle fait que tous les robinets se ferment au même moment face à des citoyens de plus en plus en difficulté et désemparé toujours plus.

Un autre paramètre perturbe cette réforme déjà délicate à mener : le manque de consensus et d’unité des divers représentants d’associations de collectivités; le bal des égos est ouvert : Régions, département, Agglomérations, grandes villes … Si officiellement personne ne veut du statut co, chacun veut sortir de cette séquence difficile renforcé, c’est à qui mangera l’autre ! Je souhaite bien du plaisir à Marylise Lebranchu, Ministre en charge de cette réforme qui ne méritait certainement pas un tel sort et ces  réactions « corporate » voir corporatistes.

Voici quelques impressions personnelles, pêle mêle, sur deux journées riches en enseignements et en interrogations concernant le devenir de nos collectivités !

 

 

photo-duflot-web.jpg

Cécile Duflot aprés son discours

 

Chacun s’accorde à dire qu’il faut clarifier, moderniser l’organisation territoriale, mais campe sur ses positions, une posture impossible à tenir dans le temps. Vu le blocage actuel, la théorie de l’évolution, chère à Darwin va certainement  trouver ici un nouveau champ d’expérimentation :

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. »

Certaines tendances se dessinent cependant peu à peu …

Lister de Paris capitale, un mode d’organisation standard s’imposant à tous et partout, n’apparait plus adapté à la France de 2013, qui n’est plus ce monolithe jacobin issu des réformes de Napoléon 1er. La dimension  « locale » prend enfin toute sa valeur et doit absolument désormais être prise en compte. Il faut intégrer les éléments de contextualisation.
Une certitude cependant s’impose à tous  : nos territoires devront s’adapter aux mutations en cours ou disparaître, tant le nouveau monde qui émerge est différent … La résilience devient comme une assurance vie face aux aléas multiples d’aujourd’hui et encore plus de demain : climat, réchauffement planétaire, mondialisation, révolution d’Internet … Les politiques publiques qu’elles soient nationales ou locales, pour être mis en œuvre efficacement doivent se nourrir de ce mouvement et surtout rester dans le tempo.
Ne reste plus qu’à dessiner et mettre en place une nouvelle organisation, qui tienne compte justement des particularités de chaque territoire : forces, faiblesses, contraintes, potentialités … Encore faut il renforcer le principe de solidarité afin que l’égalité des citoyens soit plus qu’un objectif lointain et flou, ou un slogan sans fond mais une réalité concrète et surtout partagée par tous !
Nous aurons le temps de revenir sur cette problématique, le parlement devant  débattre dans les prochains mois de trois textes de loi : une sur les métropoles (PLM), l’autre sur l’articulation département / région, l’autre sur le bloc communal et le dualisme intercommunalité / Communes d’une loi.
Lors de ces assistes, la présence de grands témoins, chercheurs ou élus (n’ayant plus de plan de carrière en tête, il en existe encore quelques rares spécimens) contribuent à faire bouger les lignes et permettent d’aborder dans les tables rondes proposées, des débats de fond sur des sujets de société importants pour notre vie quotidienne, avec des angles de vue souvent stimulants qui nous changent quelque peu de l’écume médiatique dominante (cf les duels télévisés TNTique de quelques happy few) ou des propos lénifiant que l’on entend trop souvent.
Le grand témoin 2013, Christophe Giully l’auteur de « Fractures françaises », nous a décrit un contexte territorial contrasté, j’y reviendrais dans un prochain billet tant la problématique soulevée révèle une fracture territoriale qui s’aggrave et concerne directement les villes du « péri urbain ».
Les petites villes se retrouvent en effet au cœur de la carte des fragilités et sont en première ligne pour agir et animer des réseaux de solidarité menacés aujourd’hui qui sont autant de digues face aux ravages de la crise. Pourtant, toutes les décisions institutionnelles ou budgétaires de ces dernières années gagent leur capacité d’action et pertrubent la dynamique territoriale portés par les élus, surtout dans le monde rural ou lorsque la commune n’est pas riche !
Reconnaître le fait métropolitain, une thématique trés à la mode aujourd’hui,  n’interdit pas pour autant de reconnaître le fait rural. Il ne s’agit pas de privilégier tel ou tel territoire, mais d’aborder de manière républicaine une problématique d’autant plus délicate que nous sommes en crise longue et dure. Il faut évoquer sans langue de bois, la difficulté de mettre en équation  l’égalité des citoyens de ce pays selon leur lieu d’habitation. Trop de collectivités, notamment rurales, ne disposent même plus du minimum pour fonctionner, elles accueillent pourtant et de plus en plus les populations les plus pauvres frappées des problèmes d’emplois, de mobilités ou encore de précarité énergétique, la Seine et Marne en Ile de France est trés représentative de ce dualisme.
Autant dire que si les baisses de dotation évoquées se font  automatiquement, à l’aveugle, sans tenir compte des ressources de chaque collectivité, elles constituent autant d’épées de Damocles pour les territoires.
Lors d’une table ronde, le représentant national des entreprises des Travaux Publics s’est publiquement inquiété des conséquences des baisses de dotations envisagées par le gouvernement, qui sont pouratn grandement dues à la réforme de la Taxe professionnelle (TP)  de Nicolas Sarkozy. Attention à la casse économique !
Rappelons que 72% de l’investissement public provient des collectivités, et que cet investissement est  majoritairement pourvoyeur en emploi local. Les collectivités ont déjà été considérablement ébranlées par la réforme de la TP, les transferts de charges non compensés, et dans ce contexte instable, la baisse des dotations risque d’avoir des répercussions sociales et économiques importantes.
L’APVF plaide pour un prélèvement « exceptionnel » (la sémantique est ici importante) et demande que les baisses soient modulés selon les difficultés et ressources de chaque ville, notamment des moins riches, et d’un lissage du repli des dotations sur un ou deux budgets de plus en privilégiant le volet investissement.
Le renforcement des métropoles, s’il est utile et nécessaire, ne peut constituer l’alpha et l’oméga d’un aménagement du territoire juste. Si notre pays a effectivement besoin de grandes villes fortes et puissantes comme moteurs de développement, il faut souligner que l’intelligence collective, l’innovation et les ressources naturelles ne sont pas exclusivement localisées dans ces périmètres. Des millions de personnes, de plus en plus en difficulté vivent dans l’espace péri urbain ou rural.
La future organisation territoriale proposée ne doit pas aspirer (« vampiriser ») toutes les ressources vers la seule ville centre mais irriguer tout le territoire … Notre objectif commun doit être de développer des territoires intelligents, plutôt que de se limiter aux seules villes intelligentes (entendre les métropoles ou les grandes villes) qui se doivent également de devenir désirable et surtout accessible à tous … A l’heure d’internet, la force du réseau neuronal que pourrait constituer notre future organisation territoriale n’est pas à sous estimer, elle est porteuse de développement partagé et de dynamique territoriale.
Cécile Duflot dans une intervention attendue a rappelé qu’elle était Ministre de l’égalité des territoires, ce qui n’est pas anecdotique et correspond à son engagement personnel et au sens de la thématique principale de ces assises.
« La France ce n’est pas simplement une histoire c’est aussi et surtout une géographie, qui constitue une de ses richesses. C’est bien l’égalité qui met en mouvement notre pays depuis la révolution : égalité des territoires, mais aussi et surtout égalité des citoyens sur leur territoire. »
La Ministre considère que les petites villes jouent un rôle essentiel d’impulsion et de structuration du territoire, bien que la tendance à la Metropolisation soit réelle. Les petites villes sont de fait des pivots de l’articulation entre urbain et rural et au cœur de la cohérence et de l’efficacité du pays. Mais pour qu’elles puissent porter une action publique locale, combattre les fractures territoriales et maintenir la cohésion sociale dans le pays, il faut leur donner des capacités de résilience face à la crise.
Lors de son intervention, Cécile Duflot a présenté ses priorités en termes de politiques publiques en faveur de l’égalité des territoires :
  • Le numérique avec le Plan Très haut débit, qui aura des effets de levier massifs sur la mise en capacité de tous les territoires et qui est intègre une logique de péréquation : dans les territoires les moins denses et les plus enclavés, le financement de l’État sera plus important que dans les villes denses. Cécile Duflot a insisté à juste titre sur la dimension des usages numériques :  » L’important c’est l’usage ». Des propos appréciés des élus des petites villes,
  • La mise en œuvre d’une planification urbaine pour « asseoir les projets de territoire ». Le projet de loi logement et urbanisme, qui sera présenté au Conseil des ministres d’ici l’été 2013, proposera des mesures, dont le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal, pour lequel la majorité des Maires de l’APVF sont plus que réservés, estimant qu’il est primordial de laisser les communes libres de choisir. Beaucoup d’entre eux, dont je suis, s’étonnent que le scenario de renforcer  le rôle prescipteur du Schma de Cohérence Territorial n’est pas été exploré en priorité.
Enfin la Ministre a conclu en occitan son propos avec une citation du local de l’étape, Frédéric Mistral :
 “plus les racines d’un arbre sont profondes, plus ses feuilles montent haut »
 
Encore faut il qu’il y est toujours des racines pour alimenter en sève des arbres qui soient présents sur tout le territoire …
 
L’Association des Petites Villes de France ou APVF
@petitesvilles
http://www.apvf.asso.fr
Cette association réunit 1 100 maires de villes peuplées de 2 500 à 25 000 habitants. Elle a pour objectif de porter la voix des petites villes, qui représentent près de 19 millions d’habitants, soit 30 % de la population française.