Phénomène majeur de la fin du XXème siècle, la révolution internet bouleverse nos économies et nos sociétés, cumulant les bouleversements entrainés par l’apparition de l’imprimerie et de la machine à vapeur.
Trois repères chronologiques pour s’en convaincre : 1985 : un millier d’utilisateurs, 1994 (date symbolique s’il en est) 2 millions, 2007 près de 1,250 milliard d’utilisateurs ; et le plus incroyable, reste à venir …
Le réseau informatique imaginé par les militaires américains en pleine guerre froide capable de résister à une attaque nucléaire irrigue désormais toute la planète. Particularité : il repose sur le principe d’un maillage dépourvu de centre … La force est bien dans la matrice …
Trois problèmes majeurs cependant :
Cette croissance exponentielle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, les inégalités de connectivité et d’accès à internet augmentent et la fracture numérique devient à l’échelle de la planète un problème majeur.
La multiplication des usages qui s’affranchissent allègrement des frontières territoriales et des repères sociétaux rendent nécessaire l’évolution du droit, au plan national, mais surtout international,
Enfin la gouvernance d’internet, qui pour des raisons historiques est sigulière, pose problème, ne reposant pas sur des instances multilatérales solides.
Le dossier réalisé par la Documentation Française (téléchargeable sur ce blog dans la partie des documents : « L’état du Monde numérique ») fait un point utile sur ces questions, et plus encore rappelant l’histoire de l’Internet, les débats et enjeux en suspens et dressant une photographie de la situation planétaire actuelle de ce média …
Rappel des épisodes précédents
A la base les principes de fonctionnement d’Internet sont simples :
Le moteur d’Internet est un protocole de communication très simple (le fameux TCP/IP comme« Transmission Control Protocol/Internet Protocol », élaboré en 1974 par Vinton Cerf) qui a la capacité de relier ordinateurs et réseaux quelque soit le système d’exploitation utilisé , permettant à la tour de Babel que constitue la toile mondiale de fonctionner sans anicroche.
L’autre grande force d’Internet est sa facilité d’usage. Les internautes surfent de page en page en cliquant sur des liens, s’affranchissant ainsi de toute limite physique. C’est le World Wide Web, créé par Tim Berners-Lee, qui reposant sur la logique révolutionnaire de l’hypertexte.
Depuis … c’est la déferlante … Une expansion planétaire sans précédent amplifiée par la convergence de l’informatique, de l’audiovisuel et des télécommunications utilisant tous et simultanément les tuyaux du système.
Les services de toute nature se multiplient : messagerie, forums, blogs, télé travail, commerce électronique, médias, diffusion d’images fixes, de fichiers audio et vidéo et apparaissent tous les jours. C’est un véritable mouvement perpétuel alimentée par une évolution technologique permanente : développement du haut débit, filaire ou non, de l’internet mobile, l’ère de l’internaute nomade est arrivée ! Le Web 2.00 renouvelle les modes d’usages et d’appropriation. Les utilisateurs font vivre désormais la toile et la rende réactive et active dans les deux sens (RSS, blogs, wikis, outils de partage de photos, de videos…).
Pourtant la Matrice est un géant aux talons d’argiles, et ce depuis sa création. Sa gouvernance est pour le moins particulière, une originalité qui s’explique par ses origines universitaires.
1992 création de l’Internet Society (ISOC), cette organisation américaine à but non lucratif coordonne le développement des réseaux informatiques dans le monde.
1994, Le World Wide Web Consortium ou W3C est placé sous la responsabilité du Massachussets Institute of Technology (MIT) aux Etats-Unis et de l’Institut national de recherche d’informatique et d’automatique (INRIA) en France.
1998, la gestion du DNS (Domain Name System) est confiée à une organisation californienne de droit privé, l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN). Le DNS permet de convertir l’adresse IP (adresse numérique attribuée à chaque ordinateur) en noms compréhensibles, le nom de domaine. l’ICANN qui organise leur attribution reste sous contrôle du département américain du Commerce.
Cette concentration de pouvoir est à l’origine de tensions internationales multiples car le contrôle de cette infrastructure est déterminant : en choisissant ou non d’attribuer un nom de domaine, il détermine l’accès à internet, c’est le sésame indispensable.
Qui est le maître de la matrice ?
Aucune autorité centrale, ne régule le système, sinon les USA ; situation inacceptable pour nombre de pays. Si à l’origine Internet était surtout utilisé par les américains, ce n’est plus le cas aujourd’hui, loin s’en faut ! La communauté internationale s’interroge sur la régulation et la gouvernance d’internet (sommet de Genève en décembre 2003, sommet de Tunis en novembre 2005).
La création du Forum sur la gouvernance d’Internet (IGF), devrait permettre de jeter les bases d’une nouvelle architecture : « multilatérale, transparente et démocratique » afin de mettre les différents états sur un pied d’égalité ; mais cette instance n’a toujours aucun pouvoir décisionnaire.
Les Nations unies travaillent à la mise en place d’une structure internationale chargée de l’administration globale du réseau qui pourrait permettre d’éviter une fragmentation de la toile mondiale en myriades de réseaux centralisés. Le risque : maîtriser le tuyau et son contenu et remettre ainsi en cause le principe de neutralité sur lequel repose les fondements d’internet.
Une volonté exprimée par certains États pour des raisons de contrôle politique évidents, mais également par des opérateurs privés de télécommunication (surtout américains) désirant remettre en cause le principe de séparation entre transport et traitement des informations.
Le réseau est par essence neutre, il se limite à transporter les informations sans les modifier. L’instauration d’une tarification spécifique selon le type de données, leur volume ou vitesse de transfert (utilisé par la téléphonie) auraient indirectement une incidence sur la diffusion des contenus et des applications
Une fracture numérique croissante
La fracture numérique s’aggrave et devient de plus en plus globale (accès, usage, contenu…). Paradoxe incroyable : Internet est d’autant plus cher qu’il est lent. Si le prix moyen d’un accès haut débit sur la planète est de 27,59 dollars mensuels, ce prix varie selon les latitudes et les pays.
Le continent le plus pénalisé est l’Afrique. Moins de 4% des Africains ont accès à l’internet, D’après la Banque mondiale, les coûts de connexion y sont les plus chers du monde : entre 250 et 300 dollars par mois. ». L’ONU estime que le lancement d’un véritable « Plan Marshall » est nécessaire pour ce continent si l’on veut fournir un accès universel d’ici à 2012.
Au niveau européen, des disparités existent … l’écart s’élargit entre « connectés » et « exclus » de la société de l’information.Des écarts liés à l’âge (seulement 10% des personnes au-delà de 65 ans utilisent internet contre 68% des 16-24 ans), l’éducation (seulement 24% des personnes ayant un bas niveau d’éducation utilisent internet, contre 73% des personnes ayant un niveau d’éducation supérieur) ou la profession (seulement 32% des sans-emplois utilisent internet contre 54% des personnes employées) (Demunter, 2005). […]
Mais la fracture s’aggrandit également entre les pays. Selon les chiffres de la Commission, « l’écart entre le pays où la pénétration du haut débit est la plus élevée (le Danemark, avec 37,2%) et celui où elle est la plus faible (la Bulgarie, avec 5,7%) s’est légèrement accru et dépasse désormais 30 points de pourcentage.
Le droit d’internet
Le Tsunami Internet submerge les règles de droit et se révèle devenir une vraie opportunité pour l’apparition de nouvelles formes de délinquance « immatérielles », un maelström se révélant problématique pour les juridictions nationales.
La « cybercriminalité » selon la Commission européenne regroupe trois catégories d’activités criminelles : traditionnelles (fraude informatiques, fausses cartes de paiement bancaires …), diffusion de contenus illicites (violence sexuelle exercée contre des enfants, incitation à la haine raciale …), infractions technologiques ( attaques virales, piratage …)
Cette situation s’explique par les origines d’internet, qui au début ne reliait que les membres d’une même communauté (universitaire). Depuis la toile mondiale est devenu un marché économique en expansion continue, sur lequel circule beaucoup d’argent. La sécurité des communications et la protection des données personnelles sont devenue essentielle, ces dernières constituent un marché très rémunérateur.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL, créée en 1978) n’y suffit plus. L’Union européenne a bien adopté en octobre 1995 la directive 95/46/CE, le texte de référence, au niveau européen, en matière de protection des données à caractère personnel qui établit un équilibre entre un niveau élevé de protection de la vie privée des personnes et la libre circulation des données à caractère personnel au sein de l’Union européenne.
La multiplication des possibilités de reproduire et diffuser des contenus culturels sur internet conduit à une remise en cause du droit d’auteur, perçu d’ailleurs différemment selon les continents. Le développement des réseaux d’échange de fichiers de pair-à-pair (P2P) a considérablement aggravé cette situation. La mise en commun de contenus numérisés de toute nature (textes, audio, vidéo et logiciels) entre plusieurs individus sans transiter par un serveur central rend possible la diffusion légale d’œuvres non protégées
Au-delà des dispositions répressives, d’autres solutions sont à l’étude :
Les systèmes numériques de gestion des droits (les Digital Right Management Systems, DRMS) permettent de contrôler la distribution d’œuvres en ligne (achat, limitation du nombre de copies …) et permettent d’envisager la mise en place d’offres légales en ligne. Mais ce système est critiqué car générateur de contraintes techniques
La possibilité de donner accès librement aux œuvres moyennant une compensation financière versée aux ayants droit (licence légale) mais de nombreux inconnues se présentent : taux à appliquer, clé de répartition …
La mise à disposition gratuite d’œuvres avec le consentement de leurs auteurs est une autre tendance.
Le cas de la France, la loi DADVSI
La loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI), adoptée le 1er août 2006 est la transposition française de la directive européenne sur le droit d’auteur. Elle est positionnée clairement comme favorable aux DRMS malgré l’opposition de nombreux internautes, associations de consommateurs et interprètes favorables à la licence globale.
Ce texte légalise les dispositifs de protection anti-copie pour les auteurs et les ayants droit qui diffusent leur œuvre sur internet (brouillage, cryptage, application d’un code d’accès, etc…) destinées à empêcher ou limiter les utilisations non autorisées par le titulaire d’un droit. La loi prévoit la création d’une Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) chargée de veiller à la garantie de la copie privée et à l’interopérabilité des mesures techniques de protection, c’est-à-dire de s’assurer qu’elles n’empêchent pas de lire les œuvres légalement acquises sur différents types de support.