Les enjeux du débat autour du Grand Paris …

 

20090312PHOWWW00102.jpgLes deux débats publics sur l' »Arc Express » et le « Grand Paris » permettent aux usagers d’avoir une clarification bienvenue et nécessaire sur le contenu des deux projets, leurs modalités comme leurs zones d’ombre …

Deux rappels toutefois, ces débats n’engagent aucunement les maîtres d’ouvrage (la Région pour Arc express, la Société du Grand Paris pour le Grand Huit), chacun restant libre de sa decision finale , et de la même manière cette procédure  ne constitue ni un lieu de décision ou de négociation, mais un simple espace d’information et d’écoute.

Entre les productions issues de la consultation internationale des architectes autour du Grand Paris et le projet preparé en catimini sans l’ombre d’une concertation par Christian Blanc, le secrétaire d’Etat au cigare (passion partagée avec le Président de la SGP M Santini), il y a plus qu’une difference, il y a un changement de paradigme.

Autre élément à prendre en compte, et au combien déterminant, le niveau du réseau actuel, qui est totalement saturé quarante ans après la création du RER. Le tout TGV est passé par, aspirant toutes les  ressources financières de la SNCF et de RFF. Une situation identifiée désormais par la Cour des comptes  «Entre 2001 et 2009, le trafic sur les réseaux du transport régional a augmenté de près de 20% sans que les infrastructures évoluent en conséquence», indique t’elle dans le rapport qu’elle a consacré au système de transport parisien.

Un constat presque incompatible avec le projet gouvernemental, vu le contexte de rarefaction de l’argent public qui caractérise la période actuelle. Si effectivement la Société du Grand Paris accapare les financements dédiés au transport public en Ile de France, rien ne pourra se faire ailleurs, un élément determinant dans ces débats. Le STIF et la Région ont décidé d’injecter 18 milliards dans une rénovation du réseau actuel car l’urgence est bien là.

L’avis négatif du conseil d’Etat sur le Schéma directeur d’Ile-de-France ne simplifie pas la donne, loin s’en faut, la plus haute juridiction administrative a estimé que le vote des lois Grand Paris et Grenelle 2 rendait caduc le document régional.  Plusieurs solutions dés lors sont possibles pour le gouvernement : passer outre cet avis (il n’est que consultatif), légiférer et valider  le Sdrif, ou relancer la procédure … Et il y a urgence, car désormais le  document d’urbanisme se référence est celui … de 1994 !!!

 

Quelle contribution peut on apporter à ces débats ? Notamment et surtout lorsque l’on reside en grande couronne, car il faut se garder de ne laisser aucun territoire sur le chemin, telle est la question  ?

 

 

 

Un réseau de transport exsangue

La Cour des Comptes souligne que si les investissements de la RATP ont considérablement augmenté ces dernières années, la SNCF et RFF ont négligé de rénover le réseau francilien.
Conséquence directe de ce sous-investissement, la degradation de la qualité du service aux voyageurs. Didier Migaud le premier Président estime que dans ces circonstances, «l’importance des besoins justifie qu’une priorité soit donnée aux projets de modernisation des lignes existantes et à des extensions limitées du réseau».

Les sages de la Cour suggèrent donc de prendre le temps de la réflexion, «tout est une question de phasage dans le temps».

 

Question centrale : le financement

Concernant le  projet gouvernemental, les plus grandes incertitudes règnent, tant au niveau des 24 milliards nécessaires au financement de l’infrastructure que sur le cout de la gestion. Qui paiera?

Gilles Carrez, le rapporteur UMP du budget à l’Assemblée nationale a exploré des pistes de solution, elles sont plurielles et ont un point commun, elles risquent de faire mal : augmentation du versement transport payé par les entreprises, de la contribution versée par les usagers, croissance du nombre d’usagers, plus tout un cocktail  de taxes et de recettes variées …

Rappelons que le versement transport payé par les entreprises est trop peu modulé et ne tient pas assez compte du degré de  service rendu par le réseau : un employeur bien desservi, a le même VT qu’un employeur qui l’ait beaucoup moins. En plus de l’inégalité de cette solution, cela incite les employeurs à se localiser dans les zones les mieux desservies, une situation qui aggrave les inégalités territoriales, et les déplacements pendulaires entre grande couronne et region parisienne.

D’autre part, Gilles Carrrez conteste les deux sources de financement privilégiées par le gouvernement : la taxation des plus-values foncières créées par l’arrivée du metro et l’emprunt qui devra boucler le budget avec un objectif de réalisation global de l’ensemble, fixé à 2020 ! Sur ce dernier point, Gilles Carrez se range à l’avis de la Cour des Comptes et préconise également de phaser les investissements.
D’autant que certains couts ne semblent pas entièrement estimés : le nombre de gares, leur prix en fonction des configurations finales mises en place  …  Deux faits également qui incitent à la plus grande prudence budgétaire : les recettes fiscales espérées sur les opérations immobilières autour des stations du futur « grand metro » risquent fort vu le contexte actuel d’être des plus limitées, et recourir à un emprunt de cette importance (21 milliards) semble incompatible avec la politique de réduction de la dette publique.

Encore faut il faire fonctionner le futur “grand 8” et exploiter les 150 kilomètres de lignes qui vont se rajouter au réseau actuel : nouveau matériel roulant, gares et personnel supplémentaires ! Rappelons que si la Société du Grand Paris (SGP) assure l’investissement, le fonctionnement devrait être du ressort du Syndicat des  transport d’Ile-de-France (Stif).

 

Le projet défendu par la région est plus modeste, n’atteignant que 60 kilomètres environ. Pour le faire fonctionner, le STIF  envisage certaines ressources: augmentation du prix usager, du versement transport des entreprises et des contributions des collectivités, mais dés lors une question se pose, comment le STIF pourrait il absorber en plus la charge des 21 milliards d’euros de dettes du metro du Grand Paris ?

Pour l’heure, force est de reconnaitre que la rocade Arc Express, est intégrée au plan de mobilisation de 18 milliards destiné à remettre les transports de la région à niveau. Si la région réclame la participation de l’Etat (Grenelle 2 ?), elle peut également emprunter dans le cas où ce dernier lui ferait défaut.

 

Un rapprochement entre les deux projets ?

Jean-Paul Huchon, a pris l’initiative d’esquisser un rapprochement entre les deux projets. S’il a souligné leurs complémentarités, il a tenu à rappeler le rôle dévolu par les lois de decentralisation à sa collectivité, notamment sur les compétences du STIF, unique autorité organisatrice des transports compétente en Ile de France.
Il propose de recourir à une mesure legislative pour approuver le SDRIF et sortir du bourbier actuel. Dans le meme temps il propose un plan de financement comprenant les contributions de l’État, des collectivités territoriales ainsi que les nouvelles ressources attendues en s’inspirant des solutions avancées par le rapport Carrez.

Cette proposition permet d’envisager une mise en oeuvre rapide des opérations du plan de mobilisation permettant de réaliser, jusqu’en 2025, un projet commun de métro automatique et de dessertes ferroviaires. Dans cet objectif il propose des aménagements au projet initial d’Arc Express permettant de se connecter au réseau dit du “Grand Paris”, de desservir les aéroports, désenclaver des territoires de l’est de l’agglomération améliorer l’offre de transports de la grande couronne.

 

Grand Paris avez vous dit ?

Paradoxalement, si l’Arc Express régional n’est en rien révolutionnaire, et apparait comme une adaptation du réseau actuel, la solution proposée par le gouvernement parait finalement assez anachronique, nous ramenant à l’époque de la France du Général et de l’Ile de France de Deleuvrier, lorsque l’État jacobin décidait de tout, notamment des zones à urbaniser en priorité et des grands ensembles. Nous sommes de fait plus prés d’un RER, que d’un metro, le réseau proposé desservant quasi exclusivement l’espace périurbain.

Le plus problématique cependant et je regrette qu’il n’apparaisse pas plus dans ce débat, et qu’à priori aucune étude de faisabilité et de rentabilité préalable n’a été menée, et la viabilité économique de certaines lignes reste encore trés incertaine. Où apparait  l’évaluation de l’intérêt économique et social d’un projet de 24 milliards, au niveau des  usagers ?

Aucune expertise ou contre expertise indépendante n’a eu lieu, ce qui peut surprendre surtout lorsque l’on atteint de tels montants de financement. Certaines estimations dans ce contexte décoiffent :

  • les capacités de pointe sont estimées à 20 000 voyageurs par heure entre Saclay et La Défense, alors qu’actuellement les échanges entre ces zones sont de l’ordre de 20000 voyageurs par jour, tous modes confondus (y compris voiture),
  • comment 160 km de lignes sur un territoire cinq fois moins dense que Paris et la petite couronne peuvent elles générer un trafic égal à la moitié du trafic du métro parisien (200 km de lignes) ?

Les problèmes vécus aujourd’hui par les franciliens sont pourtant identifiés : qualité de service insuffisante, saturation des lignes (notamment de RER), absence de liaisons entre banlieues. Un constat qui peut avoir des conséquences encore plus dommageables aprés la réalisation de cette nouvelle infrastructure, surtout si le nouveau réseau occasionne, ce qui est probable,  des trafics supplémentaires sur des lignes déjà saturées aujourd’hui.

Autre point préoccupant, le projet de réseau de transport du Grand Paris n’aborde le réseau existant que sur l’angle de la connection (pôles d’échange, les gares), pourtant le réseau actuel constituera toujours la dorsale support des déplacements en Ile de France.

 

 

Une évidence s’impose, la prochaine élection présidentielle sera déterminante sur l’avenir du Grand Paris, et le choix de son mode de transport en commun. Gageons cependant que le bons sens prévaudra et qu’avant ce scrutin, un seul réseau soit décidé par les deux protagonistes de ce débat (gouvernement et région). La décision sera certes politique mais dépendra également de la santé économique et budgétaire du pays, par stricte application du principe de réalité.

Le projet de « Grand Huit », qui s’inspire de la ville linéaire pronée par Arturo Soria y Mata définissant la circulation comme moteur de l’urbanisation (« l’urbanisme des réseaux »), est finalement proche du schema francilien initié en 1965 avec les villes nouvelles connectées  au réseau RER. Pourtant la métropole post-Kyoto telle qu’elle est portée par les différents architectes du Grand Paris exige bien plus qu’un super RER …

Limiter une problématique urbaine de cette importance et de cette complexité à un simple réseau de transport parait  pour le moins réducteur et insuffisant …
Si on rajoute cette réflexion à l’émergence d’une structure telle Paris Métropole, de nouvelles problématiques apparaissent, il faut relever une kyrielle de défis : gouvernance, inégalités territoriales, logement, étalement urbain, développement économique de l’Ile de France sur de nouveaux secteurs stratégiques (informatique, biotechnologies, économie verte …) et/ou territoriaux (je pense notamment à la Seine et Marne) …Ils auront une incidence directe sur les besoins en mobilité et vont faire émerger un polycentrisme qui risque de changer considérablement le contexte régional. De la ville auto centrée d’hier  à la ville neuronale, c’est plus qu’un changement d’échelle, c’est une révolution copernicienne qui s’esquisse …

Tout l’éco système régional est à remettre à plat, et doit tenir compte de l’impératif écologique qui désormais caractérise notre region : développement de la bio diversité, préservation des zones naturelles,  nouvelle approche de la densification de l’espace urbain …