Nous avons eu le plaisir de recevoir durant quelques jours une délégation de deux élus burkinabés, dont le Maire de Niou, Ousmane Diallo.
Niou est une ville située au Burkina Fasso, l’ancienne Haute Volta, pays francophone d’Afrique de l’Ouest coincé entre désert du Sahara et savane, dont beaucoup d’habitants ont versé leur sang pour notre pays. Ils étaient de ces tirailleurs sénégalais morts pour la France lors des deux conflits mondiaux du siècle dernier.
La Haute-Volta a acquis son indépendance en 1960, avant de prendre le nom de Burkina Faso ou « Patrie des hommes intègres » en 1984, sous l’initiative de Thomas Sankara. Pour situer rapidement ce pays ami rappelons qu’il ne dispose d’aucun accès maritime, qu’il est entouré de six autres pays (Mali, Niger, Bénin, Togo, Ghana et Côte d’Ivoire), et figure parmi les pays les plus pauvres de la planète, la moitié des habitants vivant en dessous du seuil de pauvreté..
La visite des deux élus (Ousmane Diallo était accompagné d’une Conseillère municipale) est le prolongement des nombreux échanges entre nos deux communes (en fait Niou est un regroupement de 21 villages et compte plus de 26 000 habitants) menés grâce à l’activité d’e l’association « Seine et Marne Sahel, Burkina Fasso » animée par Charles Brossier, Docteur infatigable qui malgré ses 80 printemps déploie une énergie à déplacer les montagnes.
Ils ont répondu à l’invitation du Conseil Municipal et leur visite me donne l’occasion de revenir sur l’importance et la richesse de tels échanges pour nos deux collectivités, mais plus globalement pour nos deux pays …
Depuis plus de 12 ans l’association Seine et Marne Sahel Burkina Fasso réunit grâce à l’énergie de ses bénévoles organisant diverses manifestations (ventes, collectes) des moyens financiers ou matériels qui lui permette d’apporter une aide concrète et directe aux burkinabés dans des domaines essentiels d eleur vie quotidienne : santé, éducation, soutien aux femmes, approvisionnement en eau ou en énergie.
Cette association privilégie deux axes d’action prioritaires :
– apporter une réponse directe aux besoins locaux et réels du terrain,
– travailler sur le moyen et long terme en favorisant l’acquisition de savoir faire dans une perspective de co développement pérenne mené par les habitants eux mêmes.
Sur ces bases, elle a initié diverses actions en partenariat avec la population locale : création d’une bibliothèque avec son forage, d’un puit pour les écoles de Niou, d’un point santé au lycée de Boussé, dotation d’une salle informatique pour cet établissement, a soutenun la mise en place de jardins scolaires, échanges entre élèves burkinabé et français (correspondance scolaire, journal, …). Une de leur dernière initiative est le don de cinq vélos aux conseillères municipales de Niou résidant à plus de 50 km du siège de leur commune, afin de leur permettre de participer aux sessions municipales qui sont surtout le lieu de mise en place des outils d’un développement maitrisé. Il faut souligner que le Burkina est un des rares pays africain depuis la Présidence de Thomas Sankara qui soutient la condition féminine (la parité est la règle aux élections).
Deux des causes indiscutables des difficultés traversées par ce pays, est le facteur climatique et la gestion de l’eau. La saison des pluies ne dure environ que 4 mois, entre mai et septembre, une durée encore plus réduite au nord du pays soumis également à la progression du désert.
Si l’agriculture occupe 80% de la population active, elle pâtit du manque d’eau, de l’aridité des sols et de la mono culture dirigée vers l’exportation, tel le coton (trés consommateur d’eau) dont le Burkina est le premier producteur du Sahara. Son économie souffre énormément de la chute des cours mondiaux orchestrée par les USA qui font bénéficier leurs fermiers d’aides de l’Etat et mettent à mal la concurrence des pays du tiers monde (lire l’excellent livre d’Orsenna sur le coton justement) …
Conséquence de ces difficultés mais également du manque de structure dues à la période coloniale, le Burkina est un des pays les plus pauvres du monde, un constat souligné par l’Indice de développement humain (IDH). Cet indicateur est un indice statistique créé par l’ONU en 1990 qui permet de classer les pays du monde au regard de leur développement qualitatif (contrairement au PIB qui se limite au quantitatif).
Il est calculé à partir de trois critères : la santé /longévité (mesurées par l’espérance de vie à la naissance), le savoir ou niveau d’éducation (mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes) et le niveau de vie et va de 0 (indice le plus bas) à un. En 2003, sur 177 nations, les pays à développement humain élevé (IDH ? 0,8) représentaient 57 pays (1er Norvège avec un IDH de 0.963, 2eme l’Islande : 0.956, 3eme l’Australie : 0.955), la France se classant 16eme avec 0.938. Les pays à développement humain moyen (0,8 > IDH ? 0,5) représentaient 88 pays) et les Pays à faible développement humain (0,5 > IDH) 31 pays dont le Burkina Fasso 175 eme avec 0,317 sur 177 pays classés !
Ce résultat démontre le décalage entre discours et principe de réalité. Nous sommes en effet trés éloigné de 2000 ou les Nations Unies avaient validé les « objectifs du millénaire » qui prévoyaient pour 2015 et la planète la réduire de moitié de l’extrême pauvreté (1 dollar / tête / jour), de la mortalité infantile, d’intensifier la lutte contre les pandémies (sida, paludisme …) et d’augmenter sensiblement l’aide financière et humanitaire des pays développés vers l’Afrique … Paradoxalement ce dernier objectif, loin d’être atteint notamment au niveau de la France, baisse d’année en année. Une situation qui ne semble pas remise en cause par le nouveau président Français.
ET je ne parle pas de la « perte en ligne », entre aide accordée ici et moyens arrivant concrètement sur le terrain. Le manque d’infrastructure, la corruption sont des freins redoutables qui rendent d’autant plus indispensable l’action d’association comme celle animée par Charles Brossier, se révèlant sur le terrain beaucoup plus efficace car se passant d’intermédiaire et étant basée sur un co développement géré au plus prés des besoins de la vie locale …
D’autres pays ont saisi l’intérêt de profiter de cette « timidité » des pays occidentaux afin de se positionner sur ces futurs marchés potentiels. Une tendance qui bouleverse les équilibres géo politiques issus de l’histoire partagée entre pays colonisateurs et anciennes colonies.
Un pays continent comme la Chine par exemple implante de plus en plus de pions sur ce jeu de go planétaire dont l’Afrique Noire constitue un élément important de par son formidable potentiel. Cette nation devenant du coup incontournable pour déminer certaines crises humanitaires comme celle du Darfour notamment.
C’est aussi de tout cela que nous avons discuté avec Ousmane Diallo lors de son séjour. Les visites effectuées sur le terrain lui ont permis de comparer les organisations de nos communes et l’importance pour l’action publique d’infrastructures et de logistique.
Il a visité nos écoles, enjeu capital pour le développement de son pays, y a rencontré enseignants et élèves, notamment les classes qui correspondent avec les enfants de Niou, et a pu répondre aux questions très variées des écoliers sur les modes de vie et la scolarité telle qu’elle est vécue par les jeunes africains : école payante et non obligatoire, classe surchargée … La surprise a été grande quand au détour d’une réponse il a précisé que certains enfants faisaient plus de trente kilomètres à pied pour apprendre à lire et à écrire !
Le chantier du nouveau réfectoire de l’école de la Charmoye, en construction, équipement bâtie selon la démarche de Haute Qualité Environnementale a été à l’origine d’échanges trés fructueux sur la nécessité d’économiser l’eau, ressource vitale, rare et précieuse, de maitriser les techniques d’irrigation, d’utiliser au mieux le soleil et la lumière mais également les énergies renouvelables les plus adaptées surtout lorsque l’on aborde la question du réchauffement planétaire et nous avons beaucoup à apprendre des africains.
Nos pays développent acutellement de « nouveaux concepts architecturaux et thermiques » destinés à limiter la prolifération des gaz à effets de serre qui leur permettent de redécouvrir ce qui se fait depuis des siècles dans les pays africains ou ailleurs, basé sous le signe de l’économie et de la prise en compte de la nature … Une réelle école d’humilité …
D’autres échanges se sont déroulés jusqu’à la réception officielle qui a permis de projeter des photos de ce magnifique pays. Ousmane Diallo nous a présenté lors de cette soirée, certaines actions d’un Micro Plan de Développement local qu’il veut lancer pour sa commune et qui pourra servir de base à de prochaines initiatives.
Citons, entre autres, la recherche de financement pour l’acquisition de vélos permettant à des femmes conseillères de se rendre au Conseil Municipal (50 km), la gestion de l’eau avec la construction et l’aménagement de barrage, de point d’eau, de forages dans les villages, la mise en place de comité d’hygiène et d’assainissement, le développement d’énergie renouvelables comme celle des éoliennes, l’installation de moulin, le développement de l’autosuffisance agricole (construction de banque de céréales, production d’engrais naturels …) mais également et surtout une aide sur les questions sanitaires (hôpitaux, éducation de la population afin de lutter contre les épidémies et la dotation d’équipements pour le scolaire permettant d’amplifier les campagnes d’alphabétisation menées …
Une rencontre enrichissante pour tous, africains comme européens, permettant de découvrir une face méconnue de notre planète, les besoins vitaux d’un pays ami comme le Burkina, de méditer également sur les « vraies » priorités de la vie et qui a constitué pour nos jeunes et moins jeunes une formidable fenêtre vers l’action, la solidarité, l’amité, la découverte de la planète.
Elle a permis également peut être de mieux discerner l’accessoire de l’essentiel et de mieux apprécier la chance d’avoir de l’eau, de l’électricité, une bonne santé et des écoles …
De quoi voir la Marne avec des yeux de Chimène …
Discours de Thomas Sankara à l’Onu, le 4 octobre 1984
» Je parle au nom des mères de nos pays démunis qui voient mourir leurs enfants de paludisme ou de diarrhée, ignorant qu’il existe, pour les sauver, des moyens simples que la science des multinationales ne leur offre pas, préférant investir dans les laboratoires de cosmétiques et dans la chirurgie esthétique pour les caprices de quelques femmes ou d’hommes dont la coquetterie est menacée par les excès de calories de leurs repas trop riches et d’une régularité à vous donner, non, plutôt à nous donner, à nous autres du Sahel, le vertige …
Mon pays est un concentré de tous les malheurs des peuples, une synthèse douloureuse de toutes les souffrances de l’humanité, mais aussi et surtout des espérances de nos luttes. C’est pourquoi je vibre naturellement au nom des malades qui scrutent avec anxiété les horizons d’une science accaparée par les marchands de canons. Mes pensées vont à tous ceux qui sont touchés par la destruction de la nature et à ces trente millions d’hommes qui vont mourir comme chaque année, abattus par la redoutable arme de la faim… Je m’élève ici au nom de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils pourront faire entendre leur voix et la faire prendre en considération, réellement. Sur cette tribune beaucoup m’ont précédé, d’autres viendront après moi. Mais seuls quelques-uns feront la décision. Pourtant nous sommes officiellement présentés comme égaux. Eh bien, je me fais le porte-voix de tous ceux qui cherchent vainement dans quel forum de ce monde ils peuvent se faire entendre. Oui, je veux donc parler au nom de tous les « laissés pour compte » parce que « je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger «
Thomas Isidore Noël Sankara (21 décembre 1949 à Yako – 15 octobre 1987 à Ouagadougou), militaire et homme politique panafricaniste et tiers-mondiste, il incarna et dirigea la révolution burkinabè du 4 août 1983 et entreprit en qualité de Président du Burkina Fasso des réformes majeures afin de lutter contre la corruption et améliorer l’éducation, l’agriculture et le statut des femmesAssassiné lors du coup d’État de son successeur Blaise Compaoré. Son héritage politique et « identitaire » est considérable, et sa renommée a rejoint celle d’hommes comme Patrice Lumumba.
Le Burkina Faso en chiffres
Indice de développement humain (IDH) : 174e sur 177 en 2006
Superficie : 274 200 km²
Densité : 44 hab./km²
Frontières terrestres : 3 192 km
(Mali 1 000 km ; Niger 628 km ; Côte d’Ivoire 584 km ; Ghana 548 km ; Bénin 306 km ; Togo 126 km)
Extrémités d’altitude : + 200 m > + 749 m
Indépendance : 5 août 1960 (ancienne colonie française)
Population : 13 200 000 habitants (en 2005). 0-14 ans : 47,5%; 15-64 ans : 49,59%; + 65 ans : 2,91%
Espérance de vie des hommes : 46 ans (en 2001)
Espérance de vie des femmes : 47 ans (en 2001)