Je viens de recevoir le numéro spécial de la revue « Communes, département et Régions de France » consacré à la « Laïcité, une garantie de liberté » … Plus de 300 pages dédiées à un concept, qui depuis les attentats du 5 janvier dernier, a pris une toute autre importance aux yeux de tous, du moins des miens.
Suite à une de mes interventions lors d’un Bureau National de la FNESR portant sur cette problématique, on m’a proposé de contribuer à ce travail collectif, ce que j’ai fait avec la tribune : « Donner du sens à un projet commun ».
Dois je l’avouer, le concept de Laïcité m’apparaissait jusque là, quelque peu éthéré, déconnecté de la société et de la vie actuelle, 2015 n’étant plus 2005 loin s’en faut. Une valeur à mes précieuse, certes, d’autant que je suis athée, mais quelque peu vide de sens, du moins de contenu concret et à renouveler absolument pour lui éviter de dépérir …
Par le passé pourtant, deux temps forts m’avaient incité à retravailler quelque peu cette problématique fondatrice et fondamentale à bien des égards :
- les discussions autour du traité européen, dans lesquelles, suite aux pressions françaises toutes références à « l’origine chrétienne de l’Europe » avait été évacué. Une concession que beaucoup de nos compatriotes avaient trouvé mineure, alors que pour nombre de pays européens, elle était en fait majeure. J’ai encore le souvenir du ressenti d’amis allemands et hongrois et des sermons tant du prêtre que du pasteur entendus lors lors d’une messe œcuménique à Engen, en allemagne à cette période. Cet « abandon » constituait à leurs yeux un vrai déchirement.
- le discours scandaleux de Nicolas Sarkozy à Latran « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance ». Nous voilà à des années lumière des valeurs républicaines que ce dernier prétend pourtant aujourd’hui incarner !
Deux évènements dont l’ampleur ne peut être bien évidemment pas comparer à ceux de janvier dernier, beaucoup plus dramatiques. Ces attentats ont provoqué un réveil citoyen qui démontre combien ces questions demeurent importantes dans l’inconscient collectif national et comptent incontestablement, pour aujourd’hui et pour demain. Encore devons nous redonner à un contenant quelquefois vide, un vrai contenu …
C’est bien une partie de l’enjeu, s’émanciper du prisme religieux, pour aller plus loin, à la recherche de valeurs à partager afin de vivre ensemble, riches de nos différences, au service d’un projet commun destiné à construire des lendemains « qui chantent » plus durables et solidaires.
« Les attentats de janvier dernier, quelque soit leurs motivations, doivent interpeller notre société en profondeur sur sa capacité à proposer des perspectives de monde meilleur aux jeunes générations afin de résoudre la grave crise spirituelle que ces générations traversent. La question du sens est centrale, on ne peut réduire le projet de toute une vie à l’amélioration de la compétitivité, de la croissance ou à la seule réduction des déficits, aussi efficace soit elle. Les douleurs humaines ne sont pas virtuelles, mais concrètes et ressenties comme telles.
L’homme a besoin de foi, au sens laïc et philosophique du terme, pour être en capacité d’aller de l’avant et de se projeter dans l’avenir, il a également besoin de liens sociaux et de se retrouver dans un projet commun et partagé avec d’autres … C’est cette foi en un avenir meilleur qui lui a permis de s’élever puis d’entamer sa longue marche, pas à pas.
La nature a horreur du vide, y compris spirituel. Si rien n’est proposé, le pire peut arriver, d’autant que les jeunes générations sont conditionnées dés le plus jeune âge à la violence la plus extrême, souvent virtuelle, ou l’on oublie que le sang est douleur, que le sang est malheur, que le sang est terreur.
Se poser la question de la laïcité, s’est s’interroger avant tout, sur la question du sens à donner à une société qui en manque cruellement, et qui peine « à faire corps ».
Se poser la question de la laïcité c’est surtout et plus que tout proposer une vision du monde et de l’humain, une vision bâtie autour de l’émancipation, du respect d’autrui, dans ce qu’il est et ce qu’il pense, « délimitation profonde entre temporel et spirituel»[1]. »
[1] « La grande idée, la notion fondamentale de l’Etat laïque, c’est à dire la délimitation profonde entre le temporel et le spirituel, est entrée dans nos mœurs de manière à ne plus en sortir. » Ferdinand Buisson,
Dictionnaire de pédagogie et d’instruction publique, 1887