« Faire société »

La colère exprimé par beaucoup de nos concitoyens dimanche dernier ne m’a pas surpris. L’élu local que je suis sait que les racines de ce ressentiment sont profondes et multiples, je ne fais aucun amalgame entre des électeurs désabusés, amers, excédés et la formation politique d’extrême droite vers laquelle se sont portés leurs votes. Beaucoup de choses seront à dire, sur l’état de la France périphérique, la déconnexion totale des politiques nationaux avec le monde réel, leur manque d’écoute, d’intérêt et de respect, la polarisation excessive et sans nuance du débat public, ils ne sont pas celui d’un seul homme mais bien d’une classe politique qui vit dans une bulle médiatique … mais ça c’est après .

L’heure n’est pas au commentaire, la seule véritable question qui importe est le scrutin de dimanche prochain. Mon vote ne fait absolument aucun doute, je voterais contre le RN, résolument, sans état d’âme aucun.
A celles et ceux qui s’interrogent, se disent « ah quoi bon ? », ou ne sont pas satisfait du choix de l’autre candidature en lice, je rappelle que l’unique enjeu du scrutin de ce second tour est simple, binaire, brutal : veux t’on contribuer à apporter la majorité absolue à l’extrême droite et lui donner les clés du pays ou permettre à une autre alternative républicaine composé de diverses forces politiques d’émerger et de se mettre en place ?
N’en doutons pas, toute abstention dimanche prochain rapprochera le RN de la majorité absolue avec les conséquences dramatiques qui en découlent !
C’est le sens de la citation de Roland Barthes repris par Cédric O dans un billet récent : « Ponce Pilate n’est pas un monsieur qui ne dit ni oui ni non, c’est un monsieur qui dit oui ». Chacun sait ce qu’il advient de Jésus.

Les trois valeurs qui ornent les frontons de nos Mairies ont fait de la France, au fil du temps, des malheurs et drames que le pays a traversé, ce qu’elle est. Elles n’ont de sens que réunies et partagées, constituant tout à la fois le socle et le ciment fédérateur qui nous unit dans le respect de nos différences : genre, orientations sexuelles, couleur de peau, origine et statut social, opinions politiques ou religieuses … « Aussi longtemps qu’on s’entend, qu’on partage, on vit ensemble. » écrivait Simone Veil.
Non, l’enfer n’est pas l’autre, le pays n’a nul besoin de bouc émissaire pour avancer, mais de cohésion, d’écoute, il lui faut « faire société » pour relever les nombreux défis qui se présentent qu’ils soient démocratiques, sociaux climatiques ou encore économiques.
Donner la majorité absolue au RN dimanche, c’est contribuer à affaiblir, fracturer et fragiliser durablement notre pays, de l’intérieur c’est évident mais également à l’extérieur eu égard au contexte géo politique que nous connaissons ici même en Europe et de l’invasion russe en Ukraine. N’oublions pas les leçons de l’histoire, sinon elles se rappellent à nous et parfois durement et cruellement.

Dans tous les domaines artistiques, culturels, sportifs c’est parce que la France est une terre d’accueil bienveillante qu’elle est riche en talents multiples venant de toutes les latitudes et longitudes. Autant d’énergies, de talents et de compétences qui ont contribué et contribuent à semer, dans nos territoires évidemment, mais aussi bien au-delà de nos frontières, partout sur la planète et dans tous les continents, au gré des vents porteurs ou des tempêtes, des graines d’espérance, de liberté et d’émancipation, des graines de France …

« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse » a déclaré Albert Camus dans un discours fameux.

Il faut voter dimanche prochain afin de ne pas contribuer à ce qu’une certaine vision du monde ne se défasse.