Ou l’incommensurable légèreté du Ni Ni
Permettez moi en premier lieu de saluer la victoire de Vincent Eblé et de la gauche en Seine et Marne. Elle n’était pas aussi simple à obtenir, vu les ambitions affichées par l’UMP locale et deux de ses responsables nationaux de premier plan, son Secrétaire Général Jean François Copé et le Président de son groupe à l’Assemblée Nationale, Christian Jacob. Ce succès électoral récompense le travail de terrain d’une équipe au service de l’intérêt général ayant réveillé depuis 2004, un département laissé pour compte jusque là par l’Etat. C’est une bonne nouvelle pour tous les Seine et Marnais et nos communes.
Au niveau national ces résultats confirment l’échec de l’actuelle majorité, et celui patent du Président de la République. Jamais un de ces prédécesseurs ne s’était jusque là autant impliqué dans une élection locale, à un tel stade c’est inédit dans la 5eme république.
Avec Nicolas Sarkozy le Président de la République n’est plus un Chef d’Etat au dessus des partis, mais bien un chef de clan. Situation qui pose problème et interpelle, tant nous nous retrouvons à des années lumière de l’Etat impartial voulu par la Constitution et ses pères fondateurs. Pour un supposé gaulliste ce positionnement tactique est discutable, conséquence cette défaite électorale est désormais et avant tout, la sienne.
En initiant au soir du premier tour une décision contreversée et politicienne, Nicolas Sarkozy a non seulement dévoilé au grand jour la fragilité de l’UMP, l’ambiguité de son positionnement idéologique actuel mais a fait preuve d’une certaine irresponsabilité.
Que les électeurs soient libres de leur choix, personne ne le conteste, en démocratie l’électeur n’est la propriété de personne, encore moins des partis politiques ; beaucoup d’électeurs votent différemment d’ailleurs selon la nature du scrutin. Mais un leader politique s’honore en se positionnant clairement et sans confusion lorsque les valeurs républicaines sont en jeu, et dans une tel cas de figure, ne pas vouloir choisir, c’est choisir.
Je me retrouve totalement dans la déclaration de Valérie Pécresse, « je considère que le PS, ça n’est pas mes idées, mais le FN ça n’est pas mes valeurs … » qu’il faut saluer. Il y a bien, les idées et les valeurs, un responsable politique se doit de ne pas transiger avec ces dernières, c’est une exigence démocratique et républicaine, mais également un héritage historique et moral.
Il m’est arrivé par deux fois de voter au second tour pour un candidat RPR opposé à un Front National, notamment en 2002. J’avais alors, dans une tribune publiée dans un journal local appelé à voter Chirac, l’actuel Secrétaire Général de l’UMP, également maire de Meaux, il avait salué à l’époque ce geste républicain, comme quoi …
Permettez moi d’ailleurs en évoquant le souvenir de 2002, de regretter le silence de Jacques Chirac face au « Ni Ni » avancé par son successeur, je le trouve pour le moins, assourdissant.
Quels sont les enseignements que nous apportent ce scrutin ?
Le « Ni Ni » imposé par l ‘Elysée au soir du premier tour, a du faire plaisir à la présidente du FN, tant il conforte ses positions. Constat des plus net, la stratégie de Nicolas Sarkozy, grand siphonneur des voix frontistes en 2007, a non seulement échoué, mais elle a mis le pays dans le mur.
Quatre ans que les français attendent désespérément que les paroles et innombrables effets de manche présidentiels soient suivis d’effets et d’actes concrets. Le décalage entre l’écume et la vague est accablant, que ce soit sur le pouvoir d’achat, la république irréprochable, l’Etat de droit, l’emploi, la sécurité, la qualité des services de l’Etat ou les inégalités, qui n’ont jamais été aussi importantes.
La France des usines, des champs ou des bureaux, celle qui se lève tôt pour reprendre une image connue, comme celle des retraités a été abandonnée au profit de quelques privilégiés, du bouclier fiscal, du CAC 40 et de décisions clientélistes.
Ce bilan discrédite non seulement l’action politique en général, il ne rend pas service à la République, en servant de terreau à un ressentiment social fort, qui pousse certains électeurs aux choix extrêmes et simplificateurs.
Une tendance encouragée par la concurrence effrénée menée par des responsables de l’UMP ces derniers mois, sur les thématiques chères au Front National. Lorsque le Président et les principaux responsables de son parti, au travers de leurs déclarations et initiatives, emploient les mêmes mots (maux) que Marine Le Pen et ses partisans, tentent de concurrencer sur son terrain de prédilection le FN, non seulement ils banalisent et avalisent une rhétorique et un discours discutable, mais ils servent de marche pied à l’extrême droite.
Les français ne peuvent oublier que ce bilan tant décrié et avant tout celui de la droite, aux affaires depuis au moins 2002. Une double posture que beaucoup ressentent comme une véritable imposture et qui booste les résultats électoraux du Front National. Paradoxe, si en 2007 Nicolas Sarkozy est celui qui a étouffé le Front national, aujourd’hui, il est bien celui qui aura replacé Marine Le Pen et ses thématiques au centre d’un jeu duquel ils étaient écartés. Pour Marine Le Pen cette reconnaissance est un succés qui dépasse le seul résultat des urnes.
Avec Christian Jacob nous ne devons pas connaitre la même France. Celle des « bobos » que je rencontre et dans laquelle je vis, pour reprendre l’expression chère au Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, n’a que faire du débat sur l’identité nationale ou l’islam, elle est préoccupée par contre et grandement sur ses fins de mois et par des questions « pratico pratique ». Les problèmes que les « bobos » évoquent lors de mes permanences de simple Maire, sont simples et avant tout sociaux : logement, chômage, scolarité, précarité, inégalités et dégradation des services publics (médecins, police, justice, école …).
Une majorité de nos compatriotes (comme quoi les « bobos » se multiplient) a perçu le positionnement des derniers mois de l’UMP, comme une tentative désespérée de diversion, sentiment amplifiée après le positionnement pour le moins confus de ce parti après le premier tour des dernières élections.
Quelle suite les cantonales vont elles connaitre ?
Sont-elles un marqueur de mue idéologique ou une simple erreur d’aiguillage ? Rien à priori, ne justifiait le « Ni Ni » imposé par l’Elysée pour ces cantonales, sinon la volonté de jouer avec le feu, en prenant le risque de se retrouver dans la situation des régionales de 1998, ou beaucoup avaient perdu leur âme en pactisant avec le FN.
Certains spécialistes pensent que cette stratégie controversée prépare en fait de nouvelles alliances tactiques pour le second tour des Présidentielles de 2012, le processus de « berlusconisation » de la droite française serait donc en marche.
Encore faut il atteindre ce second tour, Lionel Jospin a payé cruellement ce détail et souvent les électeurs préfèrent l’original à la copie.
Je veux saluer dans ce contexte délétère, les déclarations courageuses, dignes et responsables de politiques de la droite : François Fillon, Jean-Louis Borloo, Gérard Larché, Jean Arthuis, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Roselyne Bachelot, Alain Juppé et bien d’autres.
Si je ne suis pas d’accord avec leur politique et beaucoup de leurs idées, nous partageons le même esprit républicain et avons une conception commune de la démocratie.
L’autre enseignement de ces élections est l’importance considérable de l’abstention. Ce n’est pas pour rien que Martine Aubry appelé à l’humilité dimanche dernier. La percée du Front national et le niveau élevé d’abstentionnistes sont des avertissements sérieux qu’il faut prendre comme tel. Les français souffrent et sont en plein doute.
Les primaires socialistes peuvent être la meilleure des solutions pour lever ces doutes et créer une dynamique unitaire, ou la pire si les candidatures, les attaques se multiplient et les égos s’hypertrophient.
Chaque candidat potentiel à la candidature doit faire preuve non seulement d’humilité mais aussi de lucidité et de retenue. A t’il réellement le niveau, quelle est la valeur ajoutée qu’il peut apporter au pays … Certaines annonces de candidatures me rendent dubitatifs, je les trouve pour le moins prématurées et individualistes. Pourtant en 2012, nous avons un devoir de victoire, non seulement pour nos idées, mais pour nos compatriotes et notre pays qui est en mauvais état.
Cette lucidité doit être partagé par l’ensemble des protagonistes, l’exemple dramatique de la candidature Jospin a rappelé à tout ceux qui l’avaient oublié, qu’une élection a bien deux tours, et que pour être qualifié au second, il faut terminer dans les deux premiers dés le premier dimanche.
Je suis persuadé pour ma part que les électeurs n’oublieront pas les conséquences dramatiques du 22 avril 2002 qui ont entrainé la réélection de Jacques Chirac, la division, l’éparpillement, es attaques ad hominen des uns contre les autres doivent être évités ou limités, encore faut il que le, ou la candidat(e) suscite une réelle dynamique.
Afin de permettre à l’électeur de gauche avant de se faire plaisir dans l’urne ou de faire nombre, de voter efficace,
Car dans ce cas là également, ne pas choisir, se sera choisir … le pire !