Tout l’enjeu, dans la montée en puissance des projets d’EcoQuartiers sur le territoire, est de ne pas perdre le cap initial, « agir contre le réchauffement climatique ».
J’en suis d’autant plus convaincu après ma participation à la journée nationale des éco quartiers qui s’est déroulée à Grenoble, il y a tout juste quelques jours.
Les interventions lumineuses d’Olivier Siedler et d’Alain Maugard, l’ancien président du CSTB, sur lesquelles je reviendrais dans un prochain post, ont dressé constat clair. Notre société est plus que jamais à un moment critique du fait du stress énergétique imminent qui menace et du réchauffement climatique.
Il nous faut anticiper et repenser notre modèle économique, nos modes de consommation et habitudes de vie au plus vite. Limiter l’efficacité énergétique à la seule consommation du bâti est par trop réducteur, l’élaboration des matériaux, leur transport, recyclage après usage, comme leur localisation sont des déterminants incontournables. Le bilan énergétique doit être global, c’est l’unité de mesure pertinente d’un éco quartier : modes de déplacements, localisation des pôles générateurs de flux urbains, atténuation et adaptation aux changements climatiques …
L’EcoQuartier n’est qu’un des premiers signes précurseurs de la ville durable, responsable et en tant que telle consciente de l’empreinte de son métabolisme sur la planète et de sa capacité à diffuser (« essaimer ») des pratiques environnementales plus vertueuses à ses alentours.
Un futur proche qui ne doit pas nous faire perdre de vue, que le présent nous impose d’agir sur le bâti actuel, tant il est énergivore. Au delà des bonnes intentions, toujours louables, qui jusque là caractéristisait la démarche environnementale de nos sociétés, l’heure est aux réalisations concrètes et à l’efficacité réelle, il y a urgence.
Pour ce faire, il est nécessaire de se fixer un cap et des objectifs ambitieux à atteindre:
- Se doter d’indicateurs significatifs, suffisamment simples pour être appropriables de tous, et communs à tous les projets (comparaisons, seuils d’excellence ou de qualité, références …)
- travailler sur les processus afin de pouvoir piloter les actions, de faire évoluer si besoin les objectifs, et de pérenniser la démarche,
- réfléchir sur les outils « facilitateurs » des mises en pratiques et poursuivre la sensibilisation de la population
- élargir le regard au-delà? de nos frontières pour s’inscrire dans les démarches communautaires (cadre de référence européen de la ville durable notamment), nous y reviendrons également dans un prochain post
- faciliter transferts, partages de connaissance entre les différents acteurs, qu’ils soient chercheurs, concepteurs, décideurs ou professionnels (agriculture, bâtiment, urbanise, architecture, aménagement paysager, énergéticien …)
Force est de constater que la démarche EcoQuartier initiée par le Ministère répond à cette attente et favorise un processus continu d’ auto apprentissage collectif, quasi « cognitif », ouvert à l’innovation quelle soit technique, sociale, citoyenne ou organisationnelle.
Le contexte financier actuel impose de considérer dés son origine le cout global final d’un équipement ou d’un aménagement (investissement, charges de fonctionnement ou de maintenance, qualité d’usage, devenir : déconstruction, recyclage ou réversibilité …), il se traduit encore aujourd’hui par un surcout significatif.
Ce qui n’est pas admissible, tant cela est discriminatoire. C’est paradoxalement lorsque l’on a peu de moyens, qu’il est important de s’interroger, d’explorer des pistes de travail, d’anticiper afin de dépenser moins et mieux. Plus on est en crise, plus il faut réfléchir afin de ne pas commettre d’erreurs qui coutent cher au final.
Les collectivités pauvres, n’ont pas la capacité de bâtir économe, c’est ce qui a notamment motivé notre candidature à l’appel à projet régional sur les « Nouveaux Quartiers urbains », nous voyons les résultats aujourd’hui.
Le ministère souhaite créer pour 2012 un « label EcoQuartier », dont l’intérêt est d’approcher plus finement ce que doit être un EcoQuartier, ou plutôt ce qu’il ne doit pas être. La difficulté de l’exercice est bien de trouver le juste équilibre entre trop contraindre, ce qui découragerait tout esprit d’innovation et standardiserait une démarche qui n’a pas à l’être et trop permettre, ce qui du coup enlèverait tout intérêt à la démarche
Certains parlent d’« éco quartier à la française », ce qui semble prétentieux compte tenu de notre retard sur ces questions, et constitue également un non sens, tant les enjeux environnementaux d’aujourd’hui dépassent les simples frontières nationales, l’épisode de Fukushima en étant une illustration éclatante. N’oublions pas de plus, qu’une réflexion sur la ville durable européenne est en cours..
Ci joint à la débottée, quelques idées d’ordre général …
Ma participation active à diverses instances, tant nationales que locales sur cette thématique m’a permis d’engager certaines réflexions, non personnelles, « restons humble » dirait Uriah Heep le personnage de Dickens, mais que je partage et que pour certaines, j’ai pu appliquer concrètement sur le projet d’éco quartier de Trilport.
Bâtir un projet en cohérence et en résonnance avec le territoire, en s’appuyant sur les démarches urbaines en cours (PLU, SCoT et documents associés PLH, PDU, etc.) qui doivent faciliter la traduction technique d’une vision stratégique et politique. Le diagnostic de territoire est un levier d’action indispensable, il permet de voir « grand angle » et de prendre le contexte local dans sa globalité et tout son potentiel, qui peut dépasser les limites de l’identifié ou du connu : ressources, savoir faire des acteurs locaux, développement de nouvelles filières … Etape trop souvent négligée, qui ne nécessite pourtant que de faibles investissements en temps et en argent, juste un peu de curiosité et d’esprit d’initiative.
S’inspirer avant tout et surtout du contexte local. Un tel projet ne peut être un produit de consommation. A l’ère ou le copier, couper, coller devient un structurant de la manière de penser, cette technique est totalement inadaptée à la démarche Eco quartier. Il ne peut y avoir de généralisation des dispositifs d’organisation ou de standardisation à mettre en place, toute reproductibilité est par nature limitée, tant les contextes diffèrent : ressources techniques et budgétaires, nature des projets, dimensionnement, enjeux territoriaux … Chaque collectivité possède ses propres spécificités, et chaque quartier ses contraintes, son histoire, son parcours de vie …
Imaginer un projet adapté à l’espace-temps, il est nécessaire de situer un projet non seulement dans son contexte territorial mais également dans sa temporalité, afin tout en respectant l’existant d’anticiper l’avenir ou du moins de le permettre afin qu’il puisse s’adapter à un contexte futur potentiellement différent. Il faut apprendre à imaginer, ou à prendre conscience d’échelles de temps variables … Le temps long n’est pas toujours compatible avec le temps court … Celui de la planète avec la vie des hommes, la vie des hommes avec la satisfaction immédiate et non réflechie d’un besoin consumériste immédiat, et ce dernier, de la temporalité d’un mandat politique.
Faire de l’EcoQuartier un laboratoire d’expérimentation et de diffusion des bonnes pratiques ou usages (living labs), allant bien au-delà? de ses limites et de son échelle. Sa vocation n’est pas de se contenter de demeurer un territoire d’exception mais d’être l’initiateur d’un cycle vertueux, vecteur de progrès et levier vers la ville durable.
Ancrer le projet dans une démarche réellement et résolument politique. L’ambition est bien d’agir à terme sur toute la ville, puis de rétro agir sur le territoire, ce qui nécessite un portage politique soutenu tout au long du projet : échanger, dialoguer, proposer, innover, s’adapter, faciliter …. Autant d’actions constituant une garantie du maintien des objectifs sur la durée.
S’appuyer sur une équipe pluridisciplinaire impliquant un large panel des métiers et des savoir faire qui font la ville et la vie de la ville. L’approche systémique est incontournable, elle nécessite cependant une véritable acculturation des différents acteurs (équipe d’ingénierie administrative et technique, décideurs, collectivités, entreprises, professionnels, utilisateurs, etc.).et leur décloisonnement afin de favoriser une approche transversale du projet d’EcoQuartier, guidée par des outils de pilotage et d’évaluation spécifiques facilitateurs et permettant réactivité, adaptivité, quelquefois même anticipation.
Bousculer les schémas classiques et pratiques habituelles afin de mettre en place un nouveau type d’organisation qui soit participatif, collaboratif, privilégiant une approche quasi cognitive, « auto apprenante ». La réalisation du projet dépendant de la capacité du maître d’ouvrage à savoir s’entourer des talents nécessaires, pour certains nouveau (Assistance à Maitrise d’Ouvrage en Développement Durable). Pour ce faire, l’identification des besoins et des limites du projet est incontournable: compétences et expertises attendus ? nature des missions, phasage du projet … Le paradigme change : comment passer d’un urbanisme prescripteur à un urbanisme du mieux vire aprés vente. L’obligation de résultat remplace l’obligation de moyens, l’évaluation est un passage critique obligé, qui doit tenir compte cependant du contexte afin de ne pas se limiter à un calcul ésotérique.
S’insérer dans un processus d’amélioration continue : en ce domaine, les retours d’expérience manque. Si les critères d’évaluation doivent être définis dès la phase amont, ils doivent pouvoir être adaptés si nécessaire, tant le processus est évolutif, à l’aune du contexte économique et le prix de l’énergie n’est pas le moindre, mais également à celui des réalisations, des usages … L’évaluation continue n’est pas dans la culture française, elle entraine son lot d’incertitudes, de remise en cause, elle ne doit cependant pas être une fin mais un moyen permettant de répondre à un besoin avéré.
Assurer une veille environnementale et technique, portant tant sur le contexte et l’environnement de l’EcoQuartier (le foncier, le cadrage réglementaire, …), l’avancement du projet que les usages.
Prendre en compte dès l’amont les usages et leurs évolutions. Un EcoQuartier, avant que d’être un projet technique, politique, urbain, est avant tout et surtout un projet humain. Il faut encourager les habitants à s’approprier l’espace et à s’épanouir en usant du (utilisant) le territoire (transports, équipements, services, etc.), cela impose la création d‘espace de respiration, d’attention, l’aménagement d’espaces publics de qualité et diversifié permettant d’accepter une autre ville, un peu plus dense et la nécessité de mieux prendre en considération les priorités environnementales (place de l’automobile). Un EcoQuartier est une opportunité pour favoriser des changements de comportements et sensibiliser les habitants ou usgers du quartier aux enjeux du développement durable.
Co produire la ville durable. Aller au-delà de la simple information afin d’aboutir à une véritable co-construction requiert une impulsion forte de la collectivité, mais également du citoyen, qui doit laisser de coté le modèle du consommateur impulsif et individualiste. Si la participation citoyenne est un enjeu majeur du développement urbain durable et qu’on ne peut réduire à une simple « recherche d’adhésion à un projet », elle est de plus en plus difficile à obtenir. Le succés des réseaux sociaux apportant cependant des éléments de réflexion et d’interrogation, pertinents à prendre en compte.
Un fait est désormais acquis, le changement de nos modes de vie est le principal levier de réduction des émissions de carbone. Il faut faciliter cette quête vers la sobriété énergétique, en facilitant l’adoption de comportements responsables. Sans un bouleversement majeur des usages en cours, rien ne sera possible. Le politique doit contribuer à faire bouger les lignes, d’horizon et de perspectives.
Une volonté qui n’est pas obligatoirement auto flagellante, à nous d’inventer une nouvelle urbanité, de rendre la ville de demain aimable, vivable, désirable et durable. La ville de demain doit donner envie …
Pour ce faire, il est important de surmonter certains obstacles dans cette véritable course de haies :
- Financier tout d’abord. Le coût de lancement d’un EcoQuartier (ingénierie de l’évaluation, énergies renouvelables …) représente un budget considérable, dont les élus ne voient pas le retour sur investissement, qui n’interviendra qu’au fil des ans. Ce qui dans le contexte budgétaire actuel des collectivités est un handicap majeur.
- D’angle de vue et de « focale ». Les projets actuels ne concernent que trop souvent la seule dimension environnementale. Pourtant un quartier est un morceau de ville, avec des dimensions sociale, économique et culturelle et une ville est avant tout un organisme vivant, doté de son propre métabolisme.
- Culturels. L’omni présence de l’automobile dans la vie quotidienne et son corollaire, le stationnement ; mais également le peu de la dimension évaluation (manque d’outils et de références), qui lorsqu’elle existe est trop souvent déconnectée du projet concret ou du terrain. Le choc provoqué par quelques concepts urbains : densité, compacité, verticalisation … Ce qui nécessite un minimum de pédagogie et de talent pour apporter un « bien vivre ». Avec un corollaire que ceux qui font (architectes, aménageurs, urbanistes …) y vivent ou y travaillent.
Enfin, y compris si certains poètes ou artistes parlent de ville étérnelle ou intemporelle, la ville est avant tout temps et espace … Tout est question de temporalité et d’échelle, dont de relativisme …