Dotations : pour éviter le tsunami

J2M-Antenne-2.jpg

Contester l’ampleur, le rythme et l’équité des baisses de dotations y compris dans les médias nationaux ou locaux ne signifie pas pour autant refuser de contribuer à réduire la dette publique, tant son niveau n’est plus soutenable.

L’endettement du pays atteint désormais 2 000 milliards d’euros et représentera dans quelques semaines 100 % de la richesse nationale soit 30.000 euros par Français !
Rappelons pour ceux qui auraient la mémoire courte que la dette a doublé entre 2002 et 2012, passant de 930 à 1860 milliards d’euros, dont 600 milliards pour le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy ! Son remboursement constitue désormais la première dépense du pays.

Les taux d’emprunt historiquement bas (2%) étant supérieurs à la croissance (1%), la dette publique augmente mécaniquement chaque jour, situation délicate qui amène le gouvernement à tout faire pour garder des taux compétitifs, d’autant que la croissance est toujours atone …
Toute augmentation peut compromettre l’équilibre du budget, une hausse de +1% imposerait de trouver 30 milliards d’euros supplémentaires pour refinancer la dette !

Il faut sortir de ce cercle vicieux, et au plus vite, les élus locaux en ont conscience, comme ils ont conscience de la nécessité de maitriser la dépense publique, beaucoup s’y emploient et n’ont pas attendu 2014 pour agir (cf ma dernière note) !
Encore faut il que cela soit fait avec raison, mesure, circonspection, constance et surtout équité. J’ai la conviction que le scénario initial de baisse prévu par le gouvernement jusqu’en 2017, ne pourra être mené à terme sans conséquence douloureuse, tant il n’apparaît ni soutenable, ni raisonnable notamment pour les communes aux ressources les plus faibles.
Il ne sera pas non plus sans conséquence sur l’investissement public et l’emploi local, et ce au plus mauvais moment, comme sur la cohésion sociale du pays, et ce dans des secteurs géographiques déjà très fragilisés où les habitants ont plus que besoin de services publics locaux de proximité.
Ces baisses de dotations accentueront la discrimination entre citoyens selon leur lieu de résidence, une perspective inacceptable pour tout républicain !

Le chemin de crête est étroit, mais des pistes de réponse concrètes selon moi existent :

  • Il est urgent de mettre en place des dispositifs de redistribution efficaces, pérennes et surtout équitables
  • Il me semble essentiel de favoriser au plus vite les investissements liés à la transition énergétique, tant ils sont porteurs d’économies structurelles sur le court, moyen et long terme …

Enfin un moratoire suite au budget 2015 semble inévitable, tant je crains la casse territoriale, beaucoup de communes soient dans un état budgétaire très préoccupant dés 2015, notamment les communes aux recettes insuffisantes.

Je vous propose d’aborder de manière concrète quelques pistes de réflexion personnelles

 


 

Mini-Reportage-A2-1.jpg

 

Le Premier Ministre affirme que la «péréquation horizontale» initiée depuis 2012 permettra de compenser les effets négatifs des baisses de dotations pour les communes les moins riches.
Revenons donc sur cette notion de « péréquation » essentielle, lorsque l’on aborde la problématique des finances locales. Il s’agit d’un mécanisme de redistribution destiné à réduire les écarts de richesse et les inégalités entre collectivités  (le site vie publique souligne que que 5% des collectivités – soit 1 800 communes – possédaient à elles seules 80% des bases de la taxe professionnelle) qui sont quelquefois flagrantes !

Cette péréquation peut être :

  • verticale via l’Etat, par le biais de dotations versées aux collectivités les plus pauvres au regard de leurs ressources et de leurs charges,
  • horizontale sur la base d’une solidarité entre les différentes collectivités. Les ressources fiscales des plus riches étant reversées aux moins aisées

Elle n’est pourtant dans les cas que trop souvent théorique …

 

Une péréquation  « horizontale », discutable

Pour le gouvernement, la péréquation initiée depuis 2012 grâce au Fonds de Péréquation des ressources Intercommunales et Communales (FPIC) qui attribue aux collectivités défavorisées une partie des ressources des plus « riches » compense les  baisses de dotations annoncées.
C’est inexact, car le compte n’y est pas, et de loin ! Le montant du FPIC étant plafonné à 570 millions d’euros, contre 3,7 milliards de baisse de dotations pour 2015 !

Si ce dispositif constitue incontestablement un pas vers la bonne direction il présente de sérieux points faibles ; outre qu’il devrait porter plutôt sur les écarts de ressources que de dépenses, ce qui n’est pas le cas, son attribution porte à discussion : une commune « pauvre » dans une intercommunalité  «riche» peut se retrouver contributrice alors qu’une autre commune au budget similaire dans une intercommunalité « pauvre » sera  bénéficiaire et il existe d’autres cas de figure tout aussi insolites !

Les élus bénéficiaires ne peuvent également considérer cette « manne » comme pérenne tant son attribution est aléatoire, et elle ne peut, à ce titre, figurer dans un Plan Pluri Annuel d’Investissement, d’autant qu’avec le mouvement brownien initiée par la réforme territoriale, et la création de nouvelles intercommunalités et  métropoles, qui peut prédire la situation de chaque collectivité vis à vis du FPIC d’ici 2017 ?
Certaines études d’experts tendent même à démontrer qu’avec l’émergence d’une métropole, la ville de Paris pourrait ne pas être contributeur, un comble !

 

 L’absence de péréquation dite « verticale »

L’état ne peut faire l’économie d’une refonte totale de sa politique de dotations, en choisissant des clés de répartition plus adaptées, à l’aune des défis que les territoires doivent relever aujourd’hui, et non sur ceux de la France d’avant hier, et qui doit absolument tenir compte des solidarités à préserver entre «France des métropoles » et « France périphérique » (cf Giully) afin de compenser des disparités territoriales de plus en plus flagrantes.
Il s’agit de créer une véritable péréquation verticale, jamais mise en place jusque là ! Pour moi, la question de l’équité est essentielle tant elle a été bafouée, et doit être remise au coeur des critères d’attribution des dotations et aides de l’Etat surtout lorsque la situation budgétaire est contrainte !

L’Etat doit tenir compte des recettes des collectivités, dans un autre registre pour illustrer ce propos, est il utile par exemple, que les communes les plus riches (Issy les Moulineaux, Neuilly sur Seine) bénéficient pour la mise en place de la réforme des rythmes scolaires, au regard des difficultés budgétaires du pays, du même montant d’aides financière par enfant que des communes moins fortunées (au hasard Trilport ou des villages du 77, sans locaux, moyens ou logistiques pour cette mise en place) ? Permettez moi d’en douter …

Pour résoudre, malgré les difficultés rencontrées, la problématique complexe et douloureuse de la fracture territoriale, nous devons passer d’une culture de l’égalité formelle, de plus en plus théorique, à une culture de l’équité concrète.

 

Investir aujourd’hui pour économiser aujourd’hui, demain et après demain

Rappelons que nous importons chaque année, 70 milliards d’euros d’énergies fossiles, en économiser 30% se traduirait par un gain annuel de 20 à 25 milliards d’euros pour notre balance commerciale dont une part importante d’économies pour les budgets de nos collectivités.

Des économies à la fois structurelles et surtout cumulatives, autrement dit plus vite et plus le pays investira, plus il économisera. D’autant que tous les spécialistes s’accordent sur un point, le prix de l’énergie ne va pas cesser d’augmenter dans les prochaines années.

Autre élément d’analyse, social, celui de la précarité énergétique qui ne cesse de croitre vu la crise. Selon l’INSEE 3,8 millions de ménages ont un taux d’effort énergétique supérieur à 10 % de leur revenu, 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement et 621 000 ménages souffrent des deux formes de précarité.
Ajoutons pour être complets que beaucoup vivent dans des secteurs ruraux et péri urbains, des territoires très touchés par les baisses de dotations.

Ajoutons à ces arguments, financiers et sociaux, l’état de la planète et la part prépondérante dans le mix énergétique des énergies carbonées, principales sources des émissions de gaz à effet de serre et reconnues de ce fait comme les principales perturbateurs climatiques.

Il est urgent et stratégique pour des raisons économiques, sociales et environnementales d’investir massivement pour renforcer l’efficacité énergétique du pays, surtout dans les secteurs les plus énergivores. Paradoxalement les baisses de dotations engagés obèrent les capacités d’investissement de leurs collectivités.

L’Association des Petites Villes de France propose que le Fonds de Compensation de la TVA (compensation de 15,761 % versées aux communes de la charge de TVA des dépenses réelles d’investissement faites 2 ans auparavant) soit versé immédiatement et en intégralité aux collectivités afin de les inciter à investir dés 2015, notamment dans les dépenses liées à l’efficacité énergétique.
Ces sommes pourraient être complétées utilement par des fonds européens et diriger vers des investissements liés à la transition écologique autour de dépenses  fléchées : isolation, implantation de chaudières ultra performantes, installation de réseaux de chaleur, mais aussi renouvellement du parc d’éclairage public.
L’éclairage public constitue le premier poste de dépense d’une commune en énergie, en moyenne la moitié de sa consommation électrique (soit 23 % de sa facture énergétique globale et 39 % de sa facture d’électricite)?.

Dans ce registre je tiens à saluer le dispositif d’emprunt vert à 40 ans et à 1,75% de la Caisse des Dépôts et Consignations intégrée à la loi sur la transition énergétique.

Dans le cas ou le gouvernement poursuivrait les baisses de dotation,  il pourrait dédier une part des 11 milliards d’économies prévues à un fonds d’investissement consacrée à l’accompagnement de la Transition énergétique, en privilégiant les axes d’action abordés précédemment.

De telles mesures relanceraient l’activité économique locale, faciliteraient le développement de nouvelles filières (matériaux bio sourcés, énergies …), et le soutien de la Banque Publique d’Investissement permettrait d’avoir un effet multiplicateur et levier.
D’importantes économies structurelles seraient ainsi réalisées dans chaque collectivité, et ce dés 2016, permettant de diminuer les émissions de gaz à effet de serre et le déficit commercial du pays.
Je suis persuadé qu’en les adoptant le pays réaliserait des économies conséquentes permettant sans doute dans le moyen terme (20 à 40 ans) de faire plus d’économies que  la baisse des dotations initiée, tout en armant économiquement le pays dans des industries environnementales de pointe, un éco système économique stratégique aujourd’hui et surtout pour  les prochaines années.
La croissance verte n’est pas qu’une figure rhétorique !

 

 

Trois principes selon moi doivent mener à des inflexions sérieuses de la politique initiée :

  • Les vraies économies sont par essence structurelles et doivent être réfléchies, pérennes, efficaces et inscrites dans le long terme, non désordonnées, conjoncturelles et « courtermistes ».
    Mener un effort massif et urgent sur les économies d’énergie est un axe fort d’action qui donner axes résultats économiques, sociaux et environnementaux, visibles et concrets dés 2016
  • Nous devons placer l’équité au cœur de notre politique territoriale. Il ne peut y avoir une France à plusieurs vitesses et des citoyens de seconde zone, relégués, déclassés ou pire invisibles. Ce serait faire le lit du Front National et être aux antipodes des valeurs que nous portons.
    Il est vital de préserver dans ces territoires les liens de proximité et de solidarités entretenus par les politiques publiques locales.
  • Il faut remettre de la confiance, de la stabilité et de la sérénité dans les relations entre Etat et collectivités. Les élus pour participer à l’effort de redressement du pays, contribuer à la relance économique et agir au quotidien au service de la cohésion sociale, doivent savoir où ils vont et les moyens dont ils disposent pour mener leur action. Ce n’est pas possible actuellement.

 

Le gouvernement doit prendre toute la mesure des conséquences du mouvement qu’il vient d’initier.

L’idée d’un moratoire suite au budget 2015, permettant de dresser plus sereinement et objectivement un état des lieux de la « santé budgétaire des collectivités » (notamment de celles aux ressources les plus faibles) constitue une piste de réflexion constructive.
Ce moratoire permettra d’adapter ou d’infléchir certaines décisions si nécessaire, mais donnera également le temps  de mettre en place de nouveaux dispositifs de péréquation plus équitables, selon moi indispensables.
Sinon je crains le pire, et la tentation d’une fuite en avant afin de ne pas voir la réalité du terrain, entrainera un effet domino qui pourrait déstabiliser dés 2016 beaucoup de collectivités, et déclencher de fait un véritable tsunami territorial que nous pouvons encore éviter.