De passage sur l’île d’Oléron lors de mes congés d’été, je n’ai pas résisté au plaisir de déguster la production locale d’huitres et de découvrir plus en profondeur l’activité ostréicole.
Cette industrie a fait la une des journaux en juillet dernier, du fait d’une surmortalité record des naissains (jeunes huitres de un à deux ans). Si les réveillons de fin d’année ne sont pas menacés, cette disparition soudaine et massive ne sera pas sans conséquence pour les années à venir (dés 2010-2011); rappelons qu’il faut trois à quatre années pour qu’une huitre (après une période variable d’affinage dans les claires) ne soit consommable.
Une surmortalité qui a décimé en l’espace de quelques mois l’ensemble des bassins ostréicoles français, avec des taux de mortalité allant de de 40 à 100 % des naissains d’huîtres creuses, tous ou presque d’origine japonaises, soit 99% de la production française.
Une véritable catastrophe pour les milliers de personnes vivant de cette industrie, vitale pour l’économie de leurs territoires ; avec 130.000 tonnes par an la France est le premier producteur européen et le quatrième mondial derrière la Chine, le Japon et la Corée du Sud. Une activité qui est également un argument touristique de premier plan pour ces régions !
Le plus paradoxal est que l’huitre est à la fois robuste, elle est de loin antérieure à l’arrivée de l’homme sur terre, et fragile. Sa survie est totalement liée à l’équilibre et la vitalité d’un éco système complexe, qu’il ne faut surtout pas limiter à l’Océan, notamment dans le cas de l’huitre de Marennes, car bien des paramètres interviennent y compris terrestres : température de la mer, apports en eau douce, salinité, prédateurs, algues, pollution des effluents et affluents …
La crise traversée aujourd’hui par le monde ostréicole est une illustration parfaite des problématiques actuelles. Ou comment concilier développement vertueux de nos territoires, interrelations entre nos différentes activités et le milieu, gérer le risque sanitaire et protéger notre environnement …
Car tout est lié !
Si autrefois pour déguster des huitres, il fallait les « cueillir » sur les bancs naturels en mer, la production d’huitre est désormais une véritable industrie de pointe, qui présente beaucoup de similitudes avec celle du vin : vocabulaire (en bouche, affinage …), importance du site et des paramètres naturels, suivi sanitaire, poids économique pour les régions productrices …
Chaque huitre dégustée possède des spécificités gustatives propres en fonction de son lieu d’élevage, les ostréiculteurs français n’élèvent principalement qu’un type d’huitre, dite « japonaise », ce qui n’a toujours pas été le cas, ce choix dépendant de la capacité de l’huitre à résister aux attaques de parasite ou de virus …
L’huitre native de nos côtes, toujours produite, est le « belon » (Ostrea edulis) qui a laissé progressivement à l’huître portugaise (ou Crassostrea angulata) rejetée dans l’estuaire de la Gironde en 1868 et qui s’était acclimaté à merveille aux charmes de nos côtes jusqu’au mois d’aout 1970, où elle a quasiment été éradiquée après une épizootie qui a détruit l’ensemble des élevages de la côte atlantique française. Depuis les ostréiculteurs ont importé en masse l’huître creuse « japonaise » (Crassostrea gigas) résistant à cette maladie, qui subit aujourd’hui une surmortalité qui fait redouter le pire aux producteurs.
Car l’huitre est un produit naturel dont la survie est intimement liée à la qualité de son éco système et aux phénomènes naturels : vents forts, tempêtes (telle celle 1999), changements de courant, bancs de sables, vases … La moindre variation de paramètres aussi divers que la température, la turbidité, la salinité, la diversité phytoplanctonique influe directement sur la qualité de la production.
L’huitre subit également la concurrence de « compétiteurs » comme les moules, ou de prédateurs tels le bigorneau ou l’étoile de mer … Autant dire que le métier d’ostréiculteur n’est pas de tout repos et que cette activité demande un suivi et des interventions quasi quotidiennes qui ne se limitent pas à la seule collecte, notamment à Marennes-Oléron.
Ce parc ostéicole possède des spécificités bien étables : milieu protégé des courants et des fortes marées, importance de l’apport en eau d
ouce, période d’élevage dans les claires (marais) occasionnant beaucoup de manipulation aux producteurs des pousse de claires et fines de claires, ce qui leur fait dire, d’ailleurs que leur huitre est un fruit de mer et de terre …
Les scientifiques ont cerné la cause principale de la surmortalité qui a touché les parcs français. Il s’agirait d’un virus : l’Ostreid Herpes virus 1, ou OsHV-1, connue pourtant par les spécialistes depuis de longues années mais qui aurait trouvé en 2008 un ensemble de conditions favorables pour se développer : . conditions climatiques particulières de l’hiver, printemps pluvieux, remontée rapide des températures, présence d’alg
ues …
Les chercheurs de l’IFREMER ont du pain sur la planche pour garantir la qualité et la pérennité de la production française, d’autant que le réchauffement
climatique risque de perturber la donne actuelle … En influant la qualité de notre production mais en permettant également à de nouveaux pays situés plus au nord de devenir concurrentiels (les Pays Bas)… La tentation de recourir à des OGM risque également d’apparaitre, ici ou là bas (USA ?)
Car tout en réfutant une telle piste, la recherche a débouché sur une nouveauté : l’huître triploïde, dite également huitre des quatre saisons, obtenues en écloseries par croisements. Des huitres stériles, ne fabriquant pas de gametes, et ne dépensant leur énergie qu’à grandir ! Elles ne sont pas laiteuses en été, poussent plus vite et se consomment à toute saison, car non concernées par le cycle habituel de la vue. Une huitre discutée par nombre d’ostréiculteurs ne désirant pas élever de produits non naturels, dont les naissains sont élevés exclusivement en écloserie (c’est tout de même un système de dépendance similaires aux semences OGM de Monsanto par exemple) et en milieu confiné afin d’éviter tout risque de contamination …
Voilà qui nous éloigne du plaisir simple offert par la dégustation de ce cadeau de la mer qu’est l’huitre naturelle !