Ce n’est plus un scoop, le déficit public a explosé ces dernières années. Eric Woerth a beau occuper l’espace médiatique en se donnant l’image d’un gestionnaire sérieux et avisé, son action s’apparente plus à celle du pompier pyromane, qu’à celle d’un père la vertu.
C’est peu de dire que depuis qu’il est aux manettes, la dette publique a augmenté, les recettes de l’Etat ne représentant plus que 2/3 de ses dépenses (234 milliards sur 364 pour 2009).
La situation devient réellement problématique.
Quoiqu’en dise Nicolas Sarkozy, la crise n’explique et n’excuse pas tout concernant le poids des déficits successifs de ce gouvernement. Depuis 2002, chaque année notre stock de dettes augmente, régulièrement et singulièrement …
Pas la peine de sortir de l’ENA pour savoir que pour combler un déficit, deux actions sont possibles : réduire les dépenses, ou augmenter les recettes. Il est d’ailleurs préférable d’agir sur ces deux leviers à la fois; autre piste à ne pas négliger, la relance de l’économie,elle favorise l’augmentation des recettes comme la diminution des dépenses sociales.
Paradoxalement ce gouvernement a décidé de n’agir que sur la seule réduction des dépenses. Plus encore, dans un contexte budgétaire dégradé il a été jusqu’à réduire les recettes fiscales tout en augmentant ses déficits !
Position idéologique ? Certainement mais pas uniquement; rappelons, cela ne se dit pas assez, que ce cher M Woerth est également trésorier de l’UMP et grand argentier des campagnes présidentielles passé et future de Nicolas Sarkozy. Les divers cadeaux fiscaux accordées de manière très ciblées, ont été très bien accueillies par les « généreux donateurs » que le Ministre et le Président reçoivent fréquemment dans l’optique du grand rendez vous de 2012, ceci explique peut être cela.
A l’analyse, les mesures du gouvernement Fillon se révèlent non seulement injustes pour les français, préjudiciables au budget du pays mais risquent fort à moyen terme d’aggraver la reprise de la croissance du pays, nous y reviendrons.
Le bouclier fiscal est symptomatique de cette démarche. Selon le rapport du député UMP Gilles Carrez, il représente un manque à gagner pour l’Etat de 600 millions d’euros. «5% du total des foyers fiscaux qui ont fait jouer le bouclier ont reçu 74% des sommes reversées par le fisc», écrit il dans son rapport 2009, rappelons que 100 de ces privilégiés (patrimoine supérieur à 15 800 000 euros) ont touché un chèque moyen de 1,15 million d’euros (au total 1/3 du bouclier).
Le bouclier fiscal n’est cependant que la partie immergé d’une démarche plus globale : réforme de 2007 sur les droits de succession (3 % des plus riches), impôt de solidarité sur la fortune (ISF), baisse de la TVA sur la restauration, niches fiscales, loi Tepa (Travail, emploi, pouvoir d’achat) instaurant des exonérations coûteuses sur les heures supplémentaires.
Nombre de ces niches ou exonérations fiscales coutent non seulement extrèmement chers au pays, mais augmentent considérablement les injustices, se révèlant de plus souvent sans efficacité en terme d’emploi ou de croissance. Les choix politiques de l’actuelle majorité posent désormais un sacré problème à nos finances publiques, après le déficit budgétaire de 138 milliards d’euros en 2009, c’est un déficit supérieur (149 milliards ?) qui attend l’Etat cette année.
Plus grave encore, le gouvernement, avec la RGPP (révision générale des politiques publiques) a discrédité toute idée de réforme. Le simple fait de vouloir réformer est assimilé désormais à une dégradation du service rendu, du fait d’une application strictement comptable, technocratique et qui vise à sacrifier le moyen et le long terme (éducation, infrastructures ) au court terme. Autre « mesure phare » de Nicolas Sarkozy, qui risque fort de déstabiliser la cohésion sociale et territoriale, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux (« économie » de 500 millions d’euros par année), appliquée sans discernement et sans aucune vision prospective (notamment au niveau de l’Education), elle dégrade une situation sociale déjà difficile et compromet l’avenir.
Pourtant, contrairement à ce que s’évertue à argumenter Nicolas Sarkozy et Eric Woerth, une autre voie est possible.
Certes, il y a des économies à réaliser et qui le nierait, mais des recettes sont également à retrouver. L’addition des différentes niches, pour certaines à l’efficacité toute relative, représente un montant quasi équivalent au déficit budgétaire, l’Etat se prive ainsi chaque année de milliards d’euros qui pourraient se révéler fort utile aujourd’hui …
Je vous propose un petit tour d’horizon de certaines niches …
En premier lieu, il me paraît indispensable de faire tomber une idée reçue : le déficit public est statistiquement plutôt une vérité de droite (voir graphique) que de gauche, les chiffres parlent d’eux même …
Rappelons que si de 1981 à 1993, le déficit était « anecdotique », il a augmenté considérablement sous Balladur (1993/1995) et Juppé (1995/1997), diminue sous Jospin ( 1997-2002) puis s’est envolé sous Raffarin (2002-2004), Villepin (2005-2007) et surtout Sarkozy-Fillon (2007- 2010) avec lesquels il atteint des montants inégalés. Conséquence, le poids de la dette devient un poste des dépenses de l’Etat, équivalent au budget de la Défense !
Cet état de fait, n’est pas le fruit du hasard, mais répond à une stratégie politique et à à une position idéologique : réduire la place de la puissance publique et privilégier les hauts revenus.
L’action menée actuellement par le gouvernement « contre » le déficit présente trois caractéristiques négatives :
- Une cohésion sociale mise à mal. L’Insee a publié une étude démontrant l’accroissement des inégalités par le haut, le constat est simple, voir brutal : plus on est riche, plus on s’enrichit. Si le revenu moyen des Français a augmenté de 9% entre 2004 et 2007, la hausse a été de 20% pour les 1%les plus aisés, et de 39% pour la toute petite frange des grandes fortunes. A l’autre extrême, la France compte 8 millions de pauvres, et fonctionne comme « un élastique : les inégalités se tendent aux extrêmes »
- L’investissement public démantelé. C’est nier le rôle et l’importance de l’investissement public, notamment des collectivités locales, qui représentent 75% de l’investissement public civil.
- met en difficulté la croissance. Prendre aux classes moyennes ou aux plus pauvres pour donner aux plus aisés, limiter les moyens financiers des collectivités, ne va pas encourager la croissance. L’efficacité économique de telles mesures et leur impacts négatifs à moyen terme est dénoncées par beaucoup d’économistes dont Joseph Stiglitz.
Quand est il des niches fiscales ?
Pour la Cour des Comptes, elles représentent une somme de 140 milliards ! Si certaines peuvent se justifier, toutes ne sont pas indispensables et peuvent même à l’usage se révéler inutiles, inefficaces, injustes et pénalisantes. En voici quelques unes …
Les exonérations générales de cotisations sociales sur les salaires : créés en 1993 pour protéger l’emploi peu qualifié (notamment des bas salaires des pays étrangers), elles sont accordés à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur secteur d’activité. Pour la Cour des comptes, l’efficacité sur l’emploi de ces allégements est «trop incertain pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité». D’autant que «ces allégements bénéficient surtout à la grande distribution, non soumises directement à la concurrence internationale, pour lesquelles ils constituent un effet d’aubaine». Cout pour la collectivité : 21,4 milliards
Les exonérations sur les plus-values de cessions de filiales : le hit du moment. Elle permet d’exonérer d’impôt sur les sociétés (33,3 %) les plus-values encaissées par les entreprises lorsqu’elles vendent leurs filiales ou participations détenues pendant au moins deux ans. Plusieurs problèmes ont été signalé par Didier Migaud : le cout de cette exonération qui devait couter au départ 1 milliard d’euros par an à l’Etat au lieu de 3,4 milliards d’euros en 2007, 12,5 milliards en 2008 et 6,1 milliards en 2009, soit un total de 22 milliards d’euros sur trois ans (étrangement, le gouvernement s’est abstenu d’estimer son coût en 2010). Parmi les heureux les bénéficiaires, une dizaine ont ainsi économisé plusieurs milliards d’euros d’impôts (ex : Danone économiqant un demi-milliard d’impôt , Suez qui lors de sa fusion avec GDF, a économisé près de 1 milliard d’euros d’impôts …) dont des fonds d’investissement qui ont bénéficié également de cette mesure (PAI Partners, aurait économisé 670 millions d’euros d’impôts) malgré leur activité spéculative. Estimation du cout pour la collectivité : 20 milliards d’euros en 2 ans (soit le montant du grand emprunt),
Les exonérations ciblées de cotisations sociales : concentrés sur des publics particuliers (contrat d’alternance, jeunes, aides à domicile, arbitres sportifs, marins, vendangeurs…) ou sur des territoires (zones franches urbaines, zones de revitalisation rurale, DOM-TOM…). En 2008, l’ensemble de ces allégements ciblés a représenté 6,38 milliards d’euros. Selon un rapport parlementaire de juin 2008, «elles ont des effets dans les secteurs ou les zones concernés» mais «leur incidence sur l’emploi, par construction, est plus limitée, sinon inexistante». Des dispositifs qui contribueraient «dans le meilleur des cas à « changer l’ordre de la file », sous entendu à opérer une substitution d’un emploi aidé à un autre, et au pire à «des effets d’aubaine». Cout pour la collectivité : 6,4 milliards
Le crédit impôt-recherche : créé en 1983 afin de réduire le coût des investissements en recherche et développement des entreprises, le rapporteur du budget, l’UMP Gilles Carrez, note que ce n’est pas l’industrie mais le secteur de … la banque-assurance, qui en a le plus bénéficié en 2007. Cout pour la collectivité : 5 milliards
Les aides à domicile : cette mesure accorde une réduction d’impôts à ceux qui emploient une personne à domicile. Si le plafond initial (3 800 euros) s’adressait aux classes moyennes, ses modifications d’attribution du fait des gouvernements de droite (plafond de 15 000 euros) se révèlent un vrai cadeau fiscal pour ménages les plus aisés, un véritable effet d’aubaine . Cout pour la collectivité : 3 milliards
l’exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires : une des mesures marqueurs de Sarkozy ( «travailler plus pour gagner plus») avec le bouclier fiscal. Outre les doutes sur son efficacité, elle se révèle dans le contexte actuel, totalement contre cyclique : cela revient à subventionner les heures supplémentaires en période de chômage. Cout pour la collectivité : 3 milliards
La TVA à 5,5% dans la restauration : octroyée en contrepartie d’un «contrat d’avenir» signé par les organisations d’employeurs. Bilan : pas ou peu de baisse des prix, ou de créations d’emplois, seul le volet social a donné lieu à quelques avancées. Cout pour la collectivité : 2,4 milliards