L’école primaire «en décalage avec les besoins de l’élève »

Robert Doisneau : 1957- La pendule

Le rapport que la Cour des comptes vient de consacrer à l’enseignement primaire présente deux mérites : replacer ce sujet au centre du débat, dresser un constat objectif et alarmant d’une école « en décalage avec les besoins de l’élève » ; il confirme la gravité d’une situation que je ne découvre malheureusement pas, représentant l’Association des Petites Villes de France dans les réunions entre ministre et associations d’élus, format de réunion initiées par Pape N’Daye.
Depuis son départ (juillet 2023) et les 4 Ministres de l’Éducation qui se sont succédés, nous ne nous étions plus réunis. Point positif, Elisabeth Borne vient de relancer un Comité des élus avec les différentes associations auquel j’ai participé.

Dans son analyse, la Cour des Comptes indique quatre tendances de fond qui caractérisent notre école : la dégradation continue du niveau des élèves, l’augmentation constante de la dépense publique, l’accroissement des inégalités sociales et territoriales selon l’origine des familles ou le lieu de résidence, la diminution historique du nombre d’élèves.
Il faudrait y rajouter 20 ans après la loi de 2005 sur l’égalité des droits, l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap qui représentent désormais plus de 4% des élèves scolarisés (500 000).

Vu les moyens financiers, logistiques et humains mobilisés, les résultats ne sont pas à la hauteur, ce que ne manque pas de souligner, avec justesse, les sages de la rue Cambon qui considèrent que « l’école du premier degré doit, évoluer impérativement dans son organisation et son fonctionnement ». Leurs propositions sont pour l’essentiel identifiées depuis des années : formation initiale et continue des enseignants, re qualification du métier, statut des directeurs …
Si l’on excepte un focus sur les rythmes scolaires ou l’évocation du « bien être de l’élève », la Cour des Compte reste dans sa ligne d’eau : demande de création d’indicateurs de pilotage permettant d’évaluer le montant réel de la dépense publique (à priori sous-estimée) et le niveau scolaire des élèves à la maille territoriale la plus fine …
Une de leurs recommandations se doit cependant d’être nuancée et mise en perspective avec la réalité des territoires : « systématiser les regroupements pédagogiques ou d’écoles ». N’oublions pas que l’école constitue un élément essentiel de l’aménagement du territoire, et qu’une journée d’élève se doit d’intégrer le temps passé dans les transports pour se rendre à l’école ou rentrer chez soi.

Traiter de l’éducation impose de privilégier une vision globale, systémique intégrant les différents acteurs, dont les collectivités. L’école est à la convergence des transitions auxquelles est confrontée notre société, et constitue également, trop souvent, un révélateur de ses fractures et de ses failles. Montesquieu l’écrivait, bien avant l’émergence d’ Internet ou de l’IA « Nous recevons aujourd’hui trois éducations différentes ou contraires : celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières … ».

Certains angles morts font selon moi défaut au diagnostic des magistrats financiers :
L’action sur le « travail personnel » de l’élève et le « hors école », puissants discriminants sociaux s’il en est, ce qui impose une collaboration plus étroite avec les communes ;
L’intégration des usages numérique et leur maitrise au cœur des enseignements, il est réducteur de limiter cette problématique aux seuls écrans ;
Faire émerger une école bienveillante, adaptée aux transitions et au service d’une pédagogie plus interactive et collaborative ;
L’école inclusive. Le nombre croissant d’enfants en situation de handicap impose de mettre en place, avec les différents acteurs impliqués, une organisation plus humaine, fluide et efficiente ;

Le rapport insiste sur la nécessité de renforcer la concertation avec les collectivités, soulignons cependant que cette dernière ne se limite pas au seul irritant de la carte scolaire, sujet de friction récurrent entre services de l’état et collectivités.
Concernant la problématique du temps de l’élève, il convient cependant de ne pas oublier le désordre causé et l’échec des précédentes réformes liées aux rythmes scolaires. Le sujet nécessite une approche apaisée, sereine et concertée avec tous les acteurs concernés, y compris économiques, et n’est pas uniquement du ressort de la seule rue de Grenelle.
Il serait sans doute utile et rapide, en intégrant les contraintes budgétaires des uns et des autres, de réfléchir à une articulation plus fluide entre temps scolaires et périscolaires d’une journée d’élève en menant en parallèle une réflexion de fond sur les notions de « travail personnel » et du « hors école » afin d’agir plus efficacement contre la discrimination scolaire et le déterministe social mùais également d’intégrer tous les enseignements des émeutes de juin 2023.

D’autre pistes de réflexion commune, dans lesquelles nos communes ont un rôle déterminant mériteraient sans doute une concertation plus étroite entre Éducation Nationale et collectivités : bâti scolaire, espaces extérieurs, mobilier, usages liés au déploiement d’un numérique éducatif qui ne se limite pas aux seuls écrans …

Au regard de la gravité du constat, de l’urgence de la situation que souligne ce rapport utile de la Cour des Comptes, il est bon de rappeler que les collectivités sont disponibles, prêtes à agir aux cotés et en concertation avec le ministère de l’Éducation nationale et les acteurs éducatifs (dont la CAF).
L’éducation est un devoir républicain et citoyen partagé et commun, mais également et surtout un investissement stratégique prioritaire du pays pour son futur.

Notes précédentes

De l’école de la défiance à l’école « faisons là ensemble »

Additionnons et ne divisons pas

Donner envie, d’avoir envie d’Europe

Nous avons accueilli une importante délégation de la ville allemande d’Engen venus fêter le 25eme anniversaire du jumelage entre nos deux villes ; d’un commun accord avec mon collègue allemand nous avions choisi le weekend du 9 mai pour célébrer ce moment de fête la date, symbolique s’il en est, de la journée de l’Europe, .
Les racines de notre jumelage sont cependant bien plus profondes et lointaines, nos liens d’amitié remontent en fait à 1987, année de l’appariement entre les collèges de nos deux communes ; depuis, chaque année des échanges entre les établissements se déroulent, une année à Engen, l’autre à Trilport. Il faut d’ailleurs souligner la mobilisation exceptionnelle de notre collège lors de ce week end pour contribuer à la réussite de cette célébration.

Vingt cinq ans ont passé depuis la signature de ce jumelage, 25 ans à l’échelle d’une vie humaine est déjà un long chemin …
Depuis 2000, nos enfants ont grandi, sont devenus des hommes et des femmes accomplis, pour certains des parents, beaucoup de nos ainés ne sont plus, alors qu’ils avaient tant œuvré pour l’amitié entre Engen et Trilport, nos territoires se sont transformées …
« Il n’est de richesse que d’hommes » a écrit Jean Bodin, aussi c’est avec émotion que nous avons célébré ce moment de partage, en pensant beaucoup à toutes celles et ceux qui ne sont plus, qui durant des années, inlassablement, passionnément ont œuvré avec enthousiasme à la réussite de cette belle histoire d’amitié européenne.
Que d’échanges, de rencontres, de moments d’exception partagés en 25 ans … Ce jumelage qui constitue, avant tout et surtout, une magnifique aventure humaine a été fêté en présence des Maires des villes de Pannonhalma (Hongrie) et de Monéglia (Italie) toutes deux jumelées également avec Engen.

J’ai tenu à rendre hommage à la formidable action initiée toutes ces années par Johannes Moser, l’ancien Maire d’Engen, à l’origine de ces partenariats.
Il a littéralement ouvert des fenêtres, permettant à nos habitants de toutes générations, de découvrir d’autres cultures, d’autres saveurs, que ce soit ici en France, à Engen ou encore a Pannonhalma et Moneglia, œuvrant pour que des passerelles entre nos différents pays émergent, nous permettant ainsi, 25 ans après, de nous retrouver avec le même enthousiasme afin de partager un moment au combien précieux, tant il est unique, improbable, bienvenue et heureux.
Ensemble depuis, nous avons semé au fil des saisons et des années, des graines d’Europe, dans chacune de nos villes : Moneglia, Pannonhalma, Engen ou Trilport …

« Unis dans la diversité » (Hongrois : Egység a sokféleségben / Italien : Uniti nella diversità / Allemand : In Vielfalt geeint), cette devise européenne que nous partageons nous est commune. Elle rappelle que nos différences constituent une richesse authentique et sont le socle d’une sagesse issue de nos histoires mêlées, dans le temps, l’espace, le passé, trop souvent dans le sang et la douleur …
Les spécificités de nos cultures respectives, la géographie si particulière de ce continent, l’histoire tumultueuse et entremêlée de nos pays depuis des siècles, constituent un ADN au combien riche, résilient et unique.
L’Europe est une confluence, un modèle improbable de société, une exception sur la planète, véritable oasis basée sur la tolérance, la place de l’humain, le respect d’autrui, l’importance de la culture, des arts, l’amour de la liberté, le souci constant de protéger et sauvegarder notre planète.
C’est tout l’enjeu de nos jumelages …
Donner du sens et de la substance à l’idée européen, mais aussi et plus que tout, des perspectives concrètes, donner envie d’avoir de nouveau envie d’Europe.

« Rien n’est construit sur la pierre ; tout est construit sur le sable, mais nous devons construire comme si le sable était de la pierre. » – Jorge Luis Borges

C’est cela construire l’Europe …
Bâtir inlassablement sur le sable un édifice commun, pour simplement rester acteur de notre destin, du futur de nos pays et permettre ainsi, peut être, à nos enfants de vivre dans un monde plus responsable, apaisé et surtout serein.

A nos 25 ans !

Additionnez, ne divisez pas

Le bâtiment de 1000 m2 que nous venons d’inaugurer, qui rassemble un restaurant scolaire et un Accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) illustre les priorités environnementales de la commune : orientation bio climatique, place accordée à la lumière naturelle, choix de matériaux biosourcés issus d’une filière courte et locale, celle du chanvre.
Cette filière constitue un véritable atout pour l’économie régionale, l’emploi, la souveraineté du pays ou la planète : son développement contribue à diminuer spectaculairement les émissions en gaz à effet de serre du BTP comme de l’agriculture, contribue à la capture du CO2 et à la protection de la ressource en eau, vitale s’il en est.
Autres innovations, un mode constructif 100% hors site et un chauffage par le sol via un réseau de chaleur produisant dns le même temps de l’électricité et réinjectée dans le réseau grâce à une convention d’autoconsommation collective, la 1ere signée en Seine-et-Marne.

Cette réalisation marque une étape décisive ; en 15 ans Trilport aura rénové, isolé, agrandi et modernisé l’ensemble de ses structures scolaires et périscolaires ! Si évidemment des adaptations seront à effectuer, les réalisations d’ampleur sont derrière nous.

Nous devons cependant désormais tenir compte d’un impératif de plus en plus prégnant : la nécessité d’anticiper une contrainte budgétaire croissante et de l’intégrer dans la conception même de nos équipements comme des couts liés à leur fonctionnement.
Il nous faut les repenser de manière globale, en recherchant les complémentarités, l’adaptabilité et les sources de mutualisation tant nos communes sont confrontées aux exigences croissantes des familles, aux nouveaux modes de vie, à la contrainte de plus en plus pesante des différentes normes à respecter, et, dans le même temps, à des budgets de plus en plus difficiles à tenir.
Les élus locaux doivent comme trop souvent désormais apporter des réponses concrètes à des injonctions trop souvent contradictoires.
Nous n’avons plus les moyens de dissocier aussi hermétiquement qu’auparavant ce qui est du scolaire, du périscolaire, tant nous devons renforcer nos capacités d’adaptation, veiller à rechercher des mutualisations harmonieuses.
Nos communes, en première ligne, ne peuvent plus répondre seules à toutes ces exigences, faute de moyens logistiques, humains ou financiers. Aussi, il devient essentiel que chaque acteur, dans le cadre de ses missions, fasse preuve de souplesse, d’agilité, de capacité d’adaptation et d’esprit collaboratif, qu’il contribue à rechercher des solutions plutôt que des problèmes.
N’en doutons pas certaines normes se devront sans doute d’être revisitées dans un futur proche à l’aune des réalités budgétaires.

C’est cet esprit qui nous a animé dans la conception, non seulement de cet équipement, mais de toutes les rénovations que nous avons mené. Nos locaux devront sans nul doute s’adapter à divers contextes dans les prochaines décennies et intégrer la prise en compte des temporalités d’usage comme celle de l’incertitude de l’avenir.
Mais justement une des missions essentielles de l’éducation n’est-elle pas d’enseigner, et ce de plus en plus, à affronter l’incertitude ?

Il est également essentiel de rappeler le soutien constant de nos partenaires et le travail réalisé pour instruire et rechercher des subventions, qui il le faut le souligner ne tombent pas toutes seules du ciel, mais nécessite énergie, travail et esprit d’innovation bien souvent. Toutes ces années, c’est ainsi près de 7 millions d’euros qui auront été investis dans les structures scolaires et péri scolaires de Trilport avec le soutien de l’état, de la Région, du Département et de la CAF de Seine et Marne ; rien n’aurait été possible sans leur aide bienveillante et attentive.

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » disait Saint Exupéry, L’avenir, toutes ces années, c’est ensemble que nous le rendons possible en investissant dans l’éducation de nos enfants.

Si faire la ville c’est donner deux ailes(ou « l ») à la « vie », cela n’est possible qu’ensemble, en jouant collectif .

Comme l’écrivait René Char

« Additionnez, ne divisez pas. »

Film vidéo sur cette réalisation

Le TàD, un gisement inexploité

L’opportunité de deux expérimentations menées localement m’a donné l’occasion d’être confronté concrètement à la problématique du transport à la demande. J’en ai tiré quelques propositions rassemblées en une note, tant le TAD constitue un gisement de mobilités particulièrement adapté aux espaces ruraux et péri urbains malheureusement toujours inexploité aujourd’hui.
Pourtant ne pas avoir la capacité de se déplacer librement dans une société de plus en plus mobile (« mobilis in mobili ») conduit les habitants de certains territoires à l’exclusion, le déclassement et à un fort sentiment de relégation vis-à-vis des métropoles d’autant que ce contexte les rend totalement dépendant de la voiture particulière.

Le Pays de Meaux est une des trois intercommunalités du pays concernées par l’expérimentation «Terr’Moov» porté par l’association Wimoov, dont l’objectif est d’activer les leviers permettant de lever les freins à la mobilité et à l’emploi dans les zones peu denses. Dans le cadre de cette expérimentation, les retours d’expérience collectés auprès des habitants sont sans équivoque, les TAD mis en place par l’autorité organisatrice ne trouvent pas leur public, faute d’attractivité (amplitude notamment)
Cette situation reflète le retard de l’Ile-de-France en ce domaine. Il peut se comprendre au regard de la priorité donnée au développement et à la rénovation du réseau ferré (voir note précédente), les politiques de mobilités déployées concernant quasi exclusivement le développement du réseau de petite couronne. Jusqu’à la loi LOM la desserte des zones rurales ne constituait pas une priorité, l’effort étant principalement orienté vers les systèmes « mass transit pendulaire ».
En contrepoint, l’expérimentation nationale menée par Tech4Mobility (« J’y vais »), l’accélérateur d’innovations de la SNCF dédié aux nouvelles mobilités, sur les territoires du Pays de l’Ourcq et du Pays de Meaux ouvre bien des perspectives.
Elle visait à tester l’impact d’une offre TAD, prototypée et « désign é » spécifiquement pour les territoires peu denses et a rencontré son public après seulement 6 mois de fonctionnement. Un résultat plus qu’appréciable tant il est difficile de lancer une offre éphémère, au concept disruptif, sur deux intercommunalités voisines mais différentes, en période estivale.

Irriguer avec équité tous les territoires, desservir finement les zones peu denses jusqu’au dernier kilomètre exige qu’élus, acteurs institutionnels et autorités organisatrices sortent du « tout infrastructure » et des solutions « classiques » pour privilégier une vision systémique et inclusive des mobilités. C’est ainsi que nous pourrons enfin éviter toute assignation à résidence. Or, de manière générale, l’offre TAD développée en Ile-de-France se limite pour l’instant à une offre de niche ou d’affichage et n’est pas intégrée nativement dans la stratégie globale de mobilités d’un territoire.

Il faut pourtant souligner tout l’intérêt de ce mode de déplacement, tant il est agile, souple, interactif, et voir son efficacité décuplée par le dividende numérique. Aujourd’hui inexploité, il a la capacité de s’adapter de multiples contextes : de la desserte des zones peu denses à des usages plus thématiques ou atypiques concernant également les espaces urbains et peut s’intégrer sans problème dans l’offre multimodale d’un bassin de mobilités.

Voici, quelques propositions qui pourraient permettre de le développer pour le plus grand bien des espaces péri urbains et ruraux de la grande couronne francilienne notamment …

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Ligne P : l’acceptabilité n’est plus une option

Travaux sur le réseau : SNCF Réseau

La parenthèse des jeux olympiques aura permis aux usagers de la ligne P de retrouver, le temps d’un été, le plaisir d’une vie sociale durant laquelle se rendre à Paris en train pour passer la soirée et en revenir était de nouveau possible. Cette parenthèse est désormais bien refermée après la reprise des travaux sur le réseau et le remplacement des trains de soirée par des bus de substitution.
Soyons clairs, depuis l’accident dramatique de Brétigny-sur-Orge, personne ne conteste l’urgence de régénérer un réseau si vieillissant qu’il a fait l’objet d’un audit sévère de la Cour des comptes, soulignant que l’Ile de France qui ne représente que 10% du réseau national concentre 70% de la circulation ferroviaire du pays et 40 % de son trafic voyageurs et que 40 % des voies et 30 % des aiguillages des 3 700 km du réseau francilien avaient plus de 30 ans d’âge et 15 % des caténaires dépassaient même les 80 années (dont pour 5 % le siècle !).
Régénérer l’infra constitue une priorité absolue pour la sécurité même des usagers. Ce constat m’a mené durant des années à militer pour qu’une rénovation à grande échelle soit lancée, aussi je ne peux que me satisfaire de l’effort sans précédent engagé par SNCF Réseau et Ile de France mobilités dans ce cadre.
Chacun comprendra également qu’intervenir sur des voies ferrés ne peut se faire qu’en l’absence de tout trafic et de préférence sur les créneaux les moins perturbants pour ne pas pénaliser le plus grand nombre d’usagers ; autant dire la nuit, ce qui permet de bénéficier de plages de 5 à 6 heures de travail avant le départ du premier train du matin.
Vu l’ampleur du retard à combler (plusieurs décennies de sous investissement et d’abandon) et les contraintes logistiques afférentes à ce type de rénovation lourde, de tels chantiers se prolongent inévitablement de nombreux mois pénalisant durablement le quotidien des usagers.
Il est bon de rappeler que les usagers de la grande couronne sont les plus touchés par ces chantiers, y compris si ceux ci ne les concernaient qu’à la marge jusqu’à présent, certains étant même très éloignés de leurs priorités (cf CDG ADP Roissy) alors que dans le même temps les demandes d’amélioration les concernant, comme l’électrification de la ligne Trilport / La Ferté Milon, la mise en accessibilité des gares les plus fréquentées apparaissaient secondaires devant les milliards consacrés au réseau du Grand Paris.

Il faut souligner l’impact pour la vie quotidienne de nos concitoyens de la suppression des trains de soirée durant plusieurs années, comme c’est le cas, elle influe durement leur vie sociale, familiale ou professionnelle, d’autant qu’elle se double de weekends successifs de travaux sans trafic. Dans l’inconscient collectif, le mode dégradé devient la norme, attisant un profond sentiment de frustration, d’injustice, d’abandon et pour tout dire de relégation..
La question de l’acceptabilité sociale se doit d’être considérée comme un enjeu majeur, sinon un préalable, vu l’absence de perspective d’amélioration proche pour des usagers qui ne disposent d’aucune alternative pour se déplacer, d’autant que cette situation se prolongera plusieurs années.

Comment rendre compatible l’urgence de régénérer un réseau à bout de souffle, atout essentiel de nos territoires et vecteur de mobilités plus durables pour aujourd’hui ou demain et la vie quotidienne d’habitants qui n’ont pas d’alternative pour se déplacer ? C’est bien le dilemme à résoudre.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, usagers et élus de nos territoires, n’avaient jamais été associés au moindre arbitrage lié à ces travaux, alors qu’ils en subissent plus que tout autre les conséquences directes.
L’acceptabilité sociale n’apparait pas, comme dans trop de domaines, ou si peu, dans les radars des décideurs, étant tout juste considérée comme une variable d’ajustement devant les priorités logistiques des techniciens. Ce n’est pas acceptable surtout devant l’impact de pour nos vies quotidiennes. Les choix et validations, sans mesure d’accompagnement, ne peuvent se limiter aux seuls priorités techniques mais doivent tenir compte des conséquences sociales plus que déstabilisatrices.
J’avais interrogé Clément Beaune, alors Ministre des Transports, dans le cadre de mes responsabilités à l’APVF, sur une situation que nous jugions intolérable et anachronique, en évoquant les relations « difficiles » des collectivités du pays avec SNCF Réseau.
Nous lui proposions de créer des « Comités d’axes » par réseau ou bassin de mobilités afin d’initier une concertation amont constructive avec SNCF Réseau.
Le ministre nous a rappelé que l’État au regard du principe de libre administration des collectivités territoriales, n’avait pas à intervenir dans les choix des autorités organisatrices, seules compétentes pour décider du niveau d’offre des lignes qu’elles administrent ainsi, en lien avec la maîtrise d’ouvrage, que des plages travaux retenues pour la modernisation des lignes de RER et Transilien. Dont acte.

Nous étions alors localement (élus du Pays de l’Ourcq, du Pays de Meaux, département de Seine et Marne, Région ile de France) en négociation très difficile avec le gestionnaire d’infrastructures et la Préfecture de région afin d’obtenir l’inscription de la l’électrification de la ligne Trilport / La Ferté Milon au Contrat de Plan Etat Région (CPER)) et confrontés à une vraie situation de blocage. Fort heureusement nous avons obtenu l‘inscription de l’électrification de la ligne au CPER, ce qui a contribué à pacifier nos relations.,Profitant de cette nouvelle donne nous avons exploré avec Transilien différents formats destinés à proposer le cadre d’une concertation constructive.
SNCF Réseau validant le concept d’un « dialogue territorial de la ligne P » avec SNCF voyageurs, Transilien, associations d’usagers de la ligne P, intercommunalités, département de Seine-et-Marne et Ile de France mobilités. Il ne faut surtout pas sous estimer ce que représente pour le gestionnaire d’infrastructure un accord, il constitue une véritable « révolution culturelle », encore faut il que les résultats suivent …

Où en est on aujourd’hui après quelques mois de rencontres ?

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La cigale et la fourmi

Les Maires de l’Association des Petites Villes à Amboise

Retour sur les assises des Petites Villes de France qui se sont tenues à Amboise il y a quelques jours. Prévues initialement en juin, ce rendez vous annuel trés attendu des élus avait été reporté suite à la dissolution et à l’absence de ministres en titre.
En septembre, rien de nouveau sous le soleil d’Amboise, toujours pas de ministre et pour cause le pays fonctionne depuis juin sans gouvernement et à priori sans problème apparent ! Mieux la France a organisé durant l’intervalle des jeux olympiques et paralympiques qui feront date, marqué les esprits et enthousiasmé toute la planète, comme quoi !
Un esprit des jeux toujours présent à Amboise : absence de ministre, chaleur de l’accueil de Brice Ravier et de ses équipes, qualité des débats, douceur du Val de Loire, envie de prolonger quelque peu cette parenthèse enchantée avant un retour au réel risquant d’être brutal et incertain ? Sans doute un peu de tout cela …

Comment ne pas évoquer la colère légitime des élus suite aux déclarations provocantes de ministres démissionnaires n’ayant rien trouvé de mieux que de désigner les collectivités territoriales « co-responsables » de la dérive des finances publiques ?
Cette ituation paradoxale du pompier pyromane se plaignant de l’incendie qu’il a lui même provoqué me rappelle une fable de mon enfance écrite par Jean de La Fontaine : « la cigale et la fourmi ». Ces ex ministres feraient bien de méditer toute la portée, la profondeur et l’intérêt de la morale ayant bercé des générations d’écoliers de France et de Navarre … « La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue ».

Précision utile les maires, surtout ceux des petites villes, sont en mode « Fourmis By Design ». Ce mode gravé au plus profond de leur ADN provient sans doute du fait d’être confrontée directement, en toute saison, de jour comme de nuit, à la dure réalité du terrain et au monde réel, ce qui impose d’être dans l’action et le concret plutôt que dans les mots et promesses sans lendemain.
Conséquence, si certains de nos concitoyens s’interrogent sur l’utilité même d’un gouvernement et le prouvent régulièrement dans les urnes, à contrario ils ne doutent pas de celle de leur maire.
Ce dernier mandat municipal, totalement atypique, en constitue la meilleure illustration. La succession de crises inédites et majeures que les élus locaux ont du affronté et surmonté, toujours en première ligne, ne leur a jamais fait perdre pour autant la nécessité d’apporter des réponses concrètes, quotidiennes et durables aux besoins et urgences de leurs territoires comme aux détresses de celles et ceux qui y vivent. Ils ont ainsi pu préserver, contre vents et marées parfois, la cohésion du pays afin de « faire société ».
Nos collectivités, ces « petites républiques », ont tenu le pays quand d’autres le fracturaient. Ce ne fut pas sans douleur, tant ce mandat a constitué pour les maires et leurs équipes un véritable parcours du combattant : Covid, gilets jaunes, crise de l’énergie, inflation, violences urbaines, dissolution … Excusez du peu … Il a fallut non seulement assurer sur le terrain mais trop fréquemment assumer le S.A.V de décisions malheureuses prises au plus haut niveau.
Qui est cigale, qui est fourmi ?

Cette réalité indiscutable souligne le caractère totalement infondé d’attaques qui ne sont ni respectueuses, ni dignes, ni surtout justes. D’autant que ces ministres, au premier rang duquel Bruno Lemaire, n’auront au final tenu ni leurs promesses, ni le budget de la nation, se retrouvant dans l’incapacité de proposer des perspectives crédibles au pays et en étant sanctionnés durement dans les urnes !
Il est dommageable qu’au lieu d’assumer, ils ne trouvent rien de mieux que de chercher des boucs émissaires et désigner à la vindicte populaire les collectivités comme responsables de la dette publique ! Trop c’est trop, la coupe est pleine et la ficelle surtout un peu grosse …
Ce sont nos collectivités. de la région aux communes, en passant par les départements, aujourd’hui en grande difficulté financière, qui permettent au pays de tenir, d’avancer, d’investir, et qui assurent au quotidien la cohésion de territoires durement mise à l’épreuve, palliant lorsqu’il y a nécessité à l’absence de services publics ou d’investissement de l’état (réseau routier).
Contrairement au gouvernement rappelons que nos collectivités votent leur budget à l’équilibre chaque année, et lorsqu’elles empruntent le font, non pour boucler leur dépenses de fonctionnement mais bien pour investir et préparer leur territoire à affronter les transitions que nous rencontrons.
Qui est cigale, qui est fourmi ?

Ce mauvais procès dessert d’autant plus le débat démocratique et le pays que gouvernement et collectivités ont destins liés. Ils représentent tous deux la république auprès des citoyens et sont les deux faces de l’action publique.

Les maires des petites villes ne demandent que peu de choses : transparence, prévisibilité, confiance et respect … Ce contrat qu’ils appellent de leurs voeux depuis tant d’années leur permettra simplement d’être en capacité d’agir au service de leurs concitoyens, d’accomplir leur missions quotidiennes, notamment celles que l’état n’assurent plus, ou de moins en moins, de répondre aux urgences et catastrophes, au sentiment d’abandon d’habitants déboussolés, désorientées, qu’il faut rassurer et soutenir. Sans oublier l’impératif de travailler la résilience de leurs territoires afin de les préparer aux transitions majeures auxquels ils sont confrontés !

Dix huit mois nous sépare des prochaines élections municipales, six petites années seulement de 2030 et de ses objectifs pour la planète, alors qu’il reste tant et tant à faire ! Le compte à rebours est désormais enclenché dans un contexte politique et budgétaire incertain, plus que délicat, complexe voir même explosif.
Nous aurons besoin n’en déplaise à la Cour des Comptes, de faire corps et de l’alliance de toutes les énergies positives et constructives pour agir dans chaque territoire, y compris et surtout pour soutenir l’action de celles et ceux qui en première ligne donne consistance et sens à l’action publique.
Il est urgent et vital d’être présent dans toutes les communes, sans exclusives, de l’hexagone et au delà, je pense évidemment à nos amis des DOM TOM, surtout les territoires les plus délaissés, là où à chaque élection les votes témoignent d’un sentiment d’abandon d’habitants qu’il serait bon de ne plus mépriser afin d’être en capacité de surmonter, ensemble, les crises politique, sociale, citoyenne, budgétaire, démographique, climatique que nous traversons.

Les élus locaux en ont pleinement conscience, c’est pourquoi ils s’adressent chaque jour à l’essentiel laissant de coté l’accessoire, ils portent avec d’autres, mais eux en première ligne, le « vivre ensemble », patrimoine commun fragile qu’il nous faut savoir préserver et protéger

Le nouveau gouvernement serait bien inspiré de suivre cet exemple et de faire preuve d’esprit de responsabilité, ce serait nouveau, bienvenue et pour tout dire, à la hauteur de la situation que connait notre pays aujourd’hui.

De devenir quelque peu fourmi