Fleurissement, Zéro phyto et qualité de l’eau

paysage.jpg

Nous avons accueilli à Trilport il y a quelques jours le jury régional des villes et villages fleuris, visite traditionnelle depuis 1997, année d’obtention de notre Première fleur (suivie d’une seconde en 2000), dans ce concours qui concerne désormais une commune française sur trois, dont 305 pour la seule Ile de France.

Autant l’avouer, j’avais de sérieuses réserves sur l’utilité d’un tel label. Privilégier un fleurissement ostentatoire, grand consommateur en logistique, eau et produits phytosanitaires, réservé à certains «spots» stratégiques de la ville, ne me semblait pas revêtir de caractère prioritaire.
L’évolution sensible des critères de ce prix m’a depuis fait changer d’avis. Le respect de l’environnement et la défense de la bio diversité y sont devenus prépondérants, le jury évaluant fleurissement (répartition dans la ville, adaptation aux contraintes des sites, diversité et qualité des compositions, entretien tout au long de l’année), pratiques environnementales déployées, dimension sociale et citoyenne accompagnant la démarche de la collectivité. En fait, c’est bien de la place du végétal dans la ville dont il est question, et des actions en faveur de l’environnement engagées, jusqu’au projet de développement initié.

Dans ce cadre, soulignons que Trilport bénéficie d’un patrimoine naturel exceptionnel : bords de Marne, forêt domaniale, écrin de cultures entourant le centre urbain et points de vue sur les coteaux environnants uniques dans la région. Dans le même temps la ville a une configuration urbaine affirmée (présence de zones industrielles, d’une gare et de plusieurs infrastructures routières) et se développe, du fait de la loi SRU. Dualité qui nous a mené à initier un projet de territoire dont l’objectif est de construire une ville durable, qui n’oublie pas cependant d’être aimable à ses habitants.

Notre volonté est de préserver l’intégrité des espaces naturels et agricoles, en limitant l’étalement urbain, piste privilégiée : « construire la ville sur la ville » (plus facile à dire qu’à faire !) mais nous travaillons dans dans le même temps à y renforcer la présence végétale. Ce dernier objectif est à la base de notre engagement dans le label des villes fleuries.
Le but n’est pas de décrocher une 3eme fleur à tout prix, mais bien de défendre une conception de l’aménagement urbain représentative des spécificités de ce territoire, en nous appuyant sur la place qu’y occupe déjà le végétal.
Un nouveau modèle de développement urbain est possible, trouvant ses racines dans les spécificités du terroir local et intégrant très en amont les exigences de l’urgence environnementale en apportant des réponses concrètes et utiles pour faciliter l’adaptation de nos villes aux conséquences de la dérégulation climatique.

L’importance écologique des arbres et espaces verts n’est plus à démontrer (développement de la bio diversité, captation du CO2, régulation thermique lors des périodes de canicule notamment), mais « le végétal » constitue encore trop souvent la variable d’ajustement des opérations d’aménagement, alors qu’il demeure un élément architectural et urbain essentiel. Il apporte à une ville, un quartier, caractère, identité et supplément d’âme, cadence le rythme des saisons et du temps qui passe, sa présence est indispensable à l’épanouissement des habitants de toutes générations, y compris des plus jeunes … Une école sans végétal ou horizon naturel est une école sans ligne de fuite, sans perspectives pour les yeux d’enfants …

Une question fait débat aujourd’hui : le « zéro phyto ». Certains de nos concitoyens s’agacent de voir « proliférer » au long des trottoirs ou des routes, les herbes folles, mousses, pousses de pissenlit et autres, qui sont pour eux autant d’illustrations d’une ville mal entretenue. Aussi, ils ne manquent pas d’exprimer leur mécontentement aux élus et agents des espaces verts par des remarques acidulées, sinon acides. Rappelons simplement qu’au 1er janvier 2017 l’utilisation des produits phytosanitaires sera interdit sur les voiries, espaces verts, forêts et promenades ouverts au public.
Durant des décennies, tout paraissait pourtant si simple ! Un geste, l’application d’un produit miracle et plus de mauvaises herbes ! Rappelons simplement que l’efficacité de tels produits dépend surtout de leur toxicité. Si nos jardiniers ont toujours la main verte, ils ont troqué leurs anciens pulvérisateurs pour des binettes, beaucoup moins efficaces en apparence, et se retrouvent  dans l’obligation de s’adapter à une nouvelle donne qui représente une charge considérable de travail supplémentaire. Autant le dire les différentes techniques alternatives qu’elles soient mécaniques, thermiques ou chimiques nécessitent une appropriation difficile et des niveaux de rendus qui seront moins bons que les précédents.

Nous vivons un changement d’époque, ce qui vaut également pour le fleurissement. Il est heureux que notre génération ait enfin pris conscience du danger de certaines de ses pratiques quotidiennes, en apparence inoffensives, pour la planète, que l’on ne soupçonnait pas aussi fragile et périssable.

Comment définir dans un tel cadre, sinon une doctrine en matière de fleurissement, du moins des priorités claires intégrant les contraintes environnementales ?

Avant d’aborder plus concrètement dans une prochaine note l’action engagée sur Trilport dans ce domaine et les pistes explorées pour adapter au mieux nos villes aux conséquences de la dérégulation climatique, il me semble urgent de revenir sur la délicate problématique du zéro phyto …

 

 

cygnes-pont.jpg

L’arsenal chimique utilisé jusque là, sous diverses appellations (intrants, produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques, pesticides, engrais parfois), pour l’entretien  des espaces agricoles, naturels, de l’espace urbain est au centre d’une controverse révélatrice des contradictions d’une société en quête d’un mode de développement plus respectueux de la planète.

 Destinés à protéger les cultures des organismes nuisibles ou parasites (de manière curative ou préventive), et à accompagner une agriculture de type intensive, ces produits ont permis jusque là de préserver potentiel de production et rendement,  mais à quel prix ! Leur utilisation n’a pas toujours été marquée d’une grande modération, tant dans la diversité des molécules utilisés, leur degré de toxicité croissant, que la quantité épandue, avec des conséquences graves pour l’homme et les écosystèmes, quelquefois même irréversibles. Problématique que l’on ne peut réduire à de simples effets de seuils de toxicité mais qui comprend également les effets cumulatifs.

 Transportés par les eaux de ruissellement ou l’infiltration naturelle, les produits phytos, même épandus en faible quantité, se retrouvent dans les nappes souterraines et les rivières dont ils menacent les éco systèmes. Limiter leur usage est un enjeu sanitaire et environnemental majeur, l’eau potable étant une ressource vitale mais fragile et périssable, y compris dans nos terres. Pour illustrer ce propos, évoquons la nappe phréatique de Champigny,  1ere ressource d’eau potable d’Ile-de-France d’origine souterraine. Son niveau depuis une vingtaine d’années ne cesse de baisser (variations pluviométriques, surexploitation … ), ce qui a pour conséquence d’influer sur la concentration des nitrates et pesticides, dont la hausse est continue depuis les années 50, cocktail détonnant d’anciens produits interdits désormais à la consommation et de nouvelles molécules, tout aussi nocives.
Chacun s’accorde à dire qu’il faudra plusieurs décennies avant que cette nappe retrouve son intégrité. Les mesures prises ces dernières années, grâce aux règlementations européennes, sur l’assainissement des eaux usées ont permis d’améliorer la situation, aujourd’hui cette pollution est majoritairement due aux produits phytos employés dans l’agriculture, le jardinage, ou l’entretien des infrastructures, et implique donc tous les utilisateurs de ces produits.

Il importe de ne pas faire preuve de démagogie, tant auprès des particuliers ou des différents lobbies, aucun retour en arrière n’est envisageable, l’engagement récent des collectivités ne constitue ainsi qu’une première étape et s’étend peu à peu aux stades, cimetières. Le cadre législatif est d’ailleurs sur ce point sans ambiguité aucune, Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte interdit au 1er janvier 2017 l’utilisation des produits phytosanitaires par l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics sur les voiries, dans les espaces verts, forêts et promenades ouverts au public.
Notre société doit adapter objectifs et pratiques à ce nouveau contexte, dont il faut faire partager les enjeux à l’ensemble des acteurs.
Ce qui implique de réviser beaucoup d’anciens standards, de représentation collectives autour de la notion de propreté urbaine, de faire évoluer les niveaux de rendu en tenant compte de leur faisabilité. Dans notre culture urbaine occidentale, la ville s’est construit en opposition au milieu naturel, et la flore spontanée (« les mauvaise herbes ») a toujours été ressentie comme indésirable, car non maitrisé et non maitrisable. Il est enfin temps de prendre en compte de nouvelles priorités peut être moins esthétiques (quoique ?) mais plus vitales, notamment la protection de la ressource en eau, la diffusion de la bio diversité et la prise en compte d’exigences sanitaires minimum.
Cet examen de conscience concerne également les agriculteurs, notamment ceux pratiquant une culture de type intensif, en les incitant à faire du bio et à limiter les conséquences pour les sous sols de certaines pratiques polluantes et très consommatrices en eau (attention au réchauffement), sans oublier les particuliers et les gestionnaires d’infrastructures routières ou ferrées; il serait bon d’imposer par exemple à la SNCF lorsqu’elle entreprend des opérations majeures de rénovation de voie, de ne pas limiter ses mesures préventives aux seuls secteurs  de captage d’eau !

Le zéro-phyto n’est qu’une étape dans un processus de transition écologique plus global, qui ne concerne pas que le devenir de la ressource eau, loin s’en faut, mais également le cycle de la vie qu’elle soit animale ou végétale et la diffusion de la bio diversité.

Je vous propose de revenir sur ces problématiques, dont une, majeure pour la prochaine décennie et qui nécessite des actions immédiates et concrètes :  adapter  nos territoires au réchauffement planétaire et à la dérégulation climatique, dans lequel le végétal a également un rôle central à jouer …

 

 

Elle était « à l’écoute du bien-être des gens » …

FH Jourda.jpg

 

Je viens d’apprendre avec tristesse le décès de Françoise Hélène Jourda, elle était non seulement une architecte talentueuse mais une femme d’exception.
J’ai eu la chance de la rencontrer plusieurs fois dans le cadre de mes activités d’élu. C’est à elle et l’équipe qu’elle animait que nous avons confié, avec l’aménageur l’AFTRP, les destinées de l’écoquartier de Trilport, « l’Ancre de lune ».
Nous avions été séduits par son projet, son implication concrète et reconnue en architecture environnementale, dont elle était une des pionnières européennes les plus reconnues, son souci de la qualité de vie des habitants, ses partis pris environnementaux, la place laissée au végétal et aux arbres notamment. Mais plus que tout, c’est sa passion sincère à vouloir animer notre projet (au sens premier du mot, « donner la vie ») qui nous a convaincu.

J’ai ensuite appris pourquoi notre éco-quartier avait trouvé une certaine résonance au plus profond d’elle, puisqu’elle a déclaré il y a quelques années :

« Moi mon rêve, c’est de construire un morceau de ville, sur la ville, dans la ville, pour changer la ville pour démontrer aujourd’hui qu’il est possible de transformer les villes existantes que ce soit au niveau environnemental, au niveau social, et apporter du bonheur aux gens »

Le métier d’architecte urbaniste aux yeux de cette professionnelle, d’une simplicité non affectée, à la renommée pourtant internationale, devait avant tout être «à l’écoute du bien-être des gens», afin de répondre à leurs besoins, aux usages de la vie et de la ville, prendre en compte également l’urgence environnementale comme l’impératif d’économiser l’énergie en choisissant les matériaux et procédés de construction les plus respectueux de la planète, de leur conception à leur recyclage.

Autant de parties pris qui ont trouvé de l’écho aux oreilles de l’élu engagé que je suis, sur les questions relatives à l’habitat, à l’urbanisme et au Développement Durable.
Qu’elle sache, que là où elle est ou pas,  nous ferons tout pour que ce projet soit à la hauteur de ce qu’elle voulait pour la ville, qu’elle soit durable, aimable et désirable …

 

Quelques éléments de bio

 

 

 

FH Jourda 2.jpg
l’Académie de formation du Mont-Cenis, à Herne-Sodingen, dans la Ruhr.

 

Françoise-Hélène Jourda, l’architecte durable

Terra Eco. Net

 

Françoise-Hélène Jourda a longtemps construit des maisons écolos sans l’afficher. C’était mal vu. Depuis 2007, elle cumulait les reconnaissances. Elle est décédée ce 1er juin 2015. Nous l’avions rencontrée en 2009. Voici son portrait.

« Je rêve de bâtiments biodégradables ! » Drôle d’idée pour une architecte. Quand une partie de sa profession s’escrime à laisser sa trace dans le paysage et dans l’histoire, Françoise-Hélène Jourda s’exerce à rendre son empreinte la plus légère possible. En ce moment, elle construit des logements sociaux à façades de bois et murs démontables à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) : des immeubles réversibles, presque recyclables, issus de trente années de recherche. Cette volonté de créer une architecture quasi-éphémère lui a valu une Légion d’honneur en juillet.

 

Et si, à 54 ans, Françoise-Hélène Jourda se réjouit avec tant d’allégresse de la vague verte, c’est qu’elle a longtemps ramé à contre-courant. Sa vocation semblait pourtant couler de source, peut-être de la maison de campagne familiale dans la région lyonnaise. Françoise-Hélène Jourda se souvient que l’eau de pluie y était récupérée et qu’elle servait à se laver, puis à faire la vaisselle. Et enfin à l’arrosage. Diplômée de l’Ecole d’architecture de Lyon en 1979, elle se définit à la fois comme une enfant du choc pétrolier, marquée par la « chasse au gaspi », et une post-soixante-huitarde inspirée par « l’architecture solaire » version Larzac.

 

C’est le temps des expérimentations en association avec l’architecte Gilles Perraudin : une école économe en énergie à Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) en 1981, des maisons en terre et l’Ecole d’architecture de Lyon, en 1982, avec « la première double façade au monde, qui, bien sûr, ne marchait pas », se rappelle-t-elle. Mais l’époque n’est pas vraiment réceptive à ces prospections vertes. Les années 1980 sonnent plutôt l’avènement des grands ensembles architecturaux. « Nous devions presque dissimuler nos visées environnementales. Pour installer 4?000 mètres carrés de toiture végétalisée sur la Cité scolaire internationale de Lyon, on expliquait que ce serait plus joli, mais pas qu’on allait ainsi récupérer les eaux de pluie », s’amuse-t-elle rétrospectivement. 

 

FH Jourda 3.jpg

 

 

 

« Chaque projet, je commence par le trouver moche ! »

La rumeur publique attribue volontiers à cette belle femme, très blonde et aux yeux d’un bleu transparent, des origines germaniques qu’elle n’a pas. Sans doute parce que c’est de l’autre côté des Alpes, en Autriche et en Allemagne, que ses idées ont rencontré des fans.

En 1992, le gouvernement allemand la choisit pour imaginer l’Académie de formation du Mont-Cenis, à Herne-Sodingen, dans la Ruhr. Elle dessine et conçoit un laboratoire écolo géant en créant un microclimat à l’intérieur d’une serre de 13?000 mètres carrés, tout en gardant un œil sévère sur l’empreinte écologique de la construction elle-même. « Le bois était coupé dans la forêt mitoyenne et séché sur place. Je n’ai jamais retrouvé des conditions semblables en France », note-t-elle.

Pour expliquer ce long retard hexagonal, elle évoque, pêle-mêle, les lobbies énergétiques français ou le quasi-monopole des groupes de construction, bien moins flexibles qu’outre-Rhin. Peut-être aussi le dédain pour l’architecture non spectaculaire qu’elle revendique. « Construire compact, ramassé, c’est se mettre en marge de ce qui est médiatisé, du monumental, analyse-t-elle. Renoncer à la forme demande du courage. Chaque projet, je commence par le trouver moche ! »

 

Il a fallu attendre le Grenelle de l’environnement et la commande d’un rapport par le ministre Jean-Louis Borloo sur la construction durable pour qu’on regarde ses bâtiments d’un autre œil (1). « Elle a longtemps été à part, et devient aujourd’hui le porte-drapeau d’une nouvelle architecture ! », témoigne François de Mazières, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Au point de devenir une référence. C’est à elle que la Ville de Paris a fait appel, en 2007, pour réhabiliter la Halle Pajol et la transformer en un bâtiment emblématique à très faible empreinte écologique.

 

Avec encore quelques embûches. « Ses ambitions sont parfois stoppées par des problèmes d’homologation, explique Baptiste Le Brun, responsable des opérations à la Semaest, maître d’ouvrage de la Halle. Il y a encore des résistances bureaucratiques à l’innovation. » Pas rancunière, Françoise-Hélène Jourda continue à y croire. « Les mentalités ne sont pas si difficiles à changer, affirme-t-elle. Le développement durable concerne tout le monde, du jardinier au locataire, en passant par le bailleur social et le politique. Une fois qu’on a amorcé la pompe, ça peut prendre assez vite. »

 

Des normes jugées mensongères

L’architecte milite pour la disparition de la certification HQE (Haute qualité environnementale), dominante en France, qu’elle juge obsolète voire mensongère, et pour la mise en place d’une grille de cotation de l’empreinte écologique d’un bâtiment. Elle espère d’ailleurs, d’ici la fin de l’année, mettre en service un logiciel simple « pour qu’un locataire puisse lui-même faire le diagnostic énergétique et le mettre sous le nez de son propriétaire ». Tant que le Grenelle durera, elle aura la foi. Titulaire d’une chaire d’architecture durable à l’université technique de Vienne depuis 1999, c’est dans son labo autrichien, entourée d’une équipe de chercheurs internationaux, que cette Française continue d’imaginer les moyens d’effacer nos traces. En attendant que son pays natal se réveille pour de bon ?

(1) Rapport sur la prise en compte du développement durable dans la construction

 

 


 

FRANCOISE-HÉLÈNE JOURDA EN DATES ET EN GESTES

 

Vidéos & interviews
France info
Du bâtiment à la Ville Durable

Université de Mons : Halle Pajol
Interview Batimat : Halle Pajol

 

 

1955 Naissance à Lyon (Rhône)

 

1979 Diplômée de l’école d’architecture de Lyon, association avec Gilles Perraudin

 

1992 Imagine l’Académie de formation de Herne-Sodingen (Allemagne)

 

2004 Commissaire du pavillon français à la Biennale d’architecture de Venise, sur le thème des « Métamorphoses durables »

 

2007 Prix international d’architecture durable

 

2009 Petit Manuel de la conception durable, aux éditions Archibooks (parution à l’automne)

 

Son geste vert Elle interdit l’éclairage de nuit dans ses bâtiments.

 

Succès pour les 1eres assises de l’éco construction

RES-1311-eco-renovation.pngLa mise en ligne de la vidéo réalisée lors des 1eres assises de l ‘éco rénovation me donne l’occasion de revenir sur cet événement dont j’étais un des initiateurs, ces assises étant le fruit concret des travaux de la commission numéro 4 (que j’anime) du Conseil Participatif de Seine et Marne.

Lorsque Vincent Eblé et l’exécutif départemental ont lancé la réflexion autour d’un projet de territoire pour le département, ils avaient une intuition : trouver une autre voie de développement pour la Seine et Marne que le traditionnel rééquilibrage Est / Ouest mais aussi une ambition, porter une vision de la Seine-et-Marne partagée par ses habitants et ses acteurs de terrain.  La concertation citoyenne initiée auprès de tous  les seine et marnais et les acteurs qui font ce territoire en  tissant du lien a alimenté cette réflexion qui est allée bien au delà d’un simple diagnostic enrichi, puisqu’elle a permis de développer pour le département, au travers de son projet de territoire, une véritable vision stratégique, bâtie autour de 5 axes d’action majeurs qui devraient  l’entrainer dans un développement durable, respectueux du potentiel agricole et naturel du département comme de ses habitants, mais aussi et c’est important dans le contexte actuel créateur de richesse et d’emplois locaux..

Je me suis, comme tant d’autres à l’époque, impliqué dans ce processus citoyen, utile pour nos communes et leurs habitants, à plus d’un titre. Vincent Eblé m’a proposé d’aller plus loin dans cet investissement et j’ai accepté de rejoindre le bureau du Conseil Participatif dirigé par Yves LICHTENBERGER, ancien Président du PRES de Marne-la-Vallée. Un engagement totalement bénévole, je le souligne. Intéressé par l’expérience que j’avais acquise du fait de ma contribution aux travaux du Club national des Eco quartiers pendant 3 années, Yves Lichtenberger m’a  proposé d’animer le chantier 4 : « la Seine-et-Marne, territoire leader de l’Éco-construction », ce que j’ai accepté, le challenge m’intéressant.

Dans ce cadre, nous avons avec l’équipe m’accompagnant dans cette initiative élaboré un plan d’action décliné sur trois objectifs généraux :  identifier et mettre en dynamique les acteurs de l’Éco-construction du territoire, repérer les leviers potentiels ou les freins et contraintes à intégrer, accompagner et susciter les synergies et la constitution de filières locales.

Mais c’est surtout la méthode de travail choisie qui selon moi a été le vrai déclencheuret a  fait tout l’intérêt de la démarche initiée, qui nous a amené vers ces assises, qui ont constitué une vraie réussite.

Revenons sur cette méthode …

 

 

 

 

 

Premier point si je connais de manière générale les différentes problématiques liées à l’éco construction, en tant qu’élu local impliqué depuis des années sur ces questions, j’ai surtout une perception assez juste du potentiel naturel et agricole exceptionnelle de ce territoire, comme de sa richesse humaine. C’est pourquoi,  il m’a semblé important de partir du concret, de l’exemplarité territoriale locale où qu’elle se situe, y compris la plus petite pour ensuite aller vers le global … D’autant que nous avions des partenaires supports, tel le CAUE 77 ou les services du CG qui ont cette connaissance  fine de ce qui est expérimenté autour de l’éco construction sur le 77.

Après une ou deux réunions de type classique, nous avons décidé d’organiser un cycle de réunions explorant les différentes thématiques liées à l’éco construction en privilégiant la rencontre avec l’innovation locale, les acteurs qui l’initient, pour ensuite à partir de clés de lecture plus générales explorer les champs du possible, les pistes de travail éventuelles, les conditions de reproductibilité lorsque celle ci est même partiellement possible, comme  les éventuelles synergies à créer.
De 2011 à 2012, nous avons dans cet esprit organisé 5 réunions  thématiques sur 5 sites différents du département : rénovation durable,  matériaux bio-sourcés, réseaux de chaleur et bio masse,  maîtrise d’ouvrage publique et privée, focus sur le cluster Ville durable de Marne la Vallée. Chacun de ces réunions a rencontré un véritable écho et s’est révélé être un vrai succès. Les objectifs poursuivis étaient pluriels: constitution d’un réseau, échange de coordonnées, acculturation sur les différentes thématiques, approfondissement des connaissances. Certaines synergies apparues depuis sont la conséquence concrète de ces rendez vous. 

Dans le même temps, nous avons accompagné le développement d’une filière chanvre autour de « Planète Chanvre » mais aussi convaincu pas mal de décideurs et d’élus locaux à accompagner ce mouvement prometteur.. Quelle suite concrète donner à cette initiative intéressante au demeurant pour les participants, un vrai réseau s’est constitué autour de ces réunions, mais il fallait selon moi, aller plus loin.  J’ai alors proposé d’organiser un temps fort autour d’un événement constituant un véritable marqueur de la démarche initiée autour du Projet de Territoire. Ces premières assises, co organisées avec Seine et Marne Développement et la Direction de l’Eau et l’Environnement (support du conseil participatif) sont cet évènement.

Elles ont constitué une étape importante et rencontré un véritable écho auprés des acteurs de terrain et des professionnels concernés. Succès qui atteste de l’utilité du parcours initié jusque là, mais également de toutes les promesses que portent ce territoire, notamment en ce domaine. Nous avons privilégié le choix de la thématique de l’éco rénovation pour trois raisons principales :

  • L’efficacité environnementale : c’est en renforçant l’efficacité thermique du parc de logement le plus important du pays, le vieux bâti, que l’on diminuera de manière significative les émissions de CO2, 
  • La justice et l’équité sociale : l’augmentation continu des prix de l’énergie place de plus en plus de Seine et Marnais, vivant dans un habitat énergivore, en situation de précarité énergétique et donc en grande difficulté sociale
  • La dynamique économique :  la Seine et Marne dispose d’un réseau de professionnels et de filières locales de matériaux bio sourcés qui sont porteurs de richesses potentielles et créateurs d’emplois locaux non délocalisables …

Plutôt que faire un coup médiatique autour d’un invité prestigieux, nous avons privilégié une démarche plus difficile, et finalement ambitieuse, celle d’organiser autour de séances plénières, six ateliers thématiques permettant d’aller au fond des choses et faire de ces réunions de véritables valeurs ajoutées pour les personnes y assistant. C’était gonflé mais le pari a été tenu tant les tables rondes organisées en parallèle (3 le matin, 3 l’après midi) ont passionné leurs publics respectifs  : les couts et financement de l’éco rénovation, la certification et assurances des bâtiments éco rénovés, le marché des particuliers, les circuits courts et filières locales, le confort et les usages, la formation et l’insertion

 

Nous réfléchissons actuellement à maintenir la dynamique initiée, tant elle est porteuse d’espoir pour le développement des communes de nos territoires. C’est déjà concret sur Trilport avec la production de chanvre d’agriculteurs locaux, l’arrivée d’architectes en pointe en ce domaine venus s’implanter sur la commune, l’activité d’artisans ou des petites entreprises locales qui commencent à se positionner sur ces segments très porteurs que constituent les filières courtes et puis bien évidemment du fait de notre projet d’éco quartier.

L’enjeu actuel se situe désormais au niveau des relais dans le monde de l’insertion et surtout de la formation qu’elle soit initiale ou continue. Mais l’éco rénovation est également une formidable opportunité pour combattre concrètement et efficacement la précarité énergétique, tant ce département est touché par ce fléau !

C’est dire qu’il faut poursuive la dynamique, la création d’un club d’initiatives est actuellement à l’étude

A suivre, donc …

De la ville durable au territoire durable …

urbanisme.jpg 

La revue Urbanisme a consacré un numéro spécial à l’étalement urbain et m’a demandé d’y participer voici un extrait de la tribune publiée …

Revue urbanisme

Hors série sur l’étalement urbain

 

«  Un Maire n’est pas l’élu d’une ville mais d’un territoire, ensemble complexe composé d’entités urbaines, agricoles et naturelles qui doivent dialoguer ensemble en bonne intelligence … / …


La consommation croissante d’espace naturel en Ile de France, notamment en Seine et Marne atteint des limites qui doivent interpeller les acteurs qui font la ville, tant la menace de voir se dégrader ce patrimoine naturel fragile est réelle. Chacun connaît la contribution des espaces ouverts à l’équilibre de l’écosystème, à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles mais il est essentiel également d’anticiper et de tenir compte des évolutions liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique. La fonction de régulateur thermique joué par les trames vertes et bleues n’est pas à sous estimer et il faudra bien loger et nourrir une planète qui comptera  9 milliards d’habitants en 2050, ce qui impose de préserver une agriculture performante.

Face à cette réalité environnementale, il nous est apparu évident de prendre le contre pied du modèle culturel urbain dominant, celui de l’étalement urbain, basé sur le développement de la maison individuelle et de la ville  « longue distance », consommatrice (foncier, énergie, pierre, temps) et dévoreuse d’espaces … / …


Mais au delà du rationnel, du technique, il faut surtout parler d’humain, d’affect, de pathos, de désir. Trop peu d’acteurs se préoccupent de cette problématique, pourtant  centrale. Une feuille de route s’impose : rendre la ville désirable et travailler sur la qualité des espaces, du bâti, des services, prendre en compte les besoins des habitants … La question sociale est essentielle, car vivre en ville, c’est avant tout l’habiter.

Il est urgent de faire évoluer dans l’inconscient collectif les représentations liées à la ville, à l’épanouissement personnel, familial et collectif, en améliorant concrètement la qualité de vie dans la ville,  ses aménités, son intensité urbaine, et en plaçant l’humain et la nature au centre de la réflexion. La ville est un tissu vivant qui doit se régénérer, se reconstruire sur lui même et être en capacité de procurer de l’émotion et d’avoir une dimension évocative : qualité des espaces publics, des formes urbaines, intensité urbaine adaptée au territoire … Il est nécessaire de développer une ville plus intense, mais surtout, paradoxalement, plus humaine …« 


Texte intégral de la tribune…


 

 

trilport.jpg


Un Maire n’est pas l’élu d’une ville, mais d’un territoire,

ensemble complexe composé d’entités urbaines, agricoles et naturelles qui doivent dialoguer ensemble en bonne intelligence …

Ce constat a guidé le projet de ville mené sur Trilport, 5000 habitants, située en grande couronne francilienne. Dotée d’une gare SNCF, la commune doit répondre aux obligations de développement urbain et de mixité sociale de la loi SRU, comment préserver dans le même temps un patrimoine naturel et agricole remarquable représentant 80% de son territoire ?. 

Le diagnostic territorial (2000/2002) mené dans le cadre des politiques contractuelles  nouées avec le département et la Région a permis de déterminer 3 priorités : développer dans la ville l’éco construction, l’accessibilité, et préserver la ressource eau.
Un des atouts d’un diagnostic mené sans tabou a été son coté pluridisciplinaire et la qualité de la concertation initiée grâce à la participation de partenaires actifs  : institutionnels, CAUE 77, acteurs du terrain. Elle a notamment aboutit au 1er Contrat Régional d’Ile de France a suivre une démarche H.Q.E sur l’ensemble des équipements réalisés (Centre de loisirs, Ecole et Gymnase).

L’engagement de la ville dans le développement durable et la concertation initiée s’est confirmé avec le lancement d’un Agenda 21 mené en synergie avec la réflexion autour du Plan Local d’Urbanisme (2004 /2007). Clé de voute entre ces deux démarches l’élaboration d’un Projet d’Aménagement et de Développement Durable réellement stratégique. A l’aune de cette analyse croisée, l’intérêt de préserver l’intégrité de l’exceptionnel patrimoine naturel et agricole de Trilport s’est imposé, la problématique de l’étalement urbain apparaissant comme un enjeu majeur du développement du territoire. 

La consommation croissante d’espace naturel en Ile de France, notamment en Seine et Marne atteint des limites qui doivent interpeller les acteurs qui font la ville, tant la menace de voir se dégrader ce patrimoine naturel fragile est réelle.
Chacun connaît la contribution des espaces ouverts à l’équilibre de l’écosystème, à la préservation de la biodiversité et des ressources naturelles mais il est essentiel également d’anticiper et de tenir compte des évolutions liées au réchauffement climatique et à la croissance démographique. La fonction de régulateur thermique joué par les trames vertes et bleues n’est pas à sous estimer et il faudra bien loger et nourrir une planète qui comptera  9 milliards d’habitants en 2050, ce qui impose de préserver une agriculture performante.

Face à cette réalité environnementale, il nous est apparu évident de prendre le contre pied du modèle culturel urbain dominant, celui de l’étalement urbain, basé sur le développement de la maison individuelle et de la ville  « longue distance », consommatrice (foncier, énergie, pierre, temps) et dévoreuse d’espaces.

Dans ce cadre, nous nous sommes intéressés aux perspectives de la ville durable. Une demande de riverains lors de la concertation du PLU, nous a donné l’opportunité de lancer une réflexion urbaine (2006/2008) à partir d’un secteur de ville à l’abandon, composé de délaissés agricoles et industriels, situé à proximité directe de la gare SNCF, situation qui nous a amené naturellement à privilégier la piste d’un éco quartier (2008).

Deux axes de travail essentiels se sont imposés : élaborer un projet social moteur basé sur les besoins réels du territoire (actuels et en devenir), rétablir un vrai parcours résidentiel privilégiant la mixité qu’elle soit sociale ou multi générationnelle. Une évidence pour nous, fonder le projet sur  une expertise plurielle en tenant compte des contraintes et potentialités locales (filières de matériaux bio sourcés).
Dans cette optique nous avons initié un Comité de Pilotage d’une quarantaine d’acteurs liés aux mondes du social, de l’économie, de la culture numérique, des mobilités et de l’aménagement et de citoyens impliqués dans l’Agenda 21.

A partir des premières esquisses du projet social et d’un périmètre situé en «cœur de ville», la commune a postulé à l’appel à projet des «Nouveaux Quartiers Urbains» lancé par la région Ile de France.
Trilport plus petite ville postulante, est devenue un des premiers lauréats (2009) de l’appel à projets, ce qui a apporté les moyens matériels et logistiques nécessaires pour approfondir et enrichir le projet d’éco quartier (2010/2012) initial et le diagnostic territorial, en engageant les études indispensables à une opération d’une telle envergure. Repérée par le Ministère de l’Environnement, notre ville a été également lauréate de l’appel à projet national, j’ai alors rejoint le Club national des Eco quartiers auquel j’ai participé activement.

Désirant choisir l’aménageur le plus adapté à l’originalité de l’éco quartier de l’Ancre de lune (nom donné à l’éco quartier), nous avons élaboré avec des partenaires clés (CAUE 77, CETE Ile de France, Bureau d’études) un référentiel durable spécifique qui nous a permis après un appel à projet de plus de 10 mois, de sélectionner comme aménageur parmi 4 les 4 postulants, l’AFTRP, qui porte désormais les destinées de l’ancre de lune (2013). Nous avons également afin d’assurer la meilleure transition possible lors de ce passage de relais et de pérenniser les engagements environnementaux et de concertation opté pour une démarche AEU avec l’ADEME Ile de France.


« Il faut surtout parler d’humain »

Pour qu’une ville soit durable, il est indispensable de privilégier une approche globale, concrète et transversale évitant les écueils du «green washing» et du «green tech». Limiter la performance énergétique aux seules consommations des bâtiments au prix d’innovations technologiques complexes est illusoire et réducteur, tant une ville est un tout  et que le défi énergétique aborde tous les champs du possible dont ceux liés aux mobilités et aux fonctions de la ville comme à ses relations sociales, grand pourvoyeur en GES.

Mais au delà du rationnel, du technique, il faut surtout parler d’humain, d’affect, de pathos, de désir. Trop peu d’acteurs se préoccupent de cette problématique, pourtant  centrale. Une feuille de route s’impose : rendre la ville désirable et travailler sur la qualité des espaces, du bâti, des services, prendre en compte les besoins des habitants … La question sociale est essentielle, car vivre en ville, c’est avant tout l’habiter.

Il est urgent de faire évoluer dans l’inconscient collectif les représentations liées à la ville, à l’épanouissement personnel, familial et collectif, en améliorant concrètement la qualité de vie dans la ville,  ses aménités, son intensité urbaine, et en plaçant l’humain et la nature au centre de la réflexion. La ville est un tissu vivant qui doit se régénérer, se reconstruire sur lui même et être en capacité de procurer de l’émotion et d’avoir une dimension évocative : qualité des espaces publics, des formes urbaines, intensité urbaine adaptée au territoire … Il est nécessaire de développer une ville plus intense, mais surtout, paradoxalement, plus humaine.

 

« Ce qui rassemble les gens dans un lieu, c’est le récit que l’on partage, le récit du territoire, du passé vers l’avenir. Il faut créer du commun, et non du collectif »

Jean Viard



« Sur quels leviers jouer ? »

 

  •  le foncier : limiter drastiquement dans les documents d’urbanisme l’étalement urbain, décourager toute spéculation, altération et fragmentation des espaces naturels et agricoles. Définir avec les opérateurs fonciers  (SAFER, AEV, EPFIF …)  initier des stratégies urbaines territoriales adaptées tenant compte des contextes locaux et donner aux opérateurs les moyens juridiques de protéger le territoire de la spéculation foncière (donation de complaisance …).  
  • Valoriser l’espace naturel et agricole : La France possède une des plus grandes forêt d’Europe, pourtant il n’existe plus d’industrie du bois. Développer cette filière ainsi que des filières courtes de matériaux bio sourcés notamment agricoles (construction, chauffage, bio masse …).
  • Maitriser les différentes temporalités : Il faut du temps pour réfléchir, se concerter, étudier en amont, piloter de manière transversale et collaborative en tenant compte d’échelles de temporalités différentes en anticipant (foncier) les évolutions urbaines en cours .
  • S’appuyer sur un vrai diagnostic territorial  de terrain partant de la réalité et des contraintes du territoire mais aussi des tendance sociétales et des signaux faibles L’aménagement c’est surtout du fonctionnement de la maintenance. Il est important d’être  agile pour s’adapter aux évolutions
  • Elaborer un nouvel urbanisme :  Autour des différents outils (SCOT, PLU, PLD, PLH …), définir une stratégie territoriale à moyen et long terme, anticiper les mutations, ne pas figer une ville qui doit se faire, se défaire et se refaire de manière quasi continue et se régénérer pour ne pas mourir. Il est important de rendre possible la reconstruction de la ville sur la ville.

 

Trilport lauréat 2008 du concours national Art Urbain, lauréat 2009 des appels à projets régional et national, lauréat 2011 de l’appel à projet national et de l’ADEME Ile de France sur l’AEU.

 Pour en savoir plus  www.lancredelune.fr

 

 

Schiste l’après décision du Conseil Constitutionnel

schiste.jpgEn 2010, le gouvernement Fillon avait accordé à certaines compagnies pétrolière américaines, Jean Louis Borloo était alors en responsabilité de ces dossiers, des autorisations leur permettant d’explorer le sous sol du pays afin de rechercher les gisements éventuels de gaz ou d’huile de schistes.
Ces compagnies avaient alors commencé leur travaux d’implantation afin de débuter leurs forages, sans informer au préalable populations et élus locaux.

Devant les risques environnementaux avérés, les associations de défense de l’environnement et les élus locaux, notamment en Seine et Marne (cf note précédente) se sont mobilisés en nombre. Cette prise de conscience collective a amené le gouvernement à faire machine arrière, ce dont nous nous sommes réjouis à l’époque et Christian Jacob a déposé une proposition de loi (loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011) visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique, abrogeant les permis exclusifs de recherches recourant à cette seule technique.

La société texane Schuepbach, une des compagnies concernés, dont deux des permis miniers avaient été annulés courant octobre 2011, a contesté la constitutionnalité des articles 1 et 3 de cette loi auprès du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise, via une question prioritaire de constitutionnalité transmise ensuite au Conseil d’Etat puis au Conseil constitutionnel. Ce dernier a rendu vendredi dernier sa décision.

Dans son arrêt il a précisé que le législateur « a poursuivi un but d’intérêt général de protection de l’environnement », et que « la restriction apportée tant à la recherche qu’à l’exploitation des hydrocarbures ne revête pas, en l’état des connaissances et des techniques, un caractère disproportionné au regard de l’objectif poursuivi ».

C’est un signal fort envoyé aux détenteurs de permis abrogés, aux lobbies de l’industrie pétrolière, mais également un soutien important pour les riverains des zones d’exploration ou d’exploitation potentielles, dont de nombreuses Seine-et-Marnais (Doue, Jouarre). Cette décision constitue également une garantie de protection pour la sauvegarde des nappes phréatiques, capital dans notre région, et le maintien de l’intégrité des terres agricoles, enjeu de premier plan pour notre pays, tant la fracturation hydraulique présente des risques sérieux pour la sauvegarde de l’environnement.

Il faut souligner que, dans l’attente de la révision du Code Minier (entièrement à revoir, notamment sur le volet concertation),  le texte actuel de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 n’écarte ni l’exploration des gisements, ni l’utilisation d’autres technologies que la fracturation hydraulique. Ce qui m’a amené a proposé le vote d’une Motion, en Conseil Municipal.

Je vous prie de trouver ci joint, le texte voté à l’unanimité, ce Vendredi 18 octobre

 

 

 

Motion votée par le Conseil Municipal de Trilport 

(unanimité)

 

« Mobilisés depuis 2010 dans la lutte contre l’exploration et l’exploitation des huiles de schiste par fracturation hydraulique, les élus du Conseil Municipal de Trilport se félicitent que le Conseil constitutionnel ait répondu à la Question Prioritaire de Constitutionnalité déposée par la société Schuepbach en validant la constitutionnalité des articles 1 et 3 de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, dite loi Jacob

Avec le souci de préserver le patrimoine naturel, la qualité des nappes phréatiques, l’activité agricole et de permettre aux habitants des territoires directement impactés par ces projets, dont de nombreux Seine et Marnais, de vivre en toute quiétude et sans crainte pour des éléments vitaux comme la qualité de l’eau ou de l’air, les élus de Trilport réunis en Conseil Municipal demandent :

 

o l’abrogation des permis d’exploitation et d’exploration des gisement d’huiles ou de gaz de schiste accordés y compris à titre expérimental, reposant sur la technique de la fracturation hydraulique

o que la plus grande transparence soit établie en matière de concertation et d’information, tant au niveau des élus locaux, que des populations directement et indirectement concernées, afin qu’ils puissent se positionner en totale connaissance des risques environnementaux ou sanitaires éventuels

o l’interdiction totale de tels forages, y compris à titre expérimental tant que la technique utilisée présente un risque environnemental avéré pour la qualité des eaux, l’intégrité des terres agricoles et naturelles, et ne soit un facteur de dégradation de la vie économique locale existante ou de risques pour les patrimoines publics et privés.

 

Ils soulignent également

o les limites du texte de loi actuel qui n’interdit que le recours à la technique de la fracturation hydraulique pour exploiter de tels gisements, autorisant de fait l’utilisation de tout autres technologies encore non-évaluées.»

 

 

Energie: passer de la culture « pastèque » à celle « des groseilles »

pierre-radanne.jpgJ’ai participé à la conférence « Quelles énergies pour demain ? » organisée par le Cercle Condorcet à Trilport, avec Pierre Radanne pour invité. Cette association issue de la Ligue Française de l’Enseignement cherche à développer l’esprit critique et le débat citoyen, autant dire que ce débat a répondu à cette double exigence. Acteur incontournable des problématiques climatique et énergétique, Pierre Radanne en connaît tous les rouages, qu’ils soient institutionnels, économiques, scientifiques ou encore politiques : ancien Président de l’ADEME, consultant indépendant auprès de nombreux pays et de collectivités, expert international, créateur de l’association 4D, membre de Terra Nova, il est non seulement un homme influent et d’influence, mais également un défricheur et un agitateur d’idées qui fait avancer incontestablement les lignes. Particularité et non des moindres, il se situe tant dans le champ du concret que dans celui des possibles, considérant que lorsque le global ne s’incarne pas dans le local et la proximité avec le citoyen, il reste lettre morte.

L’époque est cruciale, notre génération est placée face à des choix qui engagent non seulement le présent mais hypothéquerons également l’avenir et le destin de nos enfants. Il nous faut surmonter nombre de défis qui peuvent devenir de véritables bombes à retardement : réchauffement climatique, crises énergétique, croissance démographique, fracture alimentaire et développement des pays émergents… Les réponses à apporter seront à la fois : globales, le réchauffement climatique ignore les frontières des nations, locales, car elles doivent être concrètes et rapides, mais également individuelles, la moitié des émissions de gaz à effet de serre provient directement des habitants.

La question du changement climatique ne pourra être résolue sans l’adhésion de chacun, encore faut il qu’il soit en capacité d’accepter ces contraintes et la crise économique et financière qui secoue actuellement nos pays constitue en fait une véritable mutation, nous sommes dans le structurel dur et non le conjoncturel et devons prendre les décisions qui s’imposent, d’autant que le volet énergétique est une composante de cette mutation, et que la part de l’énergie dans nos déficits actuels (budget, balance commerciale) est significative.

Pierre Radanne résume simplement l’enjeu énergétique pour le 21e siècle : «Comment passer de la culture du pastèque, à celle des groseilles …

C’est le sens de son intervention et de pas mal d’idées communes en matière que je vais tenter de restituer … 

 

pierre radanne.jpg

 

Pour la première fois depuis son apparition sur terre, l’homme arrive à un point de non retour, le « toujours plus » grignote désormais les limites physiques de la planète, aucune civilisation n’était jusque là arrivé à un tel stade. La croissance depuis la révolution industrielle est la quête des pays développés, elle a permis de multiplié des richesses dont la répartition qui a été à l’origine d’une confrontation entre responsables économiques et acteurs sociaux (lutte des classes) s’est transformé progressivement en compromis politique et social. Mais beaucoup oublient que ce développement s’est effectué au dépend de pays qui veulent désormais y accéder, volonté qui bouleverse les équilibres d’antan.

Mais depuis les années 80, une nouvelle donne émerge : le réchauffement climatique. D’abord hypothèse théorique, puis scénario plausible, peu à peu au rythme des études scientifiques il devient une certitude avéré, avec pour origine principale les effets anthropiques sur les écosystèmes des émissions de CO2 dues principalement aux énergies carbonés. Dans le même temps les écarts de richesse entre pays riches et pauvres s’accentuent, même si le développement des BRICI (Brésil, Russie, Inde, Chine et Indonésie) bousculent cet équilibre. La croissance continue et exponentielle de ces pays exerçant une pression très forte sur la ressource énergétique et les matières premières.

Le paysage énergétique présent depuis les années 1960, s’érode progressivement, pourtant l’omniprésence du pétrole est toujours aussi forte, mais à l’image du pommier, ce sont les fruits placés sur les branches les plus basses qui ont été cueillis, désormais il faut accéder aux plus hautes branches, moins accessibles, ce qui demande plus d’efforts et revient plus cher (offshore, schistes … ). Les équipements et infrastructures réalisés à cette époque approchent d’une fin prochaine et vont nécessiter dans la prochaine décennie des investissements considérables. Spécificité française, les centrales nucléaires datant principalement des années 70 nécessitent des interventions techniques importantes pour prolonger leur existence. Elles sont à l’origine de l’électricité comme choix énergétique majoritaire de nos concitoyens, une spécificité mondiale. Conséquence évidente, le prix de l’énergie qu’elle soit carbonée ou électrique va continuer d’augmenter sensiblement dans les prochaines années et mettre dans le rouge beaucoup de nos concitoyens. La précarité énergétique concerne de plus en plus de foyers (lorsque plus de 10% des revenus est consacré aux dépenses énergétiques) selon les derniers sondages, près de 11% des Français (3 millions de foyers) reconnaissent avoir eu récemment des difficultés à payer leur facture d’électricité. L’augmentation devient vite insupportable pour les ménages vivant dans des passoires thermiques que sont encore de trop nombreux logements, souvent le stress puis la précarité énergétique se transforme en précarité tout court. Rappelons que le tarif (hors TVA) de l’électricité a augmenté de 20% en cinq ans, moins que le gaz (+80% depuis 2005), mais devrait augmenter de 30% de plus d’ici 2016, selon la Commission de régulation de l’Energie (CRE).

Nous avons l’impératif de reconsidérer notre approche énergétique en explorant simultanément les pistes d’une sobriété renforcée, des énergies renouvelables et d’un nouveau mix énergétique. Relecture qui doit intégrer les réalités techniques, économiques mais aussi géo politiques. Il s’agit d’effectuer les bons choix stratégiques d’investissements, ceux qui se révèleront les meilleurs pour le réchauffement climatique, les plus pérennes,  puis mettre en place de nouvelles filières et réseaux de distribution et effectuer une véritable révolution copernicienne. Passer d’une « économie pastèque », monoproduit (électricité ou pétrole), sophistiquée (notamment avec le nucléaire), porté par un réseau distributif descendant et centralisée, pilotée par de grands opérateurs (EDF), à une « économie groseilles », composé d’une multitude de sources d’énergies, de petits acteurs, par définition délocalisés, reposant sur des réseaux intelligents transitant l’énergie dans les deux sens. Les investissements à réaliser dans les prochaines années sont capitaux, il s’agit non de créer de faux éco systèmes ou des bulles spéculatives sans fondement (photovoltaïque) mais de développer de nouvelles filières pérennes, ce qui nécessite du politique des choix éclairés puis surtout constance et stabilité ensuite.

Une évidence cependant, l’énergie la plus économique est bien celle que l’on ne consomme pas. Nous devons développer une société plus sobre, dans nos investissements (développement de l’efficacité énergétique, transport en commun, éco quartiers…)  mais agir de manière très volontariste dans la rénovation thermique du bâti, en direction des ménages vivant dans des logements mal isolés, qui le plus souvent ne peuvent supporter le cout d’une telle rénovation.  La frange francilienne et le péri urbain sont des secteurs ou le bâti est énergivore. Une telle politique est à la fois bonne pour l’emploi et l’économique mais également pour la réduction de nos déficits. Il faut l’ériger en politique publique prioritaire et déplacer le seuil de rentabilité de telles rénovations en prenant en compte la précarité énergétique des ménages qu’ils soient locataires ou propriétaires et agir vite, en ce domaine un euro de dépenses génèrent plusieurs euros d’économies et de baisse de la consommation. Nous pouvons également inverser le point de vue. : à combien s’élèvera l’addition énergétique si nous n’agissons pas ? Les sources de  financement à explorer peuvent être des incitations fiscales, financières (intervention du réseau bancaire) ou des intervention publiques directes. Mieux vaut combler directement les passoires thermiques que continuer à verser notre contribution au tonneau des danaïdes que constitue une part de notre dépenses énergétique !

Notre pays possède dans le domaine de l’efficacité énergétique un potentiel incroyable : matériaux bio sourcés, présence de forêts dans chaque grande région, qui lui donne la possibilité  de mettre en place des stratégies différenciées dans chaque territoire en tenant compte des différents éléments de contextualisation. Il lui faut organiser des réseaux transversaux alliant monde de la recherche et de la formation, entrepreneurs, acteurs publics et placer la question énergétique au premier rang des priorités du pays. Elle est créatrice d’emplois locaux, de richesses, et agit directement sur les déficits. Il faut privilégier les réponses locales, en privilégiant le développement de modes de vie plus sobres. Comme le souligne Pierre Radanne «Promouvoir la transition énergétique revient à défricher des solutions adaptées aux réalités des territoires ».

Le développement des Plans Climat Energie Territoriaux constitue en ce domaine une opportunité très prometteuse. Pierre Radanne conseille d’ailleurs certaines collectivités en ce domaine (Région, grandes villes …). Chaque territoire porte en lui les germes d’une solution authentique et légitime, le monde change c’est une évidence, l’approche urbaine comme nos modes de vie doivent changer également en intégrant les ferments d’un développement à la fois plus durable et solidaire. Le politique doit être à la hauteur d’enjeux qui engage le présent mais également le futur proche et lointain. La lutte contre les émissions de gaz à effets de serre, l’adaptation au réchauffement climatique et la protection de la bio diversité et des ressources planétaires doivent être la ligne de conduite commune.

Le prochain mixt énergétique (mais il émerge déjà peu à peu) sera composite, mêlant sources d’énergie dite intermittentes (solaire, éolien), à des plus régulières : hydraulique (production fil de l’eau, éolienne offshore), biomasse, cogénération, méthanisation et une part décroissante de nucléaire, en intégrant des solutions spécifiques au chaffage et à la production d’eau chaude sanitaire : pompes à chaleur, géothermie. Sans oublier les pistes que la recherche consolide peu à peu : hydrogène, pile à combustible, stockage de l’énergie produite et développement des Smart grids.

Cette nouvelle donne ne doit pas privilégier une approche descendante (« top down ») mais ascendante (« bottom up ») reposant sur une évolution comprise, assumée et intégrée de chacun dans ses comportements individuels. Ce qui exige des décideurs qu’ils soient politiques ou acteurs économiques sens de la pédagogie, mise en place des mesures d’accompagnement adaptées permettant et facilitant une transition énergétique, pour toutes les catégories de la population en tenant compte des difficultés financières (pour les habitants) ou budgétaires (pour les collectivités). Il faut faire preuve de solidarité, tant nous sommes tous liés.

Nous devons passer de la culture « pastèque » d’antan et d’aujourd’hui à la culture « groseilles », en précisant que chaque groseille revêt une saveur, une couleur ou une taille différente selon les contraintes des latitudes. Mais pour que la greffe réussisse, il faut cultiver l’adhésion et l’implication des populations, en matière d’énergie et de réchauffement climatique, seul l’usage fait sens.

Comme le souligne Pierre Radanne « il y a un infini dans un monde fini » en faisant référence au progrès scientifique et au développement de la relation à l’autre avec les nouvelles potentialités ouvertes par l’informatique.

 « Un enfant aura dans sa vie qui s’étirera sur tout ce siècle, avec son téléphone portable et internet, accès à plus de personnes, à plus de connaissances et à plus d’expressions culturelles que toutes les générations qui l’ont précédé ».

« Un nouvel horizon s’ouvre. La communication, la culture, l’accès aux autres constituent la nouvelle voie de développement, le nouveau champ d’expansion de l’aventure humaine ».

« Nous passons d’une société de consommation, prédatrice à l’encontre de la planète à une société relationnelle ».

C’est une vision humaniste et citoyenne du progrès qu’il privilégie dans son approche de la mutation énergétique, espérons que les faits lui donneront raison, encore faut il ne pas trop tarder pour s’engager dans cette voie …

Sus aux groseilles !