J’ai participé vendredi soir à une restitution publique du diagnostic relatif à la « Petite Enfance » que nous avons lancé en mai 2008 et qui représente dix huit mois de concertation. Le temps nécessaire pour rencontrer familles, professionnelles ou acteurs de terrain, tenter avec eux d’apprivoiser cette problématique pour le moins particulière, et d’ébaucher quelques pistes de travail et d’actions à mettre en place.
Quelques mots sur le contexte de cette étude. La France grâce à sa politique familiale, possède un taux de fécondité élevé lui permettant d’être un des rares pays européens à assurer le renouvellement de sa population, un point positif lorsque l’on songe à nos retraites mais également au dynamisme du pays.
La région Ile de France et plus particulièrement la Seine et Marne font partie des territoires « démographiquement » les plus dynamiques depuis plus de 10 ans. Pourtant paradoxalement, l’offre en mode d’accueil des moins de trois ans, essentielle pour concilier vie familiale et professionnelle, est sur notre département très insuffisante. Ici, tout ou presque, est à faire, car l’absence de mode de garde adapté constitue un frein sérieux au retour à l’emploi, notamment pour de nombreuses femmes seules (familles monoparentales).
Le contexte économique, les demandes des parents, les contraintes sociales liées à l’emploi nous ont amené, après avoir mis en place un service jeunesse structuré lors du mandat précédent, à agir sur la Petite Enfance.
D’autant que la commune évolue : ouverture de droits à construction du fait du nouveau PLU, lancement d’un programme de logements sociaux, vont entraîner une augmentation progressive de la population que l’arrivée de l’éco quartier va amplifier, avec pour corollaire l’émergence, tant quantitative que qualitative, de nouveaux besoins qui sont à l’origine du projet de Maison de la Petite Enfance qui est un des équipements publics prévus dans le cadre de cet éco quartier.
Nous avons lancé en concertation avec des partenaires institutionnels (Maison Départementale des Solidarités, Caisse d’Allocations Familiales et Mutuelle Sociale Agricole), des professionnelles et des familles un diagnostic territorial exhaustif sur cette thématique, afin de mieux définir les besoins en mode de garde, mais également les contraintes liées à l’offre de services et rechercher les solutions les plus adaptées et la démarche à initier.
Quelques chiffres clés sur cette concertation : 2000 questionnaires distribués, 27 interviews (familles, professionnels, acteurs du terrain …), 3 rencontres départementales de la Petite Enfance, 20 réunions de concertation et de travail, 4 visites de structures : Lizy sur Ourcq, Meaux, Crécy la Chapelle, Pontault-Combault, 2 restitutions publiques …
Je veux souligner la pertinence de la méthode proposée par la MSA pour la conduite de ce diagnostic : une enquête quantitative, basée sur un questionnaire largement diffusé dans la ville, suivie d’un volet qualitatif reposant sur des interviews (professionnels, familles ou acteurs du terrain). Deuxième phase riche d’enseignements qui nous a permis de percevoir et d’analyser certaines tendances en cours et d’explorer de nouvelles perspectives, quelquefois innovantes.
La confrontation des points de vue, l’analyse des situations et des témoignages a permis de mesurer les paradoxes d’une société en pleine mutation, et les conséquences du bouleversement des équilibres entre vie professionnelle et vie privé qui se sont accélérés ces dernières années : temps partiel, amplitudes horaires, travail du week end, éclatement des couples mais également précarité …
Apporter des réponses appropriées dans un contexte de plus en plus mouvant devient délicat, surtout avec l’environnement budgétaire contraint qui caractérise la période actuelle. Avec ce diagnostic, nous sommes munis désormais d’un vrai document stratégique, qui va guider notre action des prochaines semaines.
En effet …
Une étude du CREDOC menée en 2005 auprès de 3000 parents bénéficiant de la prestation d‘accueil du jeune enfant indique qu’un tiers d’entre eux s’est vu dans l’obligation d’arrêter son travail, n’ayant pas trouvé de mode de garde adapté : arbitrage financier, absence d’offre, horaires de travail non compatibles, mobilité … Si le choix de l’offre de garde est le fruit d’un arbitrage entre plusieurs facteurs (ressources du ménage, coût du mode de garde disponible sur le territoire, organisation familiale et professionnelle et bien-être de l’enfant) encore faut-il pouvoir choisir son mode de garde !
Pour les élus, trois défis sont à relever :
- Répondre aux besoins multiples des habitants en matière de Petite Enfance, ce qui nécessite : réactivité, innovation, anticipation …
- Tenir compte de la situation budgétaire actuelle (désengagement croissant de l’Etat, contexte budgétaire contraint des collectivités). Car il est bon de rappeler que la charge des familles varie selon le mode de garde, les revenus des parents, mais également et surtout selon les subventions des collectivités territoriales. Ces dernières ont plus que jamais l’impératif d’une gestion stricte et rigoureuse tenant compte du cout de chaque structure et du financement de la collectivité (investissement et fonctionnement), tant sur le court terme que le moyen terme.
- Intégrer le besoin de souplesse. L’offre de garde et d’accueil pour la petite enfance se diversifie considérablement et évolue afin de s’adapter aux nouveaux besoins des habitants : temps partiel, intérim, mobilité, amplitude élargie, familles mono parentales ou éclatées …
Ce nouveau contexte induit une profonde évolution des pratiques, dont il faut tenir compte dans la définition d’une nouvelle offre.
Il est à l’origine de l’émergence de structures de type« multi accueil » qui permettent de trouver sur un même lieu des services différents et complémentaires.
Une formule plus complexe à mettre en place (quels types de services pour quels publics ?), nécessitant une réflexion « amont » plus approfondie (afin d’effectuer les bons choix, d’envisager les synergies possibles …), mais qui présente de multiples avantages. Elle est évolutive, réactive, favorise la mutualisation de diverses ressources et permet aux familles de trouver sur un même lieu des services différents et complémentaires.
Autre avantage vu l’ambition environnementale qui caractérise l’éco quartier qui accueillera la future structure, elle permet également de limiter la consommation d’espace, tant au niveau du bâti que des places de stationnement.
Une orientation qui correspond tout à fait au projet de « Maison de la Petite Enfance », esquissé par la Municipalité dans son programme. Cet équipement apportera des réponses crédibles, complémentaires et concrètes aux habitants du territoire avec sa localisation, à proximité quasi immédiate de la gare SNCF et d’une zone d’activités dynamique, stratégique pour les Trilportais comme pour les habitants des communes voisines et les usagers du futur pôle multimodal.
Ce projet en outre est totalement compatible avec la réflexion intercommunale qu’a lancé depuis peu sur la CAPM sur cette thématique.
Quelle stratégie deployer ?
Ce diagnostic nous permet de disposer aujourd’hui d’un vrai document stratégique, qui va nous permettre d’agir dés les prochaines semaines, vers quatre directions complémentaires :
Créer un Relais d’Assistante Maternelle (ou RAM)
Le réseau d’Assistantes Maternelles habitant et travaillant sur Trilport présente 3 caractéristiques : son importance (prés de 50 professionnelles), la répartition sur l’ensemble de la ville de ses professionnelles et le fait qu’elles accueillent de nombreux enfants résidant sur des communes voisines. Il légitime donc une création de RAM.
Cette création constituera de fait la première pierre à la future « Maison de la Petite Enfance » dans l’attente de la création de cet équipement mais également des nouveaux services complémentaires à mettre en place.
Quelques éléments issus de ce diagnostic, qui je le pense ne se limite pas à ma seule commune : Dans la majorité des familles sondées, les 2 parents travaillent, certaines demandes ne sont pas satisfaites notamment les horaires dit atypiques (amplitude, week end…).
Sur ce point, paradoxalement, les parents qui travaillent sur la région (Marne la Vallée, Roissy) ont des demandes plus atypiques du fait de leurs horaires de travail, quelquefois extrêmes, notamment au niveau de Roissy, contrairement à ceux qui travaillent sur Paris, ou la région parisienne qui sont toujours sur des horaires « pendulaires ».
Les assistantes maternelles agrées (ou ASMAT) n’ont quasiment plus d’enfants en garde à temps complet, 80% d’entre elles disposant de temps partiels, le 4/5éme devenant de plus en plus la norme.
Contribuer à la réalisation d’un Schéma Intercommunal de la Petite Enfance
Il est essentiel de participer à l’élaboration du projet intercommunal portant sur les différents modes de garde, dont ce diagnostic montre la complexité.
L’étude effectuée sur Trilport a démontré que l’intercommunalité est déjà inscrite dans les faits et dans les usages (le tiers des enfants gardés par le panel des ASMAT « trilportaises » habite dans d’autres communes).
Le corollaire pour coller à la réalité actuelle mais également et surtout à ses évolutions futures, est la nécessité pour cette étude d’intégrer un réel volet qualitatif qui permette de mieux « sentir » les évolutions en cours, notamment au niveau de l’amplitude d’ouverture, de la fréquence et de la nature des demandes et de l’optimisation des moyens à mettre en place en corrigeant notamment les asymétries actuelles entre offre et demande.
Autre point crucial, la nature et la localisation des différentes structures et le montage financier à privilégier …
Elaborer le cahier des charges de la Maison de la Petite Enfance,
Dans la démarche HQE suivie par commune depuis 2006 et qui a déjà donné des résultats probants tant architecturaux que fonctionnels (Centre de Loisirs « Le Petit Prince », bâtiment périscolaire de la Charmoye, Gymnase de la Noyerie) la concertation amont avec les utilisateurs est une phase clé qui s’est révèlée déterminante sur la qualité du rendu.
Il est essentiel d’établir un cahier des charges qui tiennent tout à la fois compte des usages et des utilisateurs, tout en intégrant la nécessité d’anticiper l’évolutivité de l’équipement (en cas d’une montée en charge potentielle), ou de nouveaux besoins éventuels soulignés par le diagnostic intercommunal.
L’objectif des élus pour des raisons évidentes de mutualisation des ressources et de polyvalence des équipements est de réaliser une structure polyvalente, telle l’actuel Centre de loisirs « Le Petit Prince » et à salle Saint Exupéry, qui à l’usage se révèle une expérience positive, permettant à la collectivité de se doter en une fois de plusieurs équipements, et de réaliser ainsi de sérieuses économies.
Vu l’avancement de l’éco quartier, il est important pour les élus d’avoir en main les caractéristiques techniques de la structure (superficie, cout prévisionnel, contraintes d’usage ..) dés avril 2011 afin de les intégrer dans l’appel d’offres de l’aménageur de l’éco quartier qui doit être choisi avant l’été 2011.
Définir les services complémentaires à mettre en place
La création prochaine d’un RAM ne clôture pas ce diagnostic, mais en constitue juste la première phase, certes importante et déterminante puisqu’elle préfigure la future « Maison de la Petite Enfance », mais qui sera suivie d’autres étapes, correspondant à la mise en place progressive de nouveaux services.
Il est urgent de poursuivre le partenariat avec la MSA et les partenaires institutionnels afin de prolonger l’étude des modes de garde complémentaires, de cerner ceux qui apparaissent comme les plus adaptés au projet, en tenant compte bien évidemment la réflexion intercommunale, comme du volet financier du dossier (investissement et fonctionnement), le corollaire étant bien évidemment que ces services doivent être compatible avec le RAM afin de favoriser une mutualisation des locaux.
Modes de garde à analyser dans les prochaines semaines
- La crèche collective
- La micro-crèche .
- Les haltes-garderies :
- Les regroupements d’assistantes maternelles
Le lancement de cette prochaine phase est planifié pour février 2011 : rencontres, visites, interviews, questionnaires si nécessaire …
Notons pour conclure, du moins provisoirement, que la prise en compte progressive par l’intercommunalité de la problématique de la Petite Enfance progresse, cette dernière pourrait devenir prochainement une compétence communautaire.
Une évolution qui semble cohérente, la structure intercommunale semblant, sous réserve du respect des logiques territoriales de proximité auprès des familles, être un échelon pertinent, à l’image de ce qui se fait dans les intercommunalités voisines plus anciennes.
Encore faut il que cette réflexion soit la plus complète possible et ne fasse pas l’impasse sur une approche qualitative, rendue d’autant plus nécessaire, qu’elle s’adresse à des communes ayant des situations, des localisations, des contraintes et des liens très différents …