Le budget municipal aura cette année une particularité dont nous nous serions bien passé, des recettes inférieures à celles de l’année précédente !
Deux causes principales à cette situation inédite : la diminution substancielle des dotations de l’état et la poursuite de l’effondrement des droits de mutations (voir plus loin).
Ces droits de mutations constitue des recettes importantes, il est bon de rappeler qu’ils ont rapporté à la commune 240 000 euros en 2008, 140 000 en 2009 et 98 000 en 201O … La crise immobilière est passée par là, mais heureusement on en voit le bout …
Dans le même temps, les prix repartent à la hausse, dernière augmentation annoncée celle du gaz. A ce sujet, il est utile de préciser que le taux d’inflation réellement supportée par les communes est supérieur à celui avancé par l’INSEE. Le «panier du maire» (voir plus loin) s’élevera à prés de 3%, cet indice (créé par l’Association des Maires de France) intégre entre autres critères, les augmentations de charges de personnel, part importante s’il en est des budgets municipaux.
Nous sommes victimes, comme beaucoup de collectivités, d’un « effet de ciseau », qui se caractérise par le croisement de deux tendances contradictoires et simultanées : diminution des recettes et augmentation des dépenses. Si la situation est maitrisée, elle nous impose d’agir sur la structure même du budget, afin d’éviter de nous retrouver dans le rouge d’ici deux à trois ans, dans le cas où cette tendance persisterait.
La suppression de la taxe professionnelle, qui n’est ni plus ni moins qu’un transfert des charges des entreprises aux ménages, risque fort de se transformer en véritable bombe à retardement d’ici 2011, nous aurons l’occasion d’y revenir, cependant peu de nos concitoyens savent que dans le même temps, beaucoup plus insidieusement, les collectivités ont subi une diminution continue des dotations de l’Etat. Ces collectivités sont pourtant un acteur économique majeur,réalisant ¾ de l’investissement public et faisant travailler un nombre considérable de PME et de TPE. La situation actuelle ne sera pas sans conséquence dans le domaine de l’emploi.
Illustration concrète de cette diminution des recettes, ma commune, qui touche pourtant une Dotation Globale de Fonctionnement bien inférieure à la moyenne de la strate, il faudra qu’un jour l’Etat s’explique sur ces inégalités incompréhensibles : sur les bases 2009, nos dotations auraient du être supérieures à 772 000 euros (DGF, DSR et DNP), nous ne toucherons pourtant que 735 000 euros cette année, cherchez l’erreur et nous n’avons appris cette information,qu’il y a tout juste une dizaine de jours, soit fin mars, cela n’est pas admissible !!!
Une autre mesure discutable concerne le Fonds de Compensation de la TVA (ou FCTVA). Il faut savoir que les communes récupèrent la TVA payée sur leurs dépenses d’investissement deux ans après. Or depuis 2009, le gouvernement intégre le FCTVA à l’enveloppe « normée » de ses dotations, le considérant comme tel, ce qui constitue de fait une spoliation caractérisée, avec pour conséquence directe la diminution du montant global des dotations. Je n’ose imaginer le tollé qu’aurait susciter une telle mesure prise à l’encontre des entreprises !
Entre le bouclier fiscal destiné à quelques « happy few » et le bouclier social et territorial concernant l’ensemble des citoyens, le gouvernement a choisit et sans nuance. Sur le même registre, signalons juste pour l’anecdote, qu’il ne compense plus le montant des dégrèvements accordés en matière d’impôts locaux (impact : une diminution du produit fiscal attendu supérieure à 12 0O0 € cette année !). Dans ce contexte la suppression de la taxe carbone constitue finalement une bonne nouvelle, les collectivités n’auraient sans doute pas bénéficié d’aménagements contrairement aux entreprises les plus pollueuses …
Si chacun doit avoir conscience de la situation économique et budgétaire problématique dans lequel est plongé notre pays, soulignons, contrairement aux affirmations du Ministre du budget et trésorier de l’UMP, Eric Woerth, que la part de déficit due aux collectivités est marginale.
Ce dernier s’élève fin 2009, à 144,8 milliards d’euros, ce qui représente 7,5% du PIB. Ce déficit se décompose comme suit : administrations centrales (Etat et organismes divers) 80% du PIB avec 114,2 milliards d’euros, organismes de Sécurité Sociale 17% du PIB avec 25 milliards d’euros, collectivités territoriales 0,3% du PIB (5,6 milliards d’euros).
Les collectivités sont dans une situation nettement plus saine que l’Etat : endettement modéré, elles ont eu la capacité de réduire le montant de leur dette financière sept années de suite à partir de 1996 tout en conservant un niveau élevé d’investissement, leur dette vise à financer exclusivement des biens durables (non des dépenses de fonctionnement) et améliore les services rendus à la population, enfin l’évolution moyenne des dépenses publiques communales est plus faible que celle du PIB (+1,9% pour le fonctionnement et +1,7% pour l’investissement).
Voilà pour le topo, mais comment réagir face à ce phénomène d’« effet de ciseau » qui nous touche en 2010 ?
Précision utile, afin d’éviter tout malentendu et de garder une lecture globale de la situation. L’exécution du budget municipal 2009 m’autorise à préciser que notre situation budgétaire est saine, il n’y a pas eu dérapage. L’excédent de fonctionnement de l’exercice a permis, comme à l’accoutumée, de dégager un excédent supérieur au remboursement de l’annuité de la dette. Les ratios mis en ligne par le ministère des Finances indiquent de plus que les charges de fonctionnement représentent 690 €/habitant pour une moyenne de 810 € pour la même strate, elles sont donc maitrisées.
Cependant cette année, nous sommes malgré tout, confrontés à une situation inédite qui exige de nous une réaction appropriée, et face à deux scénarios éventuels pour les prochaines années :
- Soit la situation actuelle est exceptionnelle et conjoncturelle, du fait de la crise (droits de mutations, dotations …), et dés l’année prochaine les perspectives évoluent positivement, notamment et surtout, au niveau des recettes,
- Soit nous sommes face à une tendance de fond, ce qui serait beaucoup plus problématique et nous placera devant des choix douloureux.
Dans l’attente, nous devons à la fois agir et faire preuve de pédagogie afin de préparer nos concitoyens déjà durement touchés par la crise à la suppression ou à la diminution éventuelle de certains services, afin d’éviter toute envolée des taux d’imposition. Mais chacun doit comprendre qu’au regard de la situation, il faut arrêter d’exiger des communes l’impossible. C’est pourtant ce qu’ont tendance encore à faire l’Etat et trop de nos concitoyens. N’oublions pas que tout à un prix …
Concernant les recettes, trois pistes de réflexion prospective sur le moyen terme s’imposent :
– Au regard de la qualité de la gestion gouvernementale et de ses priorités, le maintien dogmatique du bouclier fiscal malgré le résultat des régionales en atteste, la baisse des dotations pourrait malheureusement se poursuivre, du moins jusqu’en 2012 (du fait des … élections présidentielles),
– Conséquence directe de la reprise de l’activité immobilière enregistrée ces derniers mois, les droits de mutation devraient à contrario remonter dés l’an prochain, du moins à leur niveau 2009,
– Les ressources fiscales augmenteront selon les communes, par simple application de l’ « effet base » du à l’arrivée de nouveaux habitants : du fait de la mise en place du nouveau Plan Local d’Urbanisme, ou des programmes de construction prévue. Ce qui pour ma commune devrait démarrer dés 2011, avec une conséquence indirecte,notre changement de strate de référence, nous passerions à la catégorie des communes de plus de 5000 habitants.
Beaucoup de paramètres échappent à la volonté des élus
Devant cette situation, il est important de signaler que nombre de paramètres ne dépendent pas des élus. D’autres acteurs, dont un central l’Etat, influe directement sur cette situation. En voici quelques exemples …
Transferts de charge « insidieux » : non liés directement à des compétences transférées officiellement mais transférés dans les faits aux collectivités, au coup par coup : passeports biométriques, sécurité, police du sol, logement, santé … Certaines se traduisent par des missions régaliennes que n’assument plus l’état de droit, nouvelles pour les collectivités, impliquant quelquefois des recrutements et pesant directement sur les budgets locaux
« Subventions » aux collectivités locales, par des aides financières non intégrés aux dotations globales, et donc incertaines … L’objectif est de mener des politiques publiques que l’Etat n’est plus en capacité d’exercer pleinement : jeunesse, petite enfance … L’exemple de la CAF est probant, elle a incité beaucoup de collectivités par des subventions de fonctionnement, à mettre en place des structures enfance ou petite enfance et d’un coup diminue ou supprime ces subventions …
Impact des normes administratives ou techniques, qui se révèlent très couteuses, quelquefois même au dessus des moyens actuels des collectivités. Les mesures du Grenelle de l’environnement représentent selon l’Association des Petites Villes de France, plus de 30 milliards dans les années à venir, l’adaptation des bâtiments publics pour les personnes handicapées nécessite un investissement de 15 milliards d’euros sur 7 ans … Le pire est que les communes n’ont pas les moyens financiers de se mettre en conformité !
Evolution salariale. Les conséquences des évolutions statutaires et salariales relatives à la fonction publique territoriale décidé par l’Etat, sans concertation avec les collectivités. Ce poste est pourtant le principal facteur d’évolution de la dépense locale, notamment avec l’application du fameux « GVT » (voir plus loin).
L’inflation. Les évolutions du coût de l’énergie, du bâtiment et de l’emprunt, paramètres ont un impact considérable sur la dépense locale.
Comment sortir par le haut de cette crise de confiance entre Etat et collectivités ?
Quelques actions permettrait de bâtir de réelles perspectives et de rétablir un climat de confiance, en lieu et place du climat de défiance existant actuellement entre l’Etat et les collectivités :
Clarifier les relations financières avec l’Etat en mettant les problèmes et les ressentis sur la table. Le redressement des finances publiques concerne tout les acteurs publics et privés de notre pays, et sera un travail de longue haleine. Cet effort doit être mené collectivement, en concertation et dans un climat de confiance, en fonction de diagnostics partagés, et avec esprit de responsabilité.
Obtenir une réelle visibilité financière. L’idée du contrat d’objectifs d’une durée d’au moins trois ans permettrait d’éviter la situation actuelle, où l’on apprend fin mars, une diminution sensible de la participation financière de l’Etat ! Dans quel monde vivons nous ? L’évolution annuelle des dotations de l’Etat aux collectivités territoriales doit faire l’objet d’une concertation avec les élus, en amont de la discussion du projet de loi de finances et tenir compte, notamment, de l’utilité d’un indicateur comme le « panier du maire » qui a le mérite de mesurer l’inflation réellement supportée par les communes compte tenu de la structure de leurs dépenses,
Arrêter d’imposer des normes trop souvent impossibles à mettre en place, dans les délais impartis et les ressources financières des collectivités. Il serait par exemple indispensable de chiffrer en amont le coût de chacune des mesures envisagées,
Approfondir et améliorer l’évaluation des politiques publiques locales, en disposant d’indicateurs clairs permettant de mettre à plat les disparités et inégalités entre les différentes collectivités. Selon quels critères sont quantifier et décider décider les dotations d’Etat ? Quelquefois les communes déjà les plus riches ont plus de dotations que d’autres, voisines disposant de moins de ressources. Il serait également utile de disposer de référentiels des coûts des principaux services publics locaux …
Quelques définitions, histoire d’y voir plus clair …
Les droits de mutation : appelés également droits d’enregistrement. Ils sont exigés par l’Administration fiscale lors de la transmission du bien d’un patrimoine. Ils s’appliquent à presque toutes les transactions immobilières (certaines ventes restant soumises à la TVA et non aux droits d’enregistrement). Le montant de ces droits est divisé en plusieurs parties : une pour l’Etat, une pour le Département et une pour la Commune du lieu de situation du bien.
Panier du maire : l’Association des maires de France (AMF) et la banque DEXIA, calcule, chaque année, un indice d’augmentation des prix afin d’évaluer l’inflation réelle des collectivités selon la nature de leurs dépenses. Depuis sa création, cet indice a toujours évolué à un rythme plus soutenu que l’inflation, l’écart se creusant ou se resserrant au gré de l’évolution de certaines composantes davantage représentées dans le panier du maire que dans celui de la ménagère. À la fin du premier semestre 2009, l’écart entre l’augmentation de l’indice de prix des dépenses communales et l’inflation hors tabac s’élève à 1,3 point, comme à la fin du premier semestre 2008. La commission des finances de l’AMF, demande régulièrement à l’état «de changer la référence», afin de faire progresser les concours financiers de l’Etat selon cet indicateur et prendre ainsi «en compte l’inflation réellement supportée par les collectivités locales en général et les communes en particulier».
Le glissement vieillesse technicité (GVT) : La masse des rémunérations des personnels évolue non seulement en fonction des mesures catégorielles ou générales d’augmentation du pouvoir d’achat mais également en fonction des mesures d’ancienneté et de promotion appliquées individuellement à chacun des salariés concernés.Ce phénomène est connu sous le nom de glissement-vieillesse-technicité (GVT), il se compose : d’un effet de carrière (ou GVT positif), qui retrace l’incidence positive sur la masse salariale des avancements et promotions dont bénéficient régulièrement les fonctionnaires ; d’un effet de noria (ou GVT négatif) qui traduit l’incidence généralement négative sur la masse salariale du jeu des entrées-sorties.