11 novembre : Rien n’est jamais acquis

 

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Photo Damien Douche

 

Il peut apparaître aux jeunes générations, quelque peu désuet, superflu, inutile, suranné, ringard même, de célébrer tous les 11 novembre, la fin d’une guerre du siècle passé, tant la paix semble aujourd’hui, installée et durable. Chacun la croit immuable, assurée, définitive, perpétuelle la paix …

Pourtant nous vivons dans une société d’hommes, et depuis la nuit des temps, depuis que l’homme est homme … Rien ne lui ai jamais acquis…

« ni sa force, ni sa faiblesse, ni son cœur,
et quand il croit ouvrir ses bras, son ombre est celle d’une croix,
et quand il croit serrer son bonheur, il le broie »
(Aragon).

Il est important que les nouvelles générations comprennent que l’homme est faillible, que rien n’est immuable, que tout est destructible, y compris et surtout le bonheur, que celui ci peut juste dans une vie constituer un moment de grâce éphémère et fugace, que si l’histoire ne se répète jamais, elle bégaie pourtant souvent …

C’est pourquoi il est important de mobiliser autour des commémorations comme celles du 11 novembre, afin qu’elles (re)deviennent des moments privilégiés de citoyenneté et de recueillement …

Merci à tous ceux qui y contribuent, aux musiciens qui apportent l’émotion juste, aux anciens combattants, passeurs et transmetteurs de valeurs dont le rôle devient  combien utile et nécessaire aujourd’hui, aux enseignants qui en participant à ces cérémonies avec leurs élèves font oeuvre utile et contribue à forger la citoyenneté de leurs élèves et leur conscience républicaine.

 

Rien n’est jamais acquis, même pas la paix, car la paix n’est pas le cadeau éternel tombé du ciel décrit par certains …

Non …

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Retrouver le fil de l’humanité

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Si la crise des migrants est emblématique, elle est révèlatrice des fractures profondes que traversent notre société.
Cette situation doit nous interpeller pour nous amener, au delà des belles déclarations de principe, à mettre en oeuvre des actions concrètes et adaptées, et travailler à élaborer des réponses plus globales.

Cette crise touche à des valeurs humanistes et républicaines essentielles, avec lesquelles il n’est pas possible de transiger, tant elles sont identitaires. Rappelons que la France, dans son ADN même, est une terre d’accueil dont le droit d’asile constitue un des fondements principaux. Notre pays s’est aussi construit depuis des siècles autour des vagues migratoires successives qui ont traversé son histoire.
Elle confronte également les élus locaux à la vision qu’ils ont et de leur action et de leur responsabilité. Médiateurs du quotidien et de la proximité, ils contribuent, en première ligne, à tisser les liens qui font société, qui favorisent cohésion sociale et « vivre ensemble »; encore faut il qu’ils soient considérés par l’Etat comme de véritables partenaires et associés à ce titre le plus en amont possible à un dialogue respectueux et constructif sur les meilleures conditions de mise en place d’une politique d’accueil locale.

S’il faut soutenir sans réserve le plan national d’accueil des refugiés et migrants initié par le gouvernement et la décision courageuse de démanteler la jungle de Calais comme tous les ghettos indignes qui subsistent encore sur notre territoire, un constat s’impose : assurer un traitement juste des conditions d’accueil et des demandes d’asile, nécessite de replacer l’humanité au cœur de notre démarche. Nous en sommes trés éloignés aujourd’hui, confrontés à l’urgence, souvent même à l’improvisation, ce contexte pré conditionne une approche technocratique et quantitative de problématiques complexes qui touchent à l’intime et au collectif.
Un accueil digne de populations fragilisées, nécessite pourtant sérénité, anticipation, prise en compte des priorités humaines et des réalités locales.

Nous ne pouvons plus désormais considérer les épisodes migratoires comme de simples accidents géo politiques ou des aléas de l’histoire, mais bien comme un processus continu qui ne s’arrêtera pas de si tôt, au regard de la multiplication des conflits régionaux et des conséquences dramatiques du changement climatique …

Autant de perspectives qui imposent de définir une stratégie autour de nos politiques d’accueil, un cadre d’action, la mise en place de véritables éco-systèmes, tant nous sommes confrontés avant tout à une problématique éminemment humaine, avec un objectif clair, aboutir à une inclusion sociale et territoriale épanouie.

Si rien ne change, c’est notre cohésion sociale même qui risque d’être déstabilisée par la moindre poussée migratoire, y compris modeste, tant ce phénomène, somme toute naturel, les migrations font partie de l’histoire de l’humanité, est exploitée sans vergogne, ni scrupule par la droite la plus extrême, utilisant la période d’incertitude collective que nous traversons comme un véritable terreau afin de susciter ou attiser les peurs et les fantasmes les plus éculés, en clivant, divisant, excluant au lieu de fédérer et d’unir.

C’est bien notre cohésion sociale qui aujourd’hui est en jeu …

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L’économie circulaire commence dans l’assiette

 

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Le self inauguré à Trilport concrétise l’aboutissement d’un processus entamé il y a plus d’un an et marque une nouvelle étape dans notre approche de la restauration scolaire basée sur une vision globale des problématiques liées à l’alimentation et l’agriculture.

Nous avons, après un audit mené sans concession sur les pratiques en cours, élaboré un cahier des charges ambitieux, allant bien au delà de nos ambitions initiales. La société Elior, retenue, a su être à la hauteur des exigences fixées. Ce marché qui représente 55 000 repas annuel représente pour cette société une première incursion dans des territoires d’où ils étaient jusque là absents et qui ont grand besoin d’innovation en ce domaine.

Cette inauguration illustre notre engagement contre ce véritable fléau qu’est la malbouffe. Un fléau qui se traduit dans les assiettes (manque de saveur, de créativité et de diversité des menus, cuisine collective vite expédiée…), mais aussi plus en amont : aliments sans origine définie, produit on ne sait comment, sans prise en compte des émissions de gaz à effets de serre, de priorités sanitaires pourtant cruciales, ou encore de la sauvegarde de nos ressources naturelles.

Les conséquences pour les consommateurs que nous sommes en sont multiples : obésité, maladies, repas de plus en plus insipides, augmentation des déchets alimentaires…
Selon les conclusions d’un récent rapport du groupement d’experts britanniques « Global Panel on Agriculture and Food Systems for Nutrition », la malbouffe constitue désormais le risque numéro 1 pour notre santé. 
En France, le coût social en 2012 de la surcharge pondérale s’est élevé à 20 milliards d’euros, ce qui est comparable à celui de l’alcool (15 milliards d’euros), du tabac (26,6 milliards d’euros) et s’illustre par le développement de graves pathologies: hypertension artérielle, diabète, excès de cholestérol ou maladies cardio-vasculaires.

L’alimentation est un marché qui reste soumis à la loi d’airain de lobbies puissants et tres actifs, à Paris comme à Bruxelles, et qui agissent pour que surtout rien ne bouge, ne serait ce même qu’au niveau de l’étiquetage nutritionnel, c’est dire !

Le succès des émissions culinaires télévisées, la demande croissante en produits bio ou en provenance directe de la ferme, le développement de filières courtes ou la multiplication des AMAP illustre cependant une tendance sociétale de fond qui va à l’encontre de ces intérêts mercantiles. 
Peu à peu une nouvelle économie émerge, enfin circulaire, créatrice d’emplois de proximité, j’ai le sentiment que c’est une véritable vague de fond qui peu à peu dans les pays développées s’imposera contribuant ainsi au mieux vivre et à un meilleur respect de la planète.

A l’école il est essentiel de « mieux manger pour mieux grandir » mais aussi de « retrouver le plaisir de déguster … ». Le plaisir est un enjeu éminent, notamment en milieu scolaire et ne se limite pas au seul repas : plaisir d’apprendre, d’enseigner, de découvrir … Le plaisir est un formidable moteur pour avancer

Après les divers scandales alimentaires qui ont émaillé ces dernières années, illustrations concrètes d’une vision court termiste, productiviste, mercantile et irresponsable de l’alimentation, il nous faut désormais promouvoir la qualité, la traçabilité des produits servis dans nos cantines, et contribuer au développement de filières locales responsables et durables respectueuses de notre santé, de la nature et de ses cycles.

L’action initiée par les collectivités peut contribuer à faire bouger des lignes qui jusque là étaient figées, c’est cette volonté qui nous animé lors de la mise en place de cette réorganisation majeure de la restauration scolaire dans notre commune, avec trois objectifs concrets :

  1. Privilégier la qualité des produits,
  2. Faire du repas un moment de détente, de plaisir, de convivialité et d’autonomie,
  3. Contribuer à l’émergence d’une économie circulaire, afin de faire du déchet alimentaire une véritable ressource

 

Quelles réponses concrètes à apporter  ?

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Apprendre en 2016 (1)

 

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« On ne connaît que les choses qu’on apprivoise. »
Antoine de Saint-Exupéry

 

Internet et les réseaux sociaux esquissent les contours d’une nouvelle société, dont les interactions sociales et la donnée (le data), constituent les principaux moteurs. Révolution copernicienne qui se déroule sous nos yeux et fait appel à de nouvelles aptitudes, que ce soit dans le monde du réel ou du virtuel, qu’il devient essentiel désormais de maitriser.

Edgar Morin désigne cette séquence comme une « métamorphose » qui provoque plus un processus de « création destructeur », que de « destruction créatrice » (Schumpeter), processus dont il convient de mesurer les effets …

Au cœur de cette mutation, les qualités relationnelles sont de plus en plus prisées et recherchées. Reconnues depuis des années dans les techniques de management et les sciences des ressources humaines, elles font l’objet d’un véritable renouveau, sous l’appellation anglo-saxonne de « soft skills », (« compétences douces »), opposé aux « hard skills » (compétences « dures » ou techniques). Des aptitudes abordées et enseignées depuis des années au Québec, dés la petite enfance, et désignées dans la Belle Province comme des « habiletés sociales », terminologie qui a toute ma préférence.  

Les habiletés sociales constituent un véritable bouquet de compétences, toutes liées par nature, et apportent à chacun « la capacité d’entrer en relation avec autrui, de s’entendre, de coopérer et d’interagir», contribuant ainsi à son épanouissement global comme à son inclusion sociale.
Leur maitrise permet d’appréhender et de maitriser les codes et savoirs qui régissent nos liens avec autrui et la société.

En France leur approche se cantonnait jusque là à des publics cibles en difficulté d’inclusion social. Elles se révèlent cependant particulièrement adaptées aux défis que notre société doit relever, car directement orientées vers les interactions humaines. Elles font appel à « l’intelligence émotionnelle », déterminante pour la réussite professionnelle ou l’épanouissement personnel de chacun.

Les besoins en compétences cognitives, verbales et interpersonnelles explosent littéralement aujourd’hui, une situation dont notre système de formation ne tient toujours pas compte concrètement, exception faite des grandes écoles. L’enseignement traditionnel demeure centré sur les compétences techniques, le plus souvent enseigné de manière disciplinaire, en silo, et n’aborde le champ des «habiletés sociales» qu’à la marge.
Cette situation constitue un véritable paradoxe, tant il est incontestable qu’au niveau professionnel, les habiletés sociales deviennent déterminantes, facilitatrice d’intégration et d’épanouissement, que ce soit au sein de l’entreprise ou dans la vie personnelle.

Considérés trop souvent comme des «traits de personnalité», les habiletés sociales, relatives au savoir vivre et au savoir être, n’étaient quasiment pas abordées, si ce n’est à l’école maternelle. L’institution considérant implicitement leur acquisition du ressort familial.
A la base de cette séparation des rôles, une répartition entre la famille chargée de l’éducation des enfants, et l’école, chargée de leur instruction. « L’éducation c’est la famille qui la donne, l’instruction c’est l’Etat qui la doit » (Victor Hugo).
Aujourd’hui la donne a bien changé, la société devient de plus en plus éclatée, fracturée, la cellule familiale y est malmenée, parfois disloquée, et n’est plus en capacité de transmettre de vrais repères de vie.

Ce contexte est aggravé par une école républicaine de plus en plus inéquitable ; ce constat brutal répond à une réalité statistique formelle, soulignée depuis plus de dix ans par toutes les études internationales successives.
Le système éducatif français est devenu un des plus inégalitaires de l’OCDE, certainement un de ceux où l’origine sociale des élèves influe le plus sur ses résultats scolaires et produit proportionnellement le plus grand nombre d’élèves en situation d’échec. Ce que tout défenseur de l’école républicaine ne peut accepter.

Dans les jeunes générations, les plus pénalisés sont tous ceux qui ne bénéficient pas d’un environnement familial propice et qui se retrouvent dés lors dans l’impossibilité d’acquérir les clés indispensables pour s’épanouir dans le monde d’aujourd’hui. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils ne portent pas en eux de telles habiletés. Elles font partie du “capital relationnel” dont chacun est doté à sa naissance et ne demandent qu’à être dévoilées et développées.
Cela devient un impératif, tant leur
 maitrise est devenue un marqueur sociétal qui compte dans l’insertion et la réussite professionnelle comme dans l’épanouissement personnel de chacun. 

Si la situation est grave, elle n’est pas désespérée …

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Le jour où nous n’allumerons plus de bougies

 

 

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Tribune d’Antoine Leiris publiée dans le Monde, dans lequel avec ses mots choisis il exprime l’essentiel, le prix que nous accordons  à la vie face à la mort injuste et tragique provoquée avec violence par le fanatisme et l’obscurantisme …

Je ne supporte plus l’odeur des bougies.

Elle me donne envie de vomir. À Nice, à Paris, à Orlando, à Istanbul, à Bruxelles, et partout où ils ont semé la mort, ce sont les mêmes scènes. Les mêmes portraits accrochés. Les mêmes fleurs déposées. Les mêmes bougies allumées.Et cette odeur âcre qui me laisse dans la bouche le goût du sang versé.

Je pensais ne plus avoir assez de larmes.

Je pensais que le pire était passé. Je pensais m’être habitué. Je me trompais. À chaque nouvelle attaque j’ai pleuré. Ils étaient des hommes, des femmes, des enfants. Ils avaient des envies, des peurs, des désirs, une vie. Ils sont morts. Et nous allumons une bougie.

Contre un camion lancé à pleine vitesse, contre des Kalachnikovs chargées de rancœur, contre des explosifs prêts à sauter, c’est peu une bougie. Pourtant c’est une arme plus puissante que toutes celles qu’ils pourront utiliser.

Parce que le jour ou la mort de l’autre nous laissera sans réaction, le jour où nous n’allumerons plus de bougies, nous serons devenus comme eux.

Parce que le jour ou la mort de l’autre nous laissera sans réaction, le jour où nous n’allumerons plus de bougies, nous serons devenus comme eux.

Des êtres sans peur face à la mort.

Mais pour ne pas craindre la mort, il faut trembler de peur devant la vie. Alors craignons la mort et embrassons la vie. Dès le lendemain j’ai allumé une bougie que j’ai posée sur le rebord de ma fenêtre. Elle encore aujourd’hui. Elle me rappelle l’odeur de la peur, de la haine, du renoncement.

Elle me rappelle l’urgence de la vie.
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Ce soir, je suis triste

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 » Penser clair, parler vrai, agir juste « 

 

J’ai été, je suis et resterais pour toujours « rocardien ». Je n’oublie pas que si je me suis engagé un jour en politique, en adhérant notamment au PS, c’est à lui que je le dois.

Digne héritier de Mendes France, il avait le sens de la morale et de l’éthique, possédait une rigueur et une honnêteté intellectuelle rare, que je n’ai retrouvé ensuite que chez Lionel Jospin. C’est à ce niveau là, que l’on attend le politique.

Rocard c’était la primauté donnée aux idées, aux propositions, quelquefois disruptives et iconoclastes : comprendre avant toute chose, imaginer les solutions à apporter plutôt que de nouveaux problèmes, proposer et convaincre toujours, et plus que tout, agir juste, faire, afin de changer la vie quotidienne au concret durablement.
Toute sa vie, ce grand serviteur de l’Etat s’est consacré à 
la vague des idées plutôt qu’a l’écume des petites phrases ou des commentaires. Il a su ne jamais sacrifier l’avenir, le long et le moyen terme aux imperatifs court termistes de la mode ou de l’instant présent, étant un des trop rares politiques à privilégier le temps long.

Michel Rocard avait les mots et le verbe libre, une parole authentique et rafraichissante, il a toujours préfére l’équité à une égalité quelquefois factice et inéquitable, privilégiant l’être au paraître et le collectif à l’individualisme.

Il a eu la grande sagesse de se retirer de la vie politique avec élégance, sur la pointe des pieds, passant le relais aux jeunes générations pour leur laisser construire un avenir meilleur.

C’était un homme qui aimait passionnément la vie, l’Europe, la nature sauvage et indomptable avec laquelle il faut composer : le vent, les mers et les océans, les pôles aussi … L’environnement et le devenir de la planète ont été les combats qui ont animé toutes ses dernières années.

 Ce soir, je me sens quelque peu orphelin, Michel Rocard nous a quitté.

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