Apprendre en 2016 (1)

 

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« On ne connaît que les choses qu’on apprivoise. »
Antoine de Saint-Exupéry

 

Internet et les réseaux sociaux esquissent les contours d’une nouvelle société, dont les interactions sociales et la donnée (le data), constituent les principaux moteurs. Révolution copernicienne qui se déroule sous nos yeux et fait appel à de nouvelles aptitudes, que ce soit dans le monde du réel ou du virtuel, qu’il devient essentiel désormais de maitriser.

Edgar Morin désigne cette séquence comme une « métamorphose » qui provoque plus un processus de « création destructeur », que de « destruction créatrice » (Schumpeter), processus dont il convient de mesurer les effets …

Au cœur de cette mutation, les qualités relationnelles sont de plus en plus prisées et recherchées. Reconnues depuis des années dans les techniques de management et les sciences des ressources humaines, elles font l’objet d’un véritable renouveau, sous l’appellation anglo-saxonne de « soft skills », (« compétences douces »), opposé aux « hard skills » (compétences « dures » ou techniques). Des aptitudes abordées et enseignées depuis des années au Québec, dés la petite enfance, et désignées dans la Belle Province comme des « habiletés sociales », terminologie qui a toute ma préférence.  

Les habiletés sociales constituent un véritable bouquet de compétences, toutes liées par nature, et apportent à chacun « la capacité d’entrer en relation avec autrui, de s’entendre, de coopérer et d’interagir», contribuant ainsi à son épanouissement global comme à son inclusion sociale.
Leur maitrise permet d’appréhender et de maitriser les codes et savoirs qui régissent nos liens avec autrui et la société.

En France leur approche se cantonnait jusque là à des publics cibles en difficulté d’inclusion social. Elles se révèlent cependant particulièrement adaptées aux défis que notre société doit relever, car directement orientées vers les interactions humaines. Elles font appel à « l’intelligence émotionnelle », déterminante pour la réussite professionnelle ou l’épanouissement personnel de chacun.

Les besoins en compétences cognitives, verbales et interpersonnelles explosent littéralement aujourd’hui, une situation dont notre système de formation ne tient toujours pas compte concrètement, exception faite des grandes écoles. L’enseignement traditionnel demeure centré sur les compétences techniques, le plus souvent enseigné de manière disciplinaire, en silo, et n’aborde le champ des «habiletés sociales» qu’à la marge.
Cette situation constitue un véritable paradoxe, tant il est incontestable qu’au niveau professionnel, les habiletés sociales deviennent déterminantes, facilitatrice d’intégration et d’épanouissement, que ce soit au sein de l’entreprise ou dans la vie personnelle.

Considérés trop souvent comme des «traits de personnalité», les habiletés sociales, relatives au savoir vivre et au savoir être, n’étaient quasiment pas abordées, si ce n’est à l’école maternelle. L’institution considérant implicitement leur acquisition du ressort familial.
A la base de cette séparation des rôles, une répartition entre la famille chargée de l’éducation des enfants, et l’école, chargée de leur instruction. « L’éducation c’est la famille qui la donne, l’instruction c’est l’Etat qui la doit » (Victor Hugo).
Aujourd’hui la donne a bien changé, la société devient de plus en plus éclatée, fracturée, la cellule familiale y est malmenée, parfois disloquée, et n’est plus en capacité de transmettre de vrais repères de vie.

Ce contexte est aggravé par une école républicaine de plus en plus inéquitable ; ce constat brutal répond à une réalité statistique formelle, soulignée depuis plus de dix ans par toutes les études internationales successives.
Le système éducatif français est devenu un des plus inégalitaires de l’OCDE, certainement un de ceux où l’origine sociale des élèves influe le plus sur ses résultats scolaires et produit proportionnellement le plus grand nombre d’élèves en situation d’échec. Ce que tout défenseur de l’école républicaine ne peut accepter.

Dans les jeunes générations, les plus pénalisés sont tous ceux qui ne bénéficient pas d’un environnement familial propice et qui se retrouvent dés lors dans l’impossibilité d’acquérir les clés indispensables pour s’épanouir dans le monde d’aujourd’hui. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils ne portent pas en eux de telles habiletés. Elles font partie du “capital relationnel” dont chacun est doté à sa naissance et ne demandent qu’à être dévoilées et développées.
Cela devient un impératif, tant leur
 maitrise est devenue un marqueur sociétal qui compte dans l’insertion et la réussite professionnelle comme dans l’épanouissement personnel de chacun. 

Si la situation est grave, elle n’est pas désespérée …

Il n’est pas possible d’aborder l’acquisition des habiletés sociales par le seul prisme des champs disciplinaires, qui se révèle être totalement inadapté et pour le moins réducteur, ou encore par la simple manipulation d’outils.
Le cloisonnement en champs disciplinaires est pénalisant et créateur de murs inutiles. Il faut connecter les différents savoirs (au sens pluriel du terme) afin d’être en capacité de mieux répondre aux défis d’aujourd’hui en appréhendant de telles habiletés structurelles, globalement, dans toute leur plénitude et usages, tant elles donnent sens et substance à la démarche initiée.
Lorsqu’un individu est confronté à une situation complexe, il ne peut y faire face qu’en mobilisant, utilisant et manipulant, des savoirs acquis et assimilés, afin « d’inventer » la solution originale la plus adaptée au contexte.

Le propos ici, n’est pas de faire l’inventaire des techniques pédagogiques permettant de faciliter ces acquisitions, qu’il s’agisse du travail sur la vidéo, la voix, le postural, mais simplement de souligner qu’il n’y a pas de fatalité : chaque individu recèle d’un capital relationnel qui peut lui permettre de changer une donne initiale mal engagée, comme on peut le voir en Lycée Professionnel.
Si rien n’est fait, l’élève se retrouvera en difficulté « sociale » et son devenir professionnel et personnel dés lors pré déterminé par son origine familiale, son degré d’inhibition ou pat d’autres facteurs pénalisants.

La sphère sociale aujourd’hui ne se limite plus aux seules relations et contacts physiques directs, elle englobe également la dimension d’Internet et des réseaux sociaux. Tout individu doit être en capacité de se positionner vis à vis de lui même et de la société au sens large que ce soit dans le monde du réel ou du virtuel.

C’est pourquoi il est indispensable qu’il maitrise les aptitudes et compétences liées à la gestion de l’information (recherche, questionnement, analyse, traitement…), au relationnel (codes et usage, savoir être, connaissance des outils…) et à l’existentiel (se connaître, s’organiser, se gérer…) ; autant de savoirs (savoir faire et savoir être) qui doivent être au premier plan de nos priorités éducatives : Communication, Socialisation et esprit d’équipe , Autonomie et prise d’initiative, Sens de l’organisation ,Créativité, Qualités numériques

Leur maitrise est incontournable, encore faut il ne pas les découper en champs disciplinaires, ou les réduire à de simples contenus, tant elles n’ont de sens qu’abordées de manière transversale, globale, et plus que tout, active.

Ces pistes sont également abordées par le Forum Mondial Economique. Dans une étude récente portant sur les compétences dont la maitrise est jugée critique pour réussir professionnellement dans la société d’aujourd’hui, ce sont bien les aptitudes tournant autour des méthodologies dites SEL (« Social – Emotional Learning ») qui se sont retrouvées fléchées.

 Laissons le dernier mot à Maria Monterossi :

« L’enfant a un pouvoir que nous n’avons pas, celui de bâtir l’homme lui-même. »