« A mis abuelos » … Chapeau bas et respect

Certains moments, heureux et rares, donc précieux, marquent durablement une vie, en deviennent une balise, un véritable point de repère.
J’ai eu le privilège de vivre un de ces moment avec ma remise des insignes de Chevalier de l’Ordre National du Mérite par Cédric O secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques lors de sa venue à Trilport. La grande joie également de le partager avec beaucoup de personnes qui comptent pour moi. Certains ne pouvant être présents physiquement, je pense notamment à mon collègue d’Engen notre ville jumelée Johanes Moser, ont tenu à m’envoyer des messages d’amitié auxquels j’ai été extrêmement sensible.

Des souvenirs enfouis au plus profond sont remontés et des visages aimés, aujourd’hui disparus, m’ont accompagné tout au long de la cérémonie, me faisant ressentir la douleur de leur absence et l’intensité d’un moment empreint de beaucoup d’émotion pour ce qui me concerne.

Mes premières pensées lorsque j’ai appris, en mai dernier, cette distinction, ont été pour Mariano et Miguel, mes grands-pères, bergers républicains espagnols anarcho-syndicalistes, mes grands-mères, évidemment mes parents Miguel et Balbina, mes oncles et tantes Joaquina, Alba, Nuria, Joaquin, Progrès et ma famille.

Mon parcours de vie constitue une histoire profondément française et européenne, une histoire d’immigration, de résilience, de résistance et d’espérance, celle de mes grands-parents et parents.
Je suis un de ces fils d’émigrés venus de toutes les latitudes et de tous les horizons. La couleur de nos peaux, la diversité et la sonorité de nos prénoms, soulignent la grandeur et la richesse d’une nation qui transcende les différences et les transforme en confluences, apportant à chacun de ses enfants, dignité, identité, culture, éducation et protection …
Les mots magnifiques de Romain Gary « je n’ai pas une goutte de sang français, mais la France coule dans mes veines …» ont toujours résonné et trouvé un écho profond dans mon cœur.

Distinction d’autant plus bienvenue qu’elle était inattendue … Ne demandant rien, je n’attendais rien, et suis encore plus reconnaissant à Cédric O dans un agenda millimétré d’avoir trouvé la séquence spatio-temporelle lui permettant de venir à Trilport me remettre cette décoration lors d’une des innombrables visites de terrain qu’il affectionne, sans recourir à la réalité virtuelle ou à l’ubiquité numérique. Ce n’était pas du Métaverse mais bien du réel …

Je tenais également à ce que cette cérémonie se déroule dans une école car tout commence ici … La république notamment …
Dans ce monde en transition qui doute et se fragmente, l’école de la république constitue un creuset de citoyenneté unique et essentiel, inclusif et fédérateur. Nos jeunes y apprennent à « faire société » et à partir de leurs différences à construire du commun et du partagé. Le « vivre ensemble » constitue aujourd’hui un enjeu majeur essentiel pour éviter toute dislocation, repli sur soi ou communautarisme …
Cette école en travaux illustre tous les efforts déployés par une petite ville, sans grands moyens budgétaires, qui a fait de l’éducation une responsabilité et une priorité majeure. Depuis 2006, au rythme de nos budgets successifs nous rénovons et modernisons toutes nos structures scolaires, n’oubliant pas qu’un enfant de 3 ans qui entre en maternelle aujourd’hui, finira sa scolarité dans 17 ans en 2038. Il aura alors passé 8 années dans nos écoles.

Qu’auraient pensé mes grands-parents de cette remise de décoration, eux qui nous ont appris à savoir garder humilité, distanciation, relativisme et retenue envers tout ce qui est honneurs, titres ou décorum ?

J’aime à penser qu’ils en auraient tiré une certaine fierté …

Cette médaille, au-delà de la reconnaissance de l’action menée au service de mes concitoyens, des petites villes de France et d’un numérique qui n’oublie ni d’être solidaire, ni d’être inclusif, constitue une distinction républicaine ; mot qui signifiait énormément pour eux tant il porte des valeurs auxquelles ils étaient viscéralement attachés.

Elle valide également la justesse d’un choix de destinée qui a exigé beaucoup de sacrifices, de courage et d’espérance en l’avenir …
Fuir le franquisme, assumer cet engagement, tourner la page, relever un tel défi dans un pays dont ils ne parlaient pas la langue mais dont ils partageaient les valeurs essentielles et l’amour de la liberté … Chapeau bas et respect…

Ils ont assuré le SAV en nous léguant des valeurs clés, devenues au fil des ans de véritables boussoles de vie, et un sentiment de reconnaissance infinie pour cette magnifique terre d’accueil qu’est la France …

Comment ne pas évoquer mon épouse et mes enfants. Si dans nos vies « l’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant », comme l’écrivait René Char, je dois à ma famille, d’avoir, sans toujours qu’ils le sachent, guidé mes choix de vie afin de ne pas faire fausse route et de préserver l’essentiel. Cela m’a amené parfois à décliner des propositions de postes chatoyants ou de belles aventures personnelles, qui m’auraient inévitablement éloigné d’eux durablement. Plus que quiconque ils ont contribué à m’arrimer au local, au concret, au quotidien …

Ce parcours de vie est une histoire de territoires et de greffes
Si j’ai trouvé mes racines à Trilport, je le dois à Michel Vallier, mon prédécesseur. J’ai eu le bonheur d’apprivoiser avec lui véritablement ce rôle d’élu local. Artisan passionné, Michel a toujours placé au premier plan l’humain, le sens de l’écoute, l’esprit de dialogue, le respect des autres, la tolérance, l’éthique. Les missions de Maire je les ai découvert en première ligne, à portée d’oreille et de voix des habitants, dans la meilleure école qui soit, celle de la vie, du labeur et de la confiance.
Depuis, avec les équipes successives, élus et agents territoriaux, nous n’avons jamais varié d’ADN, faisant de la maxime de Jean De La Fontaine « Aide toi, le ciel t’aidera », une véritable mantra qui nous incite à cultiver créativité, innovation, disruption, sans oublier deux qualités indissociables, l’humilité et l’ambition, comme la nécessité de prendre en compte l’acceptabilité de nos politiques. Nous le devons à nos concitoyens.

La défense d’une commune est également celle de son territoire, dans toute sa plénitude. C’est pourquoi nous accompagnons les dynamiques qui s’y tissent, les impulsons parfois même si nécessaire, que ce soit au niveau de l’environnement et du développement de filières courtes liées à l’économie circulaire (chanvre notamment) ou de l’innovation sociale.
Cette terre de Brie est riche en potentialités, qu’elles soient humaines, environnementales, agricoles, culturelles, économiques ou numériques, autant de potentiels qui ne demandent qu’à s’exprimer.
La Seine et Marne est une terre d’enjeux et d’innovation qui se doit de fédérer la créativité de ses différents territoires, de renforcer leurs solidarités, d’accompagner toutes les énergies afin qu’elles soient en capacité d’exprimer tout leur talent et leur valeur ajoutée, l’Île de France en a tant besoin …

Mon parcours de vie est aussi affaire d’engagement
Dans l’enseignement professionnel mon métier, aux missions clés : réparer, retisser, donner envie d’avoir envie et de rebondir à des jeunes abîmés par la vie, qui sont loin de percevoir toutes les richesses et les potentialités qu’ils ont en eux.
Les aider à grandir afin qu’ils deviennent des citoyens accomplis, conscients de leurs droits et devoirs comme de leur libre arbitre.

Engagement politique évidemment.
Homme de gauche j’étais, je suis et serais, y compris si j’ai la parole libre et libérée désormais. Certaines de mes prises de position, que j’assume, peuvent surprendre, mais elles ont de vraies raisons de fond.
Au fil de mes responsabilités politiques, j’ai mesuré l’écart grandissant, puis la déconnexion, entre les états-majors nationaux parisiens et le monde réel, conséquences évidentes d’un entre soi qui isole, assèche, appauvrit, éloigne de la réalité du terrain et des priorités de ceux qui vivent souvent difficilement dans des territoires « invisibles » ou éloignées des « villes mondes », créant un « effet bulle » dont on mesure à chaque élection les conséquences.
Quitte à changer la vie, j’ai choisi de le faire humblement au concret et au quotidien, sur mes valeurs d’homme de gauche, plutôt que de me contenter de discours et slogans, d’artifices et de postures, qui ne sont souvent de fait que des impostures et m’insupportent de plus en plus.

La prise de conscience de ce décalage et ma volonté d’agir m’ont amené à m’investir avec bonheur dans les associations d’élus afin de défendre l’autonomie et la capacité d’action de nos communes, maillons essentiels des solidarités de proximité, du lien social et des dynamiques territoriales du pays

Que ce soit à l’Association des Maires de Seine et Marne, qui une fois de plus a démontré toute son utilité au moment du COVID, ou à celle des Petites Villes de France dont l’ADN tient en une formule on ne peut plus claire : « ni complaisants, ni opposants, mais proposants » ; j’y ai rejoint le bureau national puis au fil des dossiers, des négociations avec les ministres et leurs cabinets en suis devenu le référent dans les domaines liés au numérique et à l’éducation, entre autres


Il reste tant et tant à faire, qu’une vie ne suffit pas …

Ici et maintenant, aujourd’hui et demain,
nous devons semer, enraciner, replacer la république au cœur du village, y compris virtuel, adopter l’espérance et son esprit frondeur,

Il nous faut
Agir pour faire société, sens et cohésion,
Agir pour innover, irriguer, bâtir et partager des perspectives communes avec nos concitoyens,
Leur redonner souffle, espérance, confiance en eux même afin que le pays relève les défis du temps présent et à venir,

Dans ce monde globalisé, qu’il soit réel ou virtuel, qui ne nous attend pas, il nous faut, et faudra encore plus demain, défendre l’identité et la souveraineté européenne, ainsi que nos cultures et valeurs.

J’ai la conviction que cela commence par nos villes, petites ou grandes, mais toutes chères à nos cœurs, et les territoires qui se doivent d’être solidaires, coopératifs, agiles, innovants, résilients, circulaires et évidemment numériques.

Comme l’écrivait Andrée Chédid, dont une de nos écoles porte le nom

« Un monde en germe nous invite,
A d’autres semailles, D’autres labours, D’autres récits … »


Des récits qui s’écriront pour certains dès 2022 …

Ici et là …