Nantes Métropole expérimente depuis trois ans un nouveau mode de transport en commun, le busway. Un essai, grandeur nature que l’association Transcités, à l’occasion de sa commission « Grandes Villes », nous a proposé de visiter sur le terrain. Au menu également de ces deux journées, trois tables rondes, dont une portant justement sur un premier bilan, trois ans après son lancement de cette innovation.
Pour un élu, s’il est toujours instructif de voir de visu la réalité des choses, il ne faut pas perdre de vue, que le copier coller ne peut être LA solution. Comparaison n’est pas raison, nous y reviendrons, et s’il existe plus que des nuances entre chaque contexte territorial (taille, moyens financiers, infrastructures déjà en place …) l’organisation des transports en commun en Ile de France est trés différente de celle de la Province, du fait notamment de la présence du STIF.
Ces deux journées ont présenté également l’intérêt d’une confrontation des expériences locales de collectivités (outre Nantes, Grenoble, Strasbourg ou Montpellier) ayant un réel bagage, une expérience avérée sur ces questions et déjà des retours d’expérience enrichissants.
Nantes était surtout connue pour son tram, en plein développement. L’inauguration de la dernière ligne du tram en 2000 a pourtant marqué un point d’arrêt, ce qui ne devait être qu’un terminus provisoire, s’est révélé être de fait, du moins pour le moment, la dernière station de tram du réseau. La raréfaction des deniers publics et le désengagement financier de l’État aux collectivités locales ayant quelque peu transformé la donne, d’autant que la fréquentation attendue de la ligne ne nécessitait pas un Tram.
Ce contexte économique a amené les élus Nantais a envisagé un mode de transport plus accessible financièrement, celui d’un bus à haut niveau de service (ou BHNS); concept qu’ils ont poussé à l’extrême afin de se rapprocher le plus possible des standards qualitatifs du tramway afin de développer une offre réellement attractive pour les usagers. Ils ont élaboré à partir d’une charte co rédigé avec les usagers, une innovation, pour l’instant unique en France,: le busway, possédant une forte identité visuelle.
Avant de décrire plus précisément ce nouveau type de transport en commun, certaines données de cadrage. Rappelons que l’agglomération nantaise est la 7eme de France (Nantes, 6eme ville nationale), qu’elle regroupe 24 communes, soit 580 000 habitants (dont 50 000 étudiants). SEMITAN, la SEM délégataire (Nantes métropole 65%, Transdev 15%)en charge du réseau des transports en commun. Elle gère 2,5 millions de déplacement / jour : 3 lignes de tramway sur 42 km, 1 ligne de busway sur 7 km, 7 lignes de bus articulés (BHNS) et 52 lignes autobus standards.
Prix de revient de la ligne de busway, 75 millions € (pour 7 km): 60 pour l’infrastructure, 11 pour le matériel roulant. Chaque bus revenant à 500 000 euros (soit 50 000€ de plus que le modèle de base). A retenir également, les 7 kilomètres de la ligne du TCSP étant implanté sur une ancienne autoroute, permettant d’accueillir les 8 mètres d’emprise de ce réseau.
Rappelons également que contrairement à l’Ile de France, en Province, l’Autorité Administrative de Transport est l’agglomération, dans ce cas de figure, Nantes Métropole et ce depuis de longues années. Point de STIF donc, mais une gestion directe des élus locaux sur cette problématique.
Nous reviendrons dans une prochaine note sur les tables rondes portant sur la rationalisation de l’offre et sur la tarification sociale du réseau et sur d’autres particularités de l’expérience Nantaise.
Mais qu’est ce que concrètement, un « busway » ?
La solution retenue repose sur un bus articulé à grande capacité de 18 mètres roulant au gaz naturel de ville, roulant sur un espace dédié (selon le principe du Transport à commun sur site propre, ou TCSP), baptisé busway en référence au tramway.
Basé sur la même plate forme qualitative: aménagements internes, accessibilité maximale (palettes, plancher bas, portes coulissantes…), fermeture centralisée des portes, présence de rampes d’accés dans chaque véhicule, fréquence de passage (toutes les 3 minutes 30 en heure de pointe), priorité au carrefour, vitesse commerciale de 20 km, stations abritées équipées de systèmes d’information en temps réel et de distributeurs automatiques de titres …
Enfin et c’est certainement le plus particulier, 90% de la ligne est sur site propre spécifique.
Pour l’usager, la ligne de bus classique est à des années lumière, on est très proche du tram, une station est d’ailleurs commune au deux réseaux. Chaque bus dispose, à l’intérieur, d’un schéma dynamique de la ligne, d’un équipement multimédia (ambiance sonore et 4 écrans d’informations) et de sièges grand confort.
Le succès a été au rendez vous, la ligne a rencontré un succès très vif auprès des usagers. Les 13 mille passagers / jour d’avant la création du busway, sont trois ans après 28 000 ! Réussite qui présente également certains inconvénients, le manque de capacité se faisant ressentir durant les heures de pointe. Deux solutions sont envisagées : une fréquence de 3 minutes au lieu des 3,30 et un véhicule de 24 mètres (soit 30% de capacité supplémentaire) pouvant faire voyager 200 passagers. Attention toute fois, ce bus bi-articulé, qui sera expérimenté en 2010 n’est pour l’instant pas homologués pour le réseau français; ce qui n’est pas qu’une formalité, loin s’en faut !
L’accessibilité de chaque station est facilitée par une nouvelle organisation des chemins piétons à ses abords immédiats et par la création d’une zone 30 pour les véhicules. Notons également la présence de 6 Parkings Relais P+R, offrant plus de 1 250 places de stationnement gratuit, faisant partie intégrante du service transport.
Notons un taux de panne supérieur à la normale (principalement trois causes : rampe, moteur, porte), ce qui semble logique les « rames » ou « bus » étant ceux des lignes régulières et non prévues à l’origine pour cet usage. Soulignons l’excellent taux de report modal équivalent à celui du tram, soit 38%. Le ration usager / investissement étant très proche de celui du tram.
Car si au niveau de l’addition, si le busway est revenu trois fois moins cher qu’un tram, il transporte trois fois moins de passagers !
Nous reviendrons prochainement sur le volet économique et financier de ce type d’investissement, car dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, les points clivants sont souvent à ce niveau !