Zone d’Education Prioritaire, qu’en est il réellement ?

Que penser de l’étude publiée aujourd’hui par l’Insee dans sa revue Economie et statistique sur les ZEP et intitulée : « Z.E.P, quels moyens pour quels résultats ? Une évaluation sur la période 1982-1992 »

 

 

Les Zones d’Education Prioritaire ont été créées par Alain Savary en juillet 1981, dans la foulée de la victoire de François Mitterrand afin de «donner plus à ceux qui ont moins». Si ce dispositif était censé n’avoir une durée de vie que de quatre ans, le temps pour les établissements concernés (363) de rattraper leur retard, il fête en 2005, son 24eme anniversaire.
Etat des lieux :  En 2003, un élève sur 5 (soit 1 700 000 élèves) était scolarisé dans une des 911 ZEP, même si depuis ces Zones d’Education Prioritaire sont devenus des Réseaux d’Education Prioritaires, le R insistant sur la nécessité de travailler en complémentarité et sur l’idée de maillage (911 REP regroupant 5 651 écoles , 874 collèges, 92 lycées professionnels et 38 lycées généraux).

Rappelons que les moyens supplémentaires dégagés sont essentiellement de deux natures : heures d’enseignement et des crédits indemnitaires. Des moyens qu’il est bon de relativiser comme le rappelle excellemment Emmanuel DAVIDENKOFF dans son article dans le quotidien Libération du 16/09. Car si statistiquement un élève de ZEP revient 8% plus cher à l’institution, sur le terrain une classe de collège de ZEP compte seulement deux élèves de moins et le surcoût de la masse salariale des enseignants est quasiment nul, ces enseignants étant pour la plupart plus jeunes. L’étude de l’Insee souligne le fait que «les salaires moins élevés de ces professeurs compensent probablement, en partie, le surcoût des ZEP résultant des postes supplémentaires et crédits indemnitaires». Paradoxalement, l’Etat dépense en effet plus pour les collèges ou les lycées privilégiés qui attirent les enseignants en milieu et fin de carrière. Fait souligné par l’étude «Les primes ou avantages en termes de promotion attribuées aux enseignants de ZEP n’ont pas permis de stabiliser le personnel de ces établissements.». De fait, le turn-over s’est même accru au fil des ans.

Si avec raison, cette étude fait grand bruit, il serai regrettable de ne s’arrêter qu’aux conséquences et de ne pas aborder les causes de ce succés trés relatif.

Un point essentiel, l’enquête évalue le fait d’appartenir à une ZEP, plutôt que la politique ZEP elle même. Elle ne tient pas compte du contexte pour le moins « particulier » de ces quartiers. Le déterminisme social cher à Bourdieu est une réalité quotidienne qu’on ne peut balayer avec quelques statistiques …
Preuve en est que si en 1995, 18% des CE2 en zone non prioritaire ne maîtrisait pas les compétences de base de la lecture à l’entrée en CE2, ce pourcentage en ZEP montait à plus de 37% !

Quelques remarques après la lecture de cette enquête passionnante …

Soulignons tout d’abord l’intérêt d’évaluer les politiques publiques. Il est impératif de mesurer l’efficacité des politiques mises en place sur le terrain avec les deniers publics afin de pouvoir effectuer si nécessaire les arbitrages, les cadrages ou les rectificatifs qui s’imposent.
Le rôle joué par des acteurs désormais incontournables de notre système éducatif, au premier plan la D.E.P, est absolument remarquable à cet effet. Cette tendance répond à un besoin général qui dépasse l’hexagone, pour preuve l’audience revêtu par la dernière enquête PISA dans l’ensemble des pays concernés.

Insistons également sur l’originalité du dispositif Z.E.P « premier exemple français de politique de discrimination positive et de territorialisation des politiques éducatives » mais plus encore premier exemple concret de politique visant à réduire les inégalités sociales par une dotation inégalitaire de moyens. Une allocation supplémentaires de moyens qu’il faut relativiser car plutôt que concentrer en un temps court des moyens importants, l’institution a préféré dispersé des moyens limités de manière progressive au fil des ans …

Autre point mis en évidence, l’hétérogénéité des résultats sur le terrain. Elle dépend en grande partie de trois facteurs : l’accent mis sur les apprentissages, la stabilité des équipes pédagogiques et le dynamisme du pilotage local.

L’exemple vécu depuis plus de 15 ans au quotidien dans un des 92 Lycées Professionnels classé ZEP m’incite à penser que la stabilité des équipes est un facteur essentiel. Les équipes stables sont plus expérimentées, plus solidaires et plus motivées, elles acquièrent au fil des ans un savoir faire déterminant dans la réussite de leurs élèves. Les techniques accumulées et utilisées au quotidien tenant compte du particularisme des élèves, des contextes locaux et des potentiels des établissements.
Soulignons que la transdisciplinarité, le travail en équipe et l’innovation pédagogique font partie intégrante de cette culture maison et que nombre d’innovations pédagogiques expérimentées en Lycée Professionnel et en ZEP notamment ont depuis enrichi la doctrine éducative et contribué à remodeler l’ensemble du système éducatif.

Enfin et surtout, comme l’indique cette étude «Les ZEP peuvent paraître n’avoir aucun effet, simplement parce qu’elles ont réussi à maintenir les écarts de résultats observés en 1981, alors même que les difficultés des élèves et les conditions de travail des enseignants empiraient.»

Ce qui au regard de la situation vécue dans certaines de ces ZEP n’est déjà pas si mal …

 

Lien : http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/es380a.pdf