Juste avant de prendre quelques jours de vacances, j’ai participé à la manifestation organisée par le collectif «STOP PETROLE DE SCHISTE 77», qui avait été annoncée lors du rassemblement de Doue (cf note précédente) afin de maintenir la pression auprés du gouvernement et protester contre le début des campagnes d’exploration qui devaient débuter à la mi-avril.
Autant le dire, cette manifestation a été un véritable succés, mobilisant malgré des conditions défavorables (vacances scolaires, reculade gouvernementale) plus de 2000 manifestants dans les rues de Meaux, dont de nombreux élus (manifestement depuis Doue certains s’étaient informés sur ce dossier explosif), et les médias nationaux, attirés sans nul doute par les présences de Corinne Lepage et Eva Joly, José Bové présent à Doue, défilant dans le sud le même jour.
Force est de constater que le vent de révolte, qui depuis novembre dernier secoue le pays, prend une ampleur considérable, obligeant du coup, gouvernement et UMP à faire volte face et revoir entièrement leur copie.
C’est du Larzac, que l’étincelle à été allumée, redonnant une seconde jeunesse à José Bové. Christophe De Margerie, PDG de Total, ne s’y est pas trompé lorsqu’il a déclaré que débuter la campagne d’exploration dans cette région n’avait pas été une bonne idée (il a du employer un style plus direct).
Les images pour le moins évocatrices du documentaire de Josh Fox, “Gasland”, ont du ouvrir les yeux à beaucoup de français et d’élus locaux, totalement écartés jusque là d’un dossier quasi “secret defense”; bien que les permis d’exploration delivrés concernent pourtant prés d’un tiers du territoire national !
Au 1er janvier 2011, c’est en effet 62 permis d’exploration (62 942 km2) qui ont été accordés et 83 demandes de permis (121 134 km2) à l’instruction ! Tout cela, dans la plus totale discretion, sans que personne ou presque ne le sache, un peu gros non ?
Le mouvement s’est étendu depuis à toutes les régions concernées, grâce à des initiatives citoyennes qu’il convient de saluer, habitants, associations se structurant autour de collectifs, dont celui de Seine et Marne, organisateur des manifestations de Doue et Meaux.
“Stop Pétrole de Schiste 77” est né le 17 février 2011 à Fontenay-Trésigny, composé de citoyens, d’associations à vocation départementale (NE77, les Amis de laTerre) ou plus locales, et de 5 partis politiques, dont les PS et les Verts, chacun peut y adherer et suivre l’activité grace à ses pages internet ou facebook.
Que dire de la manifestation et du cortège, si ce n’est qu’il fut imposant, bon enfant, et quelque peu caustique devant les tentatives de récupération politique de l’UMP, mais l’essentiel n’est il pas qu’un maximum de citoyens se rassemblent pour défendre l’environnement.
Il me semble important de revenir sur les interventions de Corinne Lepage et Nicole Bricq lors des prises de parole qui ont précédé le départ du cortège, tant elles ont permis de lever un coin du voile sur de nouveaux d’éléments troublants, qui démontrent la duplicité du gouvernement dans cette affaire et les collisions avec le lobby pétrolier.
Car manifestement tout était programmé, jusqu’au grain de sable de “Gasland” ! Comme quoi le choc des images est toujours aussi efficace et la capacité d’indignation du plus grand nombre encore intacte, qui le regrettera ?
Mais Corinne Lepage et Nicole Bricq nous ont apporté un autre éclairage sur un dossier réellement complexe qui ne se limite pas au seul gaz de schiste.
L’intervention de Corinne Lepage, Député européenne, Présidente de Cap 21, mais surtout avocate reconnue et qui fait autorité dans les dossiers environnementaux, nous a alerté sur la modification du code minier opérée en toute discrétion, en janvier 2011, qui pose quelques problèmes, tant sur la forme que le fond.
Sur la forme, il faut souligner que cette modification ne fait pas l’objet d’une loi ratifiée par le parlement, mais d’une simple ordonnance, signée du Président de la République, du Premier Ministre, du Ministre de l’Economie, du Ministre chargé de l’Industrie, du Ministre de l’Intérieur et du Ministre de l’Ecologie (Jean Louis Borloo n’est donc plus seul dans ce dossier !). Cette procedure permettant également d’escamoter tout débat contradictoire parlementaire, ce qui pour un texte aussi sensible pose problème, le motif de moderniser ce code n’apparaissant trés vite que comme un subfertuge.
Deux problèmes, entre autres, cependant : l’article 38 de la constitution qui permet au gouvernement d’intervenir par ordonnance pour simplifier le droit, ne comprend pas le domaine du code minier, d’autre part délivrer de tels permis sans information, constitue une deuxième illégalité.
Sur le fond, ce texte simplifie l’action des prospecteurs et exploitants d’hydrocarbures, mais également à ceux qui voudront stocker le carbone, exploiter des ressources sous-marines … Simplification « attendue depuis longtemps par la profession ».
Corinne Lepage est intervenue au Parlement Européen sur cette ordonnance et a deposé un recours en Conseil d’Etat dés sa parution, les modifications inscritent supprimant « les études d’impact et des enquêtes publiques pour les permis de recherche préalables à l’autorisation d’exploitation.» et sont sur beaucoup de points, en totale contradiction avec les engagements internationaux, notamment communautaires de notre pays (la convention d’Aarhus signee par la France en 2002) : ni information aux habitants, ni enquête publique et étude d’impact, aucune information sur les produits chimiques utilisés dans le mélange permettant la fracturation du shiste.
Nicole Bricq, Vice Présidente de la Commission des Finances au Sénat, Sénatrice de Seine et Marne, mais également spécialiste reconnue des questions environnementales, elle avait d’ailleurs animé avec beaucoup d’énergie et de compétence, les travaux du pôle écologie du PS est intervenue, présentant la proposition de loi dépose fin mars et visant à interdire l’exploration comme l’exploitation des gaz et huiles de schiste sur le territoire français, dénonçant également
« l’opacité qui a entouré les procédures d’attribution des permis de recherche de gaz et huile non conventionnels », et soulignant « les risques pour la santé et l’environnement induits par la technique de forage utilisée ». Sa proposition de loi se distingue de celle déposée par les deputes UMP (voir peu après) :
- Elle ne se limite pas à un procédé d’extraction, contrairement au texte proposé par la majorité gouvernementale conditionnant l’interdiction à l’utilisation de la seule technique de la fracturation hydraulique, alors que l’impact environnemental de cette exploitation et les nuisances occasionnées ne se limitent pas à la seule extraction,
- Elle abroge tous les permis accordés, alors que le texte proposé par la majorité gouvernementale la limite à ceux spécifiquement liés aux hydrocarbures non conventionnels. Il convient pourtant de les abroger dans leur ensemble afin de déterminer ceux qui sont conventionnels et ceux qui ne le sont pas afin de n’autoriser réellement que les premiers.
La Sénatrice de Seine et Marne s’est félicitée de l’initiative citoyenne à l’origine du collectif qui a permis de faire découvrir aux élus le scandale démocratique et environnemental qui était en train de se produire, et a entraîné la mobilisation des habitants, des associations et des élus locaux.
Mais elle est également revenue sur une disposition fiscale, discutée le 14 novembre 2010, relative à la loi de Finances 2011, notamment avec la prise de parole de Mme Mélot, sénatrice UMP de Seine-et-Marne, defendant un amendement visant à réintroduire un avantage fiscal pour les sociétés d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, dont elle n’avait pas à l’époque saisie toute la portée. Nicole Bricq interrogeant le gouvernement, début avril sur cet avantage fiscal accordé, notamment au regard du contexte budgétaire national et de l’ampleur du déficit public, n’a obtenu aucun engagement de suppression du Ministre du Budget.
Ce qui me donne l’occasion d’aborder un coté rarement abordé dans ce dossier, lié aux profits boursiers. Certains des détenteurs ou demandeurs des permis accordés par le gouvernement, sont de fait des fonds d’investissement, qui ont vu leur cours s’envoler dés l’attribution des permis d’explorration, et qui ont pu ensuite monnayer les permis décrochés. Car le modèle économique de beaucoup ces entreprises est basé sur une recherche de profit à court terme en spéculant sur la hausse future des prix du gaz et du pétrole et l’incidence de ces hausses sur le cours de leur action.
Je ne peux pas, ne pas souligner le virage spectaculaire effectué par l’UMP sur le dossier de l’exploitation des gaz de schiste. Ceci étant l’opération « Com » à laquelle nous avons assisté le jour de la manif, est apparue tout de même un peu grosse : tracts distribués le jour de la manifestation sur le thème “Soutenez la proposition de loi de Jean François Copé et de Christian Jacob contre les gaz de schistes”, banderoles déployées … Excusez du peu …
Mais où est la cohérence ? Entre d’un coté les permis accordés en catimini, l’ordonnance réformant le code minier dans les conditions décrites, les avantages fiscaux acordés aux entreprises pétrolières, de l’autre la proposition de loi de Christian Jacob, qui fait des pieds et des mains pour que son texte soit discuté avant celui des élus de gauche … Le grand écart n’est pas loin, attention au claquage !
Juste pour l’anecdote, rappelons le lapsus révélateur de François Fillon à l’Assemblée indiquant effectivement que le « Gaz de shit » pose problème …
Un bon mot qui fait l’unanimité, non ?