Nous étions certainement plus de 2000, samedi dernier sur la butte de Doue pour protester contre le projet d’extraction du pétrole de schiste.
Malgré la véritable omerta qui entoure ce dossier, le retentissement médiatique qu’a connu la manifestation est une bonne nouvelle ; si pour certains décideurs parisiens ou texans, Doue est au bout du bout, du bout de l’Ile de France, presque le bout du Monde, l’ampleur de la mobilisation permettra peut être à cette magnifique colline verdoyante et à son remarquable panorama de sauver son intégrité, élément fort du patimoine naturel et historique du territoire …
Réunir en pareil endroit, José Bové, Eva Joly, Vincent Eble Président du Conseil général, Alain Amedro Vice Président de la Région, Nicole Bricq Sénatrice de Seine et Marne, et des dizaines élus de toutes tendances, dont votre serviteur, n’est pas si fréquent. Les médias ne s’y étaient d’ailleurs pas trompé en étant nombreux au rendez vous. Cause de ce remue ménage, un permis d’exploration du sous-sol minier accordé en catimini par le gouvernement à deux compagnies américaines Toreador et Hess, associées au pétrolier « écologique »,Total, et au groupe GDF Suez ; détail important cependant, il s’agit de prospecter du pétrole « non conventionnel », par fractutation hydraulique.
Sur le site, chacun a pu s’apercevoir que le stade de la rumeur était depuis longtemps dépassé, la plate-forme technique déjà bien en place, (voir photo à la fin de l’article) n’attendant plus que les tours de forage, au grand dam des habitants et des élus, mis devant le fait accompli, sans l’ombre d’une concertation préalable. Devant le tollé et la levée de bouclier déclenchée notamment grâce à Internet, uen vraie vague de fond, les travaux ont été interrompus sur intervention directe de la ministre de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, mais qui pourraient reprendre autour du 15 avril.
Les besoins de recettes d’un gouvernement dont l’horizon budgétaire se limite à l’année en cours, et encore, est un élément à prendre en compte et doit nous inciter à la plus grande prudence, lorsque des intérêts économiques sont en jeu, mieux vaut être parano ! D’autant que si ce type d’exploitation n’était pas trés rentable il y a quelques années, le modèle économique s’est considérablement transformé et la donne a changé devant la modernisation des techniques, la baisse des coûts d’exploitation et à contrario l’augmentation du prix du pétrole.
Intéressons nous aux acteurs concernés par cette affaire et le manque de transparence et de concertation intolérable qui l’accompagne depuis l’origine, car tous les seine-et-marnais pourraient être directement concernés si jamais les permis d’exploration puis d’exploitation pétrolières autorisant la fracturation hydraulique étaient autorisées …
C’est le le 10 mai dernier que deux sociétés américaines, Toreador et Hess, ont annoncé officiellement leur partenariat, autour de permis d’exploration accordés par le gouvernement sur un Bassin Parisien “version grand angle”, car regroupant l’Île-de-France, la Bourgogne, le Centre, la Champagne-Ardenne et la Picardie, suite à des demandes remontant à juillet 2007. Selon Julien Balkany, Vice – président de la société pétrolière Toreador, demi – frère de qui vous savez, et ami intime de Nicolas Sarkozy, des permis obtenus en toute légalité, dans le respect des procédures. Soulignons cependant la discrétion totale qui a accompagné depuis le début cette initiative, car détail, l’autorisation gouvernementale porte sur la prospection de gisements de pétrole ou de gaz dits “non-conventionnels”. Logique lorsque l’on sait que notre pays a importé 98 % du gaz qu’il a consommé en 2009. Car le cas n’est pas isolé, en decembre dernier un permis de prospection portant sur prés de 9700 km2 a été octroyé aussi discrètement à Total et à un groupe texan associé à GDF Suez et d’autres exemples notamment en Ardèche pourraient être énoncés. C’est à une offensive de grande ampleur des lobbies pétroliers que nous assistons.
La société Toreador n’est pas une inconnue en terre de Brie. Outre des actifs aux USA et à l’étranger, elle intervient principalement en France et en région parisienne, puique cela fait 15 ans que cette société américaine, trés présente dans l’Hexagone, explore et produit du pétrole “conventionnel” dans notre région. L’Ile de France compte 2000 puits forés depuis 1958, pour une production cumulée de 285 millions de barils, soit 10.000 barils jour de pétrole dont 10% sont produits par Toreador. Cette société a quitté Dallas pour s’implanter à Paris, avec des objectifs ambitieux sur un terrain à fort potentiel de croissance, l’hexagone.
L’Institut français des pétroles a estimé que c’est de 60 à 100 milliards de barils de pétrole qui dorment sous le Bassin parisien, soit l’équivalent de 70 à 120 années de production du Koweït ! Seul souci, il s’agit de pétrole de schiste, dit “non conventionnel”, et Toreador ne possède ni les compétences, ni le “savoir faire” pour l’extraire.
C’est pour s’entourer des compétences nécessaires, qu’elle s’est associée avec un “expert” de l’activité, l’entreprise Hess, pour 120 millions de dollars, en échange du partage des futures recettes pétrolières Signalons au passage que cette séquence est une bonne affaire pour les actionnaires, le titre boursier de la société Toreador Resources, suscitant la convoitise de grandes majors pétrolières.
Enfer ou paradis ?
La production actuelle de Toreador est de 1 000 barils / jour, pour un coût d’extraction inférieur à 15 dollars par baril, le baril de brut étant vendu en moyenne à 51 dollars, avec une rentabilité de 64%.La société puise 883 barils par jour, vendus à la raffinerie Total de Grandpuits en Seine-et-Marne. Elle estime que produire du pétrole en France est rentable à un baril autour de 80 dollars, la valeur actuelle. Lorsque l’on sait que le pétrole américain a atteint un pic de 150 dollars le baril durant l’été 2008, avant de s’effondrer à 30 dollars du fait de la crise, chacun mesure les perspectives à venir et les intérêts financiers en jeu, encore faut il récupérer l’or noir ou le gaz «non conventionnel» piégé dans des couches de schiste à plus de 2500 mètres de profondeur.
Pour ce faire une seule technique, la fracturation hydraulique. Le principe est simple : effectuer des forages très profond, poser un drain horizontal et fracturer la roche via une injection d’eau sous haute pression, de sable et de produits chimiques. Autant dire que les nuisances sont nombreuses, tant en sous sols, qu’en surface, avec des conséquences inattendues, surs lesquelles nous reviendrons, dans une prochaine note.
Fort opportunément, quelques citoyens, militants d’associations (NE77, les Amis de la Terre) et de partis politiques, se sont rassemblés dans une structure, le « collectif Stop pétrole de schiste (77) » pour s’opposer à la fracturation hydraulique.
Ils exigent : l’arrêt immédiat et définitif de toutes opérations liées à l’exploration ou l’extraction d’hydrocarbures et/ou de tous produits dérivés ou miniers susceptibles d’utiliser cette technique, une information précise et publique sur les sites ayant déjà fait l’objet de fracturations hydrauliques et les modalités techniques mises en oeuvre pour chacun d’eux (produits utilisés, origine et volumes d’eau prélevés, lieu et conditions du traitement des eaux résiduelles etc…) comme sur les conditions financières, fiscales et de mise en concurrence appliquées pour l’attribution de ces permis.
Alors pourquoi tant d’inquiétudes pour une exploitation pétrolière qui finalement pourrait rendre tant de service à notre économie ? Un pays ne dépendant plus pour s’approvisionner de situations géopolitiques pour le moins fragiles, voir tendues et explosives, acquérant de fait une certaine indépendance énergétique et touchant des revenus substanciels permettant de rétablir quelque peu une balance commerciale pour le moins en difficulté ?
Tout n’est pourtant pas si simple. Le documentaire, GASLAND, visible sur Internet montre les conséquences de techniques similaires employées aux USA. Les images font froid au dos et ne laisse pas indifférent, normal c’est ce documentaire qui a mis le feu au poudre et permis d’allumer un contre feu pour le moins salutaire.