Tout porteur de projet d’aménagement, qui s’implique réellement dans ce dernier, connaît le même dilemme … Quel nom ou dénomination attribuer à un morceau de ville et de vie dans lequel s’épanouiront des générations d’habitants ou d’usagers ?
C’est de fait une responsabilité très particulière.
Une ville ne peut pas être considérée comme un objet fini, mais bien comme le produit d’une véritable alchimie, toujours en cours, qui mêle tout à la fois histoire, géographie, culture, morphologie urbaine, environnement naturel, usages et imaginaire … Le tout s’entremêle et interagit …
Si par essence, un quartier est un condensé d’histoire et de vie collective et sociale, il respire et vit au quotidien, évolue, mute, se développe, se régénère quelquefois …
On ne dessine pas une ville, tel un objet fini, (cf le « dessine moi … une ville » du Petit Prince au renard), on en représente plutôt le ressenti, reflet d’une histoire commune et partagée ou non, à un moment présent, éphémère, et pour tout dire intemporel.
Le projet d’éco quartier qui nous anime (voir billet du blog), possède entre autres particularités, une implication forte de ses acteurs et une volonté effective et assumée de rétro agir vers le territoire.
Avant d’être un projet urbain, cet éco quartier est déjà avant tout et surtout une aventure humaine collective, au service du lien social de proximité, témoignant également d’une réelle prise de conscience de la responsabilité particulière de l’homme envers son environnement.
Nous aurons l’occasion d’en reparler en 2012 dans ce blog, tant les choses ont évolué depuis ces derniers mois.
Les valeurs portées par ce projet sont tournées vers l’humain (habitat, liens sociaux et multi générationnels) avec une aspiration à atteindre une meilleure qualité du vivre ensemble dans un environnement plus harmonieux.
Alors quel nom justement pour cet Eco quartier ?
Attribuer l’appellation « d’un lieu dit » aurait pu constituer une solution éventuelle ; mais un lieu dit définit par essence, un site avec son passé, son histoire, sa puissance évocative … or ce projet est multisites, sa finalité étant de rétro agir sur le territoire justement …
Il était important pour nous que le nom soit signifiant, et « porte » littéralement les valeurs initiales du projet, sans pour autant avoir de lien avec le concept finalement technique, connoté et réducteur d’éco-quartier (significative sans doute aujourd’hui mais demain ? ).
Ce projet, comme tant d’autres, se définit, se situe et se projette dans un présent qui est déjà, de fait, un futur proche «n’écrit on pas l’avenir aujourd’hui ?».
Il faut compter avec une certaine d’intemporalité, celle du temps qui passe … Une ville est par essence un lieu où ce confronte les époques, les histoires mais qui constitue également un lieu de défis et de dépassement du soi « collectif » comme du présent vécu au quotidien …
Nous voulions pour ce nom, une vraie légitimité, voir une réelle autenticité, et non qu’il soit le fruit de l’imagination et du talent créatif d’un communiquant destiné à vendre un produit. Nous avons proposé à un panel d’élus et d’agents territoriaux de nous suggérer une liste de noms, ce qui a été fait …
« l’Ancre de lune » est sorti du chapeau et du lot …
Aprés discussion, il a semblé à ce panel difficile de choisir un « nom descripteur », tant le risque était grand d’enfermer le projet, ses valeurs, atouts, potentiels et incertitudes dans des limites restrictives … Si la ville peut être évoquée de manière réaliste, ce qui fait sa force est avant tout sa dimension humaine et les perspectives qu’elle ouvre à ses habitants.
Notre panel a préféré s’éloigner des « canons traditionnels, et choisir un nom qui impulse une dynamique imaginative, représentative pour eux, d’un projet qui reste de l’ordre de l’hypothétique, de l’imaginaire, du rêve et qu’il faut rattacher, « ancrer », à la réalité.
Avoir choisi un nom poétique pour ce quartier, c’est suggérer une histoire intemporelle restant encore et toujours à écrire, notamment par ses futurs habitants, afin qu’ils se l’approprient peu à peu.
Parler de sa ville de façon poétique, c’est avant tout insérer l’humain au coeur du projet, et évoquer en contrepoint la vie, les peurs et les rêves de chacun et de tous.
Une ville ne peut être réduite à une liste sommative d’aménités, elle est aussi urbanité, civilité, humanité et proximité, avec les uns et les autres, la nature, les bois et les champs qui l’entoure, les rythmes du jour et de la nuit ponctuant inexorablement le temps qui passe …
Ils nous ont proposé de placer la barre, sacrément haut, jusqu’à la lune, c’est dire !
Non pour la «décroisser», comme le chantait le Grand Jacques, mais bien pour l’ancrer un peu plus à notre quotidien, afin d’être à l’écoute de la planète, de ses cycles naturels et perpétuels, et de bâtir ensemble, aujourd’hui et demain, de nouvelles perspectives plus respectueuses d’une nature qui nous environne, nous protège et nous domine, mais qui demeure avant tout fragile, nous devons le retenir.
L’Ancre fait également référence, pour d’autres, à un pilotage à l’ancienne, qui au delà des aléas (vent, courant, marées, tempête …), permet de tenir le cap, en harmonie et en relation avec les étoiles, la nature et ses cycles, histoire de ne pas perdre le nord qu’il soit magnétique ou polaire …
Cap vers « l’Ancre de lune », afin d’ancrer un peu plus d’idéal dans nos quotidiens d’aujourd’hui et de demain …
Cela ne fait pas de mal, non, un peu d’idéal, surtout en ces périodes pour le moins moroses ?