Parrainage républicain, 6 ans après, enfin …

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Nous avons fêté ce samedi avec beaucoup de joie mais aussi d’émotion, la régularisation de la famille B. pour laquelle j’avais écrit un billet en 2006 … A sa relecture, je me souviens et m’indigne encore plus  …

Je me souviens, c’était un lundi d’octobre 2006, le 23 plus exactement; ce soir là, nous avions avec le Bureau Municipal et des élus de toutes sensibilités, « franchit le Rubicon » selon la Préfecture d’alors, en célébrant tout simplement, et en conscience, un « Parrainage Républicain » pour une famille de Trilportais tout à fait intégrée, menacée, du jour au lendemain, d’expulsion.

L’élu que je suis est plutôt connu pour faire avancer ses dossiers sans exposition médiatique superflue et excessive, notamment et surtout quand ils concernent des personnes, c’est dire qu’avant cette cérémonie, des démarches nous en avons fait, cependant force est de constater que lorsque il n’y a plus d’issue ou de marge de négociation possible, les médias peuvent être un outil efficace, souvent ultime et désespérée !

Outil peut être, mais surtout pas une fin. Il est quelquefois facile d’endosser de manière éphémère l’habit du super héros en surfant sur la détresse humaine ou l’indignation légitime et immédiate, puis lorsque les feux de l’actualité sont passés, laisser faire, oublier d’agir ou de réparer les dégâts causés … Certains s’en sont fait une spécialité, presqu’un fonds de commerce …

Mais peut on laisser commettre en France, la patrie des droits de l’homme et contre tous les principes que nous ont inculqué notre famille et notre éducation, une injustice manifeste ?

Est il concevable qu’en France aujourd’hui, deux familles aux liens de parenté évidents (les épouses sont sœurs), arrivés le même jour dans notre pays, dans le même avion de surcroit, sont pour l’une, régularisée puis naturalisée car vivant dans un département voisin, pour l’autre menacée d’expulsion pour la simple raison qu’elle a le malheur d’habiter en Seine et Marne ?

D’autant que cette famille, absolument sans histoires, loue son logement, paye charges et impôts; le père détenteur d’une carte vitale, cotise à une mutuelle complémentaire, son employeur lui propose même un CDI; la  fille de 11 ans scolarisée depuis son arrivée en France en janvier 2003 est bien intégrée, fréquente diverses associations locales et son frère, âgé de 2 ans et demi, né en France, est inscrit en classe maternelle. C’est dire son intégration !

Comment expliquer une telle différence de traitement dans notre république, selon la lecture et l’interprétation qu’un haut fonctionnaire fait d’une même circulaire ?

Qu’en penser ?

 

 

 

 

Je veux oublier le Préfet d’alors, trop connu par ici pour ses décisions iniques, dont la lecture pour le moins partisane de la circulaire Sarkozy a plongé tant de familles dans l’embarras et trop souvent malheureusement, dans la marginalité,
je veux encore moins évoquer l’éphémère médiateur nommé par Nicolas Sarkozy, Arnaud Klarsfeld, plus connu dans les salons parisiens et les soirées de la jet set qu’auprès des gens nécessiteux et dont la nomination a été un vrai scandale.

A contrario je tiens à mettre en lumière

  • la volonté inlassable d’un citoyen anonyme, qui un jour s’est indigné du sort réservé à une famille de voisins, devenue depuis amie, s’est levé et a réagit, m’a rencontré en me demandant comme à tant d’autres élus d’intervenir. Il n’était pas animé par ses convictions politiques mais par un simple sentiment d’humanité, en faisant tout simplement ce qui lui semblait juste,
  • la présence continue des réseaux de solidarité comme Réseau Education Sans Frontière, qui ont relayé l’action engagée et n’ont jamais ménagé leurs efforts, sur ce dossier comme dans tant d’autres,
  • l’action désintéressée et au combien efficace de Nicole Bricq, Sénatrice de Seine et Marne alors, qui n’a pas compté sa peine et m’a prodigué tant de bons conseils, et a suivi le dossier jusqu’à ce que la régularisation administrative arrive. Faut il souligner tant ce détail est lourd de sens, qu’elle est arrivée trois jours aprés le second tour de législatives (!!!)

L’élu que je suis, n’a fait que son job, avec peut être dans cette affaire, comme dans beaucoup d’autres que nous suivons avec Danielle ma première adjointe aux solidarités, l’humanité indispensable qui permet encore de s’indigner, réagir puis agir lorsqu’une injustice manifeste se déroule devant nos yeux.

Depuis 2006, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de la Marne. La famille B. a payé plus que raison les conséquences d’une décision administrative sans fondement au regard de ce que doit être la République. Il ne peut y avoir en France deux vérités, selon que l’on vive dans un département ou dans un autre lorsque l’on aborde les questions de citoyenneté … Que penser d’une circulaire floue, imprécise et à géométrie variable, qui fait que lorsque l’on l’on réside en Seine et Marne ou dans le Val de Marne, on naturalise l’un et exclue l’autre.

Beaucoup trop de choses ont été cassées, brisées et ne seront jamais réparées. Faut il décrire le quotidien d’une famille qui du jour au lendemain, du fait d’un fonctionnaire pour le moins tatillon, partisan et sans esprit d’écoute, a basculé dans l’illégalité.
Durant six années, 2 190 jours et 2190 nuits, chacun d’entre eux a vécu la peur au ventre … Le boulot que l’on perd, l’indignité qui colle à la peau, et l’angoisse omniprésente, continue … la crainte du contrôle de trop, de la police, de l’administration, de l’autre … l’adolescence brisée, les conditions de vie dégradantes, le système D pour subsister, le logement indigne, les perspectives de jours meilleur effacées …

Beau gachis tout de même, non ?

 

 Je me souviens, c’était hier, en  octobre 2006 …  Aujourd’hui est un autre jour, fort heureusement, il est temps désormais de penser au présent et même de se projeter à demain  …

Il m’a semblé important, en ce jour joyeux, de rappeler certains faits, pas forcément glorieux, qui nous replongent dans un passé douloureux, celui de notre pays, ou quelquefois, plus intimement celui de nos familles …

Il y a 70 ans deux familles parmi tant d’autres, sont arrivées en terre de France, après avoir traversé les Pyrénées à pied, en ayant tout laissé derrière elles : maisons, souvenirs, cousins et cousines, passé, afin de fuir une dictature sanglante soutenue par les nazies. Marino, Miguel, Salvadora, Alba, Balbina, Nouria, Joaquim et bien d’autres ont été accueillis par ce magnifique pays et ses habitants.

L’école républicaine a appris à leurs enfants une nouvelle langue, avec des accents et une prononciation différentes qu’ils vivent à Nimes dans le Gard, ou à Villeneuve la Guyard dans l’Yonne, leur a transmis jour aprés jour, ce véritable trésor qu’est la citoyenneté, équilibre curieux, précieux et fragile entre droits et devoirs. Avec ce terreau mes parents se sont construits peu à peu de nouvelles racines, et m’ont légué trois principes  :

– avoir confiance dans la démocratie, la loi, la justice et l’Etat,

– respecter les valeurs fondamentales et essentielles qui ont fait notre république depuis 1789 : Liberté, Egalite et Fraternité mais aussi laïcité

– aimer cette terre d’accueil, de cultures (avec un s) et d’histoire qu’est la France.

Ils auraient pu venir d’Italie, du Portugal, de Pologne, de Hongrie, du Chili, du maghreb, d’Europe de l’Est ou de l’Afrique Noire … Qu’importe …

Le souhait que j’exprime afin que soit tourné cette page une bonne fois pour toute, est que la famille B. accède à cette nationalité qu’elle mérite tant.
Car leur pays aujourd’hui et demain,  quoiqu’en pense certains esprits chagrins ou quelques hauts fonctionnaires, c’est surtout, et plus que tout, cette terre que nous aimons tant, et qui nous réunit aujourd’hui, la France.