14-18, terrible source d’inspiration

onze-novembre.jpgLes commémorations sont des moments utiles qui contribuent à forger la citoyenneté d’une nation, mais plus encore de ses jeunes habitants qui en ont grandement besoin.
Ces instants de recueillement national sont précieux, pour l’unité du pays mais constituent aussi un devoir de mémoire et une marque  de respect envers tout ceux qui sont tombés donnant leur sang à leur patrie, qu’elle soit d’une rive du Rhin ou de l’autre.

L’occasion également de souligner que le terrible et dramatique conflit qu’a été la guerre de 1914 1918, a paradoxalement inspiré toute une génération d’artistes, avant, pendant et après le champ de bataille …

Du néant peut quelquefois sortir la lumière … La faute à la vie quotidienne dans les  tranchées, à ces journées interminables rythmées par le vacarme incessant des obus qui tombent et explosent aux alentours immédiats, à la présence d’une peur tenace, inséparable des terribles nuits des poilus, à la proximité quasi charnelle de la mort, compagne lancinante au combien fidèle, autant d’éléments qui constituent des sources d’inspiration puissantes.
Sans omettre l’aventure humaine qui se joue à chaque seconde dans les tranchées, véritable condensé des sentiments exacerbés qui se mêlent et s’entrecroisent, ou l’atroce voisine le grotesque voir le pathétique, ou le rire flirte avec l’émotion et le drame tutoie la légèreté… Beaucoup d’hommes, le soir, à la veillée, dans les casemates ou les tranchées, qu’ils soient illustres ou anonymes, ont évacué comme ils le pouvaient leurs idées noires grâce à la création artisanale ou artistique.

Ces créateurs, comme tous les soldats du front, étaient de nationalité française ou non, leur couleur de peau comme leur lieu de naissance importait peu, car tous étaient français de cœur et de sang versé ! Tel le suisse Blaise Cendrars, ou encore le russe d’origine polonaise, Wilhelm Apollinaris de Kostrowitzky, plus connu chez nous depuis sous le nom de Guillaume Apollinaire, qui a tout fait pour être en première ligne. Il restera à jamais le blessé à la tête bandée immortalisé par Picasso, suite à l’éclat d’obus reçut à la tempe en mars 1916 au pied du Chemin des Dames.
Ils ont donné à notre pays, comme toute ces générations sacrifiées, jeunesse, joie et espérance, mais aussi trop souvent leur vie ! Leur sang étant l’encre indélébile qui a permis d’écrire des pages cruciales de l’histoire de l’Europe et du monde moderne.

Guillaume Apollinaire s’est éteint deux jours avant la signature de l’armistice du 11 novembre 1918, à l’âge de 38 ans, victime de la grippe espagnole …. Il a cependant pu, peu avant sa mort, publié un recueil de poésie : Calligrammes, « poèmes de la paix et de la guerre » dédié à un de ses amis tombé au chemin des Dames.
J’en ai tiré un poème « La Petite Auto » qui témoigne que la Grande Guerre n’a pas seulement était une tragédie, incontestable, véritable boucherie sans nom, mais qu’elle marque définitivement la fin d’une époque et l’arrivée d’un temps nouveau, ici comme partout sur la planète.

Ce centenaire sera, en 2014, l’occasion de rendre hommage, à tous les combattants de toutes les nations, qui sont tombés sur le champ d’horreur, de quelque coté qu’ils soient, afin de célébrer et porter, au nom de leur mémoire, un message de paix pour les générations futures.

 

 

 

 

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La petite auto

 

Le 31 du mois d’Août 1914

Je partis de Deauville un peu avant minuit

Dans la petite auto de Rouveyre

Avec son chauffeur nous étions troi

Nous dîmes adieu à toute une époque

 

    Des Géants furieux se dressaient sur l’Europe

    Les aigles quittaient leur aire attendant le soleil

    Les poissons voraces montaient des abîmes

    Les peuples accouraient pour se connaître à fond

    Les morts tremblaient de peur dans leurs sombres demeures

    Les chiens aboyaient vers là-bas où étaient les frontières

 

    Je m’en allais portant en moi toutes ces armées qui se battaient

    Je les sentaient monter en moi et s’étaler les contrées où elles

    serpentaient

Avec les forêts les villages heureux de la Belgique

    Francorchamps avec l’Eau Rouge et les pouhons

    Région par où se font toujours les invasions

    Artères ferroviaires où ceux qui s’en allaient mourir saluaient encore

    une foie la vie colorée

    Océans profonds où remuaient les monstres

    Dans les vieilles carcasses naufragées

    Hauteurs inimaginables où l’homme combat

    Plus haut que l’aigle ne plane

    L’homme y combat contre l’homme

    Et descend tout à coup comme une étoile filante

 

    Je sentais en moi des êtres neufs pleins de dextérité

    Bâtir et aussi agencer un univers nouveau

    Un marchant d’une opulence inouïe et d’une taille prodigieuse

    Disposait un étalage extraordinaire

    Et des bergers gigantesques menaient

    De grands troupeaux muets qui broutaient les paroles

    Et contre lesquels aboyaient tous les chiens sur la route

 

    Et quand après avoir passé l’après-midi

    Par Fontainebleau

    Nous arrivâmes à Paris

    Au moment où l’on affichait la mobilisation

    Nous comprîmes mon camarade et moi

    Que la petite auto nous avait conduits dans une époque

    Nouvelle

    Et bien qu’étant déjà tous deux des hommes mûrs

    Nous venions cependant de naître »