Les agro carburants épinglés

hausse impots cour des comptes rapport.jpgUn rapport récent de la Cour des Comptes vient confirmer les réserves que j’avais exprimé dans mes précédentes notes consacrées à la filière  agro carburant (agro carburant plutôt que Bio carburant, les bio carburants sont ils écolos).

Mais avant d’aller plus loin et afin de dissiper tout éventuel malentendu, je veux insister sur l’intérêt, la nécessité même, de trouver de nouveaux débouchés à l’activité agricole. Les champs de nos campagnes constituent un gisement potentiel considérable d’activités et d’emplois à développer, en termes de production alimentaire, mais pas seulement.
Au regard de la croissance démographique en cours et des 9 milliards d’habitants que notre planète abritera en 2050, chacun mesure l’importance de sauvegarder une agriculture performante, productive, qui soit également respectueuse du cycle des saisons comme de la biodiversité.

Les espaces agricoles sont aujourd’hui victimes de différents types d’agression qui les fragilisent et menacent leur existence (consommation foncière , fragmentation, mitage, les pollutions  …), ils ne seront d’autant plus aptes à se défendre qu’ils constitueront un enjeu stratégique et économique pour le territoire. Toute la question de leur maintien dépend de cette réalité économique.  

Mais je ne pense pas que le développement des agro carburants soit la bonne réponse, contrairement à l’émergence de filières locales dédiées, notamment, aux éco matériaux (j’y reviendrais dans une prochaine note).

Pourquoi autant de réserves sur les agro carburants ?

 

 

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Les politiques en faveur des biocarburants ont d’abord été liées aux politiques agricoles, puis ont visé l’indépendance énergétique, et enfin ont eu pour objet de répondre aux préoccupations environnementales.

Qu’en est il …

 

Avant d’aborder ces objectifs, quelques données de cadrage …

Les biocarburants qui sont actuellement sur le marché, sont utilisés en mélange avec les hydrocarbures. En France, ils sont distribués pour la circulation automobile sous deux formes, le biodiesel en addition au gazole, le bioéthanol en addition à l’essence.

Le biodiesel est fabriqué en France à partir d’huile extraite du colza et du tournesol, qui poussent sur place, du soja et du palmier qui sont importés, mais également à partir de graisses animales ou d’huile alimentaires usagées.

La place des agro carburants est en France encore minoritaire, à peu prés environ 2,5 % du total des carburants utilisés pour le transport routier, notre pays est cependant devenue le quatrième pays producteur d’agrocarburants.

L’un des objectifs de cette politique pour le moins volontariste était de conforter notre indépendance énergétique vis à vis des pays producteurs de pétrole et surtout de gazole, qui dans notre pays est largement développé du fait d’une politique fiscale très avantageuse, notamment pour les poids lourds.

L’Agence européenne de l’environnement indique que si l’on souhaite recourir à la biomasse pour couvrir 20 à 50 % des besoins énergétiques mondiaux dans les décennies à venir, il faudrait tripler la récolte planétaire. Pour couvrir les besoins de l’UE, les surfaces cultivées pour les biocarburants devraient augmenter de prés de 2 millions d’hectares d’ici à 2020, selon un rapport de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, ainsi que les importations d’huile de soja et de palme.

Les biocarburants utilisent en France pour la culture de leur matière première un peu moins de 6 % de la surface agricole utile, c’est-à-dire 1,7 Mha en 2010, dont 1,45 Mha pour le biodiesel et 250 000 ha pour le bioéthanol.
Soyons honnête,  les biocarburants sont partis d’un a priori positif, cela n’a pas duré, plusieurs raisons expliquent ce revirement, tant économiques, qu’environnementales …
Au niveau économique …
Il est bon de rappeler que les deux filières de l’agro carburant (éthanol et biodiesel) ont bénéficié, en 5 ans  de près de 2,65 milliards d’euros de défiscalisation de l’Etat (au titre de l’exonération partielle de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques , l’ex-TIPP), manque à gagner « essentiellement supporté par les consommateurs », selon le rapport.  Le plan de soutien aux agrocarburants a permis de développer considérablement cette industrie, grâce à des investissements massifs de 1,5 milliard d’euros, dans ce cadre, la filière biodiesel a bénéficié de soutiens dont le montant est supérieur à celui de ses investissements.
Constat, les biocarburants contiennent moins d’énergie par volume que les carburants classiques. Il faut en consommer plus pour effectuer un kilométrage donné. Une situation qui si elle rapporte plus de taxes à l’Etat, coûte plus cher à l’automobiliste qui doit mettre plus de carburant pour parcourir la même distance. Le bioéthanol permet ainsi de parcourir 68 km contre 100 pour l’essence, et le biodiesel 92 km contre 100 avec du gazole.
Au regard de ces performances, l’impact en termes d’indépendance énergétique n’est pas significatif, il faudrait pour cela que les taux d’incorporation soient plus élevés, ce qui exigerait deux contre parties : adapter les moteurs mais aussi étendre la superficie des surfaces dédiées aux agro carburants  pour satisfaire les besoins.
Au niveau environnemental …
Les changements d’affectation des sols (directs et indirects), entre des espaces autrefois occupés par des forêts notamment primaire (Amérique du Sud, Asie, Indonésie) ou de l’agriculture alimentaire, entraine une concurrence avec l’alimentation humaine, des atteintes considérables à la biodiversité, une déforestation qui diminue les capacités planétaires de capturer le carbone et ainsi augmente les émissions de gaz à effet de serre (GES).
D’après un rapport de Greenpeace, le biocarburant vendu en France, serait composé de 30 % d’huile de soja et d’huile de palme, importées d’Amérique du Sud.
L’envolée du prix des matières premières agricoles en 2008 a instauré une concurrence entre la production de biocarburants et celle de la nourriture pour les hommes ou animaux. Ce qui a causé un débat  vif opposant « nourriture contre biocarburants ». Notamment sur la priorité de l’affectation des sols, un débat qui n’est pas qu’hexagonal concernant également les terres des pays en développement au détriment des cultures alimentaires locales. Un rapport récent de la FAO dénonçait ainsi la responsabilité de cette industrie dans la hausse considérable des prix des denrées alimentaires depuis 2008. 40 % du maïs produit aux Etats-Unis et les deux tiers des huiles végétales de l’UE y seraient absorbés, selon la branche alimentaire de l’ONU.

La production des agro carburants entraine une agriculture de type intensive et polluante, que ce soit en termes d’émissions de CO2 ou en utilisation d’intrants afin d’optimiser les rendements des sols. Autre élément à prendre en compte, dans ce cadre les voitures et les camions continuent de privilégier du fait de l’utilisation d’agro carburant les énergies fossiles et les moteurs à explosion, roulent autant qu’avant, ce qui au niveau des émissions de GES est problématique car elles continuent à croitre !

Le constat de la Cour est qu’au terme de 15 ans de politique en faveur des biocarburants, les seuls équilibres  réellement modifiés par ces politiques sont de nature agricole. En ce qui concerne  l’indépendance énergétique ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les résultats ne sont pas probants.

Les auteurs du rapport recommandent  « l’arrêt des subventions soutenant la production de biocarburants » et suggèrent d’accélérer la réduction de la défiscalisation actuelle, jusqu’à son extinction qu’il conviendrait d’envisager sans nouvel agrément pour 2015.

Autre préconisation : satisfaire les exigences de transparence vis-à-vis des citoyens, consommateurs et contribuables, en faisant clairement savoir à l’opinion si la politique en faveur des biocarburants est une vraie composante d’une politique de protection de l’environnement ou un simple volet d’une politique agro-industrielle, ce qui souligne les réserves exprimées par les sages de la rue Cambon.

Pour en savoir un peu plus 

Communiqué de presse

La synthèse du rapport

Le rapport

Les Télé centres émergent de l’horizon …

reseau.jpgUn télécentre doit il contribuer à résoudre la fracture numérique auprès de publics fragilisés, ou bien constituer un équipement dédié aux « professionnels » qu’ils soient indépendants, salariés de TPE, grandes entreprises ou d’administrations ?  Ces deux objectifs apparaissent plus complémentaire qu’antagonistes, chacun étant digne d’intérêt, mais encore faut il que chaque structure se positionne clairement sur le type d’usages privilégié.

L’étude de marché menée par Seine-et-Marne Développement et le cabinet LBMG Worklabs auprès de 27 grandes entreprises franciliennes (dont Areva, Atos, Cap Gemini, Dassault, IBM, SFR, Siemens, Vivendi …) et 150 TPE-PME et indépendants de Seine-et-Marne affiche sans ambigüité la couleur : la cible recherchée est bien le monde professionnel. C’est l’objet de ce billet, nous reviendrons prochainement sur l’autre cible, même si des structures mixtes peuvent également être envisagées. Car il faut rester circonspect, l’expérience des Smart Work Centers d’Amsterdam, démontre que le succès économique n’est pas toujours au rendez vous et que le plus souvent il résulte d’une combinaison très concrète : qualité du business plan, implication des porteurs du projet, valeur ajoutée apportée aux télétravailleurs du secteur.

Incontestablement en France, la réflexion autour de ce nouveau concept émerge, prioritairement portée par les territoires,  qu’ils soient ruraux  ( vercorscantal …)  : lutte contre le désenclavement et la fracture numérique, ou péri-urbains avec pour cible la limitation des transports quotidiens des habitants, souvent supérieurs à 3 heures par jour (notamment dans la grande couronne). Toutes les études témoignent de l’intérêt du concept : tant pour le salarié (voir la note précédente), que pour les entreprises, de plus en plus confrontées à la nécessité de réduire leurs charges de fonctionnement et d’agir en faveur de l’environnement (responsabilité environnementale et sociale).

Rapide focus sur ce nouveau concept, qui avant de pouvoir incarner un modèle économique  « viable », doit représenter une réelle valeur ajoutée apportant des réponses pertinentes aux besoins de ses utilisateurs tant sur le concept, que les couts ou la nature des services proposés …

 

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Les télé travailleurs rêvent ils de télécentres « ubiques » ?

telecentre.jpgConstat banal : en vingt ans, internet a bouleversé modes de vies, repères culturels ou économiques, et l’appréhension même de la notion de temporalité.
La révolution numérique provoque une véritable «accélération dans l’accélération » rendant caduque les schémas traditionnels ayant rythmé nos vies depuis le XIXe siècle, et basés sur le concept d’unité de temps et de lieu.

Nous entrons dans une nouvelle dimension, marquée par le nomadisme croissant qui caractérise nos modes de vie actuels, mais aussi un autre phénomène : le citoyen d’aujourd’hui a la capacité d’être présent dans plusieurs lieux en simultanée, grâce notamment à lé technologie numérique, une véritable quadrature du cercle à la limite de la schizophrénie. Nous voici dans l’ère de l’ubiquité, du moins numérique ou virtuelle.

Nous renoue avec un vieux précepte, cher à Aristote : « La richesse consiste bien plus dans l’usage que dans la possession ». Théorie confortée par le développement du numérique et l’émergence de nouveaux modèles économiques basés sur le partage (usage ou temps d’utilisation). Ce bouleversement concerne les usages numériques mais également d’autres domaines comme celui des mobilités (vélo ou auto partage …).

Il est désormais possible d’amener son travail chez soi, de se déplacer en travaillant, ou encore de travailler à distance, grâce au « télétravail », ou « e-travail »; appellation  qui nous éloigne de la glorieuse époque du Minitel. Ce dernier revêt deux réalités différentes, selon qu’on le pratique à partir de son domicile ou de locaux dédiés (télécentre, coffee shop, coworking space …).

Il m’apparaît utile d’apporter quelques éléments de réflexion, avant de revenir dans un prochain billet sur l’étude menée par le Conseil Général de Seine et Marne, via son agence de développement économique, Seine et Marne Développement sur la thématique du télécentre, d’autant que, dans le cadre de l’éco quartier « L’Ancre de Lune », nous travaillons sur un projet similaire depuis plus d’un an.

Rappelons que malgré les appels d’offres de la DATAR des années 1990 («NTIC et services innovants pour l’aménagement du territoire», « Télétravail, nouvel aménagement du territoire » …), le e-travail reste peu développé en France. Ce concept n’est pas qu’une simple évolution technologique, mais bien  un véritable bouleversement des modèles organisationnels ou managériaux et codes sociaux en vigueur dans l’entreprise. Une mutation qui présente atouts et inconvénients mais surtout, beaucoup d’incertitudes, tant ses composantes sont multiples, voire systémiques, et liés à des questions techniques (équipement, infrastructures) mais aussi culturelles et sociales.

Des incertitudes qui interpellent …

Le « e travail » va-t-il pouvoir se développer ?
Si oui, est il utile de créer des télécentres ?
Ces derniers sont ils un effet de mode, une étape intermédiaire ou bien un modèle économique viable et pérenne ?

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Les voeux 2012 …

Voeux-2012c.jpg Remarque générale, peu d’élus regrettent 2011, année anxiogène s’il en est … Mais derrière les multiples rebondissements de la crise de la zone euro et le sort d’un Triple A qui ne tient désormais plus qu’à un fil, il y a plus grave, la réalité du terrain, quelquefois dramatique.

Les habitants que je rencontre ne me parlent pas de crise, encore moins de triple ou de double A mais évoquent simplement l’emploi ou le logement qu’ils n’ont pas et leur pouvoir d’achat qui baisse inexorablement alors que dans le même temps la précarité se développe avec les risques d’exclusion  liés.
Les problèmes d’approvisionnement des Restaus du Cœur témoignent de l’ampleur de cette détresse. Trop de familles aujourd’hui dans la difficulté n’ont plus d’espoir dans le lendemain, et désabusés, lassés des promesses non tenues, s’éloignent du politique.

Le succès du mouvement des indignés certes interpelle, mais s’il est nécessaire et utile de s’indigner, il faut surtout mettre en place des réponses concrètes plus que des mots, des promesses ou des slogans ne durant que le temps d’une campagne électorale; 2007 est passé par là.  Il est certain que nous y verrons plus clair dans quelques mois,  le prochain scrutin présidentiel promet d’être décisif.

Notre pays se relèvera de cette séquence, défi somme tout relatif comparé à ce que nos parents et grands parents ont traversé et vécu durant les dernières décennies, reste à savoir en quel état …  Encore faut il ne pas se tromper de crise. Si ce que nous subissons aujourd’hui est une crise d’ajustement (de la dette, de la gouvernance, de la répartition de la richesse, de notre mode de croissance …) certes douloureuse, elle n’est pas la crise systémique que certain veulent nous survendre.

A contrario, celle qui nous amènera à changer nos choix de vie, notre modèle de société,  imposera régulation et réhabilitation du long terme et de l’investissement face au modèle actuel dominé par le court terme et la société de consommation, est bien la crise environnementale due aux  émissions de Gaz à effet de serre, y répondre est vital.

J’ai des raisons d’espérer, sentiment qui me vient du terrain, et de l’activité des femmes et des hommes que j’y croise chaque jour. Ils y vivent, y travaillent, s’impliquent, souvent avec passion, notamment dans nos associations, et font de Trilport une ville dynamique, attractive, attachante, avec une véritable dimension humaine, faite de convivialité, d’amitié et de solidarités …
Cette vitalité est une valeur ajoutée créatrice qu’il faut savoir apprécier à son juste prix.

Nous avons pu semer en 2011, dans un cadre budgétaire tendu et contraint, quelques graines d’avenir qui ne demandent qu’à s’épanouir et fleurir, avant de produire les fruits espérés.  Ce qui n’est pas si mal, car  si pour le plus grand nombre, le fruit est l’essentiel de l’arbre, les vrais jardiniers savent qu’en réalité, c’est la graine qui importe

Alors que proposer en 2012 ?

 

 

 

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L’enjeu est de rendre nos concitoyens, malgré un contexte difficile que personne ne conteste, acteurs de leur devenir, afin que nous puissions construire collectivement une ambition commune et surtout partagée par le plus grand nombre, sans exclusive ni exclusion, et de vraies perspectives …

Il est important de préciser que les difficultés de financement que rencontrent aujourd’hui les Conseils Généraux et Régionaux, sont également les nôtres. C’est autant de soutien en moins pour nos projets d’équipements ou d’infrastructure au service de nos concitoyens dans le cadre de politiques contractuelles malmenées, et d’incertitudes pour le maintien des politiques publiques pourtant indispensables, notamment pour les plus fragilisés, que ces collectivités portent …

Les professionnels s’en inquiètent. Le Moniteur de la semaine dernière titrait dans un de ses articles : «Quand les collectivités s’enrhument, les entreprises du BTP toussent ».

Autant dire que ces entreprises risquent de tousser fort en 2012. C’est également moins de travaux d’infrastructures pour rendre nos territoires compétitifs, moins de travail pour nos entreprises, moins d’emplois pour nos habitants et in fine moins de croissance pour une économie qui en a pourtant tant besoin. Comment réduire le déficit de la dette sans croissance ?

 

La feuille de route que nous nous fixons pour 2012 tient compte de ce contexte :

Bâtir des  proximités plus solidaires

Mettre en place un pôle social permettant au CCAS et aux acteurs sociaux de travailler dans de meilleures conditions. C’est lorsque les temps sont difficiles qu’il faut être en capacité d’apporter des solutions adaptées, rapides et complémentaires et améliorer ses capacités d’écoute.

Soutenir le commerce de proximité, il constitue un élément important du lien social que nous voulons développer. Nous devrions accueillir début 2012, deux nouveaux commerces, ce qui par les temps difficiles  que nous rencontrons démontre le dynamisme et le potentiel de notre ville.

Faire évoluer en profondeur les services municipaux, afin de les rendre plus performants face aux tendances de fond rencontrées : désengagement des missions de l’état, baisse tendancielle de nos ressources, augmentation des exigences des habitants et de leur nombre, manifestation de certaines incivilités, développement d’internet et de ces usages, nouveau paysage territorial … Les objectifs poursuivis sont clairs : améliorer la relation avec les usagers et Habitants, conforter le sens du service et de l’action publique à laquelle nous sommes très attachés, mieux informer, anticiper plus que subir, améliorer l’offre de service via notamment une réflexion autour de la mise en place d’un nouveau site internet doté de téléservices, proposer une nouvelle conception de l’organisation des services : plus agile et plus transversale.

Une réflexion qui bénéficie de l’implication des agents, sollicités depuis septembre, mais également des Trilportais, grâce aux questionnaires auxquels beaucoup ont répondu, certaines propositions émises ouvrent des pistes de travail intéressantes.

 

La réflexion et le travail collectif réalisé autour de l’éco quartier a permis de progresser sur des problématiques concrètes impactant le quotidien des Trilportais et permettront des réalisations concrètes dans toute la ville,  dés cette année :

Dynamiser la démocratie citoyenne : réunions publiques, lancement d’ateliers citoyens, plébiscités par les nombreux participants qui y viennent, et réunions de quartier

AmélioL’éclairage public : il nous faut éclairer mieux, plus juste, de manière plus économe, sans éblouir les étoiles et en limitant la pollution lumineuse. Une rénovation générale, des lampes aux armoires, va être lancée et s’étendre progressivement à toute la ville. Elle permettra de gérer chaque point lumineux en modulant selon les heures et les secteurs, l’intensité de l’éclairage, permettant d’améliorer le cadre de vie, d’effectuer des économies importantes tout en diminuant les émissions de Gaz à Effet de Serre.

L’accessibilité : relance de l’activité de la Commission extra municipale « Accessibilité » privilégiant une réflexion globale sur la ville, basée sur la notion d’itinéraire afin de traiter  les différents points clés à aménager,

Une bio diversité plus robuste en ville : aménagement d’un Parc Urbain, création des jardins familiaux, gestion différenciée des espaces verts.

Usages  numériques : contribution à un projet de télécentre afin de soutenir l’emploi et de créer des synergies locales, actions visant à  réduire la fracture numérique, équipement des écoles, d’ici la fin de l’année, toutes les classes des écoles de la commune, de la Maternelle au Primaire, seront connectées à Internet en filaire.

 

2012, verra également progresser certains grands dossiers

L’écoquartier « l’Ancre de lune », qui après avoir été lauréat 2009 de l’appel à projet «Nouveaux Quartiers Urbains », a été un des six lauréats 2011 du concours lancé par l’ADEME Ile de France, sur l’Approche Environnementale de l’Urbanisme.

Prévention de la délinquance : la réflexion intercommunale va bientôt déboucher sur la création d’un CLSPD, que nous réclamons avec insistance depuis 2002. Il nous semble essentiel que l’ensemble des acteurs impliqués dans cette problématique complexe puissent se rencontrer et agir en complémentarité. Au niveau communal, nous expérimenterons l’outil qu’est la vidéo protection; sans l’idéaliser, ni le diaboliser, mais avec éthique et  avec la volonté de l’utiliser avec efficience, selon nos moyens financiers. Notre priorité est de contribuer à renforcer la Police Nationale et de lui donner tous les moyens nécessaires afin qu’elle soit en capacité d’accomplir ses missions dans toutes les communes, en complémentarité avec notre Police Municipale. Il est essentiel pour la cohésion sociale du pays de défendre les missions régaliennes de l’Etat, liés notamment aux proximités.

Nos communes ne doivent pas devenir des déserts institutionnels, des cités dortoirs, ou des terres de relégation, mais demeurer  des communautés de vie ou le lien social n’est pas un vain mot.  Autant dire que nous attendons avec beaucoup d’appréhension les mesures de carte scolaire en préparation. Nos écoles ont besoin d’enseignants en nombre suffisant, formés, impliqués dans leur mission ! Nous serons attentifs et vigilant, il en va du  devenir du pays.

L’équilibre entre qualité du service public, action efficiente, dimension humaine, proximités et contexte budgétaire tendu concerne également d’autres acteurs  représentatifs également de la cohésion sociale, telles la SNCF et la Poste, nous aurons l’occasion d’y revenir dans ce blog …

2012, est également l’année d’un tragique anniversaire, celui des 10 ans de l’explosion de la Halotte, qui a fait 2 morts et marqué durablement la ville. Coïncidence symbolique, nous confierons la même année à l’agglomération cette Zone d’activités, désormais en plein essor, au lieu de la friche industrielle qui subsistait après l’explosion. Nous pouvons avoir la fierté du devoir accompli.

Pôle Gare : intégralement piloté par l’Agglomération, le chantier de rénovation des abords de la gare au titre des travaux d’aménagements liés au Pôle Gare (Plan de Déplacement Urbain d’Ile de France) devraient enfin débuter cette année ; après un retard de quelques années du à des négociations difficiles avec RFF.

Déviation de Trilport : outre la beauté et la qualité du patrimoine naturel local, du pont inauguré par Napoléon III et le Prince Impérial, de l’hélicoptère inventé par un illustre Trilportais, notre ville a une spécialité dont elle se passerait bien : son bouchon.
Sans revenir sur les épisodes précédents,  si nous sommes en panne depuis 2008 et le blocage du SDRIF par l’Etat (Grand Paris), la situation peut se débloquer grâce à la loi que la sénatrice Nicole Bricq a fait voter au Sénat.

 

« Une société sans rêve étant une société sans avenir. » (Jung), nous devons rêver ensemble à des lendemains qui chantent,

Genése d’une Appellation d’Origine Contrôlée

corto-ville-lune.jpgTout porteur de projet d’aménagement, qui s’implique réellement dans ce dernier, connaît le même dilemme … Quel nom ou dénomination attribuer à un morceau de ville et de vie dans lequel s’épanouiront des générations d’habitants ou d’usagers ?

C’est de fait une responsabilité très particulière.

Une ville ne peut pas être considérée comme un objet fini, mais bien comme le produit d’une véritable alchimie, toujours en cours, qui mêle tout à la fois histoire, géographie, culture, morphologie urbaine, environnement naturel, usages et imaginaire … Le tout s’entremêle et interagit …

Si par essence, un quartier est un condensé d’histoire et de vie collective et sociale, il respire et vit au quotidien, évolue, mute, se développe, se régénère quelquefois …

 

On ne dessine pas une ville, tel un objet fini, (cf le « dessine moi  … une ville » du Petit Prince au renard), on en représente plutôt le ressenti, reflet d’une histoire commune et partagée ou non, à un moment présent, éphémère, et pour tout dire intemporel.

Le projet d’éco quartier qui nous anime (voir billet du blog), possède entre autres particularités, une implication forte de ses acteurs et une volonté effective et assumée de rétro agir vers le territoire.

Avant d’être un projet urbain, cet éco quartier est déjà avant tout et surtout une aventure humaine collective, au service du lien social de proximité, témoignant également d’une réelle prise de conscience de la responsabilité particulière de l’homme envers son environnement.
Nous aurons l’occasion d’en reparler en 2012 dans ce blog, tant les choses ont évolué depuis ces derniers mois.

Les valeurs portées par ce projet sont tournées vers l’humain (habitat, liens sociaux et multi générationnels) avec une aspiration à atteindre une meilleure qualité du vivre ensemble dans un environnement plus harmonieux.

 

Alors quel nom justement pour cet Eco quartier ?

 

 

 

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Attribuer l’appellation « d’un lieu dit » aurait pu constituer une solution éventuelle ; mais un lieu dit définit par essence, un site avec son passé, son histoire, sa puissance évocative … or ce projet est multisites, sa finalité étant de rétro agir sur le territoire justement …

Il était important pour nous que le nom soit signifiant, et « porte » littéralement les valeurs initiales du projet, sans pour autant avoir de lien avec le concept finalement technique, connoté et réducteur d’éco-quartier (significative sans doute aujourd’hui mais demain ? ).

Ce projet, comme tant d’autres, se définit, se situe et se projette dans un présent qui est déjà, de fait, un futur proche «n’écrit on pas l’avenir aujourd’hui ?».
Il faut compter avec une certaine d’intemporalité, celle du temps qui passe …  Une ville est par essence un lieu où ce confronte les époques, les histoires mais qui constitue également un lieu de défis et de dépassement du soi « collectif » comme du présent vécu au quotidien …

Nous voulions pour ce nom, une vraie légitimité, voir une réelle autenticité, et non qu’il soit le fruit de l’imagination et du talent créatif d’un communiquant destiné à vendre un produit. Nous avons proposé à un panel d’élus et d’agents territoriaux de nous suggérer une liste de noms, ce qui a été fait …

 « l’Ancre de lune » est sorti du chapeau et du lot …

 

Aprés discussion, il a semblé à ce panel difficile de choisir un « nom descripteur », tant le risque était grand d’enfermer le projet, ses valeurs, atouts, potentiels et incertitudes dans des limites restrictives … Si la ville peut être évoquée de manière réaliste, ce qui fait sa force est avant tout sa dimension humaine et les perspectives qu’elle ouvre à ses habitants.
Notre panel a préféré s’éloigner des « canons traditionnels, et choisir un nom qui impulse une dynamique imaginative, représentative pour eux, d’un projet qui reste de l’ordre de l’hypothétique, de l’imaginaire, du rêve et qu’il faut rattacher, « ancrer », à la réalité. 

Avoir choisi un nom poétique pour ce quartier, c’est suggérer une histoire intemporelle restant encore et toujours à écrire, notamment par ses futurs habitants, afin qu’ils se l’approprient peu à peu.
Parler de sa ville de façon poétique, c’est avant tout insérer l’humain au coeur du projet,  et évoquer en contrepoint la vie, les peurs et les rêves de chacun et de tous.
Une ville ne peut être réduite à une liste sommative d’aménités, elle est aussi urbanité, civilité, humanité et proximité, avec les uns et les autres,  la nature, les bois et les champs qui l’entoure, les rythmes du jour et de la nuit ponctuant inexorablement le temps qui passe …

Ils nous ont proposé de placer la barre, sacrément haut, jusqu’à la lune, c’est dire !
Non pour la «décroisser», comme le chantait le Grand Jacques, mais bien pour l’ancrer un peu plus à notre quotidien, afin d’être à l’écoute de la planète, de ses cycles naturels et perpétuels, et de bâtir ensemble, aujourd’hui et demain, de nouvelles perspectives plus respectueuses d’une nature qui nous environne, nous protège et nous domine, mais qui demeure avant tout fragile, nous devons le retenir.

L’Ancre fait également référence, pour d’autres, à un pilotage à l’ancienne, qui au delà des aléas (vent, courant, marées, tempête …), permet de tenir le cap, en harmonie et en relation avec les étoiles, la nature et ses cycles, histoire de ne pas perdre le nord qu’il soit magnétique ou polaire …

Cap vers « l’Ancre de lune », afin d’ancrer un peu plus d’idéal dans nos quotidiens d’aujourd’hui et de demain …

Cela ne fait pas de mal, non, un peu d’idéal, surtout en ces périodes pour le moins moroses ? 

Semprun, « rouge espagnol de l’armée en déroute »

semprun.jpgJorge Semprun est mort à l’âge de 87 ans, il a été inhumé en Seine-et-Marne, le 7 juin 2011 revêtu du drapeau républicain espagnol », rouge, jaune, violet …
Sa vie a été plus qu’un roman, tant elle était improbable, de sa naissance à sa mort il a participé à tous les bouleversements et soubresauts traversés par nos pays le siècle dernier … Il a eu plusieurs vies …

Ce fils de diplomate a été successivement réfugié, résistant, déporté, militant, responsable politique, écrivain, scénariste, ministre …
Les différentes identités qui ont rythmé le fil de sa vie, espagnol de naissance et de langue maternelle, français par le lycée, la Résistance et le coeur, allemand par philosophie, sont autant de fleuves qui l’ont mené jusqu’à sa « mère » nourricière, l’Europe …

Car Jorge Semprun est indéniablement et avant tout un européen, citoyen éclairé d’un continent victime des grandes déchirures et fractures politiques et idéologiques du XXe siècle …
Son dernier livre « une tombe au creux des nuages », marque la fin d’un cycle de conférences prononcées en allemand et en Allemagne ces vingt dernières années. L’allemagne ce pays qui l’a tant marqué …

Entre le souvenir lancinant des cheminées de Buchenwald et l’arbre de Weimar, qui aurait inspiré Goethe parait il, ce survivant de camp de concentration, après un long temps de réflexion, a fait son choix et ne s’est souvenu que de Goethe … Jorge Semprún croit en l’homme, malgré et avant tout, son parcours individuel en est l’illustration la plus complète.

« Mais ce qui pèse le plus dans ta vie, ce sont certains êtres que tu as connus. Les livres, la musique, c’est différent. Pour enrichissants qu’ils soient, ils ne sont jamais que des moyens d’accéder aux êtres » (Le grand voyage)

Le témoignage que constitue son œuvre littéraire, a une portée collective. Il constitue un relais tendu, et transmis aux nouvelles générations, avec pour objectif, de défendre non une vie, des idées ou des idéologies, mais l’héritage humaniste et démocratique de ces valeurs et de ces cultures qui composent et font l’Europe.
Nos pays ont vécu, expérimenté et ressenti la douleur apportée par le coté obscur de la force, celui des totalitarismes… larmes, sang, haine …  ils ont appris à dominer leurs sentiments légitimes de révolte et de colère, puis à rebondir, à se rencontrer de nouveau, avant de se projeter dans l’avenir ensemble, enfin  …

Le titre de son dernier livre est extrait d’un vers du poème de Paul Celan « Todesfuge » (« Fugue de la mort »), il aborde un contexte que Semprun a trop bien connu, celui des camps de concentration.

« il crie, plus sombres les archets, et votre fumée montera vers le ciel

vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré »

L’auteur utilisant pour métaphore l’expression employée par les déportés des camps, qui ne se disait pas entre eux : « un tel copain est mort », mais simplement « il est parti en fumée ».

« Tout m’était arrivé, rien ne pouvait plus me survenir », écrivait-il …

Si ce n’est l’Europe …

 

 

 

 

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Une vie d’européen …

La vie de Jorge Semprun éveille en moi des échos profonds, ceux de mes racines familiales. Je suis petit fils d’émigrés espagnols, simples bergers anarcho syndicalistes originaires de Fraga, qui se sont réfugiés également en France entre les années 1936 et 1938.

Lui est né en décembre 1923 à Madrid, fils d’une famille républicaine de la haute bourgeoisie, son grand-père ayant été à plusieurs reprises président du gouvernement espagnol. Durant la guerre civile  et la victoire inexorable de l’armée de Franco et de ses alliées, les forces nazis de la légion Condor, son père diplomate choisit l’exil et rejoint avec femme et enfants la France en 1939.

Jorge Semprun devient pensionnaire au lycée Henri-IV à 16 ans, puis suit des études brillantes de philosophie et d’histoire à la Sorbonne; devant l’occupation nazie, il rejoint la Résistance française et adhère en 1941 aux réseaux des Francs Tireurs et Partisans, puis au Parti communiste d’Espagne.

En septembre 1943 à 19 ans, il est arrêté par la Gestapo et déporté à Buchenwald.

« Je suis emprisonné parce que je suis un homme libre, parce que je me suis vu dans la nécessité d’exercer ma liberté, que j’ai assumé cette liberté ».

Il devient le matricule « 44 904 », responsable des activités culturelles des prisonniers espagnols, puis est  libéré par les chars du général Patton; après son départ de Buchenwald, il décide de ne plus se souvenir, choisissant « l’amnésie délibérée pour survivre ».

Il ne rompra ce silence volontaire qu’en 1963.

« Pour les survivants, la mémoire la plus forte c’est l’odeur des crématoires. Lisez Blum qui parle de « cette étrange odeur » qui lui parvenait par les fenêtres de sa villa du camp de Buchenwald et qui l’obsédait des nuits entières. Comment voulez-vous transmettre une expérience aussi forte en dehors de la littérature… »

Le temps de l’écriture

Rejoignant Paris, Franco étant conforté dans sa dictature, il débute une carrière d’interprète à l’Unesco, avant de repartir en Espagne (1952), et de coordonner la résistance communiste au régime franquiste, sous divers pseudonymes, notamment celui de Federico Sanchez, en charge des relations avec les milieux intellectuels. Il gravit progressivement tous les échelon de ce parti : Comité central puis Comité exécutif (Bureau politique) en 1956.

En 1964, le chef du PCE Santiago Carillo l’exclut du parti pour « déviationnisme ».

Après cette rupture politique, Jorge Semprun renoue les fils avec sa jeunesse littéraire et son douloureux passé, évoqué dans son premier récit, « Le Grand Voyage », qui rappelle les cinq jours de voyage qui l’ont mené de Paris à Buchenwald.

C’est le début d’une nouvelle vie, durant laquelle il « entre en littérature » et écrit de nombreux romans à succés (en 1969, «La deuxième mort de Ramon Mercader» obtient le prix Femina), particularité rarissime, il écrit dans les deux langues : espagnol et français … Puis français …

« Je pourrais vous répondre qu’un écrivain habite sa langue ou plutôt, en ce qui me concerne, le langage. C’est-à-dire un espace de communication sociale, d’invention linguistique. Dans les différentes occasions qui m’ont été données de risquer ma vie, l’idée de patrie ne m’a jamais hanté.

En cela, je diffère beaucoup des intellectuels français qui sont convaincus de savoir non seulement ce qu’est l’identité de la France, mais que cette identité est apparentée à l’universel. »

« Je n’ai pas choisi d’écrire en français, j’ai choisit de maitriser le français. Pour tout le monde j’étais l’étranger, le rouge espagnol de l’armée en déroute. J’étais une ruse de guerre, je voulais être indiscernable

Alors je suis devenu après complètement bilingue. Parce que le français est une langue admirable, l’espagnol est une langue qui a tendance à la grandiloquence, et à l’emphase, une tendance aux chemins de traverse, une complexité baroque » disait il à Bernard Pivot dans une émission d’apostrophes fameuse, avec sa voix si chaude.

Il alterne romans et scenarios de cinéma  avec Pierre Schoendoerffer, Alain Resnais (la guerre est finie), Costa-Gavras (Z, l’Aveu, Section Spéciale), Joseph Losey …

La mort de Franco en 1975, et l’arrivée de Juan Carlos sur le trône d’une monarchie parlementaire, initie une nouvelle séquence durant laquelle il deviendra durant trois ans Ministre de la Culture de Felipe Gonzales. Sa libre parole, son indépendance d’esprit s’adaptent mal à l’activité politique.

Il retourne à ses chemins de traverses, redevint écrivain et membre de l’Académie Goncourt, entre autres …

Le temps d’écrire ses dernières oeuvres, dont « une tombe au creux des nuages »

Puis il est parti …

L’Europe … Verbatim

Pourquoi êtes-vous si réceptif à cette culture viennoise, les Freud, Musil, Broch ?

Parce qu’ils ont contribué à façonner une partie de l’esprit européen. Ce sont ces voix juives, au moment où l’Allemagne s’effondre dans le nazisme, qui sauvent l’âme de ce pays. Aujourd’hui, il ne reste pas grand chose de cette intelligentsia juive européenne. Elle s’est

Buchenwald, le camp ou vous avez été déporté, se situe à Weimar, la ville de Goethe et de la République du même nom… 

C’est un binôme essentiel de la mémoire. Il rappelle que la culture n’empêche pas la barbarie. Les deux peuvent se situer sur le même territoire. Et je vous rappelle qu’après avoir été un camp nazi, Buchenwald est devenu jusqu’en 1950 un camp de concentration soviétique géré par la police de Staline. L’Allemagne reste le seul pays d’Europe à avoir fait l’expérience des deux totalitarismes du XX eme siècle.

Hitler et Staline résument-ils pour vous ce XX e siècle ?

Heureusement non! Mais ils ont marqué ce siècle profondément, bien qu’on ne puisse mettre Hitler et Staline sur le même plan. Ces deux systèmes totalitaires sont comparables du point de vue de leurs conséquences historiques concrètes, mais ils diffèrent sur leurs idéologie et leur finalité proclamée.

Comme le disait le philosophe Max Horkheimer, « celui qui ne peut pas parler du stalinisme devrait aussi se taire sur le fascisme ».

 Ceci dit, le XX e siècle, c’est aussi le cinéma, les arts, la psychanalyse, l’émancipation coloniale, la fin des empires et la libération de la femme qui n’est pas terminée…

L’économie est importante, primordiale, mais la vraie question demeure : l’Europe a-t-elle besoin d’une âme ? 

Je pense que oui. L’Europe, mécaniquement parlant, cela fonctionne. Les jeunes pratiquent tous les jours l’Europe sans même le savoir, comme monsieur Jourdain faisait de la prose. Ils se déplacent sans visa, ils peuvent suivent des cours dans différentes universités, ils paient avec la même monnaie.

En revanche, au-delà de cette pratique de l’Europe, il faut la penser. Et là encore, je suis sûr que les écrivains et que la culture ont un rôle fondamental à jouer.

Quel est l’utilité du devoir de mémoire ?

L’expérience des camps nazis est une expérience singulière. En faire un sujet de roman requiert des précautions d’usage, mais je reste persuadé que seule la littérature peut endosser cette mémoire à l’adresse des générations suivante et la rendre vivante.

Il le faut bien et c’est même essentiel puisque bientôt il n’y aura plus de témoins directs de l’extermination qui s’est déroulé dans les camps nazis. Sinon la mémoire va s’éteindre et il y a des histoires que seuls des écrivains peuvent transmettre. Aujourd’hui, pour saisir quelque chose de la guerre de Trente Ans, il nous reste heureusement Mère Courage de Brecht.

Faut-il renoncer à améliorer le monde ?

Sûrement pas ! En revanche, il faut en finir avec l’idée de révolution, de tout changer. Il faut accepter une certaine forme de libéralisme dans laquelle il faut introduire plus de justice, plus de partage.

Tout ceci se fait au niveau des réformes, pas des changements radicaux. Mais je suis conscient qu’il est bien plus difficile de mobiliser les foules sur des réformes que sur la révolution.

« Fugue de mort » (Todesfuge) (Paul Celan, 1945)

Paul Celan a écrit ce poème en mai 1945, à Bucarest, trois mois après la libération du camp d’Auschwitz par l’Armée rouge.

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir

le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit

 nous buvons et buvons

nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or

écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens

il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe

il nous commande allons jouez pour qu’on danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir

nous buvons et buvons

Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or

Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré

Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez

il attrape le fer à sa centure il le brandit ses yeux sont bleus

enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir

nous buvons et buvons

un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or

tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents

Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne

il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel

vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on n’est pas serré

Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit

 te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne

nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons

la mort est un maître d’Allemagne son oeil est bleu

il t’atteint d’une balle de plomb il ne te manque pas

un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or

il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel

il joue les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne

tes cheveux d’or Margarete

tes cheveux cendre Sulamith