
Être élu apporte parfois de vraies satisfactions et le sentiment d’avoir été utile en agissant pour surmonter les différents obstacles disséminés sur une route déjà difficile et les contradictions d’une société qui n’en manque pas … C’est ce que j’ai ressenti il y a quelques jours en visitant le chantier des 45 logements réalisés par « le Foyer Rémois » dans notre écoquartier de l’Ancre de lune.
C’est la première fois en France qu’on utilise la technique du béton de chanvre projeté sur un bâtiment de trois étages. Particularité, ce chanvre cultivé localement, y compris à Trilport, est transformé à proximité, à moins de 15 km. Ce chantier illustre la capacité du pays à s’engager concrètement dans l’économie circulaire et témoigne de la place que peut prendre l’Ile de France dans ce combat pour une planète plus durable et solidaire réconciliant économie, agriculture et environnement. Concrètement, ce chantier nécessite 70 tonnes de chenevotte (une partie de la plante), cultivé sur une superficie de 25 hectares (sans utilisation de produit phytosanitaire), produit par une centaine d’agriculteurs.
Ce projet qui cible le niveau le plus élevé du label « Batiment Bio sourcé » est emblématique de la démarche que nous menons à Trilport depuis 10 ans avec la formidable aventure collective de l’Ancre de Lune. Elle démontre l’importance pour un tel projet, de partir d’un diagnostic territorial partagé et collaboratif intégrant toutes les contraintes et potentialités d’un territoire.
Maitre mot à souligner; celui de contextualisation … Innover où l’on est, rechercher les synergies locales avant d’explorer d’autres pistes. En matière environnementale, souvent mieux vaut contextualiser et intégrer la dimension des usages que pratiquer un « copier / coller » parfois hors sujet.
Lorsque j’ai initié l’Ancre de lune en 2008, c’est non pour en faire un objet de communication mais bien un catalyseur de dynamiques territoriales : sociales, urbaines, architecturales ou environnementales. Objectif ambitieux nécessitant de faire du collaboratif, du commun, du partagé et de fédérer les énergies d’agriculteurs désireux de cultiver plus durablement et de professionnels du BTP et de l’urbanisme engagés dans une réflexion similaire.
Mais le plus difficile a été de combattre des moulins à vent institutionnels faisant barrage à toute innovation par le bio sourcé. Des organismes officiels manifestement plus soucieux de défendre les intérêts économiques de quelques entreprises que les impératifs de santé publique ou d’environnement.
Je m’en étais aperçu, à titre personnel, comme membre de l’équipe d’experts qui de 2009 à 2012 a élaboré le référentiel national des éco quartiers, toujours en vigueur aujourd’hui. J’avais alors constaté avec tristesse, plus qu’une frilosité, une hostilité au « bio sourcé ». Ce qu’a rappelé le rapport de Corinne Lepage « l’économie du Nouveau Monde » (2015), soulignant la « grande bienveillance » du CSTB vis à vis des lobbies du béton et de la laine de verre …
Nous avons mené et menons, ici à Trilport, beaucoup de combats que ce soit en privilégiant le chanvre à la laine de verre en matière d’isolation, utilisant les eaux de pluies pour alimenter les chasses d’eau de nos écoles, reconstruire la ville sur la ville afin de limiter l’étalement urbain, en inititant un éco quartier, en privilégiant un habitat local qualitatif … A chaque fois le plus difficile n’a pas été de trouver les savoir faire et les solutions techniques mais bien d’obtenir les autorisations nécessaires … Un comble !
Revenons cependant au potentiel d’une filière aussi prometteuse que celle du chanvre, et aux combats qu’ils restent encore à mener pour progresser en 2021 vers une économie plus circulaire.
Continuer la lecture de « Filière chanvre : l’économie circulaire demeure toujours un combat »