Du lien de causalité en matière d’éducation

exam_correction.JPGQuelquefois une ouverture de classe proposée par l’Inspection Académique peut être ressentie amèrement par la Communauté éducative locale; cela peut sembler paradoxal mais c’est pourtant  le cas, après la proposition de réouverture définitive faite ces derniers jours pour une  école ayant subi à la rentrée une fermeture définitive de classe (pour seulement quatre élèves)…
Décision se révélant catastrophique au fil des jours pour les élèves  : l’ensemble des classes de l’école à double niveau, des absences d’un enseignant remplacées par une kyrielle de remplaçants, eux mêmes quelquefois absents … Illustration : depuis septembre, une classe a eu jusqu’à 8 professeurs différents ! Autant dire que les conditions ne sont pas réunies pour permettre à ces élèves de suivre une scolarité normale !

J’ai écrit à l’Inspecteur d’Académie afin de lui faire part des inquiétudes légitimes suscitées par ces conditions de scolarité, issues d’une mesure de carte scolaire discutable. Cette réouverture était selon nous, prévisible au regard de l’évolution des effectifs, ce qui ne fait qu’amplifier l’impression de gâchis, le terme n’est pas trop fort, inspiré par cette année. Réouverture dont nous avions indiqué la trés forte probabilité lors de nos multiples entretiens avec les services académiques, I’inspecteur d’Académie puis le représentant du Ministre afin de les convaincre.

Je ne peux que constater aujourd’hui avec amertume les conséquences de cette décision et en évaluer les dommages. Elle a gravement impacté la qualité de l’enseignement prodigué dans une école jusque là sans souci, une dynamique d’équipe est cassée, l’enseignante en poste a été déplacée dans un autre établissement malgré un investissement personnel conséquent non seulement auprés de ses élèves mais de l’école. Nous espérons avec les parents, sans trop y croire,  qu’une telle année n’aura pas de conséquences négatives sur la scolarité future de leurs enfants.

Situation à des années lumière des objectifs officiels (et théoriques) de réussite affichés par le Ministre lors de ses points presse. Ici point de communication médiatique, le principe de réalité prévaut et il est brutal !

Certains parents d’élèves et enseignants, chacun peut comprendre leur désarroi, parlent de « casse généralisée » de l’école publique. Soulignons dans le même temps  le travail remarquable et la conscience professionnelle exemplaire des enseignants de cette école qui exercent leur mission sans coup férir depuis septembre dernier, malgré des conditions matérielles et morales plus que délicates et qui honorent leur institution.

Analyse, cette fois ci plus politique. Il existe bien un lien de causalité direct entre suppression de postes au niveau national et situation locale, ceux qui pouvait en douter, en sont désormais convaincus. Il faut dénoncer le double langage d’élus qui devant les parents d’élèves sont « scandalisés » de telles fermetures, alors que dans le même temps ils soutiennent les mesures de suppressions de postes décidés au niveau national, qui sont pourtant directement à l’origine d’une telle fermeture et des problèmes de remplacement constatés ! Un gand écart idéologique dont certains sont coutumiers, la démagogie n’a quelquefois pas de limite …

Je déplore que la question de l’éducation fasse l’objet d’une contreverse dogmatique et politicienne, il en va pourtant de l’avenir de notre pays. Il faut réformer bien sur, mais pour améliorer l’efficacité d’un système, pas pour réaliser de fausses économies qui à teme se révèleront négatives pour le pays, y compris et surtout au niveau économique. Autant l’education nationale ne doit pas être un tonneau des Danaïdes, autant elle doit être considérée pour ce qu’elle est, un investissement pour le futur.
Je constate avec intérêt l’évolution de groupes de réflexion tel l’institut Montaigne, pourtant classée trés à droite et plutôt catalogué comme chantre du néo libéralisme (bien qu’une révolution culturelle se déroule sous nos yeux, au regard de la crise que nous traversons) qui dans une étude consacrée aux ZEP, démontre l’acuité des problèmes rencontrés au quotidien dans les écoles : « Il y a urgence. Sans égalité assurée très tôt au quotidien, et dès l’école primaire, la société française risque de s’étonner encore longtemps des maux dont elle souffre aujourd’hui » …

Une telle conclusion me va, c’est dire ! Elle démontre l’importance et la légitimité de combats visant à soutenir l’activité de structure comme celui du RASED ou de protester contre des suppressions de classe pour deux à quatre élèves manquant selon le département dans lequel ils vivent et les dotations de postes glanées par l’Inspection Académique chaque année.

L’institut Montaigne ira t’il jusque là dans son aggornamiento politique ?

 

Permetttez moi sinon d’en douter du moins de l’espérer …

 

Ecole, l’heure de la casse a t’elle sonné ?

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Retour sur une rentrée scolaire qui risque de laisser quelques traces. Les congés de la Toussaint arrivent cependant à point pour apaiser, sans doute momentanément, l’inquiétude suscitée par ces premières semaines, due principalement aux mesures prises par le Ministre Darcos.

Un mal être généralisé, s’est instauré dans nos écoles et concerne tous les acteurs de la Communauté éducative : enseignants, parents d’élèves, personnel municipal et de manière plus inquiétante bien évidemment les élèves. Gardons nous d’omettre de cette liste, nombre d’inspecteurs et d’administratifs, chargés d’appliquer des réformes sur lesquelles beaucoup en privé se montrent pour le moins « réservés » :  vague de suppression de postes sans précédent, instauration d’un soutien scolaire improvisé et déstabilisateur entrainant une gabegie incroyable dans les écoles, semaine de quatre jours, risque de démantèlement des RASED …

Entre les plateaux de télé où le Ministre  joue au réformateur zélé et la réalité du terrain, l’abîme se creuse inexorablement …  A trop confondre vitesse et précipitation, négliger la moindre concertation, privilégier la communication et la démagogie de l’instantanée et des slogans, à, la réalité concrète du terrain et du quotidien des écoles de France et de Navarre, le Ministre est en train de désorganiser en profondeur l’école primaire. Pourtant chacun sait que la croissance de demain, proviendra de notre capacité à bien former les générations futures, qui auront à se positionner demain dans un monde en mouvement ou nombre de pays émergents font de la Connaissance la rampe de lancement de leur développement.

Attention éducation en péril …. SI le démantèlement amorcé par Darcos se poursuit les conséquences risquent d’être fort graves pour notre pays …  Revue d’effectifs des sujets qui fâchent et description d’une situation qui pourrait rapidement devenir explosive …

 

D’autant que d’autres dossiers vont rapidement s’inviter sur la table (lire la suite …) …

 


Le remplacement de deux heures de classe, par deux heures de soutien (24+2 au lieu de 26) et l’instauration de la semaine de quatre jours, a non seulement changé la donne mais provoqué quelques remous, et causé  quelques incohérences, que je voudrais ici souligner :

Sur trois écoles présentes sur la commune,  chacune a choisi une modalité différente de soutien scolaire, aux services municipaux de s’adapter ! Sauf que plus personne n’y comprend rien et les  enfants se retrouvent ballotés.
Concernant le soutien effectué le midi, force est de constater, ce n’est pas une caricature, que les élèves sont plus fatigués, surtout ceux en difficulté. Chacun peut comprendre pourquoi : remplacer le moment de détente du midi, ou du soir, par une heure de soutien, n’est pas neutre. Pour les élèves d’ailleurs et leurs enseignants !
Où sont les progrès ? ce risque avait été en son temps signalé au ministre et à ses conseillers …

La fatigue et la « rancœur » de mesures prises sans concertation engendrent une réelle tension dans les écoles, où les enseignants sont de plus en plus excédés : classe plus difficile à gérer, parents d’élèves un peu déboussolés s’interrogeant et demandant des explications légitimes, collectivité ayant des difficultés à tout mettre en musique afin d’assurer à la fois le quotidien (nettoyage, maintenance, cantine) et l’exceptionnel (les murs de nos cantines ne sont pas extensibles …). Ce malaise, ou mal être, concerne également le périscolaire, d’autant que les professeurs sont de plus en plus réticents à s’impliquer dans les études surveillées, au plus grand déplaisir des parents. Cette nouvelle organisation du temps scolaire à l’école primaire va en outre à l’encontre des préconisations sur le respect des rythmes de l’enfant et sur  la prise en charge de la difficulté scolaire.

 

D’autres nuages noirs pointent à l’horizon

Après examen rapide de certaines pistes du budget 2009, toujours en discussion (le fameux 1 point de croissance !), la décision soudaine de la mise en place des heures de soutien dés cette rentrée, fait apparaitre d’autres motivations beaucoup plus comptables et mercantiles que pédagogique. A priori le Ministre envisage tout simplement de supprimer les  réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficultés (ou Rased), ni plus, ni moins … « remplacés » selon lui, par la mise en place de l’aide individualisée. L’annonce officielle (26 septembre) de la réaffectation dés 2009 de 3 000 maîtres spécialisés, des RASED (sur 9 000) dans des classes normales, afin de compenser les suppressions démontre l’urgence d’aborder ce sujet.  Une décision difficilement conciliable avec l’objectif ministériel de « diviser par trois » l’échec scolaire, lourd en primaire.

La situation risque à terme de se révéler catastrophique. Chaque enseignant rencontré confirme qu’autant le soutien est utile aux élèves ayant des lacunes, sous réserve de tenir compte bien évidemment de sa capacité de concentration et de sa fatigue, autant il se révèle contre productif avec ceux ayant des difficultés particulières : comportement, retards scolaires trop importants … L’intervention de maitres spécialisés, qu’ils soient maîtres E (en charge de l’aide pédagogique), ou maîtres G (rééducateurs) s’avère alors indispensable. Ils prennent le relais de l’enseignant traditionnel, utilise d’autres démarches, sont formés à ce public particulier …

En fait l’économie budgétaire à court terme, réalisé avec la suppression du dispositif des RASED, risque fort d’avoir une facture salée non seulement pour les élèves en difficulté. Les professeurs étant de plus en plus seuls face aux difficultés quotidiennes pouvant se révéler dans certains cas insurmontables.

Autre sujet abordé par X. Darcos, celui des maternelles. Son intervention au Sénat, a eu le mérite de la clarté. «  »Est-ce qu’il est vraiment logique, alors que nous sommes si soucieux de la bonne utilisation des crédits de l’État, que nous fassions passer des concours à bac+5 à des personnes dont la fonction va être essentiellement de faire faire des siestes à des enfants ou de leur changer les couches ? « . Des propos tenus au moment ou la députée UMP Tabarot remettait son rapport sur l’enseignement maternel. Si cette élue reconnait que l’accueil d’un enfant à l’école maternelle, se révèle moins couteux que tout autre mode de garde, elle souligne  notamment pour les jeunes âges l’inadéquation entre organisation scolaire traditionnelle et besoins des parents : amplitude, flexibilité … Il faut s’adapter à un monde du travail où tout bouge …  Solution abordée, le jardin d’éveil … Comme le signale avec un certain humour le Café pédagogique c’est finalement une école maternelle sans maîtres que propose M. Tabarot … Des économies à venir pour l’état, ces jardins d’éveil devant très certainement passé un jour sous le giron des collectivités territoriales !

 

Le discours gouvernemental ambiant est en décalage avec ce qui se fait actuellement dans les pays en pointe. Privilégier uniquement l’économie budgétaire à l’efficacité pédagogique, risque à moyen terme de ne plus être une économie réelle : remise en cause de la lutte contre l’exclusion et de la valorisation du capital humain dès le plus jeune âge. D’autant que ces mesures touchent en priorité les publics déjà en difficulté. C’est ce qui expliquait pourquoi dans les zones de ZEP, les priorités jusque là affichées étaient la scolarité dés 2 ans. L’école première (dénomination de l’école maternelle selon  Philippe Meirieu) permet d’apporter une rupture avec un milieu quelquefois difficile et permet une meilleure transition avec la scolarité à venir et l’appropriation d’un socle de connaissances minimum. Tous les spécialistes (pédagogues, sociologues, économistes) soulignent l’importance des 6 premières années de la vie dans le  développement d’un enfant.

Un point de vue désormais partagé partout dans le monde. Des ghettos des États-Unis aux faubourgs indiens, chacun sait que le développement futur des uns et des autres dépendra de e la qualité de la formation des pays. Avant de parler de dépense, il faut parler d’investissement public dans la connaissance. La crise que nous traversons démontre l’importance vitale pour un pays d’avoir une économie réelle solide. Dire cela est enfoncer une porte ouverte, les recherches démontrant li lien de causalité entre scolarisation maternelle et réussite des élèves à l’école élémentaire, notamment dans les quartiers défavorisés.

 

 

Enfin, abordons un nouveau venu dans le paysage institutionnel français, l’Établissement Public d’Education Primaire (EPEP), qui devrait apparaître dès 2009 et dont trop peu de personnes ont entendu parler.

Une vraie révolution ! Cette création me  rappelle une note que j’avais commis il y a quelques mois sur la RGPP, sur la base d’un article de Médiapart, où certains spécialistes en économies avaient proposé la suppression des écoles dans les petits villages. L’idée à priori de ce nouvel OVNI est de regrouper les écoles rurales au chef-lieu de canton avec un seul Directeur, sous couvert de l’inspecteur de circonscription et assisté d’un conseil d’administration, sorte de super Conseil d’école

Le projet de loi prévoit que tout école actuellement à 15 classes passerait automatiquement au statut d’EPEP (doté d’un statut juridique car Établissement public) par arrêté du Préfet, les communes pourraient décider de regrouper les petites écoles pour atteindre le seuil de 13 classes pour sa création. Aucune information, bien évidemment n’a filtré aupr »és des communes, suivant les habitudes de Monsieur Darcos. Il est vrai que cela ne sera qu’en 2009 !

 

 

Comme l’a écrit Jean Peyrelade dans un ouvrage récent « La fausse réforme ne permet pas de faire l’économie du vrai changement. » … S’il est sain et utile d’ optimiser la dépense publique, il est essentiel que le moteur de cette dynamique soit la recherche du meilleur rapport qualité prix mais en termes d’investissement. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’investissement immatériel … La formation et la recherche sont les points de croissance de demain, qui nous font tellement défaut aujourd’hui. L’état c’est aussi cela !

Apparemment tous nos décideurs n’ont pas enregistré es conséquences du cataclysme que nous venons de subir et dont l’onde de choc riswque fort de se poursuivre. L’économie budgétaire à courte vue de petit épicier d’aujourd’hui peut amener le déclin de notre pays et la récession demain.

Oui à la réforme, oui à l’optimisation de la dépense publique, mais avec méthode, efficience et dialogue …

Sinon la facture sera lourde …

Victor Hugo n’écrivait il pas « ouvrir une école, c’est une prison que l’on ferme »  … aujourd’hui Monsieur Darcos et Mme Dati se donne le mot … Mais lorsque l’on voir l’état des prisons françaises, permettez moi d’avoir peur en demain !

Mourir à 12 ans, dans un collège de banlieue

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La tragédie du Collège de Camus est insupportable à plus d’un titre, elle me touche également pour des raisons plus personnelles : j’ai fréquenté ce Collège de la 6eme à la 3eme, dans deux ans mon fils entrera en sixième, beaucoup de mes proches ou connaissances sont profs d’EPS, ou chefs d’établissement, certains même dans ce Collège, enfin je travaille dans le Lycée Professionnel voisin, classé également en ZEP.

En cette période de Noël, je pense à ces familles dont la vie est brisée … Celle du petit Carl, en premier lieu, de ces deux camarades de classe également, 11 ans, mis en examen, pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », et du professeur d’EPS, qui ne se remettra jamais de ce drame.

 

Soyons clair l’objet de cette note n’est pas d’ouvrir une polémique politicienne ou syndicale de plus, elle serait indécente, comme il serait irresponsable également de ne pas donner à cet événement l’importance qu’il mérite.
S’abriter derrière la cause du « stress émotionnel ayant entraîné un arrêt cardiaque subi », et arrêter là l’analyse serait une grave erreur car la violence est dans l’école, depuis des années et ce de la primaire à la terminale …

 

Une situation qui ne peut plus durer …

 


medium_camus.jpg Une bagarre comme tant d’autres

A Camus tout est partie d’une bagarre banale, comme tant de profs d’EPS en rencontrent, l’occasion de rappeler que ces enseignants assurent souvent seuls non seulement leur cours, mais aussi le convoyage des élèves (fréquemment hors établissement scolaire), le rangement du matériel (poteaux, ballons, maillots …) et que leur surveillance ne peut être totale. Un incident de plus depuis la rentrée, les enseignants de ce Collège s’en étaient inquiétés officiellement auprès de leur hiérarchie demandant « des moyens supplémentaires ».
Enclavé entre Beauval et la Pierre-Collinet, deux quartiers classés en zone urbaine Sensible (ZUS), le collège Albert Camus de Meaux est un des 249 établissements classés « Ambition réussite ». Il fait donc partie des « mieux dotés » de l’éducation prioritaire » selon l’administration.
Rien de plus normal quand on connaît cet établissement et les problèmes de violence qu’il traverse depuis des années. « Ambition réussite » avait vous dit ? Rappelons que ce dispositif avait été décidé dans l’urgence en décembre 2005, il y a tout juste un an, après la crise des banlieues, juste avant la fin de l’état d’urgence, afin de doter les établissements les plus difficiles de moyens supplémentaires et de renforcer la présence d’adultes ; la suppression des emplois jeunes ayant eu des conséquences négatives dans beaucoup d’établissements du Primaire au Secondaire, nous y reviendrons  …

 

Peut on traiter la violence sans évoquer la question des moyens

Je ne me permettrais pas de commenter les propos de Monsieur de Saint Girons, Recteur de l’Académie de Créteil, assurant que ce Collège disposait des moyens suffisants pour « permettre un fonctionnement normal, où la violence n’a pas sa place », n’ayant pas ses compétences pour analyser et décider des seuils pertinents en ce domaine.
Partant d’un vécu quotidien, je me contenterais de conseiller respectueusement à ce haut fonctionnaire, à beaucoup de ses proches collaborateurs, à certains politiques nationaux de venir partager le quotidien des enseignants en postes dans ce type d’établissements. Ce qui permettrait peut être d’amender certains constat, analyse et grille de lecture : tant sur la pertinence des seuils d’adultes formés et compétents permettant à l’école de remplir sa mission mais également sur l’évolution nécessaire de la profession d’enseignant et l’obligation d’élargir la focale d’action, l’école n’étant que la chambre d’écho des graves fractures et du mal être réel de notre société.
Gilles de Robien, peut bien prôner la « tolérance zéro qui doit s’appliquer contre toutes les formes de violence, y compris verbale » encore faut il sortir de la communication et de l’incantation et entrer dans le monde du concret ; quelquefois à des années lumières de la rue du Bac.

Concernant la présence d’adultes dans les écoles, évidemment qu’il en faut plus ! Encore que le facteur qualitatif ne soit pas à négliger. Le gouvernement actuel l’a admis après quelques tergiversations. Reconnaissons cependant que le dispositif des assistants pédagogiques résiste mal à la comparaison avec le précédent, celui des emplois jeunes. L’institution a beaucoup mal à trouver des candidats ayant le bon profil acceptant les conditions proposées (20 heures de travail pour ½ SMIC), puis à les garder ensuite …

Mais tout ne se résume pas simplement à cette question de nombre d’adultes ; car les racines de la violence sont profondes  et les problématiques soulevées complexes

 

 

Peut on traiter la violence sans évoquer une nouvelle distribution des rôles  ?

Les élèves qui arrivent aujourd’hui en Collège, ou au Lycée, sont pour beaucoup, et ce depuis la Primaire, sans repères, totalement déconnectés de notre société, de ses valeurs, de ses règles … Faillite des familles mais également de la collectivité et de l’Etat.
Constat partagé désormais par nombre de politiques, toutes tendances confondues. Rappelons qu’il y a moins d’un an, nous avons vécu un état d’urgence, suite aux émeutes urbaines qui ont embrasé le pays. Si rien depuis n’a changé dans le paysage institutionnel ces évènements ont considérablement marqué les esprits et les inconscients de tous, notamment des jeunes.!

L’Ecole, désormais, avant d’aborder la difficile question des savoirs ou des savoir faire, doit gérer en priorité les savoir être des élèves et c’est là que le bât blesse, les enseignants n’étant pas formés pour cela ! Paradoxalement, la diminution du nombre d’élèves, élément démographique justifiant pour certains une diminution de moyens, s’est accompagnée d’une multiplication des problèmes individuels et de leur gravité.
De la gestion d’un groupe classes, nous glissons de plus en plus à un « coaching individualisé » (terme très à la mode dans certains milieux politiques car très managérial). Une évolution non reconnue officiellement par l’Institution, car demandant de revenir nécessairement sur la question des moyens, des compétences, de la formation continue des personnels, comme sur celle des contenus mais qui fait peur également à la majorité des enseignants.

L’Ecole n’est plus le sanctuaire passé mais devient un lieu de confrontation, révélateur des tensions multiples qui parcourent notre société (consommation : fringues, portables, lecteur MP3 ou vidéo …, communautarismes …) et ce dés l’école Primaire où les incivilités augmentent.
Pour la petite histoire, dans ma commune, nous avons instauré il y a deux ans un système de permis à points afin de sensibiliser enfants, parents et agents territoriaux à la montée des incivilités, lors des temps de cantine. Un électrochoc salutaire mais qui n’aurait certainement pas suffit si nous n’avions lancé en parallèle un Contrat Educatif Local qui nous a permis d’intégrer dans nos effectifs sur les temps de repas des animateurs expérimentés. Une arrivée qui a permis de réellement changer la donne et de faire baisser les incivilités. Nous avons donc affecté de nouveaux moyens, en axant la priorité de notre action sur la qualification à l’animation.

 

L’Ecole ne peut plus tout. Il faut admettre que certains élèves, ne sont plus du ressort des structures traditionnelles. Plutôt que voir certains élèves « difficiles » tourner entre différents collèges ou Lycées qui se les font passer à tour de rôle, confortant ainsi les ferments de l’échec et du rejet de l’institution, il faut mettre en place des structures adaptées et variées permettant de proposer une piste de sortie positive.
Si le déterminisme social est une réalité, il ne doit pas être une fatalité ! Mieux vaut avant de « victimiser » ses élèves et d’assister impuissant à leur inexorable descente aux enfers, agir avec efficacité et sans tabou afin de les faire sortir de cette spirale de l’échec et permettre à certains d’éviter la prison, qui est une autre forme d’école. Il y a urgence …

Concernant le choix des structures adaptées, avant de réinventer l’eau chaude, n’oublions pas qu’il en existe déjà, dépendant notamment de l’Education Spécialisée et du Ministère de la Justice. Il faut surtout leur donner les moyens (budgétaires notamment) d’être plus efficace et réactif, afin de mettre en place un panel de solutions, permettant pour certaines de sortir de manière cœrcitive, si nécessaire,  le jeune de son milieu (mesure judiciaire alternative …) grâce à des structures ou opérateurs complémentaires. De nombreuses pistes, selon la nature et la gravité des cas rencontrés peuvent être explorées; concernant la voie militaire, je ne saurais trop conseiller de faire déjà un Bilan des expériences en cours, celle notamment des « Centre Défense Seconde Chance » tel celui de Montry, dont nous reparlerons un jour.
Le maintien de la situation actuelle n’est plus acceptable. Il met à bas, l’exemplarité de la peine, son application immédiate, son suivi et suscite la récidive. Les outils actuels sont sans commune mesure avec les besoins croissants du terrain.

 

 

 

La violence à l’Ecole , n’est pas une fatalité, mais une conséquence, dont les causes sont plus à chercher dans le monde des adultes que dans celui des enfants auteurs des coups. L’ampleur médiatique suscité par ce drame démontre l’importance de la question soulevée qui ne concerne pas qu’un Collège de banlieue et la place accordé à l’Ecole ou à la justice dans nos priorités et notre budget mais nous interpelle plus globalement.

La question n’est plus seulement : quelle école voulons nous pour notre pays ?  Mais quel modèle de société voulons nous promouvoir, le modèle américain que certains veulent nous proposer est porteur de violence, nous ne devons pas l’oublier dans les mois à venir …

 

 

Notes précédentes sur ces thématiques

Education

Ou l’on commence à reparler de carte scolaire

Rebondir aprés le CPE

 

Violences

 Ministre recherche bouc émissaire désespéremment

Sécurité, l’électrochoc Sego

Stand the ghetto

De l’art de manier le kärcher avec discernement

 

 

A bientôt Monsieur Davidenkoff !

« Au revoir … »

Voila le titre de la dernière note d’Emmanuel Davidenkoff aprés son départ de Libé (démission ; pas licenciement  » plan social  » : il fait partie des 30 « refusés » précise t’il ) , qui arrivé à cette étape de sa vie professionnelle met un terme à son blog : « Carnet de correspondance » . Blog qui figure parmi les sites favoris que je vous propose de visiter.
Davidenkoff si l’on s’intéresse aux questions de l’Education on connaît forcément. Que ce soit en lisant Libé, les livres dont il est l’auteur ou en écoutant France Info. Ce journaliste de 36 ans, spécialiste des questions d’éducation ou de formation, est en effet une des voix qui fait le succès de cette radio.
Depuis décembre 2004, il anime un blog spécialisé dans les questions d’Education, un véritable espace de débat. Bilan éloquent : 118 notes, 4217 commentaires et 307.000  » pages vues « . Intérêt de ce carnet de bord : être animé par un observateur avisé de l’Education, non enseignant, qui posséde de plus un point de vue original, global, ouvert et quelquefois iconoclaste. Qualités qui pour certains sont autant de défauts … 

Ce blog a constitué pour lui une expérience intéressante mais également douloureuse, verbatim :

 « Expérience fondatrice, pourtant, au moins pour moi. Témoin de la difficulté à (ré)inventer le journalisme à l’heure d’Internet. Témoin de la difficulté à débattre de l’école, pas faute de combattants, pas faute d’intelligences ; mais trop de haine(s) recuite(s), de procès en sorcellerie, de mots qui font mal pour faire mal. »

 Il l’a indiqué beaucoup plus précisemment dans une de ses notes dénommée : An 1

« Ce blog a un an, 112 notes et 3400 commentaires. Et je m’interroge sur sa pérennité. Ressemble-t-il à ce que j’espérais ? Pas vraiment. Je n’ai pas su convaincre les intervenants les plus fidèles d’abandonner le recours, trop fréquent à mon goût, aux insultes et anathèmes. On m’a aussi sommé, ici ou là, plus ou moins poliment, d’abandonner telle référence, de « choisir mon camp », comme si l’ambition de refléter une diversité de points de vue sur l’école était incongrue. Ce n’est pas l’idée que je me faisais d’un espace qui tente de rester ouvert à tous, sans sectarisme mais sur la base de quelques valeurs partagées. Que cela reflète l’état actuel du débat sur l’école ne me réjouit pas. Ai-je envie de maintenir un blog où les personnes sont plus souvent prises à parti que les idées ? Pas franchement »

La disparition de cet espace de débats, de liberté est dommageable, car l’expérience menée était passionnante. Les notes de Davidenkoff étaient toujours intéressantes, souvent positives, et stimulaient à la fois le débat et la remise en cause. Il est essentiel pour un professionnel comme doit l’être un enseignant de disposer d’autres points de vue pour enrichir son action. La vérité n’est jamais simple, pas toujours manichéenne et les conformismes ne sont pas toujours là où on les attend  et réciproquement. Alors surtout … 

à bientôt Monsieur Davidenkoff

 

La lettre de Meirieu aux jeunes profs, opus 2

Deuxième note consacrée à l’ouvrage de Meirieu « Lettre à un jeune enseignant ». Rappelons que l’auteur a eu le bon gout de mettre en ligne certaines pages de ce livre sur le site de l’association Education & Devenir afin de susciter le débat …

 

http://education.devenir.free.fr/MeirieuLJP.htmm

 

 

Culture de résultats ou culture de l’évaluation ?

 

Pour Philippe Meirieu, il n’existe pas d’évaluation objective. Une évaluation sous tend toujours des valeurs implicites. Un résultat ne peut être une finalité, il doit interpellé et être évalué; de l’évaluation dépend ensuite l’analyse, la régulation, l’infirmation ou la confirmation des choix émis.

 

Verbatim

Nous arrivons ainsi au cœur du problème. Une véritable « culture de l’évaluation » doit développer une attitude réflexive et critique sur « les valeurs » : valeurs des « programmes » et des « actions », valeur des « indicateurs » de réussite, valeur des « résultats », quels qu’ils soient. C’est là où, précisément, se différencient la « culture des résultats » et la « culture de l’évaluation » : la « culture des résultats » totémise les « résultats » et, en particulier, les résultats tels qu’ils sont définis par la hiérarchie. La « culture de l’évaluation » interroge les résultats, se demande le sens qu’ils ont, débusque les biais dus aux outils de mesure et, surtout, confronte ces résultats aux finalités éducatives que doit se donner une société démocratique…

 la régulation ne peut être décrochée des finalités (on ne régule que pour améliorer le « fonctionnement pour… ») ; l’évaluation ne contient jamais les moyens de la régulation comme la coquille contient la noix. On a beau décortiquer les symptômes d’un dysfonctionnement, on ne peut se dispenser du travail d’invention, d’imagination, de conception qui permet d’améliorer les choses.

 

L’éducation d’un sujet n’est pas la fabrication d’un objet

 

« Rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse ni son coeur » disait Aragon; pour Meirieu s’il y a des objets finis, il ne peut y avoir d’élève fini ou terminé. La pédagogie est un moyen de lutter contre ce qui peut apparaitre comme une fatalité.

 

Verbatim

L’élève serait « le produit » des actions que l’on exerce sur lui et n’aurait aucune responsabilité dans ses propres résultats. Comme vous, cette attitude m’insupporte et j’ai toujours plaidé pour le « principe d’éducabilité » : « Tout élève peut y arriver et, en cas de difficulté, je ne dois jamais désespérer de lui.

Je dois, au contraire, toujours inventer de nouveaux moyens, de nouvelles méthodes pour, comme disait Alain, « redonner vie à ses parties gelées »… Je n’ai jamais fini de travailler à rendre le savoir accessible…

 

L’élève au centre du système, cela ne date pas d’hier ou de 68 …

 

Petit règlement de compte à OK Corral. Pour Meirieu, il y a prescription , le nombre d’enseignants qui ont connu directement le joli mois de mai, comme le chantait Gainsbourg, arpentent désormais plus les salons de tourisme ouverts au troisième âge que les salle de profs.

Il rappelle également opportunément que le concept de l’élève au centre du système (ce qui ne signifie pas pour autant l’enfant roi), ne date pas d’hier puisqu’il est antérieur à la seconde guerre mondiale …
Un bon pédagogue doit manier selon Meirieu la motivation et le travail (ou le bâton et la carotte), même si pour certains élèves leur milieu social (merci Bourdieu) induit une motivation supplémentaire pour apprendre à apprécier le travail … Pour Meirieu la systématisation de la « démagogie pédagogique » bien dans l’air du temps (Luc Ferry n’est pas loin) est une attitude partielle et partiale. L’ombre du socle commun des savoirs plane également derrière cette analyse.

(cf note précédente : Education en devenir http://jmorer.hautetfort.com/trackback/67329 )

 

Verbatim

« L’élève au centre du système » est […] un principe de bon sens dans une société laïque et démocratique qui veut transmettre à tous ses enfants les fondamentaux de la citoyenneté. Principe rappelé en 1938 par Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale du Front populaire, qui conclut l’une de ses principales circulaires par cette interrogation : « Vers l’enfant, centre commun, tous les efforts ne doivent-ils pas converger ? »

 

Qui, en effet, pourrait prétendre le contraire ? Or, pour entrer dans le « comment faire ? », il faut d’abord se débarrasser des fausses questions qui nous encombrent… Ainsi en est-il, par exemple, de l’opposition entre « la motivation » et « le travail ».

Passons sur l’ignorance de la réflexion, dans ce domaine, de tous les grands penseurs de « l’École moderne » et, en particulier, de Célestin Freinet et de son ouvrage majeur L’Éducation du travail…

Passons sur les assimilations rapides entre la motivation et le jeu

Passons sur le schématisme prêté au pédagogue qui s’imaginerait pouvoir obtenir de l’enfant un travail scolaire « sans la moindre contrainte » … Tout professeur sait qu’il doit conjuguer en même temps la motivation et le travail, sans établir de préalable entre les deux, ni faire de l’un des deux éléments la condition de l’autre.

C’est pourquoi il y a quelque chose d’insupportable dans cette dénonciation systématique et permanente de « la démagogie pédagogique » de la part des intellectuels bien-pensants.
Ils nous accusent de rabaisser les savoirs, de brader l’ambition de l’École, de priver nos élèves des connaissances et de la culture auxquelles ils ont droit. Ils moquent nos tentatives, pitoyables à leurs yeux, pour prendre appui sur leurs centres d’intérêt, leur faire réaliser des panneaux sur les effets spéciaux au cinéma ou des exposés sur Harry Potter…

On voudrait croire que, derrière de tels propos, ne se cache pas une quelconque velléité d’abandon : « Enseignons la vraie culture à ceux qui la méritent et en sont dignes… Et renvoyons les autres de l’école le plus vite possible ! […]

 

Construire un monde à hauteur d’homme

 

Le pédagogue engagé doit avoir une démarche vulgarisatrice et salvatrice … Quand l’art du savoir rejoint celui d’enseigner (Cicéron).

 

Verbatim

Sous prétexte que le monde nous donne, chaque jour, le spectacle lamentable de foules qui se prosternent aux pieds de tyrans ou s’avachissent devant le crétinisme des médias, trop d’intellectuels se retirent sur l’Aventin : ils n’en finissent pas d’excommunier le monde… mais sans jamais rien proposer pour nous permettre de le transformer.

On peut ainsi, être, tout à la fois, révolté et résigné, bénéficier du prestige de la dissidence et de la tranquillité du renoncement. Et gagner sur tous les tableaux…

On rejette alors, avec mépris, « les illusions pédagogistes » de ceux qui se coltinent, tant bien que mal, l’éducation des barbares. L’on se satisfait très bien – même si on ne l’avoue guère – d’un monde où cohabitent la démagogie et l’élitisme, le mépris pour les uns et la suffisance des autres, l’apartheid entre les exclus et les élus… (…)

Et, en matière scolaire, ce comportement trouve une application facile : on se contente d’enseigner la minorité d’élèves qui connaît déjà la saveur du savoir et de déverser les autres dans des garderies plus ou moins déguisées.

 

N’ayez crainte : je ne vous demande surtout pas d’abandonner la moindre parcelle de votre projet initial. De renoncer à enseigner les disciplines pour lesquelles vous vous êtes engagé dans ce métier. Bien au contraire. C’est au cœur même de cet enseignement, et en assumant pleinement votre mission de transmission des savoirs, que vous « enseignerez l’École ». Vous deviendrez ainsi, en même temps un professionnel de l’apprentissage et un militant politique – au sens le plus noble du terme – engagé, au quotidien, dans la construction d’un monde à hauteur d’homme.

 

 

En guise de conclusion

 

Concernant la discrimination positive, selon Meirieu, pour qu’elle soit réellement positive, il faut mettre réellement les moyens … Sinon on pratique du Darwinisme social, on peut apprécier, mais de la à dire que c’est la panacée …

 

Verbatim

Je ne crois pas, bien sûr, que nous puissions réinventer le monde au quotidien. Mais, peut-être, peut-on travailler au quotidien à ce qu’il demeure ou devienne “à hauteur d’homme”: c’est-à-dire que les enjeux soient bien posés au niveau de l’avenir des hommes, et non de ceux de la marchandise, des “mécaniques institutionnelles” aveugles, des intérêts de quelques minorités mieux informées ou plus fortunées, des carrières politiques ou médiatiques de quelques uns, etc…

Il ne faudrait pas, pour autant, s’en contenter et oublier d’apporter aux “établissements difficiles” l’aide dont ils ont besoin pour faire face aux défis qu’ils doivent relever. Je ne voudrais pas que “la discrimination positive” se solde par l’organisation de la concurrence entre les exclus pour que “les plus méritants” puissent quitter des ghettos considérés comme définitivement abandonnés.

La lettre de Philippe aux jeunes enseignants, opus 1 …

Belle initiative que celle prise par Philippe Meirieu de mettre en ligne des pages de son dernier ouvrage « Lettre à un jeune enseignant » sur le site de l’association Education & Devenir et de susciter un débat passionnant avec ses lecteurs internautes …

http://education.devenir.free.fr/MeirieuLJP.htm

 

 

Retour sur quelques points soulevés tant par l’auteur, son ouvrage que par les internautes …

 

 

Le syndrome du Lucky Luke

 

Aprés s’être opposé à une « école-machine » déshumanisée, ou le face à face pédagogique serait absent, l’auteur présente le rôle du professeur face à l’institution et d’un syndrome dont seraient atteints certains enseignants : celui de Lucky Luke …

 

Verbatim :

 

Quand on place la réussite des élèves comme projet fondateur de l’Éducation nationale, on ne peut que condamner les états d’âme d’enseignants qui ne songent qu’au plaisir de professer et refusent de rendre des comptes sur les résultats qu’ils obtiennent comme sur leur implication dans le fonctionnement de l’institution scolaire !

Il y a, chez certains professeurs … une fascination pour un exercice purement solitaire de leur mission… tel le « poor lonesome cow-boy » qui n’est encombré par aucune contingence et peut se livrer librement à sa passion…

qui met sa liberté individuelle au-dessus de toute contrainte institutionnelle ! … Cette vision des choses est, évidemment, très grave : c’est une vision d’avant l’émergence de l’État de droit, un retour à l’illusion selon laquelle on pourrait exercer son métier en dehors de tout cadre et récuser d’avance toutes les exigences du collectif… On en est même arrivé à ce paradoxe extraordinaire : les professeurs sont, en même temps, des anti-libéraux farouches sur le plan idéologique et des libéraux absolus sur le plan de leur comportement.

 

Une question suit obligatoirement ces propos, qui peut créer la contreverse, celle de la quête de l’efficacité

 

Verbatim :

 

Nul ne saurait décemment prétendre que l’institution scolaire doit renoncer à toute efficacité. …

Et ce que nous nommons « didactique » n’est rien d’autre que la recherche par laquelle nous tentons de comprendre « comment ça marche » dans la tête d’un élève afin qu’il s’approprie au mieux les connaissances du programme. il n’y a rien de vraiment nouveau dans ces propositions.

C’est, en effet, Jules Ferry lui-même, dans un discours prononcé le 2 avril 1880, qui affirmait : « Les méthodes nouvelles qui ont pris tant de développement, tendent à se répandre et à triompher : ces méthodes consistent, non plus à dicter comme un arrêt la règle à l’enfant, mais à la lui faire trouver. Elles se proposent avant tout d’exciter et d’éveiller la spontanéité de l’enfant, pour en surveiller et diriger le développement normal, au lieu de l’emprisonner dans des règles toutes faites auxquelles il ne comprend rien. » […]

 

 

L’efficacité ne se mesure qu’à l’aune des finalités,

 

Abordant la dernière enquête PISA (OCDE), Philippe Meirieu aborde les résultats obtenus sur les performances des élèves de quinze ans, sur un angle inédit … Trois pays arrivent en tête de cette anquête : la Finlande, le Japon et la Corée du Sud. Avec des résultats à peu près similaires mais des contextes radicalement différents …

 

Verbatim :

 

En Finlande, les élèves sont scolarisés dans des classes hétérogènes jusqu’à seize ans. Ils n’ont aucune note chiffrée, mais des évaluations qualitatives leur permettant d’orienter leurs efforts ; ils bénéficient de parcours personnalisés en fonction de leurs besoins et n’ont aucun travail à la maison. .. ils occupent une grande partie de leur temps scolaire à des recherches documentaires, seuls ou en petits groupes. Ils sont systématiquement encouragés à participer à des troupes de théâtre, à des chorales ou à des activités culturelles de toutes sortes. L’après-midi, les écoles restent ouvertes et accueillent des clubs d’astronomie, de reliure ou d’informatique qui réunissent élèves, parents, enseignants et habitants du quartier ou de la région… Au Japon ou en Corée du Sud, en revanche, après des études primaires assez semblables aux nôtres, les élèves sont triés à dix ou onze ans, de manière draconienne. Ils passent un examen d’entrée au collège et, s’ils sont reçus, sont soumis à un rythme scolaire d’une extrême dureté. De plus, la plupart d’entre eux doivent, pour réussir, prendre de nombreuses leçons particulières. Très vite, ils abandonnent toute activité extrascolaire pour ne vivre que dans l’obsession des bonnes notes. Le taux de dépressions et de tentatives de suicide augmente d’année en année…

 

Pour Meirieu, la question des indicateurs est posée :

 

Verbatim :

 

pouvons-nous, dès lors qu’il s’agit d’éducation, réduire l’évaluation de nos écoles et de nos établissements aux seuls indicateurs habituels de réussite scolaire ? … Qui ne voit que ces indicateurs de réussite pourrait être multipliés à l’infini ? Qui ne voit qu’aucun choix, ici, n’est innocent et que chacun d’entre eux renvoie, tout à la fois, à un projet d’homme et de société… qu’il promeut des pratiques pédagogiques spécifiques et s’appuie sur une conception implicite de notre métier ? Et qu’on ne dise pas que les objectifs alternatifs que nous proposons conduiraient à une baisse catastrophique du niveau : les exercices scolaires et les examens traditionnels n’ont pas le monopole de l’exigence de rigueur et de qualité.

Une « école juste », explique François Dubet, ne peut ajouter l’humiliation à l’échec. Elle ne peut pas, non plus, faire l’impasse sur des savoirs sans lesquels les plus démunis perdent toute chance de comprendre un peu ce qui leur arrive…

 

Nous reviendrons dans une autre note sur deux cultures complémentaires pouvant à l’analyse se révéler quelquefois contradictoires … La culture de l’évaluation et celle du résultat …

 

 

Attention danger : la LOLF, une véritable révolution en marche

 

Meirieu présente les transformations que va entraîner le LOLF (Loi organique sur les lois de finances) qui ne financera plus les structures mais des « programmes » (des domaines d’activités au service des citoyens), opérationnalisés en « actions » correspondant à des « projets » précis.

Ce qui permettra selon le législateur de piloter l’action publique en fonction de buts identifiés, et de faciliter la transparence budgétaire, toutes dépenses comprises… car l’ignorance du coût réel de tous les « projets » impulsés ou financés par l’État est un facteur majeur de « déresponsabilisation » des citoyens.

 

Le financement se fera désormais sur la base d’indicateurs de réussite, au risque de tomber dans l’arbitraire qu ‘on prétendait combattre… Il faut pour Meirieu que ces indicateurs soient élaborés, au niveau le plus opérationnel possible, en concertation étroite avec les acteurs, et non imposés de manière technocratique par les administrations (un voeu pieux ?).

 

La LOLF va entrainer trois points positifs :

 

– les parlementaires disposeront d’un tableau de bord plus précis et plus proche des personnes pour décider de l’usage de l’argent public ;

– les citoyens, au sein d’un « programme » décidé par les parlementaires, auront les moyens de peser lucidement sur les choix des « actions » qu’ils entendent mener à bien ;

– les acteurs pourront dire à quoi ils veulent être évalués…

 

 

 

Tout cela, bien évidemment,dans le meilleur des cas, si la LOLF n’est pas « récupérée » par l’administration pour accroître, de manière arbitraire, son emprise technocratique. Ce qui a commencé à se produire … Qui est étonné ?

 

 

 

 

Un texte important par les réactions et le débat qu’il peut susciter (Meirieu laisse rarement indifférent) et qui mérite une autre note, un opus deux en quelque sorte …