L’Oasis, lieu de tous les possibles …

Certaines inaugurations marquent plus que d’autres, ce n’est pas l’ampleur de la réalisation qui en font la valeur mais bien d’autres critères. Celle de L’Oasis, à bien des égards, est de cet acabit et restera longtemps dans ma mémoire, tant ce lieu souligne notre capacité collective à rebondir face à un aléa malheureux (ici la faillite d’une usine), agir pour sauvegarder un élément symbolique et important de notre patrimoine, oser innover, le faire collectivement en embarquant nos partenaires et concitoyens autour de valeurs communes afin de construire, ensemble, de nouvelles perspectives.

L’Oasis est située au cœur du site Nugue, friche industrielle depuis 2022, alors que cette usine, témoignage précieux de l’architecture du siècle dernier et du dynamisme d’une France industrielle exportait autrefois ses produits et sa technologie partout sur la planète. Elle a été durant plus d’un siècle un des cœurs battants du territoire, un site véritablement emblématique de Trilport : par sa valeur patrimoniale, sa qualité architecturale et urbaine, comme sa localisation : en cœur de ville, à proximité directe de la gare et d’un sentier de grande randonnée (GR 15).
Il faut souligner également la singularité du lieu, issue de son histoire, de la configuration plus que particulière de son environnement, d’une architecture industrielle laissant une large place à la lumière naturelle.
Nous y avons créé un lieu partagé, placé à la convergence de problématiques sociales et sociétales aussi majeures que celle des usages du numérique, du lien social, de l’aménagement du territoire ou de l’action culturelle. Originalité, une dimension hybride et ouverte totalement assumée et revendiquée qui nécessite cependant d’être en résonance avec son territoire.

Ce projet souligne la valeur ajoutée de deux programmes nationaux dans lesquels Trilport est totalement engagée : le programme « Petites Villes de Demain » et le Plan « France Numérique Ensemble » dédié à l’inclusion et à la maîtrise des usages numériques dont l’Oasis constituait une des actions phares.
Pour mettre sur orbite son lieu partagé, la ville a candidaté avec succès à l’appel à projet de la Région Île-de-France sur les Tiers Lieux et obtenu de la CAF de Seine-et-Marne l’agrément « Espace de vie sociale ».

Quelques mots justement sur le modèle économique, nous l’avons voulu résilient, privilégiant la robustesse à la performance. Nos communes se doivent d’anticiper le vent mauvais qui risque de souffler de plus en plus fort d’ici peu, en recherchant et déployant de nouveaux formats, plus hybrides, agiles et sans doute attractifs, mais surtout robustes et sobres. De nouveaux formats qui doivent avoir gravé dans leur ADN la capacité à s’adapter aux contraintes croissantes : budgétaires, logistiques, administratives ou humaines.
Il nous faut privilégier le temps long, étendre le champ des possibles grâce aux synergies suscitées, à la polyvalence et à la mutualisation des ressources ou usages, favoriser l’émergence d’une économie collaborative et circulaire avec des alliances parfois improbables. Nous devons oser et innover, y compris au niveau social, en suscitant la fertilisation croisée des approches et en fédérant différentes communautés d’usagers potentiels.

La concrétisation de ce projet est une réussite avant tout collective et résulte d’un travail collaboratif avec toute une pléiade de partenaires.
La sauvegarde du site, niché en cœur de ville juste face à la gare, est due à l’intervention déterminante des équipes de l’Établissement Public Foncier qui ont acquis l’ensemble du foncier, permettant ainsi à l’ancienne fabrique de coffre forts de poursuivre son activité économique, puis devant la liquidation judiciaire de la société, de protéger ce magnifique patrimoine de la convoitise des promoteurs.
Ainsi nous avons pu faire émerger un projet d’intérêt général mettant à la disposition des habitants du territorie trois équipements sur le même site : un espace de vie sociale, des locaux de coworking et un FabLab :

  • L’espace de vie sociale est le fruit d’un travail commun de fond entre la commune et la CAF de Seine et Marne, auquel a été associé les Trilportais grâce à une concertation mené sur plusieurs mois ;
  • L’espace de coworking propose aux entreprises, auto-entrepreneurs, télétravailleurs ou étudiants, juste face à la gare SNCF, des ressources numériques et un cadre bienveillant pour travailler en toute sérénité ;
  • Le FabLab « Meaux Factory » implanté également sur le site donne accès à l’univers de la fabrication numérique, au monde des « makers » et du « DO It Yourself ». Il multiplie le champ des possibles et favorise l’émergence de nouvelles synergies ;


Revenons à la méthode déployée. Elle nous a permis d’apporter une réponse concrète à l’interpellation « Où atterrir ? » en développant un modèle innovant et hybride (« autres temps, autres lieux ») à bien des égards reproductibles.

Je vous propose de revenir sur cette méthode …

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L’école primaire «en décalage avec les besoins de l’élève »

Robert Doisneau : 1957- La pendule

Le rapport que la Cour des comptes vient de consacrer à l’enseignement primaire présente deux mérites : replacer ce sujet au centre du débat, dresser un constat objectif et alarmant d’une école « en décalage avec les besoins de l’élève » ; il confirme la gravité d’une situation que je ne découvre malheureusement pas, représentant l’Association des Petites Villes de France dans les réunions entre ministre et associations d’élus, format de réunion initiées par Pape N’Daye.
Depuis son départ (juillet 2023) et les 4 Ministres de l’Éducation qui se sont succédés, nous ne nous étions plus réunis. Point positif, Elisabeth Borne vient de relancer un Comité des élus avec les différentes associations auquel j’ai participé.

Dans son analyse, la Cour des Comptes indique quatre tendances de fond qui caractérisent notre école : la dégradation continue du niveau des élèves, l’augmentation constante de la dépense publique, l’accroissement des inégalités sociales et territoriales selon l’origine des familles ou le lieu de résidence, la diminution historique du nombre d’élèves.
Il faudrait y rajouter 20 ans après la loi de 2005 sur l’égalité des droits, l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap qui représentent désormais plus de 4% des élèves scolarisés (500 000).

Vu les moyens financiers, logistiques et humains mobilisés, les résultats ne sont pas à la hauteur, ce que ne manque pas de souligner, avec justesse, les sages de la rue Cambon qui considèrent que « l’école du premier degré doit, évoluer impérativement dans son organisation et son fonctionnement ». Leurs propositions sont pour l’essentiel identifiées depuis des années : formation initiale et continue des enseignants, re qualification du métier, statut des directeurs …
Si l’on excepte un focus sur les rythmes scolaires ou l’évocation du « bien être de l’élève », la Cour des Compte reste dans sa ligne d’eau : demande de création d’indicateurs de pilotage permettant d’évaluer le montant réel de la dépense publique (à priori sous-estimée) et le niveau scolaire des élèves à la maille territoriale la plus fine …
Une de leurs recommandations se doit cependant d’être nuancée et mise en perspective avec la réalité des territoires : « systématiser les regroupements pédagogiques ou d’écoles ». N’oublions pas que l’école constitue un élément essentiel de l’aménagement du territoire, et qu’une journée d’élève se doit d’intégrer le temps passé dans les transports pour se rendre à l’école ou rentrer chez soi.

Traiter de l’éducation impose de privilégier une vision globale, systémique intégrant les différents acteurs, dont les collectivités. L’école est à la convergence des transitions auxquelles est confrontée notre société, et constitue également, trop souvent, un révélateur de ses fractures et de ses failles. Montesquieu l’écrivait, bien avant l’émergence d’ Internet ou de l’IA « Nous recevons aujourd’hui trois éducations différentes ou contraires : celle de nos pères, celle de nos maîtres, celle du monde. Ce qu’on nous dit dans la dernière renverse toutes les idées des premières … ».

Certains angles morts font selon moi défaut au diagnostic des magistrats financiers :
L’action sur le « travail personnel » de l’élève et le « hors école », puissants discriminants sociaux s’il en est, ce qui impose une collaboration plus étroite avec les communes ;
L’intégration des usages numérique et leur maitrise au cœur des enseignements, il est réducteur de limiter cette problématique aux seuls écrans ;
Faire émerger une école bienveillante, adaptée aux transitions et au service d’une pédagogie plus interactive et collaborative ;
L’école inclusive. Le nombre croissant d’enfants en situation de handicap impose de mettre en place, avec les différents acteurs impliqués, une organisation plus humaine, fluide et efficiente ;

Le rapport insiste sur la nécessité de renforcer la concertation avec les collectivités, soulignons cependant que cette dernière ne se limite pas au seul irritant de la carte scolaire, sujet de friction récurrent entre services de l’état et collectivités.
Concernant la problématique du temps de l’élève, il convient cependant de ne pas oublier le désordre causé et l’échec des précédentes réformes liées aux rythmes scolaires. Le sujet nécessite une approche apaisée, sereine et concertée avec tous les acteurs concernés, y compris économiques, et n’est pas uniquement du ressort de la seule rue de Grenelle.
Il serait sans doute utile et rapide, en intégrant les contraintes budgétaires des uns et des autres, de réfléchir à une articulation plus fluide entre temps scolaires et périscolaires d’une journée d’élève en menant en parallèle une réflexion de fond sur les notions de « travail personnel » et du « hors école » afin d’agir plus efficacement contre la discrimination scolaire et le déterministe social mùais également d’intégrer tous les enseignements des émeutes de juin 2023.

D’autre pistes de réflexion commune, dans lesquelles nos communes ont un rôle déterminant mériteraient sans doute une concertation plus étroite entre Éducation Nationale et collectivités : bâti scolaire, espaces extérieurs, mobilier, usages liés au déploiement d’un numérique éducatif qui ne se limite pas aux seuls écrans …

Au regard de la gravité du constat, de l’urgence de la situation que souligne ce rapport utile de la Cour des Comptes, il est bon de rappeler que les collectivités sont disponibles, prêtes à agir aux cotés et en concertation avec le ministère de l’Éducation nationale et les acteurs éducatifs (dont la CAF).
L’éducation est un devoir républicain et citoyen partagé et commun, mais également et surtout un investissement stratégique prioritaire du pays pour son futur.

Notes précédentes

De l’école de la défiance à l’école « faisons là ensemble »

Additionnons et ne divisons pas

Additionnez, ne divisez pas

Le bâtiment de 1000 m2 que nous venons d’inaugurer, qui rassemble un restaurant scolaire et un Accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) illustre les priorités environnementales de la commune : orientation bio climatique, place accordée à la lumière naturelle, choix de matériaux biosourcés issus d’une filière courte et locale, celle du chanvre.
Cette filière constitue un véritable atout pour l’économie régionale, l’emploi, la souveraineté du pays ou la planète : son développement contribue à diminuer spectaculairement les émissions en gaz à effet de serre du BTP comme de l’agriculture, contribue à la capture du CO2 et à la protection de la ressource en eau, vitale s’il en est.
Autres innovations, un mode constructif 100% hors site et un chauffage par le sol via un réseau de chaleur produisant dns le même temps de l’électricité et réinjectée dans le réseau grâce à une convention d’autoconsommation collective, la 1ere signée en Seine-et-Marne.

Cette réalisation marque une étape décisive ; en 15 ans Trilport aura rénové, isolé, agrandi et modernisé l’ensemble de ses structures scolaires et périscolaires ! Si évidemment des adaptations seront à effectuer, les réalisations d’ampleur sont derrière nous.

Nous devons cependant désormais tenir compte d’un impératif de plus en plus prégnant : la nécessité d’anticiper une contrainte budgétaire croissante et de l’intégrer dans la conception même de nos équipements comme des couts liés à leur fonctionnement.
Il nous faut les repenser de manière globale, en recherchant les complémentarités, l’adaptabilité et les sources de mutualisation tant nos communes sont confrontées aux exigences croissantes des familles, aux nouveaux modes de vie, à la contrainte de plus en plus pesante des différentes normes à respecter, et, dans le même temps, à des budgets de plus en plus difficiles à tenir.
Les élus locaux doivent comme trop souvent désormais apporter des réponses concrètes à des injonctions trop souvent contradictoires.
Nous n’avons plus les moyens de dissocier aussi hermétiquement qu’auparavant ce qui est du scolaire, du périscolaire, tant nous devons renforcer nos capacités d’adaptation, veiller à rechercher des mutualisations harmonieuses.
Nos communes, en première ligne, ne peuvent plus répondre seules à toutes ces exigences, faute de moyens logistiques, humains ou financiers. Aussi, il devient essentiel que chaque acteur, dans le cadre de ses missions, fasse preuve de souplesse, d’agilité, de capacité d’adaptation et d’esprit collaboratif, qu’il contribue à rechercher des solutions plutôt que des problèmes.
N’en doutons pas certaines normes se devront sans doute d’être revisitées dans un futur proche à l’aune des réalités budgétaires.

C’est cet esprit qui nous a animé dans la conception, non seulement de cet équipement, mais de toutes les rénovations que nous avons mené. Nos locaux devront sans nul doute s’adapter à divers contextes dans les prochaines décennies et intégrer la prise en compte des temporalités d’usage comme celle de l’incertitude de l’avenir.
Mais justement une des missions essentielles de l’éducation n’est-elle pas d’enseigner, et ce de plus en plus, à affronter l’incertitude ?

Il est également essentiel de rappeler le soutien constant de nos partenaires et le travail réalisé pour instruire et rechercher des subventions, qui il le faut le souligner ne tombent pas toutes seules du ciel, mais nécessite énergie, travail et esprit d’innovation bien souvent. Toutes ces années, c’est ainsi près de 7 millions d’euros qui auront été investis dans les structures scolaires et péri scolaires de Trilport avec le soutien de l’état, de la Région, du Département et de la CAF de Seine et Marne ; rien n’aurait été possible sans leur aide bienveillante et attentive.

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible. » disait Saint Exupéry, L’avenir, toutes ces années, c’est ensemble que nous le rendons possible en investissant dans l’éducation de nos enfants.

Si faire la ville c’est donner deux ailes(ou « l ») à la « vie », cela n’est possible qu’ensemble, en jouant collectif .

Comme l’écrivait René Char

« Additionnez, ne divisez pas. »

Film vidéo sur cette réalisation

Numérique, Trilport point d’étape

Trilport pour la 6eme année consécutive a obtenu les 5 arobases du palmarès 2024 du label national de Ville Internet, la ville est également une des 5 collectivités françaises distinguée pour son engagement dans la transition écologique appliquée au numérique. Ce qui, vu la taille d’une commune d’un peu plus de 5 000 habitants sans grands moyens financiers constitue une réelle performance.
Si cette reconnaissance officielle provoque de nombreuses questions d’élus d’autres villes sur l’action menée localement, nous n’avons surtout aucune prétention à une quelconque exemplarité tant je mesure chaque jour nos limites et manques en ce domaine.
Notre expérience peut cependant se révéler utile, c’est pourquoi il m’a paru intéressant de dresser un point d’étape sur la démarche initiée, avec ses forces et faiblesses, évoquer les perspectives de notre feuille de route.


Ce billet aborde les différents axes de la politique déployée, les solutions choisies et revient également sur certaines de nos interrogations.

Quelques mots sur la méthode suivie sur Trilport, son ADN repose sur cinq piliers principaux :
Contextualiser nos approches, s’il est essentiel de tenir compte des besoins et urgences à satisfaire, il convient cependant de bien appréhender en amont les ressources nécessaires pour y répondre. Dans une ville sans grands moyens financiers et humains il est impératif de prioriser les actions, d’anticiper leurs conditions et calendrier de déploiement, des prérequis qui imposent cohérence et constance dans l’action initiée et de lisser l’effort parfois sur plusieurs années. En matière numérique, la gadgétisation peutse révèler très onéreuse, aussi mieux vaut travailler la vague que l’écume ;
Privilégier la dimension humaine c’est ce qui explique pourquoi nous bous focalisons tant sur l’accès aux usages et à leur maitrise plutôt que sur les outils. Aussi perfectionné soit un outil, s’il n’est pas utilisé à sa juste mesure, il ne sert à rien. C’est pourquoi l’inclusion, la médiation et l’accompagnement constituent autant de priorités absolues ;
Préférer la robustesse, l’adaptabilité et l’agilité des solutions à la seule performance technologique. Dans ce cadre, il apparait essentiel de distinguer l’innovation incrémentale de celle de rupture ;
Développer une démarche à 360 degrés. Il faut souligner tout l’intérêt d’un label comme celui de villes Internet . Son référentiel permet de situer chaque action engagée dans une perspective globale, réfléchie, documentée, bâtie à partir de cas d’usages ; il devient alors possible d’auto évaluer la politique déployée et de fixer à ses équipes des axes de progression balisés et périmètrées ;
Défendre et porter les valeurs d’un numérique inclusif, émancipateur, éthique, citoyen qui n’oublie pas d’être souverain sur l’essentiel. SI les GAFAM ne sont pas le Satan que certains décrivent, ils ne sont pas non plus le paradis qu’ils prétendent être. Il est vital de permettre à des choix alternatifs d’exister, de se poser des questions de fond sur les conséquences à moyen et long terme de choix technologiques destinés à accroitre la dépendance des utilisateurs ;

Le numérique concerne désormais tous les domaines d’action des collectivités : éducation, inclusion, objets connectés, déploiement de services aux habitants qui se doivent d’être utiles, évolutifs, fiables et robustes … Les cinq arobases obtenus par Trilport, par exemple, font suite à plus de 70 actions répertoriées destinés à différents publics et plusieurs domaines, d’actions.
Cependant il est essentiel selon moi de dépasser la seule dimension « utilitaire » et de promouvoir un numérique solidaire, innovant, porteur et créateur de liens sociaux.
Cette ambition nécessite inévitablement d’accompagner la montée en compétence des usagers afin qu’ils soient en capacité de devenir un jour acteurs de leur destin et de développer leur libre arbitre plutôt que de se limiter au rôle de consommateurs passifs, voir addicts, que les GAFAM leur préparent et leur destinent.
Nous devons être conscients de toute la valeur de nos données personnelles et ne jamais oublier qu’en matière de numérique une partie de notre liberté future peut être potentiellement le prix à payer d’une gratuité apparente ou d’une facilité d’usage trés « envoutante ».

Au delà de toute considération pratico-pratique, il est essentiel d’avoir bien conscience des enjeux à court, moyen et long terme du numérique comme de son formidable potentiel.
« Il n’est pas nécessaire d’aimer le monde qui vient pour le voir venir » nous rappelle Chateaubriand, aussi autant agir afin de prévenir, anticiper ce qui peut l’être, sinon le pire est effectivement à craindre et l’aliénation menace. C’est une responsabilité politique et sociétale que le politique se doit d’assumer, d’autant que le plus paradoxal est que le numérique peut contribuer à libérer plus qu’à soumettre encore faut il faire lien et faire sens …
A bien des égards effectivement mieux vaut l’émancipation que l’aliénation, cette volonté fera l’objet d’un prochain billet car nous nous engagerons bientôt dans un tel challenge

Mais focus sur l’action déployée depuis plus d’une dizaine d’années à Trilport dans le domaine du numérique, si incontestablement l’IA fait la une de l’actualité , il convient de ne surtout pas oublier le quotidien et ses urgences qui sont autant de défis immédiats à relever.

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2/2 Éducation : « additionnons et ne divisons pas »

Si Olivier Véran, suite au départ de Pap N’Daye du gouvernement, souligne que les missions des ministres sont de « faire, faire savoir et pouvoir tenir le débat politique de l’Hémicycle », pour ce qui concerne les élus locaux impliqués sur les questions éducatives, c’est surtout la capacité du ministre à faire en privilégiant un travail collaboratif avec les collectivités qui importe, tant l’éducation est une responsabilité qu’ils partagent.
Certains en doutaient peut être, mais le bilan de Jean Michel Blanquer souligne combien il est important que chaque acteur de la communauté éducative, fut il ministre, enseignant ou maire (pour le 1er degré) se considère comme partie d’un tout et non le tout à lui tout seul.

C’est sur la concertation que nous attendons effectivement Gabriel Attal, tant les « stop and go » successifs subis par le système éducatif ces dernières années ont eu un effet délétère et démobilisateur contribuant sans doute à la triste situation actuelle : crise des vocations et des recrutements de professeurs, démotivation des équipes éducatives, affaiblissement du niveau des élèves, multiplication des sorties du système scolaire sans solution, problématique de l’école inclusive mais également les questions liée s au harcèlement scolaire … voilà sans doute pourquoi un Français sur deux n’a plus confiance aujourd’hui dans l’institution scolaire

L’Éducation constitue un enjeu majeur et stratégique pour le pays, challenge collectif qui ne concerne évidemment pas que le seul Ministre de l’Éducation nationale mais bien toute la communauté éducative.
Avant d’aborder les dossiers concrets que les Maires des Petites Villes, parmi les associations d’élus, ont proposé à Pap N’Daye d’aborder sur le fond, comment ne pas revenir sur les « émeutes urbaines » des dernières semaines ?
Ces évènements soulignent le divorce latent entre la société, au sens large, et des jeunes ayant perdu le fil de la citoyenneté. Si les Maires ont évidemment traité les conséquences de ces émeutes, souvent par la médiation, leur priorité est bien d’agir avant tout sur les causes.
Nul ne peut sortir indemne de cet épisode, c’est pourquoi la parole politique doit être mesurée et responsable, à la hauteur de l’enjeu. Soulignons que la grande majorité des émeutiers étaient des mineurs (collégiens et lycéens), réalité qu’il faut prendre en compte et qui atteste de l’urgence à réconcilier une partie de la jeunesse aux valeurs républicaines, elle constitue qu’on le veuille ou non l’avenir du pays.
L’école de la république, creuset de citoyenneté s’il en est, doit renouer au plus vite avec sa mission émancipatrice. Il n’est pas admissible qu’un jeune selon son origine, milieu social ou lieu de vie ne dispose pas de la capacité de trouver une juste place dans la société pour y exprimer toutes ses potentialités, du fait d’une assignation à résidence qui concerne trop de nos territoires.

L’école ne pourra seule relever ce défi. Au regard de l’importance de l’enjeu les élus locaux sont mobilisés pour accompagner toute politique éducative allant dans ce sens, tant leur rôle est complémentaire de celui de l’Éducation Nationale, surtout dans le 1er degré ; la moitié d’une scolarité complète ne s’effectue t’elle pas dans les structures scolaires mises en place par les communes ?

J’avais, au nom des Petites Villes et aux enseignements du COVID, interpellé le Ministre sur des problématiques liées au primaire nécessitant selon les élus des Petites Villes d’être abordés sur le fond :

  • Privilégier une appréhension globale de la gestion et du suivi des différents temps de vie des élèves dans une même journée scolaire (temps scolaire et péri scolaire) afin de rendre cette journée plus fluide, constructive et harmonieuse ;
  • Ne pas limiter l’accompagnement à la parentalité à la seule petite enfance. L’essentiel des « émeutiers » des dernières semaines étaient collégiens ou lycéens ;
  • Réfléchir collectivement à une approche éducative « hors école » afin de la rendre plus complémentaire de celle initiée à l’école : accompagnement scolaire ( le « travail personnel » constitue un discriminant social majeur), tutorat, accès à de nouvelles pratiques culturelles via la médiation et les usages numérique …
  • Agir pour une école plus inclusive, notamment et surtout en direction des enfants en situation d’handicap, qui sont en nombre croissant. Il est essentiel de faciliter le suivi administratif et les démarches des familles afin de leur éviter une véritable triple peine et de se pencher sur le devenir des sections ULIS ;

Nous devons collectivement remettre du sens et de la cohérence dans les actions engagées sur le terrain, afin d’aborder frontalement les fractures éducatives et culturelles que connaissent trop de nos territoires.
Cette volonté pour être concrétisée nécessite d’aborder ces problématiques de manière globale, transversale et non segmentée afin d’éviter tout mode « silotique » et de nous adresser aux causes profondes. Nous avons besoin de tous les partenaires, afin de faire lien, cohésion et sens ; un acteur aussi essentiel pour les collectivités que la CAF, doit être partie prenante de cette réflexion, tant elles les accompagnent dans les politiques locales liées à l’animation (le péri scolaire), à la jeunesse, au lien social ou au handicap déclinées sur le terrain.

Force est de constater que l’accumulation de dispositifs successifs lancés par les différents Ministres ces dernières années à eu tendance à disperser les énergies, diviser, parfois opposer, certains acteurs, faisant perdre lisibilité, crédibilité et confiance dans l’action menée sur le terrain.

Veillons à ne pas « gadgétiser » nos actions éducative et privilégions une démarche partagée concertée, réfléchie, lisible, cohérente et globale. Les communes comme toutes les collectivités (départements, régions) sont prêtes à accompagner le nouveau ministre dans ce chantier prioritaire pour le pays

Comme l’a écrit René Char « Additionnons et ne divisons pas »

1/2 Éducation : de l’école de la défiance, à l’école « faisons là ensemble … »

Dernière réunion de l’instance de concertation MEN / associations d’élus

Suite au dernier remaniement ministériel je tenais à évoquer le départ de Pap N’Daye du Ministère de l’Éducation Nationale. Il ne m’appartient certainement pas de juger du bien fondé du remplacement ou non d’un ministre par tel ou tel, mais il me semblait cependant honnête de souligner le plaisir que j’ai eu à représenter l’Association des Petites Villes de France, dans l’instance de concertation qu’il avait mise en place avec les différentes associations d’élus depuis de nombreux mois.
Je n’aborderais évidemment dans ce billet que la nature des relations entre la « maison Éducation Nationale », les collectivités et leurs associations d’élus, non l’action engagée au sein du ministère que ce soit auprès des enseignants, des programmes ou encore de la gestion des examens, hors de notre périmètre de compétence.

L’instance de concertation mise en place par Pap n’Daye s’est réunie plus de cinq fois en quelques mois, alors que nous n’avions jamais rencontré son prédécesseur en cinq ans. Lors de chaque réunion de travail, nous disposions d’un Ministre à l’écoute, ouvert au dialogue, n’oubliant pas que l’éducation est une responsabilité partagée, notamment avec les collectivités.
Les échanges, toujours directs, portaient sur les problèmes concrets rencontrés dans nos territoires et des questions de fond peu abordées jusque là, notamment pour ce qui concerne les spécificités liées à l’école primaire : carte scolaire, problématiques des différents temps de vie des élèves dans une même journée scolaire, école inclusive et accompagnement du handicap, complémentarité nécessaire entre action de l’éducation nationale et des collectivités, numérique éducatif …
Nous avions la parole libre, parfois même libérée, pour aborder à la fois le quotidien et le fond des problématiques relatives à l’éducation et avancer comme sur la carte scolaire (avec sur ce dossier de véritables résultats notamment pour les collectivités rurales) ; à des années lumière des polémiques médiatiques et attaques politiciennes ou procès en « déconstruction du pays et de ses valeurs» instruits tant par l’extrême droite que d’autres politiques s’en rapprochant ( wokisme, décolonialisme, laïcité …) qui ont accompagné l’action de Pap N’Daye depuis l’origine.

Faut il rappeler l’état dans lequel son prédécesseur avait laissé l’éducation nationale et l’absence totale de dialogue et de respect minimum qui avaient prévalu toutes ces années avec les collectivités ?
Une situation critique qui a atteint son paroxysme lors de la crise sanitaire, véritable point de non retour. Le concept « d’école de la confiance’’ lancé alors par Jean-Michel Blanquer marquant de fait une vraie rupture avec les collectivités locales, reléguées au rôle de simples prestataires et devant s’adapter, trop souvent du jour au lendemain, aux décisions en mode descendant prises de manière unilatérale par le Ministre dont les relations avec le monde enseignant étaient également plus qu’altérées.
L’école de la confiance aux yeux de trop d’acteurs de la communauté éducative devenant de fait celle de la défiance.


Il fallait absolument apaiser, écouter, échanger, retisser pour pouvoir construire … Pap N’Daye incontestablement l’a fait et rétablit, pour ce qui concerne les collectivités, une confiance considérablement abimée par les cinq années de pratique solitaire et autoritaire du pouvoir de Jean Michel Blanquer.
Les associations d’élus au regard de l’importance de l’enjeu éducatif qui constitue une priorité absolue à laquelle les collectivités consacrent beaucoup de moyens humains, logistiques ou financiers, ont répondu positivement à l’invitation du Ministre de participer à une instance de concertation d’un format inédit allant des communes aux régions.
Configuration permettant d’aborder de manière globale et transversale, pour les collectivités (de l’école au lycée), l’éducation, au sens le plus large, et les problématiques rencontrées concrètement au quotidien sur le terrain
Au fil de nos réunions, des désaccords sont évidemment apparus, ont été exprimés, des propositions émises … J’aborderais dans un prochain billet les problématiques soulevées par les Petites Villes qui n’ont toujours pas eu à nos yeux de réponses satisfaisantes, faute de temps certainement, tant il est difficile de traiter du fond en quelques mois pour rattraper 5 ans d’absence totale de concertation. Faut il rappeler la force d’inertie du système éducatif au niveau de son administration centrale évoqué il y a quelques années par un ministre l’ayant comparé à un pachyderme disparu depuis ?
Pour le reste Pap N’Daye a t’il disposé réellement des marges de manœuvre nécessaires pour lancer de nouveaux chantiers ? A écouter le Président aborder directement et frontalement les questions éducatives, ici ou là, au fil de ses déplacements, il est permis d’en douter, sans même vouloir aborder le bien fondé ou nom d’un débat sur le port de l’uniforme ?

L’enjeu éducatif, essentiel, se doit de mobiliser de manière constructive toutes les énergies positives. Pour les collectivités, la question est de savoir comment contribuer utilement à relever un défi aussi majeur pour le devenir de notre société et sa cohésion que celui de l’Éducation, au sens le plus global ? Une problématique allant bien au delà des seules structures scolaires, surtout aujourd’hui.
Les évènements des dernières semaines soulignent l’urgence d’agir, certes sur les conséquences, mais surtout sur les causes. Chacun doit pouvoir trouver sa juste place comme citoyen (droits et devoirs). L’école de la république ne doit laisser personne au bord du chemin et renouer avec sa mission émancipatrice dans tous les territoires qu’ils soient métropolitains, urbains, péri urbains ou ruraux.

Bienvenue au nouveau ministre, nous espérons que Gabriel Attal poursuivra la concertation initiée avec les collectivités par son prédécesseur, qui en ce domaine a vériatblement ouvert la voie. Nous avons tant et tant à faire ensemble sur le fond et dans tous les territoires, il y a urgence.

Les associations d’élus sont prêtes à s’engager afin de relever ce défi commun tant l’éducation est une responsabilité partagée.

« L’école faisons là ensemble »