Si la crise des migrants est emblématique, elle est révèlatrice des fractures profondes que traversent notre société.
Cette situation doit nous interpeller pour nous amener, au delà des belles déclarations de principe, à mettre en oeuvre des actions concrètes et adaptées, et travailler à élaborer des réponses plus globales.
Cette crise touche à des valeurs humanistes et républicaines essentielles, avec lesquelles il n’est pas possible de transiger, tant elles sont identitaires. Rappelons que la France, dans son ADN même, est une terre d’accueil dont le droit d’asile constitue un des fondements principaux. Notre pays s’est aussi construit depuis des siècles autour des vagues migratoires successives qui ont traversé son histoire.
Elle confronte également les élus locaux à la vision qu’ils ont et de leur action et de leur responsabilité. Médiateurs du quotidien et de la proximité, ils contribuent, en première ligne, à tisser les liens qui font société, qui favorisent cohésion sociale et « vivre ensemble »; encore faut il qu’ils soient considérés par l’Etat comme de véritables partenaires et associés à ce titre le plus en amont possible à un dialogue respectueux et constructif sur les meilleures conditions de mise en place d’une politique d’accueil locale.
S’il faut soutenir sans réserve le plan national d’accueil des refugiés et migrants initié par le gouvernement et la décision courageuse de démanteler la jungle de Calais comme tous les ghettos indignes qui subsistent encore sur notre territoire, un constat s’impose : assurer un traitement juste des conditions d’accueil et des demandes d’asile, nécessite de replacer l’humanité au cœur de notre démarche. Nous en sommes trés éloignés aujourd’hui, confrontés à l’urgence, souvent même à l’improvisation, ce contexte pré conditionne une approche technocratique et quantitative de problématiques complexes qui touchent à l’intime et au collectif.
Un accueil digne de populations fragilisées, nécessite pourtant sérénité, anticipation, prise en compte des priorités humaines et des réalités locales.
Nous ne pouvons plus désormais considérer les épisodes migratoires comme de simples accidents géo politiques ou des aléas de l’histoire, mais bien comme un processus continu qui ne s’arrêtera pas de si tôt, au regard de la multiplication des conflits régionaux et des conséquences dramatiques du changement climatique …
Autant de perspectives qui imposent de définir une stratégie autour de nos politiques d’accueil, un cadre d’action, la mise en place de véritables éco-systèmes, tant nous sommes confrontés avant tout à une problématique éminemment humaine, avec un objectif clair, aboutir à une inclusion sociale et territoriale épanouie.
Si rien ne change, c’est notre cohésion sociale même qui risque d’être déstabilisée par la moindre poussée migratoire, y compris modeste, tant ce phénomène, somme toute naturel, les migrations font partie de l’histoire de l’humanité, est exploitée sans vergogne, ni scrupule par la droite la plus extrême, utilisant la période d’incertitude collective que nous traversons comme un véritable terreau afin de susciter ou attiser les peurs et les fantasmes les plus éculés, en clivant, divisant, excluant au lieu de fédérer et d’unir.
C’est bien notre cohésion sociale qui aujourd’hui est en jeu …
L’élu est un maillon essentiel, incontournable, tant il est détenteur d’une réelle expertise sociale et locale.
Ignorer les craintes des populations, ne pas travailler sur les conditions ou seuils d’acceptabilité, ne pas tenir compte des craintes d’habitants de plus en plus déboussolés et dans le doute, fragilisés pour tout dire, ne pas engager de médiation sociale (je déteste l’utilisation dans ce contexte du mot pédagogie) signifie qu’on ne se donne pas les moyens de travailler en profondeur et durablement.
Autant de priorités qui doivent également nous animer en matière d’accueil d’urgence, tant nous ne devons pas opposer migrants et publics vulnérables et donner le sentiment que nous oublions d’agir en direction de nos «migrants de l’intérieur», les accidentés de la crise, les oubliés du système.
L’accueil d’urgence souffre des mêmes maux, d’un cruel manque d’anticipation et de travail de fond. Il semble possible de partager certaines rssources logistiques, ou procédures mises en place pour l’accueil des migrants ces derniers mois, de manière tout à fait exceptionnelle.
Il nous faut refonder notre politique d’accueil, qu’elle soit digne du XXI eme siècle, en finir enfin avec les nuits d’hôtels à la petite semaine situés dans le petites villes de la grande périphérie, sans aucun travail social possible, et de commencer a apporter des réponses structurelles sur le court, le moyen terme, structurer les différents acteurs, qu’ils soient institutionnels ou humanitaires, en jouant sur leur complémentarité, afin d’atteindre ce qui doit être un objectif commun et partagé : réussir l’insertion républicaine et citoyenne de ces différents publics.
Aujourd’hui, il n’est plus possible de ne raisonner qu’en terme capacitaire, quantitatif, technocratique, de ne privilégier qu’une lecture pyramidale et somme toute, éphémère.
Ces problématiques doivent s’appréhender de manière systémique, qualitative, locale, durable mais avant tout humaine et digne, tant leur traitement nécessite une réponse globale et la mise en place d’une longue chaine de solidarités, dans laquelle chaque maillon, aussi infime et fragile soit il, a un rôle essentiel, du sommet à la base.
Nous devons retrouver le fil de l’humanité.